Travaux de la commission des affaires économiques



Mercredi 2 mars 2005

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Poste - Régulation des activités postales - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a tout d'abord procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport de M. Pierre Hérisson sur le projet de loi n° 149 (2004-2005) relatif à la régulation des activités postales, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en première lecture.

Après avoir rappelé l'importance décisive de ce texte, qui revenait en deuxième lecture au Sénat, tant pour la Poste que, plus généralement, pour l'économie, une Poste performante étant indispensable à la compétitivité de l'économie nationale et à un maillage du territoire par un service public de proximité, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a rappelé les grands traits marquants de ce texte, dont la première lecture au Sénat remonte à janvier 2004.

Il a indiqué que le premier objet de ce texte était d'instaurer un cadre pour le marché postal qui allait s'ouvrir progressivement à la concurrence, puisqu'il s'agissait d'abord d'une transposition tardive de deux directives communautaires de 1997 et 2002 organisant l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté, susceptible de se solder, d'ici à 2009, par une disparition totale du monopole de La Poste.

Il a ensuite présenté le deuxième objectif de ce projet de loi, à savoir fixer les principes de la régulation qui encadrera cette ouverture à la concurrence des marchés postaux. Rappelant qu'à cette fin, le parti avait été pris d'étendre au champ postal les compétences de l'Autorité de régulation des télécommunications, il a relevé qu'ainsi, la France adopterait la solution du régulateur dédié aux postes et communications électroniques retenue par plusieurs de ses voisins, à commencer par l'Allemagne.

Identifiant la création d'une filiale de La Poste ayant le statut d'établissement de crédit comme le troisième apport du texte, dont le Sénat était d'ailleurs à l'origine, il a fait observer que La Poste pourrait ainsi étendre la gamme de ses services financiers, et notamment proposer des crédits immobiliers sans épargne préalable, dans le respect du droit commun bancaire.

Enfin, il a jugé qu'un des mérites de ce projet de loi était de donner les moyens juridiques et financiers qui permettraient au réseau de La Poste d'évoluer pour continuer à être un outil essentiel d'aménagement du territoire national.

Il a estimé que l'année écoulée entre la première lecture du texte au Sénat et celle à l'Assemblée nationale n'avait pas été perdue et avait permis, sur tous ces sujets importants, le mûrissement des positions des uns et des autres, voire leur rapprochement, et que certains points de consensus paraissaient même pouvoir se dégager.

Il a convenu que, toutefois, la lecture à l'Assemblée nationale avait donné lieu à une longue bataille d'amendements, à l'issue de laquelle avaient été apportées de sensibles modifications au texte, dont il a présenté les grandes lignes.

S'agissant de l'organisation du marché postal, il a jugé que l'innovation majeure apportée par les députés avait été de soustraire, du domaine réservé de La Poste, les envois recommandés utilisés dans le cadre des procédures administratives ou juridictionnelles.

Concernant la régulation, il s'est félicité que les députés aient porté de cinq à sept le nombre de membres du collège de l'Autorité de régulation, en soulignant que cette solution était celle proposée par la commission des affaires économiques du Sénat en première lecture et en précisant que le compromis qui avait alors dû être passé avec Mme Nicole Fontaine, alors ministre en charge de l'industrie, avait conduit le Sénat à ne finalement retenir qu'une augmentation de cinq à six du nombre des membres du collège de l'ART, rappelant à cette occasion qu'en tout état de cause, tant dans la rédaction issue de ce compromis que dans la rédaction retenue par les députés, deux des membres avaient à être désignés par le Président du Sénat et deux par le Président de l'Assemblée nationale.

Confiante dans la régulation, l'Assemblée nationale, a-t-il relevé, a tenu à sortir entièrement du contrat de plan la question du contrôle des tarifs de La Poste, prestataire du service universel postal. A ce titre, il a noté qu'elle avait mis en place un régime de supervision des tarifs du service universel par l'Autorité de régulation à deux niveaux : d'abord, un encadrement pluriannuel global défini, dans la mesure du possible, en concertation avec La Poste ; ensuite, un suivi au cas par cas donnant lieu à homologation pour les tarifs du domaine réservé et à un simple avis pour les autres prestations.

Parallèlement, il a indiqué que les députés avaient imposé à l'Autorité de régulation l'obligation de prendre en considération, dans tous ses avis et décisions motivés, l'équilibre financier des obligations de service universel.

Il a ensuite observé qu'afin d'assurer des conditions de concurrence équitables entre tous les opérateurs postaux, l'Assemblée nationale avait également prévu d'assurer un accès aux boîtes aux lettres des particuliers pour chaque opérateur, cette disposition visant à résoudre la difficulté que pose aujourd'hui, surtout en Ile-de-France, le contrôle croissant de l'accès des immeubles par le système électronique Vigik, auquel La Poste a un accès naturel puisqu'elle en est à l'origine.

Pour ce qui est du troisième axe du texte, à savoir l'établissement de crédit postal, il a relevé que l'Assemblée nationale avait apporté de légères modifications à l'article 8, dont la plus notable prévoyait que la Cour des comptes remette un rapport dans les deux ans sur les conditions de la mise en place de la filiale bancaire postale. Par ailleurs, il a fait observer que les députés avaient prévu, dans un article additionnel, de fixer au 1er janvier 2006 la date limite de création de l'établissement de crédit postal.

