Travaux de la commission des affaires économiques



Mercredi 8 décembre 2004

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. François Gerbaud, doyen d'âge

Bureau de la commission du 24 novembre 2004 - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, M. Jean-Paul Emorine, président, a brièvement rendu compte des principales orientations arrêtées lors de la réunion du Bureau de la commission du 24 novembre dernier.

Il a indiqué que le Bureau avait fixé les principes devant guider la composition de la délégation qui se rendra en Chine, et convenu qu'outre sonprésident, cette délégation serait composée de :

- 1 représentant du groupe UC, mais aussi des groupes CRC, RDSE, et des non-inscrits, conformément aux engagements pris devant la commission sur la représentation de toutes les familles politiques ;

- 2 représentants du groupe socialiste ;

- 4 représentants du groupe de l'UMP.

M. Jean-Paul Emorine, président, a précisé qu'il avait demandé, en conséquence, aux présidents de tous les groupes politiques et au délégué des sénateurs non-inscrits de désigner des représentants à raison d'un titulaire et d'un suppléant pour chaque place ouverte.

Il a ajouté que le Bureau avait également décidé que, pour des raisons à la fois budgétaires et de nombre de places en première classe, le vol international aller-retour se ferait en classe affaires. Ont été parallèlement retenus comme projet d'itinéraire un circuit Paris, Pékin, Shangaï, Canton, Hong-Kong, Paris et, comme thèmes d'investigation, la recherche, l'environnement et l'état de l'appareil de production chinois, ce dernier thème devant permettre d'appréhender, à la fois, les entreprises de fabrication de produits industriels, l'énergie, les infrastructures de transport chinoises et, par là même, la position de la Chine au sein de l'OMC et les difficultés posées par ce pays en matière de délocalisation.

Le Bureau a également souhaité mettre à l'étude la possibilité de visiter une centrale nucléaire, le barrage des Trois Gorges et une usine automobile et organiser plusieurs auditions préalables au déplacement.

Puis s'agissant de missions de moindre envergure auprès de Parlements de pays ayant récemment adhéré à l'Union européenne, M. Jean-Paul Emorine, président, a porté à la connaissance de la commission que son Bureau proposait le déplacement d'une délégation d'importance limitée dans un des trois pays baltes et, éventuellement, en Finlande.

Il a également informé ses collègues qu'au cours de cette réunion du 26 novembre, le Bureau avait fixé la composition du groupe de travail biocarburants et désigné les représentants de la commission au groupe de travail OMC constitué en commun avec la Délégation pour l'Union européenne, ces propositions ayant été depuis approuvées par la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président, a ensuite annoncé que le Bureau avait retenu le principe de la création d'une section fruits et légumes au sein du groupe d'études économie agricole, suite à une demande de M. Daniel Soulage, dont les travaux pourraient commencer prochainement.

Enfin, M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que le Bureau de la commission avait soutenu sa demande d'augmentation de l'enveloppe budgétaire dont disposait la commission pour réaliser ses missions d'information. Il s'est félicité que, lors de sa réunion du 30 novembre dernier, le Bureau du Sénat ait pris en considération cette demande, ce qui donnait désormais à la commission les moyens de réaliser son programme de travail pour 2005.

A la suite de cette présentation, M. Gérard Bailly a souhaité que le groupe de travail « biocarburants » s'attache aussi à mettre en avant l'utilisation de la biomasse et des céréales comme moyen de chauffage et M. Jean-Paul Emorine, président, l'a assuré que ce souhait serait communiqué au président du groupe de travail, M. Marcel Deneux.

Transports - Débat sur le service garanti dans les transports en commun - Communication du président

M. Jean-Paul Emorine, président, a ensuite présenté une communication sur le service garanti dans les transports en commun.

En préalable, il a rappelé que cette communication s'inscrivait dans la perspective du débat qui aura lieu en séance publique le mercredi 15 décembre et qui fera suite à la question orale qu'il posera au ministre chargé des transports. Il a indiqué que l'échange de vues en commission visait à faciliter le bon déroulement de ce débat en séance. Il a ensuite poursuivi son introduction par une communication visant à rappeler six éléments de base du débat sur ce thème.

En guise de premier élément de débat, il a constaté que la question du service garanti dans les transports publics revenait régulièrement dans l'actualité politique. Il a souligné que les grèves dans ce secteur ont des effets perturbateurs pour l'économie et peuvent entraver la liberté de déplacement de plusieurs millions de personnes, rappelant que les grèves de 2003 à la seule SNCF avaient occasionné quelque 250 millions d'euros de perte.

Il a ensuite insisté sur la volonté gouvernementale de traiter la question de la grève dans les transports publics, conformément à l'un des engagements pris par le président de la République au cours de la dernière campagne présidentielle, et visant à la mise en place des procédures efficaces de prévention des grèves, ainsi qu'à l'organisation concertée d'un service minimum.

M. Jean-Paul Emorine, président a précisé que l'objectif du Gouvernement était d'assurer un service minimum sans remettre en cause le droit de grève que la Constitution garantit dans le cadre des lois qui le réglementent. Il a constaté que le ministre chargé des transports, M. Gilles de Robien, avait engagé depuis 14 mois, sur un tel fondement, une réflexion approfondie sur le sujet, doublée d'une concertation poussée avec les syndicats, incluant des déplacements dans cinq pays européens en compagnie de dirigeants de grandes centrales du secteur.

M. Jean-Paul Emorine, président, a précisé que ces travaux avait donné au ministre la conviction que la situation française constituait, par beaucoup d'aspects, une exception en Europe, tant par le nombre des grèves dans les services de transports que par l'absence de tout dispositif d'un service garanti.

Il a ensuite présenté les travaux du groupe d'experts piloté par M. Dieudonné Mandelkern, qui avait reçu pour mission de définir les conditions juridiques de mise en place d'un service minimum dans le secteur des transports terrestres de voyageurs. Il a fait état des priorités préconisées par le rapport remis par ce groupe, à savoir : le renforcement de la démarche d'amélioration de la continuité du service par la prévention des conflits (notamment à l'instar du dispositif d'« alarme sociale » instauré à la RATP sous forme d'accords d'entreprise), l'amélioration de la prévisibilité des conséquences de la grève pour les usagers et l'attribution aux autorités organisatrices de transport (conseils régionaux, conseils généraux, communes et structures intercommunales) de la définition des priorités en cas de grève.

M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que le choix de confier ces prérogatives aux collectivités territoriales découlait du fait que la commission Mandelkern considérait que la mise en place d'un service garanti global et national n'était pas envisageable.

Puis il a fait état de l'accord sur l'amélioration du dialogue et la prévention des conflits signé à la SNCF le 28 octobre dernier par sept organisations syndicales représentatives de près de 80 % du personnel et qui a été qualifié d'historique par beaucoup. Il a mis en exergue que cet accord mettait en place une alarme sociale impliquant notamment une démarche de concertation immédiate pendant une période de dix jours ouvrables avant le dépôt d'un préavis de grève. Il a ensuite complété cette présentation par celle du dispositif de prévisibilité permettant à la direction d'élaborer un plan de transport, soumis aux syndicats, avant le déclenchement d'un mouvement de grève.

Il a ajouté que le 7 décembre, l'union des transporteurs publics (UTP), regroupant les acteurs intervenant hors de l'Ile-de-France, avait soumis à ses interlocuteurs syndicaux un projet d'accord inspiré de celui de la SNCF s'agissant du volet relatif à la prévention des conflits. Il a indiqué qu'il comprenait aussi un volet relatif à la prévisibilité du service le jour de la grève ainsi que les règles de garantie de continuité des prestations, l'ensemble étant soumis à des négociations qui doivent se dérouler jusqu'à la fin du premier trimestre 2005.

Il a fait, en outre, état des positions de M. Michel Destot (Président du GART, le groupement des autorités responsables de transport) en faveur de la définition, par les autorités de régulation, des priorités du service public des transports collectifs en cas de grève et précisé que M. Destot avait soumis un projet en ce sens au Bureau du GART, qui regroupe des élus locaux de toutes les sensibilités politiques.

Enfin, M. Jean-Paul Emorine, président, a esquissé un bilan des négociations engagées à ce jour. Il a estimé que celui-ci était loin d'être négatif, dans la mesure où des progrès indéniables avaient été enregistrés sur le volet d'une amélioration de la continuité du service public des transports, à savoir la prévention des conflits. Il a cependant fait observer que les deux autres volets indispensables à cette amélioration n'en étaient encore qu'au stade de la négociation, rien n'ayant encore été arrêté en ce qui concerne la prévisibilité du service les jours de grève, à savoir l'information gratuite de tous les usagers sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ni en ce qui concerne les garanties de service elles-mêmes. Il a salué les initiatives prises à l'UTP et au GART dans la mesure où elles s'inscrivaient indéniablement dans la direction tracée par le Gouvernement.

A l'issue de cette communication, il a proposé que l'échange de vues de la commission s'articule autour de trois questions :

- convient-il de poursuivre dans la voie de la négociation actuellement engagée sans cadre législatif ?

