MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGÉE D'EXAMINER L'ENSEMBLE DES QUESTIONS LIÉES À LA MARÉE NOIRE PROVOQUÉE PAR LE NAUFRAGE DU NAVIRE ERIKA

Table des matières


Mardi 20 juin 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente.

Audition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement

La mission d'information a entendu M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot
a tout d'abord insisté sur le fait que la sécurité maritime avait trop longtemps été négligée, et qu'il était nécessaire de travailler activement, auprès de l'Organisation maritime internationale (OMI) et de l'Union européenne, pour renforcer les règles relatives à la sécurité maritime. Il a rappelé qu'il avait engagé le plan de modernisation des affaires maritimes, du dispositif de surveillance et de contrôle, la professionnalisation des CROSS, la création de l'inspection du travail maritime.

M. Jean-Claude Gayssot a souligné que sur le plan de l'intervention en premier lieu, la catastrophe de l'Erika a montré que nos dispositifs de lutte contre la pollution méritaient d'être améliorés. Il a indiqué que le Comité interministériel de la Mer du 28 février dernier a engagé une réflexion pour de nouvelles propositions sur l'organisation de l'action de l'Etat en mer, qui devraient conduire à mieux identifier les chaînes de commandement, et à renforcer la coordination entre les différents intervenants.

Concernant le pompage de l'épave de l'Erika, M. Jean-Claude Gayssot a noté qu'il voulait accomplir cette mission, que le Premier ministre lui a confiée, avec une triple exigence : la sécurité pour les hommes et l'environnement, le traitement complet de l'épave, la rapidité d'engagement et de conduite de l'opération.

M. Jean-Claude Gayssot a souhaité, que par-delà l'organisation de l'intervention pour traiter les conséquences d'un événement maritime tel que celui de l'Erika, il importe d'accroître nos capacités à prévenir les risques maritimes en attribuant des moyens nécessaires aux structures dédiées à la surveillance et au contrôle, et en renforçant les ressources opérationnelles à mettre en oeuvre sur le terrain.

M. Jean-Claude Gayssot a indiqué que le Comité interministériel de la Mer du 28 février a prévu le doublement du nombre d'inspecteurs de la sécurité maritime en trois ans, le renforcement des CROSS, l'augmentation de 25 % du nombre des officiers de port dans les ports d'intérêt national, l'accélération de la remise en état de la signalisation maritime ainsi que le renforcement des moyens d'intervention par la mise en place d'un quatrième remorqueur en Manche, d'un nouvel hélicoptère Dauphin, par l'affrètement d'un navire spécialisé dans la pollution et par la mise en service d'un nouveau patrouilleur de surveillance.

M. Jean-Claude Gayssot a noté qu'il avait réuni le 10 février l'ensemble des opérateurs du secteur du transport maritime qui, après des débats de qualité, ont signé une charte dans laquelle ils se sont engagés, en leur nom propre, en faveur d'un renforcement de la sécurité des transports maritimes. Il a notamment été décidé : l'abandon de l'utilisation des navires à simple coque dès 2008, des contrôles plus approfondis et plus réguliers des structures des navires, l'utilisation de pavillons respectant les réglementations internationales.

M. Jean-Claude Gayssot a indiqué que le Gouvernement a fait des propositions auprès de nos partenaires européens, de l'OMI et du FIPOL pour faire évoluer la prévention, le contrôle, les sanctions et la responsabilité des opérateurs. Ces propositions, faites sous la forme de trois mémoranda transmis le 15 février 2000, sont guidées par trois priorités : prévenir, contrôler, responsabiliser. Il a souligné que, sur la base du mémorandum français, la Commission européenne a d'ores et déjà présenté ses propositions : assurer un contrôle plus étroit des sociétés de classification, renforcer les contrôles de l'Etat du port en améliorant le ciblage des navires à inspecter, accélérer le calendrier d'élimination des pétroliers à simple coque les plus anciens. La Commission a également proposé un dispositif de signalement et de suivi des navires dans les eaux communautaires, la fourniture obligatoire d'information dans la base de données EQUASIS.

M. Jean-Claude Gayssot a ajouté que, s'agissant des propositions faites à l'OMI, le Secrétaire Général vient de répondre favorablement pour une discussion en octobre 2000 concernant l'élimination des pétroliers à simple coque. Les propositions relatives au renforcement des inspections de coque des pétroliers en cale sèche et au signalement obligatoire des navires en Manche centrale ont été retenues et leur mise en application interviendra début 2001. Il a poursuivi sur la réforme du FIPOL. Un consensus s'est nettement dégagé pour augmenter à court terme le plafond de responsabilité dans le cadre des conventions existantes. Une évolution de plus long terme sur les modes de contribution et une nouvelle augmentation des plafonds ont été proposées par la France.

M. Jean-Claude Gayssot a conclu en indiquant qu'au cours du prochain Comité interministériel de la Mer, que le Premier ministre réunira à la fin du mois, ces questions seront à nouveau abordées pour poursuivre le renforcement de nos moyens d'intervention, renforcer l'organisation de l'Etat en cas d'événement en mer, améliorer la compétitivité du pavillon français.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé le ministre sur les solutions pour rendre le métier d'inspecteur plus attractif ainsi que sur la création d'une Agence maritime européenne.