Enfin, s'agissant de la présence postale territoriale, il a indiqué que les députés avaient consacré dans la loi l'existence d'une commission départementale de présence postale territoriale et également proposé un critère minimal d'accessibilité au réseau de La Poste : ainsi, 90 % de la population devra se trouver à moins de cinq kilomètres des plus proches points de contact de La Poste. Il s'est également félicité qu'ils aient officialisé la constitution du fonds postal national de péréquation territoriale proposé par la commission des affaires économiques du Sénat dans son rapport de 2003 sur La Poste et déjà prévu par le contrat de plan, l'attribution des ressources provenant de ce fonds devant être majorée pour les points de contact situés en zones urbaines sensibles et en zones de revitalisation rurale ou créés sur l'initiative des intercommunalités.

Après avoir salué l'enrichissement du texte par les députés, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a proposé, à son tour, de l'améliorer sur plusieurs plans.

D'une part, outre plusieurs améliorations rédactionnelles, il a proposé un amendement à l'article 1er relatif à l'organisation future du marché postal, visant à permettre aux concurrents de pouvoir effectivement prétendre exercer une activité postale et précisant, à cette fin, le contour des moyens déjà identifiés dans le projet de loi comme indispensables à l'exercice de l'activité postale.

En contrepartie, afin d'appréhender sans tarder l'impact sur La Poste de l'ouverture progressive à la concurrence du marché postal, il a annoncé un amendement pour avancer l'échéance à laquelle le gouvernement devrait rendre son rapport sur l'équilibre et sur les modalités de financement du service universel, la question de la création d'un fonds de compensation du service universel lui paraissant à traiter dans les dix-huit mois.

D'autre part, il a proposé plusieurs amendements à l'article 2, qui concerne la régulation postale. Si certains d'entre eux visent à assurer une cohérence entre les compétences du régulateur postal et celles déjà détenues par ce même régulateur en matière de communications électroniques, il a insisté sur un autre amendement tendant à donner au régulateur une compétence réelle pour fixer les caractéristiques de l'encadrement pluriannuel en clarifiant son pouvoir en la matière et en confirmant que le contrôle tarifaire ne pouvait être partagé entre le ministre et l'autorité de régulation.

Il a également proposé de faire réaliser un audit de la comptabilité analytique de La Poste par un organisme indépendant, comme cela se pratique pour les autres opérateurs en charge du service universel dans les secteurs des communications électroniques et de l'électricité.

Pour ce qui est de l'établissement de crédit postal, il a proposé de ne modifier le texte que sur un point qu'il juge important, à savoir rassurer les agents des services financiers, soucieux de leur future situation juridique. Il a indiqué que l'amendement qu'il soumettait tendait à encadrer dans certaines limites la possibilité de mise à disposition de ces fonctionnaires auprès de l'établissement de crédit.

En matière sociale, il a fait savoir qu'il présenterait plusieurs amendements, le premier tendant à supprimer les conditions restrictives à l'emploi d'un contractuel qui apparaissent inadaptées à l'heure de la concurrence, le deuxième visant à élargir le champ de négociation dans le domaine social entre la direction de La Poste et les syndicats, le troisième enfin ayant pour objet de demander à La Poste de prendre l'initiative de réunir la commission paritaire chargée d'élaborer une convention collective pour le secteur postal, qui lui a paru indispensable pour éviter que le développement de la concurrence ne s'accompagne d'un dumping social.

Revenant au réseau de La Poste, il a proposé une nouvelle rédaction de l'article 1er bis, visant ainsi à assigner clairement à La Poste une mission d'intérêt général relative à l'aménagement du territoire et à insister sur le fait que cette mission venait en complément des obligations de service universel de La Poste. Il a précisé qu'alors que ces obligations de service universel ne concernaient que le courrier, la mission d'aménagement du territoire reposerait sur l'ensemble de La Poste, qui l'assumerait à travers toutes ses activités, y compris financières. Enfin, il a proposé de consacrer au sein des comptes de La Poste la constitution du fonds de péréquation, sur lequel un groupe de travail instauré par le Gouvernement sous sa présidence avait pu réfléchir de manière approfondie, notamment avec les élus locaux et La Poste, en précisant que ce fonds aurait pour mission de financer le complément de présence postale territoriale correspondant à la mission d'aménagement du territoire de La Poste.

Il a enfin présenté d'autres amendements traitant de sujets nouveaux :

- la responsabilité des opérateurs postaux : le maintien, dans le texte adopté à l'Assemblée nationale, d'un principe d'irresponsabilité partielle de La Poste et des opérateurs postaux ne lui paraissant pas à la hauteur des attentes des consommateurs, ni satisfaisant pour les opérateurs postaux eux-mêmes, ainsi handicapés dans un contexte de concurrence accrue, il a proposé un amendement soumettant clairement La Poste et les opérateurs postaux au droit commun de la responsabilité pour les pertes et avaries subies par les colis et courriers et ne faisant jouer leur responsabilité en cas de retard que si le prestataire avait pris un engagement en la matière ;

- le transport de fonds : sur ce point, il a proposé un amendement pour faire échapper au monopole des transports de fonds, non seulement les bijoux de faible valeur, mais également les fonds d'un montant inférieur à 3.000 euros afin de permettre à La Poste et aux établissements de crédit de porter librement quelques espèces aux personnes isolées.