- convient-il de fixer, dès maintenant, un cadre législatif au service garanti ?

- pourrait-on s'abstenir de fixer un cadre législatif si les négociations collectives actuellement en cours n'aboutissaient pas à une organisation optimale du service garanti ?

Il a tenu à insister sur la nécessité de trouver un équilibre entre le souhait d'un bon fonctionnement du service public vivement exprimé par les usagers et l'attachement de chacun au principe constitutionnel du droit de grève.

La commission a ensuite procédé à un échange de vues sur la base des propos de M. Jean-Paul Emorine, président.

M. Jean-François Le Grand a tenu à souligner l'intérêt des comparaisons internationales en matière de grève dans les services publics. En s'appuyant sur une étude en cours dans le cadre du conseil de l'Europe, dont il est membre, il a cité le cas de l'Italie où il existe un dispositif d'alerte sociale articulé avec l'interdiction de grève de plus de quatre heures dans les services publics, ainsi que le cas de la Finlande, où les grèves sont extrêmement rares dans le cadre d'une démocratie sociale particulièrement vivante, présentant un taux de syndicalisation de l'ordre de 80 %.

En contrepoint, M. Daniel Reiner a estimé qu'il fallait être prudent vis-à-vis des comparaisons internationales, car elles portent parfois sur des pays qui ne sauraient être regardés comme des modèles par rapport aux avancées sociales françaises. Il a évoqué que cette prudence s'imposait évidemment vis-à-vis de pays où le droit de grève n'est pas reconnu, mais aussi de pays démocratiques, comme l'Allemagne, où ce droit est strictement limité aux seuls adhérents des syndicats. Il a aussi mis en garde contre le risque de voir les débats actuels être ressentis comme une provocation par les personnels concernés. Il a justifié cette inquiétude par le fait que la question du service minimum est discutée au moment où d'une part, les moyens consacrés au bon fonctionnement des transports publics sont insuffisants et où, d'autre part, la culture du dialogue s'impose progressivement, notamment aux syndicats, assurant une baisse notable du taux de conflictualité. Il a rejeté l'adoption de dispositions législatives pour ces raisons auxquelles il a ajouté qu'il n'était pas réaliste de régler, par un seul texte national, des situations très disparates selon les types de transports et selon les autorités organisatrices locales.

Il a aussi fait valoir que l'exigence d'un service minimum concernant les heures où il serait le plus souhaité (aux heures de pointe du matin et du soir) revenait à exiger un service quasi normal, ce qui équivaudrait à une négation du droit de grève dans les faits. Il a estimé qu'au lieu d'imaginer une loi politiquement et techniquement inopportune, il serait beaucoup plus sage d'appliquer les lois existantes, qui exigent (depuis 1963) notamment le dépôt d'un préavis avec cinq jours d'avance et (depuis 1982) l'ouverture de négociations. Outre l'application des lois existantes, il a estimé qu'un des problèmes principaux auquel il convenait de s'attaquer était celui de la prévisibilité du trafic, dont l'insuffisance aboutit à un rapport disproportionné entre le pourcentage de grévistes et celui du service non assuré.

M. Yves Krattinger, évoquant les discussions conduites au sein de l'association des départements de France, a lui aussi invité à une grande prudence quant aux comparaisons internationales, en estimant que l'essentiel réside moins dans les textes juridiques que dans l'existence d'une véritable culture de la négociation. A ce titre, il a fait observer qu'en dépit de lourdes responsabilités en matière de transport, les conseils généraux en tant qu'autorités organisatrices connaissaient très peu de grèves, du fait du dialogue de proximité qu'ils entretiennent avec les personnels. Complétant les propos de M. Daniel Reiner, il a estimé qu'une loi risquerait de provoquer des conflits là où la culture du dialogue prévaut aujourd'hui et ne serait pas à même de saisir la relation complexe qui existe entre l'autorité organisatrice locale, l'exploitant du service, et les personnels qui sont employés par cet exploitant. Il a exprimé la crainte que, du fait de cette complexité des relations entre acteurs, l'intervention d'une loi n'ajoute des risques de conflits juridiques aux conflits sociaux qu'elle pourrait susciter. Il a conclu en développant la thèse selon laquelle le dialogue social devait être la règle absolue et qu'il fallait en « renforcer les chemins » pour chercher à diminuer les effets des grèves dans les transports.

M. Michel Billout a estimé que le moment était non seulement inopportun pour une éventuelle loi, mais aussi peut-être mal choisi pour une question orale. Il a fait valoir que celle-ci pouvait être ressentie par les syndicats comme s'inscrivant dans un processus de remise en cause du droit de grève. Tout en encourageant, à son tour, la promotion du dialogue social d'ores et déjà à l'oeuvre, il a faire part de deux problèmes qui lui semblent se poser aujourd'hui. Il a tout d'abord pointé le problème de l'insuffisante prévisibilité du service en période de grève, en indiquant qu'il participe d'un problème plus général d'organisation de l'information à la SNCF. Il a ensuite estimé que les défaillances quotidiennes dans le service public -auquel usagers et personnels sont très attachés- résultaient d'abord d'un sous-investissement, comme en témoigne l'exemple des nombreux incidents techniques enregistrés sur la ligne de chemin de fer Paris-Mulhouse-Bâle.

M. François Gerbaud a estimé que le défi de la confiance et du dialogue social devait aujourd'hui avoir la priorité sur un projet législatif. Parmi les arguments défavorables à l'adoption d'une loi, il a évoqué la réversibilité de l'opinion, qui peut conduire cette dernière à souhaiter une loi sur le service minimum aujourd'hui et à soutenir les grévistes demain. Par ailleurs, il a fait observer que l'ouverture à la concurrence du transport voyageur en 2010 pourrait être aussi un élément déterminant de limitation des grèves.

M. Dominique Braye a souhaité lui aussi privilégier la culture de négociation. Il s'est félicité du fait que la progression de cette culture permette d'intégrer dans le dialogue social de nombreux salariés qui se détournaient auparavant d'une participation à la vie syndicale, trop identifiée à la seule conduite des conflits. Il a toutefois indiqué que l'arme législative ne devait pas être définitivement écartée et qu'elle pourrait s'avérer utile comme ultime ainsi que pour diminuer les risques d'actes graves de blocage du service par une infime minorité. Sur ce dernier point, il a pris l'exemple des récentes perturbations de régulation du trafic causées à la gare du Nord pendant plusieurs heures par quelques grévistes ; A M. Jean Desessard, qui s'étonnait de cet incident, il a indiqué que ces perturbations résultaient du blocage du départ du Thalys où se trouvait M. Louis Gallois, président de la SNCF, par seulement trois grévistes. Suite à ce complément d'information, M. Jean Desessard a estimé que ce n'étaient pas les textes qui étaient en cause dans un tel incident, mais plutôt l'organisation interne de la SNCF. Sur le même incident, M. Jean-François Le Grand a soutenu la position exprimée par M. Dominique Braye et estimé qu'il était nécessaire de trouver une solution, éventuellement législative, pour traiter ce type de comportements, qui sont très minoritaires mais non spécifiques au domaine ferroviaire, comme en témoigne le cas du transport aérien.

Puis M. Dominique Braye a conclu en faisant sienne l'opinion selon laquelle l'ouverture à la concurrence à l'avenir devrait être un élément de limitation des grèves.

M. Philipe Dominati a alors souhaité rappeler que les débats actuels étaient la conséquence de conflits passés dont l'analyse avait amené à considérer la question de l'adoption d'une loi. Il a précisé que ce fut notamment le cas en 1999 à l'occasion de la loi créant le syndicat des transports d'Ile-de-France. Il a aussi fait état de problèmes spécifiques à cette région, dans laquelle la portée nationale des conflits conduit à favoriser un règlement direct par l'Etat, au détriment des élus locaux. Il a ainsi estimé que la loi pouvait être, si nécessaire, une solution aux difficultés découlant des grèves.

En conclusion de cet échange de vues, M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé que dans le nécessaire équilibre à trouver entre la prise en compte des besoins des populations et le respect du droit de grève, le cas de l'accord historique conclu à la SNCF était un exemple très intéressant en ce qu'il impose une alerte de dix jours, dont sept jours de négociations, avant tout dépôt d'un préavis d'arrêt de travail. Il a relevé que l'orientation générale de la commission tendait plutôt à préconiser la mise en place négociée de dispositifs de dialogue en amont, plutôt que l'adoption d'un texte, même si celui-ci n'était pas écarté a priori par tous. Il a aussi pris bonne note des précisions que donnent à cette orientation générale, l'expérience de dialogue de proximité des présidents de conseils généraux membres de la commission ainsi que le cas spécifique de l'Ile-de-France. Il a annoncé qu'il adapterait la question orale du 15 décembre en prenant en compte les enseignements de cet échange de vues, mais sans y faire référence explicitement, pour laisser aux différents intervenants le soin de développer leur analyse en séance.