Mme Anne Heinis, présidente, a regretté la perte pour la France d'un savoir-faire marin, cause en partie du manque d'experts qualifiés dans le domaine maritime.

M. Jean-Claude Gayssot a souligné qu'il a enrayé la baisse des effectifs des inspecteurs et inversé cette tendance en attribuant davantage de moyens. Une formation ad hoc a été mise en place à Nantes pour les jeunes. Il s'est montré favorable à la création d'une Agence maritime européenne avec le souci d'une meilleure coordination du contrôle par l'Etat du port.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a évoqué la disparité des moyens de lutte anti-pollution en Europe. Il a également désiré connaître la position du ministre sur les navires à double coque.

M. Jean-Claude Gayssot a souhaité, en matière de lutte anti-pollution, un renforcement de la coopération européenne pour plus d'efficacité. Il a ensuite indiqué que le débat entre les spécialistes concernant les navires à double coque ou à pont intermédiaire n'était pas tranché et a rappelé l'échéance de 2008 pour l'abandon des navires à simple coque.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a regretté le manque de compétitivité du pavillon français et interrogé le ministre sur les dispositions européennes incitatives concernant entre autres la taxation au tonneau.

M. Jean-Claude Gayssot a indiqué que le prochain Comité interministériel de la Mer aborderait la question de l'amélioration de la compétitivité du pavillon français.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a rendu hommage à l'équipage du remorqueur Abeille-Flandre et s'est inquiété des conséquences du recours à un appel d'offres européen pour le renouvellement du marché d'affrètement des remorqueurs d'intervention.

M. Jean-Claude Gayssot s'est associé à l'hommage rendu par le rapporteur. Il a ensuite souligné qu'il avait souhaité que le cahier des charges de l'appel d'offres contienne des critères d'expérience, de qualification et de prise en compte des questions sociales.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a interrogé le ministre sur l'insuffisance de l'équipement des ports français en matière de stations de déballastage.

M. Jean-Claude Gayssot a noté que le problème du dégazage concerne tous les types de navires et que la surveillance devait être plus sérieuse dans ce domaine, notamment à l'aide du système de marquage des produits rejetés. Une directive européenne est en cours de discussion. Le prochain Comité interministériel de la Mer doit traiter cette question. Le ministre a souhaité que soit défini un programme d'investissement d'équipement en station de déballastage des ports français.

Examen des orientations du projet de rapport

Ensuite, sous la présidence de M. Louis Le Pensec, vice-président, la mission d'information a examiné les orientations du projet de rapport.

M. Henri de Richemont, rapporteur, en a présenté le plan.

Au cours du débat, sont intervenus MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, sur la responsabilité des ports en cas de refus d'accueillir des navires en difficulté, etLouis Le Pensec, vice-président, qui a demandé au rapporteur si le problème de Total et des navires transportant d'autres produits dangereux serait traité dans le rapport.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a affirmé qu'il était clair que ces points feraient l'objet de développements.

Dans ces conditions, M. Louis Le Pensec a déclaré que la mission prenait favorablement acte des orientations du rapport.

Mercredi 21 juin 2000

- Présidence de Mme Anne Heinis, présidente -

Audition de M. Olivier Moch, directeur général adjoint de Météo-France

La mission d'information a procédé à l'audition de M. Olivier Moch, directeur général adjoint de Météo-France.

M. Olivier Moch
a tout d'abord exposé le rôle et les missions de Météo-France. Il a notamment rappelé sa fonction de soutien à la Marine nationale.

A la demande de Mme Anne Heinis, présidente, il a expliqué les modalités de l'estimation de la dérive, en mer, des nappes. Il a ensuite exposé la vision de Météo-France sur le cas de l'Erika. Il a notamment souligné que les nappes issues de l'Erika, qui avaient été suivies au sud-est de Belle-Ile, à partir du 13 décembre, n'étaient pas celles qui avaient pollué les côtes du Finistère et du nord du Morbihan.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Guy Lemaire ont demandé d'où, dans ces conditions, était venue cette pollution.

Mme Anne Heinis, présidente, s'est demandée si l'Erika n'avait pas commencé à fuir avant le naufrage.

M. Olivier Moch a évoqué les diverses alternatives et a procédé à quelques simulations, en précisant qu'à l'heure actuelle, les simulations de fuite des deux parties de la coque ne pouvaient vraisemblablement pas avoir entraîné la pollution des côtes finistériennes et nord-morbihanaises avant le 25 décembre.

M. Henri de Richemont, rapporteur, a fait préciser un certain nombre de points et, en particulier, a demandé des explications plus détaillées sur les différentes nappes observées et sur leur dérive.

Après les explications de M. Olivier Moch, M. Henri de Richemont, rapporteur, a demandé quel était le retour possible d'expérience.

M. Olivier Moch a rappelé la manière dont Météo-France avait travaillé pour le CEDRE, et il a suggéré, qu'à l'avenir, Météo-France puisse seconder directement le préfet maritime dans le cas du plan Polmar. Il a estimé que l'on assistait actuellement à la naissance de l'océanographie opérationnelle, notamment avec le modèle MOTHY (Modélisation de transports d'hydrocarbures), tout en reconnaissant les incertitudes inhérentes à toute simulation.