Enfin, il a annoncé plusieurs amendements visant à toiletter le code des postes et des communications électroniques, afin d'en rendre l'organisation rationnelle au terme des nombreux bouleversements législatifs qu'il aura subis en 2004 et 2005.

Sous réserve de ces amendements, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a proposé à ses collègues d'adopter ce projet de loi ainsi modifié.

M. Pierre-Yvon Trémel, se démarquant du rapporteur, a marqué d'abord son étonnement à l'égard du délai d'un an qui s'était écoulé entre la première lecture au Sénat et celle à l'Assemblée nationale. Il s'est, toutefois, félicité que la deuxième lecture au Sénat ait été programmée sans délai. Revenant sur le texte adopté par l'Assemblée nationale, il a jugé qu'il ne faisait que renforcer l'opposition du groupe socialiste sur trois thèmes :

- la régulation : sur ce sujet, il s'est interrogé sur la raison qui conduisait à proposer de confier à l'autorité de régulation des télécommunications la régulation du marché postal, étant donné les grandes différences qui distinguaient ces deux secteurs, et a rappelé qu'il était impératif d'organiser une ouverture maîtrisée à la concurrence pour le secteur postal ;

- la présence territoriale : sans nier la difficulté du sujet, il a remarqué que le nombre de bureaux de plein exercice avait été diminué de 1.000 dans les derniers mois et a insisté sur l'importance qu'il y avait à ne pas aborder le sujet de la présence territoriale exclusivement au plan quantitatif, mais également sous l'angle qualitatif, invitant le Sénat à préciser les règles d'accessibilité, à reconnaître le poids de la négociation locale et à organiser un financement réaliste de la présence postale. A ce sujet, il s'est interrogé sur l'évaluation du coût de la présence postale et a souligné l'inconnue qui entourait encore l'origine des ressources du fonds de péréquation, ainsi que les modalités de gestion de ce fonds ;

- l'établissement de crédit postal : il a convenu qu'il était nécessaire d'en faire un assujetti au droit commun, mais il a jugé que, dans cette perspective, il serait logique de lui donner les moyens de proposer du crédit à la consommation ; il a toutefois insisté sur le fait que cette banque postale présentait une spécificité marquée, étant donné l'usage que font les milieux les plus défavorisés du livret A. Enfin, il a insisté sur la nécessité de donner des garanties au personnel et assuré qu'il étudierait attentivement la proposition du rapporteur en ce domaine.

Il a exprimé le regret que la commission n'ait pas entendu le Président de La Poste avant l'examen du texte. M. Jean-Paul Émorine, président,lui a répondu en indiquant que de nombreux membres de la commission avaient pu toutefois participer au dîner organisé à La Poste, le 1er février 2005, à l'invitation de son Président.

En réponse à M. Pierre-Yvon Trémel, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a souligné la pertinence des questions soulevées par M. Pierre-Yvon Trémel dont il a rappelé le titre de vice-président de la commission supérieure du service public des postes et communications électroniques (CSSPPCE) et de membre du groupe de travail sur la péréquation.

Après avoir rappelé la légitimité acquise par le Sénat, notamment grâce au travail considérable accompli par M. Gérard Larcher, en matière postale, il est revenu sur les trois sujets de préoccupation de M. Pierre-Yvon Trémel :

- s'agissant de l'autorité de régulation, il a souligné que l'augmentation de cinq à sept du nombre des membres du collège de l'autorité était de nature à répondre partiellement aux inquiétudes exprimées et a insisté sur les parentés existantes entre le secteur des communications électroniques et celui des postes, tous deux organisés autour d'entreprises chargées de missions de service universel et tenues d'assurer une présence du service au public sur tout le territoire ;

- s'agissant de l'établissement financier postal, il s'est félicité du consensus qui lui semblait aujourd'hui acquis pour la création de cet établissement, dont il a reconnu qu'il devait bénéficier des avantages comme des contraintes du droit commun. Il a également considéré que cet établissement devrait continuer à jouer son rôle de guichet financier social, sans pour autant que le texte le cantonne dans le statut de « banque des pauvres ». Il a fait observer, enfin, qu'il convenait d'être vigilant dans l'élaboration du texte, afin que La Poste ne soit pas prise à défaut par ses concurrents bancaires ;

- concernant les inquiétudes du personnel, il a confirmé que plusieurs de ses amendements traduisaient son souci de prendre en compte les préoccupations des syndicats et des cadres de La Poste, se disant convaincu que nulle réforme de La Poste ne pouvait se faire sans les postiers ;

- au sujet de la présence postale territoriale, il a jugé que le débat restait ouvert et guidé par une ambition partagée, à savoir que la modernisation de La Poste ne se fasse pas au détriment de la présence territoriale.

M. Gérard Delfau, revenant sur les différents sujets évoqués, a surtout exprimé son inquiétude sur le caractère de « coquille vide » du fonds de péréquation, sur le degré d'autonomie de l'établissement de crédit, sur l'incidence de cette autonomie vis-à-vis de l'accessibilité au service proposé par La Poste et sur la couverture des divers besoins bancaires. Constatant la fragmentation de La Poste en 170 filiales, il a rappelé que l'objectif de la filialisation devait être de rendre transparentes les relations entre la maison-mère et l'établissement de crédit. Enfin, il a évoqué la charge indue du transport de presse, qui lui apparaissait relever directement du budget de l'Etat.