Ensuite, M. Jean-Paul Emorine,président, a informé la commission qu'il avait été saisi d'une demande de désignation de sénateurs pour siéger au sein de l'Observatoire des territoires, nouvel organisme extraparlementaire créé par le décret n° 2004-967 du 7 septembre 2004, pour une durée de six ans, et que cette nomination avait été inscrite à l'ordre du jour de la réunion de la commission du 14 décembre prochain.

Puis il a indiqué que, conformément à ce qu'il avait proposé le mois dernier, le responsable du secrétariat de la commission et plusieurs de ses collègues accueilleraient les sénateurs qui avaient rejoint pour la première fois la commission depuis le dernier renouvellement, le mercredi 15 décembre prochain, de 10 heures à 12 heures 30, dans la salle de commission, afin de répondre à leurs questions sur l'organisation de la commission, son fonctionnement et les procédures permettant de mieux participer à ses travaux.

Il a précisé qu'il était lui-même entièrement disponible pour tous ceux qui souhaiteraient le rencontrer sur ces sujets ou sur d'autres.

Application de la loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnance, des directives communautaires - Communication

Enfin, la commission a entendu la communication de M. Yannick Texier sur l'application de la loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnance, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

M. Yannick Texier a tout d'abord rappelé qu'en raison de sa nature particulière, ce projet de loi avait été instruit par le Sénat selon une procédure ad hoc, la saisine au fond de la commission des affaires économiques comme la saisine pour avis des trois commissions des affaires culturelles, des affaires sociales et des finances ayant été purement formelles puisqu'en réalité, ces commissions s'étaient partagé le texte à raison de leurs compétences respectives, chacune examinant « au fond » les articles et parties d'articles tendant à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance des textes communautaires ou à modifier la législation dans des domaines relevant strictement de leurs champs traditionnels d'intervention.

Puis, après avoir observé qu'en matière de contrôle de l'application des lois, la commission juridiquement saisie au fond « reprenait la main », ce qui justifiait sa communication en tant que rapporteur du projet de loi, M. Yannick Texier a souligné que la loi du 18 mars 2004 comportait onze articles :

- l'article 1er autorisant la transposition par ordonnance de vingt-trois directives communautaires, dont la plus ancienne remontait à 1993 ;

- l'article 2 habilitant le gouvernement à modifier la législation pour rendre le droit français conforme à deux règlements communautaires ;

- les articles 3 à 10 permettant au gouvernement, à l'occasion de la transposition de certaines directives, d'adapter le droit au-delà de cette seule transposition pour conserver la cohérence du corpus juridique national ;

- enfin, l'article 11 imposant deux délais d'habilitation différents pour prendre les ordonnances, l'un fixé à quatre mois et l'autre à huit. Il a ajouté que cet article final prévoyait que les projets de loi de ratification, imposés par l'article 38 de la Constitution pour conférer une validité juridique aux ordonnances, devaient être déposés au Parlement avant, selon les cas, le 30 septembre 2004 ou le 31 janvier 2005.

S'agissant du fond, M. Yannick Texier a relevé que la situation était assez simple, la loi étant aujourd'hui totalement applicable dès lors que toutes les ordonnances prévues étaient, à une seule exception, publiées dans les délais fixés, et le Parlement n'ayant pas eu, jusqu'à présent, à corriger les conséquences de son habilitation, sauf à la marge, lorsqu'il a eu l'occasion de ratifier les ordonnances. Puis, se référant à des tableaux distribués à ses collègues, il a commenté les points significatifs de la mise en oeuvre de cette loi.

En ce qui concerne l'habilitation de quatre mois, c'est-à-dire les ordonnances qui devaient être prises avant le 18 juillet 2004 pour transposer, outre un Règlement communautaire, les dix directives figurant sous le paragraphe I de l'article 1er de la loi du 18 mars 2004, M. Yannick Texier a souligné que toutes les ordonnances prévues avaient été prises en temps utile et qu'elles avaient également toutes été suivies, avant le 30 septembre 2004, par le dépôt d'un projet de loi de ratification sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Précisant alors qu'un examen attentif du contenu de ces ordonnances avait démontré qu'elles respectaient parfaitement le champ de l'habilitation conférée par le Parlement au gouvernement, il a indiqué qu'en septembre dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de simplification du droit et à l'initiative de M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis sur ce texte au nom de la commission des affaires économiques, et de M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, il avait été procédé à la ratification de toutes ces ordonnances.

A cet égard, M. Yannick Texier a relevé que l'ordonnance n° 2004-670 avait procédé à la fois à la transposition de la directive 2001/95, comme prévu par le 2° du I de l'article 1er de la loi, à l'adaptation du droit complétant cette transposition, comme prévu par l'article 3 de la loi, et également à des modifications législatives rendues nécessaires par le Règlement n° 178-2002, comme prévu par le 1° de l'article 2 de la loi. De même, observant que l'ordonnance n° 2004-691 avait permis la transposition des sept directives relatives aux transports maritime et ferroviaire figurant sous les alinéas a) à g) du 3° du I de l'article 1er de la loi, il a précisé qu'il avait été nécessaire, dans la loi de simplification du droit, de la corriger au moment de sa ratification car son texte comportait deux erreurs matérielles.

S'agissant de l'habilitation de huit mois, c'est-à-dire des ordonnances qui devaient être prises avant le 18 novembre 2004 pour transposer, outre un second Règlement communautaire, les treize directives qui figuraient sous le paragraphe II de l'article 1er de la loi du 18 mars 2004,M. Yannick Texier a indiqué que :

- l'ordonnance portant transposition de la directive 2002/65 n'ayant pu être prise à temps, le Parlement avait accordé un nouveau délai de six mois au Gouvernement en adoptant l'article 36 du projet de loi de simplification du droit ;

- la directive 2000/79 relative au temps de travail dans le domaine de l'aviation civile avait pu être transposée dès juillet 2004 par l'ordonnance n° 2004-691, précédemment citée, qui concernait aussi le domaine des transports maritime et ferroviaire ;

- les ordonnances n° 2004-330 du 15 avril 2004 et n° 2004-1127 du 21 octobre 2004, relevant de cette série, avaient été prises à des dates telles qu'il avait été possible de les ratifier dans le cadre du projet de loi de simplification du droit.

A cet égard, M. Yannick Texier a précisé, s'agissant de l'ordonnance du 15 avril 2004 portant création d'un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, qu'au moment de sa ratification, il avait été nécessaire de procéder à deux corrections de son contenu, la première parce que le texte même de l'ordonnance n'était pas cohérent sur un point et risquait donc de poser des difficultés d'application, et la seconde pour tirer les conséquences des modifications consenties par la France à la suite des remarques de la Commission européenne sur son plan national d'allocation des quotas d'émission de gaz à effet de serre.

Quant à l'ordonnance du 21 octobre 2004 transposant une directive concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit,M. Yannick Texier a fait observer à ses collègues que, grâce à l'initiative parlementaire, elle serait sans doute ratifiée avant même que le Gouvernement ait déposé un projet de loi de ratification.

Puis, après avoir souligné que la ratification de plusieurs de ces ordonnances dans le projet de loi de simplification du droit permettrait d'éviter l'instruction, l'examen et le vote des projets de loi de ratification spécifiques déposés par le Gouvernement, M. Yannick Texier a indiqué qu'il restait à ce dernier à adopter en Conseil des ministres, avant le 30 janvier prochain, sept projets de loi de ratification correspondant aux ordonnances publiées entre le 28 octobre et le 12 novembre 2004.

En conclusion, M. Yannick Texier s'est félicité du recours à cette procédure de l'habilitation à légiférer par ordonnances pour résorber, dans des conditions qu'il a estimées satisfaisantes, une partie de l'important retard pris par la France en matière de transposition de textes communautaires. Estimant que le Parlement était en effet parfaitement en mesure de vérifier, au moment de la ratification, que le texte des ordonnances respectait bien tant le champ de l'habilitation que le contenu des directives à transposer, il a considéré que la législation déléguée était, en l'espèce, parfaitement opportune et efficace.

Il a au demeurant regretté qu'un second projet de loi n'ait pas suivi celui de mars 2004, le retard de transposition étant toujours extrêmement préoccupant malgré les quelques habilitations données par le projet de loi de simplification du droit, encore insuffisantes. Il a ainsi rappelé qu'alors que l'objectif à atteindre était fixé au taux de 1,5 % de « déficit de transposition », le taux français était encore de 4,1 %, ce qui plaçait notre pays en 17e position. S'agissant des directives dont la transposition accuse un retard de plus de deux ans, pour lesquelles il y a théoriquement une « tolérance zéro », il a même observé que la France était le dernier des 15 Etats, avec neuf directives concernées, alors que l'Allemagne, elle-même 14e, n'en avait que cinq. Aussi, sauf à répondre enfin favorablement à la demande de la ministre déléguée aux affaires européennes de prévoir, chaque mois, une séance consacrée à l'examen de projets de loi de transposition, M. Yannick Texier a déclaré craindre qu'il faille s'attendre l'an prochain à une nouvelle salve d'habilitations en matière communautaire.

Un large débat a suivi cette communication.

