MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE D'EXAMINER L'ENSEMBLE DES QUESTIONS LIEES A LA MAREE NOIRE PROVOQUEE PAR LE NAUFRAGE DU NAVIRE ERIKA

Table des matières


Mercredi 22 mars 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente -

Audition de M. Pierre Bonassies, professeur honoraire de droit maritime à l'université d'Aix-en-Provence

La mission d'information a procédé à l'audition de M. Pierre Bonassies, professeur honoraire de droit maritime à l'université d'Aix-en-Provence.

Le professeur Bonassies a présenté devant la mission d'information un exposé sur les problèmes de sécurité maritime et de réparation en cas de pollution.

S'agissant de la sécurité maritime, il a tout d'abord rappelé la réglementation internationale en vigueur et les problèmes soulevés par son application ; puis il a abordé le problème de la réparation des dommages causés à l'environnement par la pollution ; il a conclu son exposé en notant que s'il était souhaitable que cette réglementation soit élaborée au niveau international, la France était toutefois en droit de pourvoir à sa propre défense contre la pollution, en cas de défaillance du droit international, et que les normes, aux Etats-Unis, étaient plus sévères, en ce domaine, que les nôtres.

Il a estimé que des solutions étaient possibles : tout d'abord l'élévation des plafonds de responsabilité, non modifiés depuis 1984, aussi bien pour les propriétaires de navires que pour le FIPOL (Fonds d'indemnisation des pollutions maritimes par les hydrocarbures), ce que la France était tout à fait en droit de demander, soit au niveau européen, soit au niveau international.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a successivement interrogé le professeur Bonassies sur les problèmes juridiques liés au partage de la responsabilité entre le propriétaire, l'armateur et l'affréteur, sur les contrôles effectués par l'Etat du port et sur la couverture par les clubs d'assurance. Il a par ailleurs abordé les difficultés de l'activité des sociétés de classification, pour la validité des certificats qu'elles délivrent. Enfin, il a remarqué qu'il y avait peu de jurisprudence en matière de responsabilité maritime internationale, car les affaires se résolvaient, en général, par transaction.

M. Philippe Darniche a interrogé M. Pierre Bonassies sur la possibilité, pour la France, de faire cavalier seul et, en particulier, d'empêcher des navires trop anciens de croiser dans les eaux françaises.

M. Josselin de Rohan a constaté que, si la législation américaine était la meilleure, les Etats-Unis étant la première puissance mondiale, il serait sans doute difficile à l'Europe de se hisser au même niveau. De plus, des règles nationales trop strictes aboutiraient à des détournements de trafic au bénéfice d'autres ports européens. Il a conclu en soulignant que le problème des pavillons de complaisance était largement un faux problème, dans la mesure où certains d'entre eux couvraient des bâtiments de même qualité que ceux des puissances maritimes " classiques ".

Pour sa part, M. Henri Le Breton a estimé que, si la compagnie Total avait promis des aides, les sommes distribuées pour le moment représentaient trop peu.

A la suite de ces interventions, le professeur Bonassies a apporté les précisions suivantes :

- il serait possible, dans un premier temps, de réévaluer les plafonds de responsabilité, et du propriétaire du navire, et du FIPOL, pour tenir compte des réalités économiques d'aujourd'hui ;

- il serait également possible de contrôler plus systématiquement les navires pour éviter que certains, notamment anciens, puissent séjourner dans plusieurs ports d'un même pays, sans être jamais contrôlés ;

- les certificats délivrés par les sociétés de classification permettent aux compagnies d'assurer leur navire sans que les sociétés d'assurance aient à refaire les mêmes vérifications techniques ;

- s'agissant de la réglementation des contentieux, les conventions donnaient la définition des " dommages par pollution ", qui devaient être des dommages directs ou représenter un manque à gagner certain ; au fil du temps, les conventions avaient cependant réduit le champ des dommages ;

- on ne peut effectivement aller trop loin en édictant une réglementation purement nationale, sans risquer de contrevenir aux règles communautaires.