M. Jean Bizet a souhaité faire part à ses collègues de la définition donnée par le Conseil d'Etat du service public, définition sur laquelle il avait eu l'occasion de se pencher dans le cadre de son travail sur la proposition de directive communautaire relative aux services dans le marché intérieur : « le service public consiste en une mission d'intérêt général exercée sous le contrôle d'une personne morale de droit public ». Il en a conclu que le service public n'impliquait pas de monopole, ni même d'exercice direct par une autorité publique, mais seulement « sous son contrôle ».

Il a ensuite évoqué l'expérience du département de la Manche, dont il est l'élu, et qui a signé avec La Poste un protocole. Il a rappelé qu'en zone rurale, il n'était pas rare que le receveur d'un bureau de Poste ne travaille que dix minutes par heure et que cela lui paraissait difficilement soutenable au regard des objectifs de Lisbonne et des impératifs de compétitivité. Enfin, il a souhaité faire allusion au dossier des retraites, rappelant que le nombre de postiers à la retraite allait s'accroître de 100.000 d'ici à 2020 et qu'il convenait donc de provisionner des sommes colossales d'ici à cette date.

M. Pierre-Yvon Trémel a confirmé l'importance des sommes à provisionner pour assurer les retraites des postiers d'ici à 2020 et a précisé qu'elles étaient évaluées à quelque 57 milliards d'euros.

M. François Gerbaud, soulignant l'intérêt de la définition du service public rappelée par son collègue, a insisté sur l'existence d'un service d'intérêt général.

En réponse à MM. François Gerbaud et Jean Bizet, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a convenu que les directives communautaires relatives à nos services publics visaient ce qu'il était convenu d'appeler des services à caractère économique d'intérêt général. Il a rappelé que La Poste était une administration jusqu'en 1990 et que sa transformation en exploitant public l'avait conduite à réaliser, aujourd'hui, les deux tiers de son chiffre d'affaires en concurrence et à ne conserver de monopole que dans le domaine du courrier. Il a convenu que le problème soulevé par la charge prévisible des retraites devait être posée, pour La Poste, comme pour la SNCF ou EDF, et qu'il était alourdi par l'allongement d'un trimestre par an de la durée de vie, qui allait conduire certaines personnes à vivre plus longtemps en retraite qu'en activité.

Répondant à M. Gérard Delfau, il a rappelé que l'examen du texte durant trois jours en séance publique permettrait de l'enrichir. Il a soutenu qu'il fallait tout faire pour permettre à La Poste française de devenir l'un des premiers opérateurs européens et d'améliorer ses résultats. Il s'est félicité de l'isolement de la ligne de 150 millions d'euros correspondant à l'exonération de fiscalité locale dans un fonds de péréquation pour financer le réseau. A cet égard, il a rappelé les avancées du groupe de travail sur la péréquation, qui proposait de fixer à 800 euros par mois la rémunération servie aux agences postales communales et de doubler la rémunération de la partie fixe versée aux commerçants abritant un Point Poste.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements de M. Pierre Hérisson, rapporteur.

A l'article 1er (Articles L. 3-1 et L. 3-2 du code des postes et communications électroniques - Service universel postal et obligations des prestataires du service postal), outre trois amendements rédactionnels, la commission a adopté, contre l'avis du groupe communiste républicain et citoyen, qui s'est dit défavorable à l'ensemble du texte dont il jugeait qu'il mettait fin à un service public en l'ouvrant à la concurrence, un amendement visant à lever l'imprécision des termes du projet de loi pour ce qui est du champ du domaine réservé après 2006 et un autre tendant à préciser le contour des moyens déjà identifiés comme indispensables à l'exercice de l'activité postale, amendement sur lequel le groupe socialiste s'est abstenu. M. Pierre-Yvon Trémel ayant souligné que la question des moyens d'accès au réseau de La Poste était importante et s'étant inquiété de la compensation de la charge que représenterait, pour La Poste, la prestation de services postaux en cas de faillite d'un de ses concurrents, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a convenu que la question de la continuité du service mériterait effectivement d'être soulevée devant le ministre. M. Michel Billout a rappelé l'opposition de son groupe politique à la transformation du service public postal en marché postal et a dénoncé l'instauration d'une concurrence déloyale.

A l'article 1er bis (nouveau) (Mission d'aménagement du territoire de La Poste et fonds postal national de péréquation territoriale), la commission a adopté un amendement tendant à clarifier le dispositif relatif aux règles d'adaptation du réseau postal et à son financement, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen et M. Gérard Delfau s'y opposant.

Cette adoption a eu lieu après un large débat engagé par M. Pierre-Yvon Trémel qui s'est interrogé sur la nature des points de contact financés par le fonds. M. Gérard Delfau a, quant à lui, regretté que cet amendement n'apporte pas de réponse précise au problème du financement du maillage territorial. M. Gérard César a ensuite souhaité savoir à quoi correspondait l'abattement de fiscalité locale, ce à quoi M. Pierre Hérisson a répondu qu'il était prévu par l'article 21 de la loi de 1990 et que le coût du réseau que ce fonds avait vocation à couvrir serait amoindri par le reprofilage en cours.