M. François Gerbaud, président, a estimé que, dans le souci « d'agiliser » l'Etat comme le recommande notamment M. Camdessus, les ordonnances, paramètres du droit constitutionnel français, constituaient un outil déterminant pour la réforme.

M. Dominique Braye a, lui aussi, considéré que si le recours aux ordonnances était habituellement peu apprécié par les parlementaires, qui le considèrent comme une atteinte à leurs prérogatives législatives, cette procédure s'avérait, s'agissant de la transposition de dispositions communautaires essentiellement techniques, très opportune et utile. Il a, à cet égard, souligné, à l'instar de M. Yannick Texier, que l'exercice de ratification étant l'occasion pour le Parlement de vérifier que le Gouvernement n'avait pas excédé le champ de l'habilitation qui lui avait été conférée, la transposition de directives communautaires par voie d'ordonnance ne pouvait être considérée comme une remise en cause des droits du Parlement. Il a ajouté qu'au demeurant, le temps limité dont disposait celui-ci pour légiférer était mieux employé à traiter de dossiers plus importants et plus nobles que la transposition de dispositions souvent techniques.

Puis, à M. Jean Desessard qui lui demandait dans quelles conditions avait été faite, par la ministre chargée des affaires européennes, la proposition de tenir une séance mensuelle consacrée à l'examen de projets de loi de transposition de directives communautaires, et quelle réponse y avait été apportée, M. Yannick Texier a indiqué qu'il appartenait à la conférence des présidents, qui détermine l'ordre du jour du Sénat, de donner une suite tangible à la suggestion faite par Mme Noëlle Lenoir lors de l'examen du projet de loi d'habilitation, en février 2004, ajoutant qu'il y était à titre personnel favorable et qu'il encourageait ses collègues partageant son opinion à le faire savoir autour d'eux, dans leurs groupes politiques.

A M. Jean-François Le Grand qui, tout en reconnaissant l'efficacité et la pertinence des ordonnances en ce qui concerne la procédure, regrettait que le principe même de la transposition en droit interne des dispositions communautaires ne laisse aucune marge de manoeuvre aux représentants élus du peuple, M. Yannick Texier a rappelé que seuls les règlements s'imposaient directement aux Etats membres, la transposition des directives autorisant en revanche une légère faculté d'adaptation aux autorités nationales.

Faisant lui aussi la distinction entre la procédure des ordonnances et le contenu de la transposition de la réglementation communautaire, M. Jean-Marc Pastor a trouvé gênant que la représentation parlementaire soit contrainte d'accepter les termes de la transposition sans pouvoir les modifier et estimé que cette question participait pleinement du débat sur le nouveau traité constitutionnel européen. A cet égard, M. François Gerbaud,président, a rappelé que M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, convaincu que le pouvoir d'intervention du Parlement sur le contenu de la législation communautaire était d'autant plus important qu'il s'exerçait très en amont dans le processus, avait suggéré que les membres de la commission approfondissent plus systématiquement une analyse des dossiers lors de leur élaboration et de la négociation intracommunautaire à Bruxelles et que la commission développe ses relations avec les instances européennes.

M. Daniel Raoul, après avoir concédé que le recours à la procédure de l'habilitation législative pouvait être justifié en cas d'urgence ou lorsque, comme c'est le cas en matière de transposition de directives communautaires, la France accuse un retard considérable, a toutefois estimé que, par respect des prérogatives et de la mission du Parlement, cette méthode devait demeurer exceptionnelle et ne pouvait se transformer en habitude, d'autant que la transposition stricto sensu s'accompagnait parfois de modifications du droit tout à fait importantes et qui ne devaient rien aux prescriptions communautaires. Puis, stigmatisant les conditions déplorables dans lesquelles le Parlement était parfois contraint de travailler, accablé de textes et d'amendements qu'il n'était pas toujours en mesure de véritablement analyser, comme en témoignaient notamment les trois dernières sessions extraordinaires de juillet, il a suggéré que les commissions permanentes puissent disposer directement d'un pouvoir de transposition des directives communautaires permettant de libérer l'ordre du jour de la séance publique.

Après que M. François Gerbaud, président, a relevé qu'il s'agissait précisément d'une proposition formulée par le groupe de travail sur la réforme du Règlement du Sénat menée par M. Daniel Hoeffel, M. Dominique Braye a estimé que les pouvoirs des Parlements nationaux devaient être préservés dès lors qu'il s'agissait de problèmes de fond, les problèmes de forme, nombreux en ce qui concerne la réglementation communautaire, pouvant en revanche être soumis sans difficulté à la procédure de la législation déléguée. A cet égard, M. Yannick Texier a souhaité relever que les directives communautaires traitaient aussi de questions importantes, de nature politique et pas simplement technique, citant comme exemple le marché d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre.

M. Daniel Reiner ayant ajouté que la transposition de directives européennes s'accompagnait parfois de décisions politiques essentielles qui n'étaient pas conditionnées par celle-ci, comme en témoignait la décision de séparer la SNCF et RFF, M. François Gerbaud, président, rappelant qu'il avait été le rapporteur du projet de loi de transposition de la directive ferroviaire lors de la session 1996-1997, a souligné que la question de la création de RFF, en effet importante, avait précisément fait l'objet d'un long débat parlementaire en séance publique et qu'il avait lui-même reçu par deux fois, au cours de réunions de plus de seize heures, les représentants de tous les syndicats concernés. Il a par ailleurs ajouté que le nouveau traité constitutionnel prévoyait, pour renforcer l'efficacité du principe de subsidiarité, de reconnaître un droit de veto aux parlements nationaux.

Enfin, M. Daniel Raoul a estimé que l'audition par la commission de M. Mario Monti, alors commissaire européen, avait éclairé les sénateurs sur les dérives possibles de la procédure de transposition des directives européennes en droit interne.

Présidence de M. Pierre Hérisson, vice-président, puis de M. Marcel Deneux, vice-président. -

Télécommunication - Audition de M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART).

Après avoir remercié le président de l'avoir invité à s'exprimer devant la commission, il a jugé utile que l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) ait un dialogue continu avec le législateur et les collectivités sur le sujet des disparités géographiques du marché du haut débit.

Rappelant que l'ART avait conduit cet été une consultation publique sur ce sujet, et notamment sur les manières dont les collectivités pourraient intervenir pour réduire ces disparités géographiques du marché des télécommunications et améliorer l'attractivité de leurs territoires, il a proposé d'en présenter les principales conclusions.

Il est d'abord revenu sur la manière dont le haut débit s'était développé en France.

Après avoir rappelé que le haut débit n'était pas une création nouvelle, les centres de recherche, les grandes entreprises et les grandes administrations disposant, depuis plusieurs dizaines d'années, de liaisons spécialisées à haut débit, au moyen de technologies maintenant dépassées, et surtout relativement coûteuses, il a considéré que, dans la plupart des pays, le haut débit avait commencé à se généraliser réellement avec l'apparition de l'Internet moderne et du web, à la fin des années 1990, et s'était ainsi diffusé via la paire de cuivre téléphonique, par les technologies du Digital Subscriber Line (DSL), à partir de 1999 en France.

M. Paul Champsaur, président de l'ART, a précisé qu'en 2000 il n'y avait que quelques dizaines de milliers d'abonnés, et de l'ordre d'un million à l'été 2002. Il a expliqué que le net retard de la France par rapport aux autres pays européens et a fortiori aux autres pays les plus avancés du monde occidental, en termes de taux de pénétration, s'expliquait essentiellement par un déficit de concurrence.

Il a souligné que l'Autorité avait alors modifié profondément les conditions techniques et tarifaires du dégroupage, qui permet aux opérateurs alternatifs d'accéder aux centraux téléphoniques, les répartiteurs de France Télécom, et d'installer leurs équipements haut débit à l'extrémité de la paire de cuivre téléphonique, c'est-à-dire du logement au central téléphonique.

Il a fait observer que le marché avait réellement décollé de cette manière en 2003, et que la phase de développement se poursuivait aujourd'hui avec un taux de croissance annuelle proche de 100 %, et annoncé que la France compterait au moins six millions d'abonnés haut débit en fin d'année. Il a constaté que le taux de pénétration du haut débit était maintenant supérieur à la moyenne européenne, à celui de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Espagne et de l'Italie et que les prix du marché étaient parmi les plus bas d'Europe.

Il a toutefois relevé que ce développement du haut débit était cependant hétérogène sur le territoire, pour des raisons essentiellement structurelles, la France étant de densité très variable. Dans le domaine des télécommunications, il a expliqué que cette hétérogénéité se traduisait de la manière suivante : si les 12.000 centraux téléphoniques en France étaient équipés en DSL, la couverture de la population serait de l'ordre de 95 % à 98 %, mais l'équipement actuel par France Télécom de la moitié d'entre eux, soit 6.000 centraux, permet de desservir entre 85 % et 90 % de la population, et l'équipement d'un peu moins de 1.000 centraux, correspondant à la couverture actuelle du dégroupage des opérateurs alternatifs, permet même de desservir 50 % de la population.

