MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE D'EXAMINER L'ENSEMBLE DES QUESTIONS LIEES A LA MAREE NOIRE PROVOQUEE PAR LE NAUFRAGE DU NAVIRE ERIKA

Table des matières


Mardi 13 juin 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente -

Audition de M. Philippe Boennec, maire de Pornic

La mission d'information a tout d'abord entendu M. Philippe Boennec, maire de Pornic.

M. Philippe Boennec a rappelé les faits, tels qu'ils se sont produits dans sa commune. Il a précisé, devant la mission, le bilan des opérations de nettoyage et, notamment, la mise en place et les déficiences du plan Polmar-terre. Il a également détaillé le processus d'indemnisation, en soulignant qu'un certain nombre de dépenses n'avaient pas été jugées " raisonnables " par le FIPOL.

A la demande de M. Charles-Henri de Cossé-Brissac, M. Philippe Boennec a expliqué que les personnels recrutés avaient obtenu des contrats à durée déterminée (CDD), et avaient été pris en charge par le plan Polmar, ce qui n'était pas le cas pour le personnel communal.

M. Jacques Oudin a estimé que cette procédure n'était pas bonne, et que les communes auraient finalement eu intérêt à engager du personnel extérieur, plutôt qu'à faire travailler leur propre personnel communal.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a émis la suggestion que ce soit l'Etat qui rembourse les frais fixes aux communes, quitte, ensuite, à produire au FIPOL.

M. Philippe Boennec a estimé que la société Total avait été inexistante dans les communes sinistrées, et qu'elle ne s'était pas montrée une " entreprise citoyenne ". Aussi bien a-t-il brossé le bilan des actions judiciaires engagées par un certain nombre de communes, dont la sienne, contre la société Total. Il a conclu en soulignant le côté improvisé des opérations et en se félicitant de l'aide importante accordée, tant par le département que par la région.

Au cours du débat qui a suivi, M. Henri de Richemont, rapporteur, a fait remarquer que si, d'aventure, un tribunal français déclarait la loi de 1975 sur les déchets applicable au cas de l'Erika, cela aurait pour conséquence de mettre à bas tout l'édifice de la convention de 1992.

A la demande de M. Guy Lemaire, M. Henri de Richemont a précisé les termes de cette alternative.

MM. Luc Dejoie et Jacques Oudin ont estimé que si la convention permettait d'obtenir un minimum de résultats, cela était notamment insuffisant, eu égard à l'ampleur des dégâts.

Pour sa part, M. François Trucy a fait remarquer que le recours aux militaires trouvait désormais ses limites, puisque le format des forces françaises avait été très diminué, et que nous étions en train de supprimer l'appel au service national.

Enfin, à la demande de M. Henri de Richemont, rapporteur, M. Philippe Boennec a précisé les dommages à l'environnement et a estimé que la prochaine saison touristique entraînerait de grandes difficultés pour l'économie locale.

Audition de M. Pierre Lefebvre, expert maritime

Puis la mission d'information a entendu M. Pierre Lefebvre, expert maritime.

M. Pierre Lefebvre a tout d'abord indiqué qu'il ne fallait pas tirer d'enseignements hâtifs du naufrage de l'Erika. Après l'accident du pétrolier Exxon Valdez en Alaska, les Etats-Unis ont rapidement pris des mesures à l'efficacité douteuse en longue période. Ainsi, après une décennie, les navires à double coque présentent-ils des symptômes de corrosion des structures.

M. Pierre Lefebvre a souhaité la création d'un corps de coast guards européens, doté de moyens suffisants, dans le but de constituer une unité de décision.

Il a regretté le manque d'investissement en moyens maritimes anti-pollution, les accidents étant toujours possibles, notamment pour cause de défaillance humaine.

Mme Anne Heinis, présidente, a interrogé M. Pierre Lefebvre sur l'état de l'Erika.

M. Pierre Lefebvre a répondu que ce pétrolier était, compte tenu de son ancienneté, dans un état moyen et que l'équipage, composé de marins indiens, était de bonne valeur. Il a ajouté que le naufrage était le résultat d'une accumulation de circonstances.