M. Charles Revet a souligné qu'il conviendrait d'aider les communes à assumer les agences postales communales, par exemple en majorant la dotation globale de fonctionnement qui leur était attribuée.

M. Pierre-Yvon Trémel a, par ailleurs, considéré que le maillage du territoire ne devrait pas être à la charge de La Poste, mais supporté par la solidarité nationale, et s'est interrogé sur la pérennité du fonds dans le contexte de la suppression prévue de la taxe professionnelle.

M. François Gerbaud a soutenu que les nouvelles compétences de la Cour des Comptes pourraient être opportunément utilisées pour le contrôle du fonds de péréquation.

M. Pierre Hérisson, rapporteur, a tenu à saluer la volonté du Président de La Poste de spécialiser une ligne budgétaire affectée au financement du réseau et a rappelé que les conventions passées entre les communes et La Poste permettraient une juste rémunération des communes, mettant en garde contre une rémunération trop élevée susceptible d'être assimilée à une subvention publique envers les services financiers. Enfin, s'agissant de la taxe professionnelle, il a considéré qu'il était impossible d'anticiper aujourd'hui sur sa réforme.

M. Daniel Dubois s'est interrogé sur la raison pour laquelle était encouragé le renforcement de la présence postale en zone urbaine, ce à quoi le rapporteur a répondu en soulignant l'insuffisance de cette présence.

M. Thierry Repentin a tenu à distinguer la dimension sociale de la présence de La Poste en zone urbaine sensible de la dimension d'aménagement du territoire de sa présence en zone rurale. Il s'est également interrogé sur les projections effectuées à partir du critère d'accessibilité proposé par l'Assemblée nationale, souhaitant savoir si 40 % des points de contact allaient effectivement disparaître en zone de montagne.

M. Bruno Retailleau a suggéré de contraindre La Poste à abonder durablement le fonds d'au moins 150 millions d'euros.

M. Daniel Soulage a souhaité savoir qui allait gérer le fonds et, si cette gestion était confiée à La Poste, comment il serait possible de l'alimenter avec des lignes extérieures au budget de La Poste.

M. Pierre Hérisson, rapporteur, a insisté sur l'importance de la consécration législative des commissions départementales de présence postale territoriale, au sein desquelles serait effectuée la répartition des ressources du fonds entre les divers points de contact, selon les caractéristiques départementales.

A l'article 1er ter (nouveau) (Commission départementale de présence postale territoriale), la commission a adopté un amendement tendant à préciser l'objet des commissions départementales de présence postale territoriale, le groupe communiste républicain et citoyen votant contre et le groupe socialiste s'abstenant.

A l'article 2 (Articles L. 5-2 et L. 5-5 du code des postes et communications électroniques), outre deux amendements rédactionnels et trois amendements de coordination, la commission a adopté :

- à l'article L. 5 du code des postes et communications électroniques, un amendement tendant à aligner le champ de consultation du régulateur postal sur celui du régulateur des communications électroniques ;

- à l'article L. 5-1 du code des postes et communications électroniques, un amendement suggérant de préciser que le refus de l'autorité est motivé avant d'énumérer les motifs susceptibles d'être invoqués ;

- à l'article L. 5-2 du code des postes et communications électroniques, un amendement proposant de rétablir le paragraphe 1° bis qui ouvre à l'autorité la faculté d'émettre des recommandations, un amendement systématisant la transmission au régulateur des conventions d'accès, un amendement, auquel s'est opposé le groupe socialiste, visant à donner au régulateur compétence pour fixer les « caractéristiques » de l'encadrement pluriannuel, et un amendement tendant à faire réaliser l'audit de la comptabilité analytique du prestataire du service universel, au regard des règles qu'établira l'autorité de régulation, par un organisme indépendant ;

- à l'article L. 5-9 du code des postes et communications électroniques, un amendement tendant à donner une finalité précise au pouvoir d'enquête important dévolu au régulateur et au ministre et un amendement prévoyant une exception à l'interdiction d'accéder au domicile des intéressés ;

- à l'article L. 5-10 du code des postes et communications électroniques, un amendement exigeant un accès aux boites aux lettres des destinataires, dans des conditions identiques pour la distribution d'envois de correspondance par les opérateurs postaux.

A l'article 2 Bis C (Droit applicable au personnel de La Poste et modalités de sa représentation), la commission a adopté :

- un amendement permettant à La Poste de recruter librement des contractuels pour alléger sa gestion et mieux affronter la concurrence ;

- un amendement proposant de prévoir des négociations dans tous les domaines du champ social postal ;

- et un autre laissant toute sa place à l'expérimentation pour déterminer le niveau pertinent de négociation.

A l'article 3 (Communication des changements de domicile), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 4 (Dispositions pénales), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

A l'article 5 (Dispositions communes à la régulation des postes et télécommunications), la commission a adopté :

- un amendement supprimant du code certaines dispositions devenues obsolètes ou incongrues ;

- deux amendements visant à réécrire les articles L. 30 et L. 126 pour les rendre applicables à l'ensemble des prestataires postaux, les groupes socialiste, du rassemblement démocratique et social européen et communiste républicain et citoyen s'abstenant ;

- un amendement proposant de mieux tenir compte de l'extension du champ de régulation au domaine postal dans le rapport annuel de l'autorité, contre l'avis du groupe socialiste ;

- et un amendement précisant que le régulateur peut procéder à toute expertise et étude sur le secteur des communications électroniques et sur le secteur postal.