Il en a conclu que la zone de concurrence effective concernait ainsi aujourd'hui 50 % de la population, la zone de monopole de fait de France Télécom 40 % et la zone non équipée 10 %. Il a donc mis au jour deux lignes de disparité, d'une part entre zones couvertes et non couvertes, et, d'autre part, entre zones concurrentielles et zones en monopole de fait.

Évoquant d'abord la première disparité, c'est-à-dire le sujet de la couverture des zones blanches, M. Paul Champsaur, président de l'ART, a noté que France Télécom avait annoncé son intention d'équiper tous ses répartiteurs en haut débit avant fin 2006, et que cette annonce lui paraissait crédible pour trois raisons : France Télécom possède déjà les bâtiments et les tranchées, et n'a qu'à les équiper en haut débit pour une fraction du coût d'un déploiement complet ; France Télécom semble avoir une stratégie forte nationale et internationale vers le tout numérique et l'image, cohérente avec une couverture rapide du territoire français ; enfin, l'équipement du territoire permet de décourager certaines des collectivités qui auraient pu se lancer dans un projet avec un concurrent de France Télécom.

Par ailleurs, il a fait valoir que France Télécom avait annoncé qu'elle allait créer entre 1.000 et 2.000 nouveaux centraux téléphoniques -en transformant des sous-répartiteurs en répartiteurs- permettant d'irriguer en haut débit les zones d'activités isolées, ce qui lui semblait également crédible, pour au moins une dizaine de zones d'activités par département, en moyenne. Il a relevé que France Télécom devrait ainsi désenclaver une proportion significative des zones d'activité isolées avant 2007.

Finalement, il a évoqué le rôle que pourrait jouer une nouvelle technologie haut débit hertzienne -Worldwide interoperability for microware access- dite WiMax, susceptible d'être opérationnelle au courant de l'année 2005, au terme des expérimentations actuellement en cours avec du matériel prototype et après la libération prochaine de fréquences pour attribution aux opérateurs courant 2005. Il a également fait observer que le WiMax pourrait en outre permettre la fourniture de service haut débit en situation de nomadisme, y compris en zones denses.

Évoquant ensuite l'autre ligne de disparité, qui sépare les zones concurrentielles attractives des zones où il existe un monopole de fait des services de télécommunications, il a jugé ce problème plus complexe et porteur d'enjeux importants à moyen terme, dans la mesure où il conditionne la performance des services de télécommunications, et donc des entreprises françaises.

Rappelant que le secteur des télécommunications était très capitalistique, il a expliqué qu'en situation de monopole, un opérateur avait tendance à tarifer au-dessus de ses coûts complets en tentant de minimiser le temps de retour sur ses investissements, alors qu'en situation de concurrence, en revanche, la tarification du marché, comme on l'observe actuellement dans les grandes villes, se fait quasiment au coût marginal. Il a estimé que la différence sur les niveaux de tarifs du marché pouvait être supérieure à deux pour le DSL, et encore plus élevée pour le très haut débit. De même, il a constaté que l'innovation technologique, comme la diffusion audiovisuelle sur ADSL, ou la voix sur IP, se concentraient dans les zones où France Télécom était aiguillonnée par la concurrence.

Il a jugé que ce développement d'un marché dynamique, innovant et susceptible d'aiguillonner localement l'opérateur historique, était un problème ardu, qui ne se résoudrait pas spontanément par les seules forces du marché.

Il a précisé que, pour couvrir la zone concurrentielle actuelle, les principaux opérateurs alternatifs avaient dû déployer chacun de l'ordre de 15.000 km de fibres optiques, ce qui représentait un peu plus d'un milliard d'euros, alors que, pour couvrir la zone de déploiement actuel de France Télécom, il en faudrait cinq fois plus, soit 75.000 km de fibres, ce dont les opérateurs alternatifs n'avaient pas la capacité financière à ce jour.

Il en a déduit que, lorsque l'objectif politique local est d'assurer l'attractivité du territoire sur le moyen et sur le long terme dans le domaine des télécommunications, il fallait établir une concurrence locale, loyale et pérenne fondée sur des réseaux et que la collectivité devait alors intervenir pour déployer, subventionner ou déléguer le déploiement d'un deuxième réseau, ouvert à tous les acteurs économiques et couvrant une large partie du territoire.

Convenant que le coût d'une telle intervention était loin d'être négligeable, de l'ordre de 40 millions d'euros par département, dont la moitié voire les trois quarts d'argent public, il a toutefois invité à mettre en regard cet investissement initial avec les économies réalisées par les ménages et les entreprises du fait de l'arrivée de la concurrence. Cela lui a paru un choix rationnel, sauf peut-être pour les départements les plus ruraux ou les zones les plus isolées.

Par ailleurs, il n'a pas nié que les modalités de déploiement de ces réseaux étaient complexes, des points de vue économique, technique et juridique, et présenté les « points de repères » publiés par l'ART comme un outil pour assister les collectivités dans l'établissement de ce type de projets. Il a mis l'accent sur la nécessité de déployer des réseaux ouverts à tous les acteurs et opérateurs sans discrimination, sur l'importance des offres d'accès ou de revente des infrastructures passives, qui représentent 80 % des coûts des réseaux, et sur la gestion des éventuels effets d'éviction entre investissements publics et investissements privés.

Il a annoncé, de plus, que l'ART avait mis en place un espace Internet dédié aux collectivités sur son site, avec une section dénommée « blog », axée sur les échanges d'expériences et les questions-réponses, les services essayant d'apporter ces dernières dans la semaine.

M. Jean-François Le Grand, rappelant l'engagement du Sénat pour l'élargissement des compétences des collectivités territoriales en matière de réseaux de télécommunications, et la modification récente de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, a estimé qu'il était vital pour ces collectivités de pouvoir s'assurer de la compétitivité de leur territoire. Il s'est inquiété des tarifs prévus par certaines délégations de services publics instituées sur le fondement de cet article, craignant que des prix trop élevés pour l'accès aux infrastructures n'annulent l'effet positif attendu de l'introduction de la concurrence. Il a jugé que les réseaux mis en place sous la responsabilité des collectivités territoriales devaient être ouverts à tous les opérateurs.

M. Jean-François Le Grand s'est ensuite inquiété des conséquences financières éventuelles pour les opérateurs concurrents de France Télécom d'une annulation éventuelle, par le Conseil d'Etat, des tarifs du dégroupage (permettant l'accès des opérateurs tiers au réseau de France Télécom), faisant référence à un article du quotidien Les Échos chiffrant à 40 millions d'euros la somme que ces opérateurs pourraient avoir à rembourser. Enfin, il s'est insurgé contre l'application éventuelle de tarifs plus élevés dans les zones rurales que dans les zones denses et urbaines pour certains services de télécommunications, jugeant inacceptable cette « dépéréquation ».

M. Alain Fouché a fait observer que la couverture du territoire en services de télécommunications importait plus que la seule couverture en terme de population. Il a interrogé le président de l'ART sur l'avenir des expériences conduites par certains syndicats d'électrification et tendant à assurer l'acheminement de communications sur les réseaux électriques.

M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur la légitimité de l'intervention des collectivités territoriales pour la mise en place de réseaux à haut débit dont l'accès serait ensuite ouvert à des opérateurs privés, doutant de la pertinence d'une attribution de deniers publics à la seule organisation de la concurrence. Il a jugé qu'une obligation faite à l'opérateur historique d'offrir des connexions à haut débit dans des conditions satisfaisantes serait une meilleure solution.

En réponse à M. Jean-François Le Grand, M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de régulation des télécommunications, a fait observer que l'ART ne portait pas de jugement sur les conditions tarifaires prévues dans les délégations de service public portant sur la mise en place d'infrastructures à haut débit, se limitant au règlement des éventuels différends pouvant surgir lors de leur mise en oeuvre. Il a toutefois fait observer que les tarifs proposés par les opérateurs dans les zones denses, où la concurrence s'exerçait à plein, pouvaient être regardés par les collectivités territoriales comme des objectifs pour la fixation des tarifs dans le cadre d'une délégation de service public. Il a estimé qu'un échange d'expérience entre les collectivités pouvait s'avérer utile pour une meilleure connaissance des prix pratiqués par les opérateurs.

Le président de l'ART a confirmé que le Conseil d'Etat avait été saisi par France Télécom d'une demande d'annulation de ses tarifs « de gros » (dans le cadre du dégroupage), l'ART ayant, en 2001 et 2002, modifié à la baisse l'offre de référence initialement proposée par France Télécom. Indiquant qu'en cas d'annulation par la section du contentieux de la décision de l'ART, la proposition tarifaire initiale de France Télécom s'appliquerait rétroactivement, entraînant un nouveau calcul des tarifs qui auraient dû s'appliquer, et, en conséquence, une contribution supplémentaire de la part des opérateurs tiers, il a précisé que le commissaire du gouvernement avait rendu ses conclusions, mais qu'un complément d'instruction avait été demandé.

