SYNTHÈSE DES REPONSES APPORTEES AU  PREMIER QUESTIONNAIRE

DE LA MISSION D'INFORMATION

SUR LA PLACE ET LE RÔLE DES FEMMES DANS LA VIE PUBLIQUE


Paris, le 25 avril 1997

1 - Sur les causes de la faible place des femmes dans la vie publique

D'une façon générale, le faible nombre de femmes exerçant des responsabilités publiques est d'abord expliqué par des raisons culturelles, historiques et matérielles ; le refus délibéré des hommes de faire de la place aux femmes -et aux jeunes- n'est que peu invoqué sinon au titre du « machisme », comportement essentiellement d'ordre culturel qui tendrait à décrédibiliser les femmes en politique. Parmi les raisons culturelles et historiques citées figurent en bonne place l'état du droit, jugé « sexiste », car il confine les femmes dans leur rôle de mère (ex. : art. 374 du code civil), le taux de fécondité français, traditionnellement plus élevé que chez nos partenaires, et le taux d'activité féminine. De cela découle l'impossibilité matérielle d'ajouter une vie publique à la double vie familiale et professionnelle déjà assumée par les femmes. Ce manque de temps explique donc le faible engagement des femmes dans la vie publique au quotidien (mouvement associatif,...), qui lui-même conditionne l'engagement à tous les échelons de la vie publique. Par ailleurs, le fait que les femmes soient confinées dans certains métiers ne les prépare pas à prendre des responsabilités dans des domaines qu'elles ignorent, ni à acquérir la confiance en leurs capacités qui leur serait nécessaire. Une autre raison est également invoquée : les femmes refuseraient d'entrer dans un « jeu de dupes » où les vrais problèmes -ceux de la vie quotidienne notamment (énergie et pollution, transports, accouchements sous x...)- ne sont pas abordés, l'activité politique se désintéressant d'une réflexion globale sur la société.

2 - Sur la place à donner aux femmes dans la vie publique

Toutes les réponses reçues s'accordent pour donner plus de place aux femmes dans la vie publique, et plus généralement dans la société (sauf peut-être dans le « domaine social », car elles n'y ont été que trop confinées), ce qui n'exclut pas un certain doute sur la capacité de la société à se reformer volontairement. Pour certains il est urgent d'agir, sinon au bénéfice de la génération de femmes en activité, du moins pour ses filles. D'une façon générale, cette volonté d'augmenter la place et le rôle des femmes dans la vie publique trouve sa justification dans un souci d'égalité, y compris au sein de la famille : tout doit être partagé, des tâches ménagères et familiales aux plus hautes responsabilités, sans exception. La plus grande présence des femmes aux postes de responsabilité permettrait de répondre à leurs aspirations spécifiques, concernant notamment la vie quotidienne (avec par exemple la mise en place d'un système juridique et pénal plus juste), et de lutter contre les réticences des hommes. Les femmes dans la vie publique joueraient un rôle de modèle, ce qui favoriserait une démocratisation de la société et en réduiraient le caractère patriarcal.

3 - Les mesures proposées

Les mesures proposées concernent avant tout la société civile. Il y a d'abord des mesures juridiques : abrogation des derniers articles sexistes du code civil, revalorisation de la paternité, notamment en créant un congé de paternité dissocié du congé de maternité. Il y a ensuite des suggestions d'ordre générale pour que soit énoncée et banalisée l'égalité des droits. Concernant plus particulièrement les mesures visant à favoriser la prise de responsabilité, il est proposé de prévoir la possibilité de verser des indemnités (un internaute cite un arrêt du Conseil d'Etat censurant un conseil municipal qui versait des indemnités de « baby sitting » à ses conseillères), et d'une façon plus générale, d'adopter des mesures permettant de concilier la vie professionnelle et familiale avec une vie publique. On retrouve ici, mais sans propositions véritablement concrètes, des préoccupations liées au statut des élus. En revanche, les quotas, jugés contraires au principe d'égalité et insultants pour les femmes (considérées comme étant incapables de se défendre) sont presque unanimement rejetés, certains « correctifs » (sans précisions) étant parfois admis, mais avec réticence. Les quotas à tous les scrutins auraient aussi pour vertu de forcer les femmes à se présenter aux élections (« c'est en forgeant qu'on devient forgeron » dit une lettre du Royaume-Uni). Enfin, il existe un courant non-interventionniste, minoritaire, fondé sur la constatation que les femmes, disposant de la majorité, pourraient imposer leur présence dès lors qu'elles le souhaiteraient.


SUR LA CONSULTATION EFFECTUEE SUR INTERNET :

Certains correspondants se sont interrogés sur les limites de l'expérience de « démocratie directe » que constituerait cette consultation sur internet, et sur le fait que les réponses recueillies ne refléteront pas le sentiment de la majorité du pays. Il est effectivement difficile et peut-être aussi vain de se prononcer sur la portée d'une telle consultation : on peut seulement noter que pour l'instant, il n'y a pas de contradictions fondamentales avec les analyses et propositions des personnes auditionnées par la commission et que l'on considère comme des relais d'opinion. Quoi qu'il en soit, la consultation n'a nullement la prétention d'être une expérience de « démocratie directe », car elle ne débouche sur aucune prise de décision. En outre, il n'y a pas de différence de nature entre les méthodes de travail traditionnelles des missions et le recours à ce nouveau média. La démarche de la mission sénatoriale a consisté, comme c'est très généralement le cas, à procéder à de nombreuses auditions de personnes supposées, à un titre ou à un autre, avoir réfléchi à l'objet de ses travaux. Elle a aussi lancé, comme cela se fait relativement fréquemment, une consultation écrite auprès des élus locaux. Le questionnaire sur internet ne fait qu'étendre cette consultation à tous ceux qui s'intéressent à l'objet des travaux de la mission. Mais il ne s'agit ni d'une enquête, ni d'un sondage, encore moins d'un « mini-référendum », simplement, comme pour les auditions traditionnelles et le questionnaire adressé aux élus, d'une aide à la réflexion et à la formulation éventuelle de propositions. Qui sait si certaines propositions d'internautes ne retiendront pas l'attention du rapporteur et de la mission ? En tout état de cause, la mission est parfaitement consciente des limites de cette consultation électronique, d'autant que la boîte à lettres du secrétariat n'est pas encore saturée...