A l'article 5 bis (Article L. 36-1 du code des postes et communications électroniques - Modification du collège de l'autorité de régulation), la commission a voté un amendement rédactionnel.

A l'article 7 (Rapport du Gouvernement sur l'équilibre et le financement du service universel postal), après des interventions de MM. Pierre-Yvon Trémel et Gérard Delfau, la commission a voté un amendement proposant de demander au Gouvernement un rapport sur le fonds de service universel dans les dix-huit mois après la promulgation de la loi et proposant de revenir à la rédaction initiale du projet de loi, le groupe socialiste s'étant abstenu et le groupe du rassemblement démocratique et social européen ayant fait part de son opposition.

M. Gérard Delfau a insisté sur l'importance qu'il y aurait à ce que le Sénat décide de la création du fonds de compensation, le rapport n'étant consacré qu'à l'étude du financement du fonds, craignant, sinon, que les opérateurs privés n'entrent sur les segments les plus rentables du marché.

M. Pierre-Yvon Trémel a également dénoncé l'imprécision dont souffraient les conditions de création de ce fonds de compensation.

A l'article 8 (Missions de La Poste et statut de sa filiale financière), la commission a adopté un amendement tendant à encadrer la possibilité de mettre à disposition de l'établissement de crédit postal des fonctionnaires, les groupes socialiste, du rassemblement démocratique et social européen et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

A l'article 11 (Article L. 7 du code des postes et communications électroniques - Suppression du régime d'irresponsabilité de La Poste), la commission a voté un amendement soumettant La Poste et les opérateurs postaux au droit commun de la responsabilité pour les pertes et avaries prévoyant de ne faire jouer la responsabilité des prestataires postaux que lorsque le prestataire s'est engagé sur la date de distribution. Les groupes socialiste, du rassemblement démocratique et social européen et communiste républicain et citoyen se sont abstenus.

A l'article 13 bis (nouveau) (Seuils pour le transport de fonds et de bijoux), la commission a voté un amendement prévoyant un libre transport de fonds lorsque leur montant est inférieur à celui représentant la limite au-delà de laquelle tout règlement effectué par un particulier non commerçant ne peut plus se faire en espèces.

A l'article 13 ter (Taxe écologique sur les imprimés), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 17 (Clarification du régime du cahier des charges de La Poste), la commission a voté un amendement visant à mener à terme l'entreprise de clarification juridique initiée par cet article, les groupes socialiste, du rassemblement démocratique et social européen et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

A l'article 18 (Encouragement à la négociation d'une convention collective), les mêmes groupes s'abstenant, la commission a adopté un amendement proposant de demander à La Poste de prendre l'initiative de réunir la commission paritaire chargée d'établir cette convention collective.

A l'article 20 (Coordination), la commission a adopté, outre un amendement de coordination, deux amendements de codification et un amendement prévoyant que la substitution du livre IV au livre III du code ne sera effectuée qu'après la création de l'établissement de crédit postal.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi sur la régulation des activités postales ainsi amendé, à la majorité de ses membres.

Audition de M. François Bordry, président de Voies navigables de France

La commission a procédé à l'audition de M. François Bordry, président de Voies navigables de France (VNF).

M. François Bordry a d'abord indiqué que le transport fluvial avait enregistré, en 2004, une progression de 6,2 % en tonnes/kilomètres, soit + 29 % depuis 1997. Il a également précisé que le transport fluvial de charbon avait augmenté de 15,5 %, celui des produits métallurgiques de 12,6 % et celui des matériaux de construction de 6,2 %. De même, le transport fluvial de produits chimiques a progressé de 18,8 % en 2004, soit une augmentation de 97 % depuis 1997.

Le transport fluvial par conteneurs a, pour sa part, enregistré une hausse de 29,9 % en 2004, soit une progression globale de 96,7 % depuis 1997. Par bassin, l'augmentation du trafic de conteneurs a atteint :

- 882,3 % sur le bassin du Rhône ;

- 310,3 % sur le bassin du Nord ;

- 397,8 % sur le bassin de la Seine ;

- 153,5 % sur le bassin du Rhin.

Évoquant les performances du transport fluvial, M. François Bordry a rappelé qu'un « convoi-poussé » de 4.000 tonnes toutes les 30 minutes sur la Seine ou le Rhône représentait un camion toutes les 18 secondes. Il a ensuite mis l'accent sur les atouts de la voie d'eau en ce qui concerne notamment la desserte et la traversée des agglomérations, en rappelant qu'elle disposait encore de fortes réserves de capacités. Ainsi le trafic peut-il être encore multiplié par 4 ou 5 sur la Seine ou par 8 ou 9 sur le Rhône.

Puis M. François Bordry a indiqué que l'Europe disposait d'un réseau fluvial de 38.000 kilomètres desservant la plupart des grandes aires urbaines. S'agissant de la France, il a mis l'accent sur l'intérêt de la liaison Seine-Nord Europe reliant Paris et le bassin de la Seine aux principaux centres urbains de l'Europe du Nord.