En ce qui concerne les tarifs des services de télécommunications pratiqués respectivement dans les zones rurales et les zones urbaines, le président de l'ART a rappelé que les tarifs de détail proposés aux clients résidentiels faisaient au contraire l'objet d'une péréquation, en vertu de la réglementation relative au service universel en ce qui concernait les services à bas débit, ou en vertu des logiques commerciales des opérateurs, rendant délicate une tarification géographiquement différenciée des offres grand public. Il a relevé qu'un élargissement éventuel, au niveau communautaire, du champ du service universel, par la révision prochaine des directives européennes, pourrait conduire à imposer une telle péréquation à l'ensemble des services à haut débit, ce qui n'était pas aujourd'hui le cas.

Rappelant que l'objectif de la régulation de l'ART était de favoriser le développement de ces services sur l'ensemble du territoire, il a indiqué que les tarifs de communication « de gros »  n'avaient jusqu'alors jamais fait l'objet d'une péréquation géographique : équiper un « petit » répartiteur était objectivement plus coûteux, rapporté au nombre de lignes concernées, qu'équiper un « gros » répartiteur, par exemple. Il a jugé que ce type de mécanismes tarifaires, qui pouvait n'avoir qu'une influence marginale sur le marché résidentiel, pouvait être plus structurant sur le marché professionnel et avoir une influence sur les prix proposés aux entreprises dans les zones peu denses, celles des entreprises pouvant faire jouer la concurrence obtenant des tarifs considérés, de l'avis général, comme étant environ inférieurs de 30 % à ceux proposés aux entreprises n'ayant pas accès à la concurrence.

M. Jean Pépin a relevé que cette situation était comparable à celle rencontrée dans le secteur électrique, où plus l'entreprise était importante, plus était grand son pouvoir de négociation.

M. Paul Champsaur, président de l'ART, en a convenu tout en faisant observer que l'électricité représentait une prestation plus simple que les services de télécommunications. En la matière, il a estimé que l'introduction de la concurrence, plus que la réglementation administrée des prix, était de nature à faire baisser les tarifs.

En réponse à M. Alain Fouché sur l'étendue de la couverture en services à haut débit, M. Paul Champsaur a jugé crédible le chiffre avancé par France Télécom d'une couverture de 98 % de la population lorsque l'ensemble des 12.000 répartiteurs de son réseau seraient équipés, estimant toutefois qu'il conviendrait de tempérer ce chiffre théorique par des constatations sur place, la longueur de ligne entre le répartiteur et le lieu de connexion pouvant entraîner une dégradation de cette couverture dans certains endroits. S'agissant de l'acheminement de communications sur les réseaux électriques, le président de l'ART a distingué la pose de fibres optiques sur les infrastructures du réseau de transport d'électricité (RTE), technologie utile, maîtrisée, au coût inférieur à celui des travaux de génie civil impliqués par la pose de fibres optiques souterraines, des expérimentations relatives au « courant porteur en ligne » et tendant à acheminer sur les réseaux électriques les communications entre les répartiteurs du réseau téléphonique et le domicile de l'abonné (boucle locale), technologie lui paraissant tout aussi utile qu'incertaine dans sa mise en oeuvre actuelle, compte tenu du moindre engagement des distributeurs d'électricité responsables de ce segment du réseau de distribution électrique. Il a indiqué que l'ART ne disposait pas des moyens juridiques permettant de favoriser ces expérimentations.

M. Jean-François Le Grand a précisé que les difficultés qu'avait pu connaître à ses débuts la technique d'enroulement de fibres optiques autour du réseau électrique étaient en passe d'être réglées, la question de savoir si la fibre était un bien mobilier ou immobilier étant notamment résolue.

Répondant à M. Pierre-Yves Collombat sur la légitimité de l'intervention des collectivités territoriales pour le développement d'infrastructures à haut débit, M. Paul Champsaur a rappelé qu'elles étaient seules juges de l'opportunité d'une telle intervention, tendant à favoriser le développement de la concurrence sur un marché jugé par certaines comme particulièrement structurant en matière d'aménagement du territoire. Il a observé que cette intervention était techniquement complexe, et que son bilan pouvait être plus ou moins positif suivant les caractéristiques du territoire concerné. Il a estimé qu'il était justifié qu'une collectivité territoriale s'intéresse au fonctionnement concurrentiel d'un marché ayant des répercussions importantes sur les conditions de fonctionnement des entreprises implantées sur son territoire.

M. Pierre-Yves Collombat a estimé qu'une telle intervention ne serait pas justifiée si elle devait conduire à une redondance d'équipements à haut débit, auquel cas il serait préférable de prévoir un accès obligatoire des opérateurs tiers au réseau de France télécom.

M. Michel Teston a rappelé qu'en sa qualité de président de l'Association des départements de France (ADF), il avait signé, tout comme le président de l'ART, l'avenant du 13 juillet 2004 à la convention nationale signée le 15 juillet 2003 concernant le plan d'extension de la couverture en téléphonie mobile. Il a toutefois déploré que les opérateurs mobiles également signataires de cet avenant cherchent à minimiser les engagements qu'ils y ont pris et fassent une lecture restrictive du paragraphe 3.6 qui détermine la date à laquelle doit être lancée la deuxième phase.

Il a par ailleurs constaté qu'aujourd'hui, France Télécom équipait tous les répartiteurs desservant plus de 600 abonnés et fait part de son scepticisme à l'égard d'un élargissement rapide de cette démarche, qu'il imaginait plutôt pour 2007 dans sa région du sud-est de la France. Il a également relevé que le très haut débit ne passerait pas sur le coaxe cuivre et nécessitait un équipement en fibres optiques, tant que les technologies alternatives (Multichannel Multipoint Distribution Service (MMDS), Wireless DSL (WDSL), Courants porteurs en ligne (CPL), Wimax...) n'étaient pas stabilisées. S'agissant du haut débit, il a considéré que la loi donnait désormais la possibilité aux collectivités territoriales de déterminer comment elles allaient se positionner, même si subsistait, à ses yeux, une incertitude sur la possibilité de fournir des services aux clients finaux, incertitude que devraient lever les deux circulaires annoncées. S'agissant des solutions juridiques retenues par les collectivités pour leurs interventions en ce domaine, il a relevé que le modèle concessif de la délégation de service public (DSP) semblait tenir la corde, mais s'est interrogé sur le recours possible aux conventions de partenariat.

M. Bruno Retailleau a insisté sur l'importance du Wimax, technologie qu'il a jugée déjà opérationnelle (l'opérateur Altitude utilisant à cette fin une fréquence) et très adaptée à la densité de la population française et au nomadisme, comme le prouvait sa diffusion aux Etats-Unis. Il a donc demandé au président de l'ART quand l'autorité comptait attribuer une autre fréquence au Wimax.

Il est ensuite revenu sur le nouveau rôle des collectivités territoriales en matière de télécommunications et sur l'alternative entre DSP et marché de services. Il a déclaré qu'il ne fallait exclure a priori aucune des deux procédures. Il a également jugé que le marché de services présentait quatre avantages : le marché garantit que l'objectif de couverture sera atteint, puisqu'il se fonde sur un raisonnement en termes de services, et non d'infrastructures ; l'option « marché de services » est également moins coûteuse que l'option « DSP » ; en outre, elle préserve les collectivités territoriales d'audaces exagérées dans l'exercice de la fonction d'opérateur, dont il a rappelé qu'elle n'était pas le métier des collectivités territoriales ; enfin, au plan juridique, le marché est plus conforme à la neutralité technologique prônée par les directives communautaires, alors que les DSP font la part très belle au filaire et sont, de surcroît, beaucoup moins formalistes, donc moins transparentes.

M. François Fortassin, après avoir dénoncé la partition patente de la commission entre spécialistes et béotiens sur ces sujets particulièrement techniques, s'est interrogé sur la question ultime à laquelle devaient répondre les collectivités territoriales : quel intérêt ces initiatives publiques locales en télécommunications présentent-elles en termes d'aménagement du territoire ? Il a illustré cet enjeu par l'exemple de son propre département, où on lui proposait une prestation « exceptionnelle » pour 40 millions d'euros, montant qu'il lui paraissait préférable de consacrer à d'autres projets, d'autant plus que France Télécom, avec qui il avait signé la charte « département innovant », avait promis une couverture de 95 % de la population en 2006. Il s'est interrogé sur le bien-fondé du choix qu'il avait ainsi opéré, au regard de celui effectué par d'autres collectivités territoriales qui s'étaient lancées dans des opérations coûteuses et se trouvaient, pour certaines, incapables de faire fonctionner leurs réseaux, comme c'était le cas dans une agglomération proche de chez lui, qui comptait seulement trois clients pour le très haut débit.

Il a conclu en comparant la situation à celle des commerces en milieu rural, estimant utile de faire cohabiter des supermarchés et des épiceries locales multiservices plus chères, dans la mesure où l'aménagement du territoire était un enjeu distinct de la problématique concurrentielle. Enfin, il a regretté la persistance de zones blanches en téléphonie mobile, rappelant que la couverture territoriale était meilleure en Espagne et en Sibérie occidentale !