M. Pierre Lefebvre a noté que le " vetting ", effectué par les affréteurs pétroliers, était un contrôle sur les seules superstructures d'un navire, et non pas sur les structures elles-mêmes du bâtiment. Les bateaux transportant des produits " noirs " souffrent énormément, car, chargés et déchargés très fréquemment, ils échappent aux inspections.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a souhaité connaître les solutions préconisées par M. Pierre Lefebvre.

M. Pierre Lefebvre a indiqué que, seules, les sociétés de classification effectuent des inspections de structure des navires, et que ces contrôles devraient être plus rigoureux. Il a préconisé un ciblage de ces contrôles sur les pétroliers de plus de 15 ans, avec une visite complète tous les 24 mois, et une inspection des ballasts tous les ans.

Audition du commandant Georges Figuière, capitaine au long cours

Enfin, la mission a entendu le commandant Georges Figuière, capitaine au long cours.

Le commandant Georges Figuière a décrit le code international de sécurité, dit " code ISM ", applicable dès aujourd'hui aux pétroliers chimiques et aux navires à passagers, et étendu, à compter de l'année 2002, à l'ensemble des navires marchands. Il a estimé que le grand mérite de ce code ISM consistait en une normalisation des règles de sécurité.

Il a expliqué le déroulement des différentes inspections auxquelles étaient soumis les navires et il a enfin rappelé le déroulement du naufrage de l'Erika, en détaillant les différentes phases de la chronologie. Il a estimé que, dans la journée du 11 décembre, après que le commandant de l'Erika eut réussi à redresser son navire, un faux sentiment de sécurité s'était installé, qui était peut-être l'une des causes du naufrage.

En réponse à M. Charles-Henri de Cossé Brissac, qui l'avait interrogé sur l'attitude du port de Donges, le commandant Georges Figuière a déclaré qu'il était courant que les ports refusent des navires dangereux, ce qui posait naturellement un problème, puisque le préfet maritime n'avait pas autorité sur les ports civils.

En réponse à M. Henri de Richemont, rapporteur, et à M. Charles-Henri de Cossé-Brissac, le commandant Figuière s'est déclaré favorable à ce que, lorsque les navires marchands se signalent au CROSS, ils donnent plus de détails sur leur cargaison. Il a enfin rendu hommage au professionnalisme des marins et de l'équipage de l'Abeille-Flandres, ainsi qu'au sang-froid qu'avaient conservé, tout au long des événements, les personnels de l'Erika.

En réponse à M. Henri de Richemont, rapporteur, qui l'avait interrogé sur le renouvellement des contrats des remorqueurs d'assistance, le commandant Georges Figuière a exprimé sa tristesse que l'on songe à faire des appels d'offre européens pour de tels contrats.

M. Henri de Richemont a interrogé l'intervenant sur la possibilité, au cours de la nuit précédent le naufrage, d'engager des actions susceptibles de sauver l'Erika.

Pour le commandant Georges Figuière, en tout état de cause, la Marine n'aurait absolument rien pu faire au cours de cette dernière nuit.

Mercredi 14 juin 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente -

Audition de M. André Ricolleau, maire de Saint-Jean-de-Monts

La mission d'information a entendu M. André Ricolleau, maire de Saint-Jean-de-Monts.

M. André Ricolleau a tout d'abord souligné que les côtes de Vendée avaient été moins touchées que celles de Bretagne et que celles de Loire-Atlantique. Les côtes sablonneuses ont été nettoyées plus rapidement, et plus facilement, que les côtes rocheuses.

M. André Ricolleau a indiqué que les premières galettes de pétrole provenant de l'Erika étaient arrivées sur les plages de Saint-Jean-de-Monts au 27 décembre. Il a ajouté que, depuis le 5 janvier, il ne se produisait plus d'arrivées de galettes de fioul sur le littoral de sa commune. Il est néanmoins effectué quotidiennement une surveillance et, le cas échéant, un nettoyage des plages.

Mme Anne Heinis, présidente, a demandé à M. André Ricolleau s'il avait eu connaissance, avant le naufrage de l'Erika, de l'existence du plan Polmar-terre.

M. André Ricolleau a répondu par l'affirmative en précisant qu'un exercice de ce plan avait eu lieu, en Vendée, à l'automne de 1999. Il a ajouté que le plan Polmar-terre avait très bien fonctionné pendant la catastrophe.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a questionné M. André Ricolleau sur la nature et sur l'étendue des préjudices subis par la commune.