Ce projet, a-t-il rappelé, consiste dans la réalisation d'un canal neuf sur 105 kilomètres entre Compiègne et Valenciennes. Il a rappelé que depuis le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du mois de décembre 2003, cette réalisation, figurant parmi les trente projets du réseau transeuropéen de transport, constitue un « grand projet », dont le financement relèvera de la nouvelle agence de financement des infrastructures de transport (AFIT).

M. François Bordry a indiqué que le coût des études avait été évalué à 35,6 millions d'euros (l'Europe assurant 40 % de ce financement), l'Etat et les régions se partageant les 60 % restants. Le coût du projet lui-même pourrait s'établir à 2,6 milliards d'euros.

Il a rappelé qu'une large concertation avait précédé le choix du fuseau de tracés et que la commission nationale du débat public suivait avec attention les différentes consultations en cours. Il a ensuite exprimé le souhait que toutes les régions inscrivent dans leur budget les crédits permettant d'honorer leur intérêt pour la liaison, en rappelant que les présidents des régions concernées (Ile-de-France, Picardie, Nord-Pas-de-Calais) avaient, en 2003, insisté auprès du Premier ministre sur l'importance que le projet revêtait à leurs yeux.

M. François Bordry a encore déclaré que le financement du projet s'inscrira dans un partenariat public-privé, le secteur privé étant sans doute en mesure de prendre en charge entre 20 et 30 % du coût du projet.

Il a indiqué que la déclaration d'utilité publique sur ce projet devrait intervenir avant la fin de l'année 2007, que dès 2008 pourraient commencer les achats de terrains, les travaux de terrassement et les premiers chantiers lourds et que l'ouverture de la liaison pourrait être envisagée en 2012.

Le président de VNF a regretté l'insuffisante implication des ports maritimes dans la politique de desserte fluviale. Il a estimé que celle-ci était manifestement sous-utilisée, en soulignant par exemple qu'elle ne représentait que 6 % des dessertes du port du Havre contre près de 50 % à Anvers et à Rotterdam. Il a rappelé qu'il y a encore trois ou quatre ans, Rotterdam était le port le plus important pour la desserte de la région Rhône-Alpes.

Il n'en a pas moins souligné les enjeux majeurs du projet « Havre-Port 2000 », en mettant l'accent sur la nécessité absolue d'être attentif à la bonne desserte, notamment fluviale, de ce site, dès cette année, et à la nécessité de réaliser dans les meilleurs délais, conformément aux décisions du CIADT de 2003, une écluse fluviale, qui n'avait pas été prévue dans le projet d'origine.

M. François Bordry a encore déclaré que Voies navigables de France avait signé, en novembre 2004, avec l'État, un contrat d'objectifs et de moyens qui, pour la période 2005-2008, affirme les priorités de l'Etat en termes de sécurité du réseau et de développement du transport fluvial de marchandises, et garantit à l'établissement public les moyens lui permettant de les mettre en oeuvre. Il débouchera notamment, au mois d'avril 2005, sur un schéma directeur d'exploitation des voies navigables. Il convient, a-t-il précisé, de distinguer le « réseau magistral » de marchandises dont VNF est chargé en priorité et le « réseau touristique » en voie de décentralisation.

S'agissant du premier réseau, il a évoqué un programme de reconstruction des 144 barrages manuels, ainsi que l'élaboration de projets d'itinéraires apportant toutes les garanties aux opérateurs fluviaux.

S'agissant du second, il a rappelé que la décentralisation en cours reposait sur le volontariat des régions et était susceptible d'être précédé d'une expérimentation de six ans au maximum.

M. François Bordry a jugé, à ce propos, que le cadre législatif relatif à la décentralisation des voies fluviales mériterait d'être mieux adapté aux spécificités fluviales.

En conclusion, le président de VNF a estimé que le mode fluvial progressait très rapidement en tirant parti des nouvelles technologies permettant notamment une bonne « traçabilité » des transports. Il s'est déclaré dans l'ensemble très satisfait de la manière dont le « maillon fluvial » s'insérait dans la logistique globale en France.

M. Francis Grignon s'est demandé, tout d'abord, s'il était indispensable de privilégier le grand gabarit dans les projets en cours et si les préoccupations environnementales ne tendaient pas à condamner les projets fluviaux sur les rivières existantes.

M. Charles Revet a vivement regretté que les problèmes de desserte ne soient pas mieux pris en compte dans le projet « Havre-Port 2000 ». Il a ensuite estimé que le projet, dont il a regretté l'abandon, de liaison fluviale Seine-Est aurait représenté une chance pour les ports maritimes français (et notamment celui du Havre), tandis que la réalisation du projet Seine-Nord Europe risquait d'aboutir à un détournement de trafic en direction de l'Europe du Nord.

M. Charles Revet s'est demandé, enfin, si les nouvelles liaisons fluviales ne pourraient pas faire l'objet d'un financement par des péages qui s'ajouteraient au financement européen.

M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis du budget des routes et des voies navigables, a estimé qu'à l'heure où la SNCF tend à reconsidérer drastiquement son activité « fret », le moment était venu de relancer la voie d'eau par une politique tendant à mettre nos réseaux fluviaux au gabarit européen. Il a ensuite souhaité obtenir des précisions sur les conditions du partenariat public-privé évoqué par le président de VNF.