M. Pierre-Yvon Tremel, après avoir remercié l'ART pour la pertinence des documents établis sur le sujet du haut débit à l'intention des collectivités territoriales (synthèse de la consultation publique et repères pour l'action publique), a rappelé qu'il serait impossible d'équiper en fibre optique l'intégralité du territoire et a, à son tour, insisté sur l'opportunité que représentait le Wimax, sur lequel il avait lu un article très éclairant dans le magazine « Cités numériques ». Il a jugé que les fréquences radio-numériques étaient devenues cruciales pour notre pays et s'est inquiété du paysage national des fréquences. Enfin, il a souhaité savoir si l'ART avait été beaucoup consultée depuis juillet sur le nouvel article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

M. Daniel Raoul a appelé, contrairement à son collègue M. Bruno Retailleau, à une grande prudence envers le Wimax qui lui paraissait une réponse appropriée au nomadisme mais pas suffisante pour assurer la fiabilité et le débit nécessaire à certaines activités, comme la conception assistée par ordinateur (CAO). Il a aussi estimé que le CPL resterait lui aussi limité à des immeubles et à des collèges pour des raisons de financement, et que le très haut débit ne pourrait être rendu accessible sur les réseaux électriques, alors que sa disponibilité était nécessaire à la compétitivité des entreprises, la concurrence n'étant qu'un moyen pour arriver à cet objectif final. Enfin, revenant sur les marchés de service, il a cité comme contre-exemple Mégalis en Pays de Loire, marché attribué pour une offre de services, et ayant coûté aux agglomérations qui, au bout du compte, ne détenaient plus rien.

M. Bruno Retailleau a convenu qu'il ne s'agissait pas d'un bon exemple de marché de services.

M. Daniel Raoul a enfin interrogé le président de l'ART sur la question de savoir qui devait poser les obligations techniques qui permettraient de mettre fin à l'inertie de France Télécom en matière de location à certains opérateurs de fourreaux construits sur deniers publics.

En réponse, M. Paul Champsaur, président de l'ART, a rassuré M. Michel Teston sur la lecture que faisait l'autorité du paragraphe 3.6 de l'avenant à la convention nationale d'extension de la couverture en téléphonie mobile, dont l'interprétation était effectivement litigieuse avec les opérateurs mobiles. Il a assuré que l'ART avait la même lecture que l'ADF. Il a conclu en confirmant le souhait de l'autorité de voir les opérateurs remplir leurs obligations en la matière. 

S'agissant des différents modes d'intervention des collectivités territoriales, il a rappelé que l'ART n'avait pas de position de principe et que le choix dépendait de l'objectif poursuivi, chaque département devant apprécier si sa priorité était ou non l'attractivité pour les entreprises, ce qui impliquait de rendre le marché plus concurrentiel.

S'agissant du Wimax, il a précisé que sa normalisation était inachevée et que le matériel nécessaire n'était pas encore disponible en masse. Il a toutefois assuré que l'autorité s'était préparée à sa diffusion, en octroyant à Altitude une fréquence, en se préparant à l'octroi d'une deuxième fréquence, rendue disponible suite à la débâcle de la boucle locale radio, et en déployant des efforts pour trouver d'autres fréquences d'ici fin 2006, dégagées sur celles aujourd'hui consacrées à l'émission radio-télévisée. Il a jugé que le Wimax, offrant des possibilités en termes de couverture du territoire mais aussi pour d'autres applications, pouvait rencontrer un succès certain auprès des opérateurs.

M. Laurent Laganier, directeur du haut débit à l'ART, est revenu sur les propos du président pour confirmer que, selon l'objectif poursuivi par chaque collectivité, différentes formules devaient être envisagées : pour développer la concurrence pérenne, le mieux est de développer des offres d'accès ou de revente d'infrastructures passives, impliquant au moins deux opérateurs, voire trois ou, idéalement, quatre d'entre eux ; si le seul objectif est d'étendre rapidement la couverture, il n'est probablement pas utile de construire en cinq à dix ans des infrastructures très coûteuses. Enfin, s'agissant des normes de services, il a estimé que l'ART n'avait pas les capacités techniques nécessaires et qu'un groupe de discussion était en train de se monter entre utilisateurs publics et opérateurs, ce qui permettrait d'engager ce travail de spécification dès janvier.

Commerce - Audition de M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC.

M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a d'abord fait valoir que l'accord intervenu le 31 juillet 2004, appelé « paquet de juillet », représentait une étape décisive en vue de l'aboutissement de l'agenda de développement de Doha. Il a noté qu'à cette occasion, l'échéance finale des négociations avait été reportée à 2006, voire 2007, l'été 2007 étant vraisemblablement une date « butoir » dans la mesure où elle devrait coïncider avec l'expiration de l'habilitation du Président des Etats-Unis à négocier des accords internationaux, habilitation qui devrait être prorogée par le Congrès américain pour deux années au printemps prochain.

Il a estimé que l'accord du 31 juillet 2004 était issu d'une mécanique de négociations nouvelle ayant pris racine dans l'échec de la conférence ministérielle de Cancùn et qui s'organisait autour de quatre acteurs identifiés : les Etats-Unis, l'Union européenne, le G20 mené par le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, et le G90 (pays africains, pays Afrique-Caraïbes-Pacifique -ACP- et pays les moins avancés -PMA), groupe regroupant la majorité des membres de l'OMC mais souffrant d'un défaut d'homogénéité. Notant que le G20 avait été exclusivement constitué pour la négociation agricole, à laquelle il avait pris une part active, il a relevé qu'après l'échec de Cancùn, l'Union européenne s'était rapidement remise à la négociation et avait finalement été suivie par les Etats-Unis malgré leurs menaces, répétées depuis Cancùn, de se tourner vers le bilatéralisme. Il s'est félicité de ce partenariat euro-américain en faveur du multilatéralisme. Rappelant que tous s'accordaient à dire au début de l'année que la relance du cycle de négociations se ferait par une percée sur le dossier agricole, il a remarqué qu'effectivement, la lettre des Commissaires européens Lamy et Fischler de mai 2004 contenait des concessions nouvelles en agriculture, auxquelles pouvait être imputée la relance de la mécanique de négociation. Il a jugé que cette relance avait rendu possible la conclusion du « paquet de juillet », notamment grâce à la suppression des subventions aux exportations agricoles concédées par l'Union européenne.

Considération toutefois que l'accord conclu en juillet était beaucoup moins ambitieux que celui de Doha, dans lequel la dimension de la régulation avait été introduite « aux forceps », et que celui visé à Cancùn, M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a présenté les trois dimensions du « paquet de juillet » :

- la confirmation des objectifs fixés à Doha en 2001 : faire progresser les négociations sur les produits agricoles, sur les produits non agricoles et sur les services, en prenant en considération les problèmes de développement ;

- l'obtention de résultats limités au regard des ambitions initiales, le désaccord sur les nouveaux sujets de régulation ayant abouti à une concession de l'Union européenne sur les sujets dits « de Singapour » : trois sur quatre ont été sortis de la négociation -investissement, concurrence, transparence sur les marchés publics-, les membres de l'OMC n'étant convenus d'engager des négociations que sur le quatrième sujet, à savoir la facilitation des échanges ;

- le non-rattrapage du retard pris à Cancùn : seuls des accords intérimaires ont été conclus sur l'agriculture et sur les produits non agricoles et la finalisation des modalités des négociations sur ces dossiers a été en fait renvoyée à la conférence de Hong Kong, prévue fin 2005.

Relevant que les autres volets de la négociation (services, règles, commerce et environnement, propriété intellectuelle) n'avaient fait l'objet que d'un état des lieux sans progrès sur le fond, il a estimé que l'accord de juillet faisait franchir une étape à la négociation agricole et actait un décalage entre le rythme de cette négociation et celui de la négociation sur l'accès au marché pour les produits non agricoles.

En matière agricole, M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a fait observer le caractère « historique » de la concession faite par l'Union européenne, comme l'avait reconnu le nouveau commissaire européen au commerce, M. Peter Mandelson, et relevé que cette concession avait dans l'accord des contreparties obtenues sous pression française :

- la référence à toutes les formes de subventions aux exportations -crédits exports américains, aides alimentaires et entreprises commerciales d'État- et non simplement aux restitutions européennes ;

- l'absence de concessions nouvelles par l'Europe en matière de soutien interne et d'accès aux marchés, l'Union ayant déjà réformé sa politique agricole commune. Il a ainsi observé que les dispositions convenues en juillet sur les boîtes bleue, orange et verte en matière de soutien interne agricole constituaient des contraintes qui ne dépassaient pas les engagements européens résultant de la réforme de la PAC décidée à Luxembourg en juin 2003. Il a notamment souligné le principe de ne pas porter atteinte à la boîte verte, constituée d'aides découplées de la production, dans la mesure où il paraissait impossible de réformer les politiques agricoles européenne et américaine, sans le maintien d'une telle boîte. Il a rappelé à cet égard que, lors de sa première visite au siège de l'OMC à Genève, M. Peter Mandelson avait insisté sur le fait qu'il revenait désormais aux américains de réformer leur propre politique agricole reposant aujourd'hui sur le « Farm Bill ».