M. André Ricolleau a indiqué que la gestion des bénévoles avait entraîné des dépenses. Les services techniques de Saint-Jean-de-Monts ont aussi été très sollicités, bien sûr. Le personnel en congé a été rappelé, et les travaux habituels n'ont pu être réalisés sur ces périodes.

M. André Ricolleau a noté que le matériel engagé avait été remboursé par le plan Polmar-terre et qu'un dossier d'indemnisation avait été déposé auprès du FIPOL.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé M. André Ricolleau sur les perspectives de la saison touristique.

M. André Ricolleau a souligné que le nombre des réservations, pour l'été 2000, connaissait une baisse de 30 à 40 % par rapport à la période correspondante de 1994. Des actions de communication ont été entreprises pour faire savoir que les plages sont propres.

M. André Ricolleau a estimé que le secteur de la location de meublés, ainsi que celui des petites entreprises périphériques, seraient certainement très affectés. Il a indiqué qu'il fallait néanmoins attendre le bilan précis du mois de septembre 2000 pour évaluer le préjudice global.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a demandé à M. André Ricolleau son sentiment général sur la gestion du naufrage de l'Erika.

M. André Ricolleau a estimé que les pouvoirs publics avaient bien fonctionné, mais il s'est interrogé sur l'attitude du FIPOL. Il a ajouté que sa commune avait entamé une procédure contre la société Total sur le fondement de la législation nationale sur l'élimination des déchets. Le rapporteur a alors souligné les risques d'une éventuelle requalification, par les tribunaux, du produit transporté par l'Erika, emportant exclusion des indemnisations du FIPOL.

Audition de M. Jean-Michel Belz, maire de Quiberon

Puis la mission d'information a entendu M. Jean-Michel Belz, maire de Quiberon.

M. Jean-Michel Belz
a évoqué le déroulement des événements liés au naufrage de l'Erika. Il a donné des détails sur la pollution dont avait souffert la côte et il a exposé les opérations de dépollution, en précisant que pendant les 15 premiers jours, sa commune avait été seule à agir, sans aucune aide extérieure. Il a constaté que si les plages sont propres superficiellement, elles ne le sont pas réellement, d'autant que de petites nappes continuent à arriver.

M. Josselin de Rohan a interrogé l'orateur pour savoir si, dans sa commune, avait été pris un arrêté d'interdiction d'accès aux plages, comme cela avait été préconisé par le préfet.

M. Jean-Michel Belz a répondu par la négative, car cela aurait inquiété inutilement, selon lui, la population, qui dispose, par ailleurs, de toutes informations nécessaires par plusieurs affichages en ville.

A la demande de M. Henri de Richemont, rapporteur, M. Jean-Michel Belz a estimé " catastrophique " la décision du ministre de la santé d'interdire de très nombreuses plages. Cela aurait des conséquences économiques très graves pour de nombreuses communes.

M. Jean-Michel Belz a ensuite évoqué le préjudice subi par sa commune et la manière dont elle était indemnisée.

M. Pierre Hérisson a remarqué que le nettoyage des côtes était de nature très différente, selon qu'il s'agissait de plages ou de côtes rocheuses, et que, par conséquent, le coût des opérations de nettoyage était très variable d'une commune à l'autre.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a fait préciser, par l'intervenant, la situation de l'économie du tourisme dans sa région, et les conséquences prévisibles pour l'été à venir.

Interrogé par le rapporteur sur le plan Polmar, M. Jean-Michel Belz a exposé qu'il n'avait jamais entendu parler du plan Polmar-Terre par les services officiels.

M. Josselin de Rohan a alors souligné l'impréparation et l'improvisation totales des autorités.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé l'intervenant sur les conséquences écologiques, et notamment sur la pêche.

M. Jean-Michel Belz a déclaré que le plan Polmar se terminait au 15 juin, et que les personnels civils et militaires seraient retirés des communes sinistrées.

Il a enfin estimé que les services de la Direction départementale de l'équipement, une fois mis en place, avaient été remarquablement efficaces, mais, qu'en revanche, il avait constaté d'évidentes insuffisances dans le domaine de la communication.