Après s'être interrogé sur l'application des « volets fluviaux » des contrats de plan Etat-régions, M. Georges Gruillot a jugé que le développement du transport fluvio-maritime pourrait susciter une dynamique mutuellement profitable au transport maritime et au transport fluvial.

M. René Beaumont s'est félicité de la politique conduite, depuis 1991, par l' « outil très moderne » que représente VNF. Il a ensuite souligné que les partisans de la voie d'eau devaient agir dans l'union. Il a jugé qu'après la réalisation du projet Seine-Nord Europe il conviendra de se préoccuper de la liaison Seine-Moselle-Saône-Rhône, sans oublier le barreau alsacien de Port-sur-Saône jusqu'à Montbéliard. Il a ensuite estimé qu'il importait de prendre désormais en compte le « gabarit européen », avant de s'étonner de l'utilisation exclusive de la route par les « convois exceptionnels ».

M. René Beaumont a encore insisté sur la nécessité d'appliquer le droit fluvial lorsqu'un navire fluvio-maritime emprunte une voie fluviale.

M. Marcel Deneux s'est félicité du regain d'activité de la voie d'eau. Il a néanmoins jugé que l'opinion publique devrait être mieux informée des atouts et des avantages de ce mode de transport, en jugeant notamment nécessaire un effort en direction des écoles d'ingénieurs. Il s'est enfin interrogé sur la situation française par rapport aux nouvelles technologies fluviales.

En réponse aux orateurs, M. François Bordry a notamment apporté les précisions suivantes :

- Voies navigables de France se porte garant de la bonne application du « volet Etat » des contrats de plan Etat-régions sur le « réseau magistral » de marchandises, mais les investissements « touristiques » sur le réseau décentralisé relèvent désormais des collectivités territoriales ;

- un canal ou un ouvrage fluvial neuf doit être réalisé au gabarit moderne pour ne pas réitérer l'erreur du canal du Nord, ouvert en 1960 sur un modèle d'avant 1914, et devenu obsolète le jour même de son inauguration... Les normes retenues doivent correspondre à la pratique constatée des transports fluviaux en Europe même si, sur le reste du réseau, d'autres adaptations restent encore nécessaires ;

- le projet Seine-Nord Europe sera aussi un puissant vecteur d'échanges avec l'Allemagne et l'est de l'Europe via l'Escaut et le Rhin ; par ailleurs, il importe de rappeler que le tracé du projet Seine-Est était deux fois plus long, pour un coût plus de deux fois supérieur que Seine-Nord Europe et cela pour gagner 20 heures ;

- il n'y a aucune raison pour que des projets fluviaux adaptés ne puissent plus être réalisés dans les rivières existantes, même si des précautions doivent être prises du fait de la fragilité des milieux humides. L'Allemagne, notamment, a relevé brillamment ce défi avec la Vallée de la Sarre ;

- la réalisation éventuelle d'une liaison Saône-Moselle ou d'autres liaisons ne sera envisageable qu'après l'achèvement du projet Seine-Nord Europe, ce qui permettra notamment de tirer les enseignements de l'expérience ;

- il est en effet regrettable que les convois exceptionnels utilisent exclusivement la voie routière ; on peut noter qu'aux Pays-Bas, ce recours est conditionné par l'impossibilité prouvée d'utiliser un autre mode de transport (voie d'eau ou rail) ;

- une nouvelle politique de communication pourrait, en effet, amener les opinions publiques à mieux prendre conscience des avantages de la voie d'eau ;

- le partenariat public-privé, pour le financement du projet Seine-Nord Europe, a d'ores et déjà suscité des marques d'intérêt de la part de la Caisse des dépôts et consignations, du secteur du bâtiment et des travaux publics, ainsi que d'un certain nombre d'établissements bancaires. Naturellement, le moment venu, le projet fera appel à la concurrence. Il convient de rappeler que le financement des études du projet est actuellement assuré de la manière suivante : 40 % en provenance de l'Europe, 30 % en provenance des trois régions concernées et 30 % en provenance de l'Etat.

La mise en place d'emprunts à 50 ans et les modifications proposées pour les taux d'actualisation permettent d'évaluer et de planifier les projets, leur exploitation et leur financement sur des durées plus adaptées.

M. Jean-Paul Émorine,président, a rappelé le grand intérêt de la commission pour le développement du transport fluvial. Il a souligné qu'elle soutiendrait résolument tous les projets qui iront dans ce sens, et notamment ceux dont Voies navigables de France a la charge. Il a mis l'accent, encore, sur la nécessité de défendre d'une seule voix des projets bien identifiés.

Résolutions européennes - Services dans le marché intérieur - Communication et nomination d'un rapporteur

M. Jean-Paul Emorine, président, a informé la commission qu'une proposition de résolution n° 209 (2004-2005) relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (dite directive « Bolkestein ») avait été déposée par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Il a en conséquence proposé que le mandat donné à M. Jean Bizet pour rapporter les propositions de résolution déjà déposées sur la directive « Bolkestein » soit étendu à cette nouvelle proposition.

La commission en a ainsi décidé et M. Jean Paul Emorine, président, a rappelé que le rapport présenté par M. Jean Bizet à ce sujet serait soumis à la commission le mercredi 29 mars au matin et que, sous réserve des décisions de la conférence des présidents prévue le 8 mars, les conclusions de la commission sur ce rapport pourraient être discutées en séance le mardi 15 mars au matin.