Concernant l'accès au marché, il a fait observer que ce sujet était difficile aussi bien pour les plus grands pays que pour les pays en développement et que si les dispositions sur le concept de « produits sensibles » constituaient une première étape permettant de répondre aux préoccupations européennes, elles devaient être maintenant négociées, ce qui exigeait vigilance et fermeté de la part de l'Union européenne.

S'agissant du coton, M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a souligné que les pays africains avaient accepté d'intégrer ce dossier au « paquet de juillet » mais qu'aucune avancée notoire n'avait été enregistrée depuis au sein du comité présidé par l'ambassadeur de Nouvelle-Zélande.

Évoquant ensuite les produits non agricoles -incluant la pêche-, il a déploré qu'aucun progrès substantiel n'ait pu voir le jour en raison de l'affrontement Nord-Sud et regretté le décalage entre l'agriculture et les autres sujets, notamment l'industrie et les services, sur lesquels l'Union européenne avait des intérêts offensifs. Il a insisté sur la nécessité de mettre au point une nouvelle formule de réduction des tarifs douaniers pour amener les pays émergents à baisser leurs tarifs industriels et à réduire leurs pics tarifaires, sur l'importance de lancer des négociations dans les secteurs où le marché de l'Union européenne était déjà très ouvert, tel celui du textile, et enfin sur l'utilité de promouvoir un traitement spécial et différencié pour offrir une plus grande flexibilité aux pays en développement. Constatant que ces trois objectifs n'avaient pu avancer, en juillet dernier, du fait de l'opposition des pays en développement, il a noté que l'Union européenne ne consentirait certainement pas à signer un accord sur les modalités agricoles à Hong-Kong si les autres membres ne faisaient pas d'effort comparable d'ouverture des marchés sur les produits non agricoles et sur les services.

Après avoir estimé que l'homogénéité du G20 allait être testée sur les questions d'accès au marché agricole, le Brésil ayant intérêt à une ouverture accrue alors que l'Inde refusait de s'ouvrir plus largement, même aux produits provenant des pays du G20, il a distingué la spécificité du cas chinois, la Chine ayant déjà dû consentir de larges baisses de tarifs lors de son accession à l'OMC et se trouvant de ce fait en position plus favorable.

A propos des services, M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a considéré important d'atteindre une masse critique d'offres de services par les différents pays membres de l'OMC et d'obtenir que ces offres soient de qualité suffisante.

Soulignant que le besoin d'une impulsion politique nouvelle nourrissait l'idée d'une réunion au printemps 2005 pour faire le bilan des travaux et définir les objectifs de la conférence de Hong-Kong, il a indiqué que la Commission européenne craignait un enlisement du cycle si une impulsion n'était pas donnée dès le début de l'année 2005. Il a considéré que le plus urgent était la relance des négociations sur l'accès au marché pour les produits non agricoles et la remise d'offres initiales et modifiées sur les services, alors que des progrès substantiels en agriculture pouvaient encore attendre quelques mois. Il s'est même interrogé sur la volonté politique de progresser dans la négociation d'un pays comme le Brésil qui pouvait espérer obtenir, par le biais des contentieux sur le sucre et le coton, la satisfaction de ses revendications sur les subventions agricoles sans avoir à faire de concessions sur les tarifs industriels et sur les services.

M. Jean Bizet, président du groupe de travail OMC, s'est interrogé sur le traitement et le nombre de produits sensibles qui seraient retenus et sur la date probable de suppression des subventions à l'exportation, rappelant que M. Hervé Gaymard, ancien ministre de l'agriculture, avait évoqué 2017. Il a également souhaité savoir s'il y avait une chance pour une réelle mobilisation sur les services. Il a, en outre, demandé si le dossier des indications géographiques était en voie d'enlisement. Enfin, il s'est enquis de savoir si les récriminations transatlantiques sur les subventions Airbus et Boeing risquaient de se conclure par un contentieux.

M. Philippe Gros,délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a jugé que la finalisation de la liste des produits sensibles serait très difficile, certains états membres la voulant réduite -5 ou 7 % des lignes tarifaires pour l'Australie-, d'autres l'espérant plus large -40 % des lignes tarifaires pour l'Union européenne. Il a considéré que cette négociation présentait un caractère crucial pour l'Union européenne dans la mesure où elle devait apporter une garantie à la défense de la préférence communautaire, dernier pilier de la politique agricole commune (PAC) si les subventions à l'exportation devaient disparaître. A ce sujet, il a estimé que la date de leur suppression devait, aux yeux de l'Union européenne, se négocier par produits et que les acteurs clés de cette négociation ne semblaient pas hostiles à ce que cette date soit calée sur celle de 2013, qui représentait une étape nouvelle pour la PAC. Il a estimé que l'affrontement porterait aussi sur la symétrie de l'effort consenti en matière d'aide alimentaire -ce dossier étant particulièrement difficile dans la mesure où l'Union européenne était présentée par les Etats-Unis comme voulant diminuer cette aide alors qu'il ne s'agit que de la contrôler pour qu'elle se fasse sous forme de dons et qu'elle réponde à un besoin d'urgence constaté internationalement- et en matière de crédits à l'exportation, désormais interdits au-delà de six mois mais devant aussi être encadrés par des disciplines sur les taux, la durée, les acomptes, etc.

Concernant les services, il a déploré l'absence de toute mobilisation de la part des pays en développement, mis à part éventuellement sur le mode 4 qui, recouvrant les mouvements temporaires de personnes pour la fourniture de services, constituait un intérêt offensif pour les pays en développement mais aussi un sujet sensible pour les pays développés, notamment s'agissant des personnes non qualifiées.

Sur les indications géographiques, M. Philippe Gros, délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a rappelé que l'accord de Marrakech prévoyait la mise en place d'un registre multilatéral pour les vins et spiritueux, la négociation portant sur le caractère indicatif ou contraignant de ce registre, sur sa possible extension à d'autres produits que les alcools et enfin sur l'opportunité d'éliminer, comme le réclamait l'Union européenne, l'utilisation usurpée de diverses indications géographiques dans certains pays. Constatant que, depuis Doha, le dossier des indications géographiques n'avait absolument pas progressé, il a averti qu'il convenait d'éviter qu'il ne serve de variable d'ajustement final puisque cela conduirait à négocier sur ce sujet dans de mauvaises conditions.

Évoquant ensuite le dossier Boeing-Airbus, il a fait observer que la querelle initiée par Boeing gênait désormais le développement de sa stratégie commerciale sur son nouveau programme 7E7 et nourrissait l'attentisme des compagnies aériennes, alors que l'administration américaine se montrait très dure sur le dossier et refusait toute subvention européenne sur le programme concurrent d'Airbus, l'A350. Il a estimé que le recours au contentieux, vu les enjeux financiers en présence, était risqué, le juge de l'OMC pouvant être tenté de trouver tous les arguments juridiques pour « couper la poire en deux ».

A M. Gérard Bailly qui, observant que l'accord de juillet était présenté comme un accord limité, l'interrogeait sur les acquis qui pourraient être mis en avant en matière agricole, M. Philippe Gros,délégué permanent de la France auprès de l'OMC, a fait valoir que l'aspect positif de cet accord était dans son potentiel, dans la mesure où un blocage aurait été préjudiciable à l'Union européenne dont les intérêts exportateurs demeuraient fondamentaux. Il a considéré que l'acquis majeur en matière agricole était que l'Union européenne ne se trouvait plus en position d'accusée et qu'en ce qui concernait les soutiens internes, les Américains se trouvaient désormais en première ligne et allaient s'en voir demander autant, voire plus, que les Européens.

Pour conclure, il a noté qu'au regard de la taille du marché européen, le plus important était de conforter la préférence communautaire afin de consolider nos positions sur ce marché, tout en respectant nos accords ACP. Il a également souligné que le cadre multilatéral était le seul à permettre l'obtention de concessions de la part de tous les autres états membres et que, au nom de cette symétrie, M. Peter Mandelson, commissaire européen au commerce, avait déclaré qu'il ne voulait pas rester le seul « banquier » de ce cycle de négociation.

Évoquant enfin la candidature de M. Pascal Lamy à la direction de l'OMC, il a noté que les trois ou quatre autres concurrents étaient tous originaires des pays en voie de développement -Uruguay, Brésil, Maurice, voire Kenya-, ce qui attestait de la difficulté de ces pays à s'unir pour défendre des intérêts communs. Toutefois, il a souligné que la possible nomination de M. Robert Zoellick à la présidence de la Banque mondiale en juin 2005 compliquait la nomination d'un autre représentant des pays développés à la tête de l'OMC.

M. Jean Bizet, président du groupe de travail OMC, a remercié M. Philippe Gros,délégué permanent de la France auprès de l'OMC, pour la clarté et la précision de son intervention et fait part de son souhait de prolonger ce débat au printemps, par exemple par l'organisation d'une question orale avec débat en séance publique.