Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé : bulletin



OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES DE SANTÉ

Mardi 7 juin 2005

- Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président -

Désignation d'un membre de l'office

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a tout d'abord souhaité la bienvenue aux deux nouveaux membres du conseil d'experts, MM. Pascal Astagneau et Philippe Clery-Melin, en les remerciant, comme l'ensemble des membres du conseil d'experts, d'avoir bien voulu apporter leurs compétences pour assister l'OPEPS dans ses réflexions et contribuer ainsi à l'amélioration du travail parlementaire et à l'élaboration des politiques de santé publique en France. Il convient à cet égard de rappeler que l'office est né de la volonté des députés et des sénateurs de voir leurs choix éclairés par des experts, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Sur proposition du président Jean-Michel Dubernard, député, l'office a nommé membre de l'OPEPS, en remplacement de M. Pierre Morange, député, démissionnaire, Mme Maryvonne Briot, députée et présidente du groupe d'études sur l'hospitalisation psychiatrique, dont les compétences et l'expérience sont largement reconnues dans le domaine de la santé mentale.

Santé publique - Infections nosocomiales - Présentation de l'étude

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a ensuite rappelé que lors de la réunion du mercredi 9 mars dernier, l'OPEPS a décidé, sous réserve d'en préciser ultérieurement le champ, de retenir les deux thèmes d'étude suivants : les infections nosocomiales, d'une part, et la nature et l'organisation des soins dans le domaine de la santé mentale, d'autre part. La première serait confiée au Sénat et la seconde à l'Assemblée nationale. Les propositions des nouveaux experts doivent ainsi permettre d'aider les membres de l'office à préciser le champ et la problématique de ces deux études.

M. Pascal Astagneau, membre du conseil d'experts, a tout d'abord remercié les membres de l'OPEPS d'avoir bien voulu lui donner la possibilité de participer à leurs travaux, en précisant qu'il collabore depuis quinze ans à la mise en place des systèmes de lutte contre les infections nosocomiales, dans le cadre notamment de ses responsabilités à l'Hôpital de la Salpêtrière et au C-CLIN de la région Paris-Nord.

Plusieurs questions se posent aujourd'hui au sujet des infections nosocomiales, qui suscitent la peur tant des professionnels de santé, en raison d'une judiciarisation croissante de la société, que de l'ensemble de la société, qui les considère souvent comme une sorte de « nouvelle peste » du XXIe siècle. Il existe donc un devoir d'information vis-à-vis des professionnels et surtout des usagers du système de soins. Beaucoup de données issues d'enquêtes ou de réseaux de surveillance sont disponibles mais la communication à destination du grand public est trop souvent exclusivement négative, comme en témoigne le dernier numéro de l'hebdomadaire Le Point, qui publie une liste noire des hôpitaux. Le véritable enjeu est donc d'essayer de mieux communiquer sur le sujet.

Un premier sujet de réflexion pourrait porter sur la définition même des infections nosocomiales, sur laquelle s'interrogent les experts. Stricto sensu, une infection nosocomiale est une infection acquise à l'hôpital et plus précisément dans les murs d'un établissement de santé. Or aujourd'hui on note un élargissement du champ de la réflexion aux infections acquises en dehors de l'hôpital, par exemple lors de la prise en charge de patients dans des hôpitaux de jour, lors d'une hospitalisation à domicile ou de consultations ambulatoires, à la suite, par exemple, de la pose d'un cathéter ou d'une petite chirurgie dermatologique. Ce premier champ de réflexion, qui n'est pas pris en compte par la définition classique des infections nosocomiales, est encore assez mal connu et peu évalué.

Se pose également le problème des événements iatrogènes, dont la définition renvoie aux conséquences d'un traitement ou d'un acte de soins, mais de nombreuses infections, telles que la légionellose, ne sont pas la conséquence d'un soin mais de la simple présence du patient au sein de l'établissement. Ce phénomène doit pourtant également être pris en compte. Le champ de la définition des infections nosocomiales est donc complexe. L'enjeu est d'obtenir une définition fonctionnelle, qui permette d'engager des actions efficaces pour mieux prévenir les infections nosocomiales et, d'une façon générale, d'améliorer la qualité des soins. Il serait donc pertinent d'engager des recherches sur les infections liées aux soins en dehors des hôpitaux.

Pour ce qui concerne la fréquence des infections nosocomiales, il existe déjà de nombreuses études, qu'il s'agisse de celles de l'Institut national de veille sanitaire (InVS) ou des cinq centres interrégionaux de lutte contre les infections nosocomiales. En particulier, une enquête nationale de prévalence, réalisée tous les cinq ans, donne une bonne idée quantitative du phénomène. La dernière enquête de ce type, réalisée en 2001 sur près de 1 500 établissements de santé, fait état d'une prévalence de 7 % pour les infections nosocomiales. Beaucoup de données sont également disponibles concernant les infections des voies urinaires, respiratoires, du site opératoire, les bactériémies et septicémies, qui ne semblent donc pas constituer des pistes prioritaires d'études.

En revanche, les conséquences des infections nosocomiales, qui présentent un degré variable de gravité, sont actuellement sous-étudiées. Une étude du C-CLIN de la région Paris-Nord, réalisée sur 2 000 personnes, conclut par exemple que si un quart des patients ont une infection nosocomiale au moment de leur décès, moins de 3% des décès ont pour seule cause une infection nosocomiale. Selon une estimation par extrapolation, sur laquelle il faut rester très prudent, il y aurait ainsi environ 4 000 décès par an dus aux seules infections nosocomiales, alors que le chiffre de 10 000 a été souvent avancé depuis quelques années.

On dispose, par ailleurs, d'encore moins d'informations sur le coût économique et le handicap lié aux infections nosocomiales. Des études américaines, dont certaines sont déjà anciennes, établissent pourtant que le coût économique varie en fonction de l'infection, qui s'avère par exemple peu élevé pour les infections urinaires, mais beaucoup plus important pour les septicémies. L'estimation du coût s'appréhende également au moyen du calcul du nombre de journées d'hospitalisation supplémentaires en cas d'infections nosocomiales, soit en moyenne une semaine. Outre le préjudice subi par le patient, ces infections présentent donc un coût réel pour la société, sur lequel il n'existe pas encore d'évaluation en France et qui constitue donc une piste d'étude intéressante pour les travaux de l'office.

Les handicaps causés par des infections nosocomiales constituent un autre sujet difficile, qui recouvre principalement les infections ostéo-articulaires chroniques. Ce type d'infection, mis en lumière il y a quelque temps à la clinique du sport, a fait prendre conscience de l'importance du sujet et de la nécessité d'ouvrir le débat avec les usagers du système de soins, dans un contexte de judiciarisation croissante et de médiatisation de graves accidents, tels que celui de Guillaume Depardieu, même si la contamination par le Mycobacterium xenopi constitue une épidémie assez exceptionnelle. Sur ce point, les données de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) relatives aux recours en indemnisation peuvent constituer une source précieuse d'information, même si on note un nombre beaucoup plus important de recours que d'indemnisations.

L'évaluation de la qualité des soins et l'accréditation des établissements de santé font également partie des thèmes à aborder. La prise en compte du risque infectieux est en effet l'un des critères de la nouvelle version de l'accréditation des établissements. Cette question a d'ailleurs déjà été évoquée par l'office lors de sa réunion du 9 mars dernier. Qu'en est-il en effet actuellement de l'évaluation des risques et de la réalisation d'audits des pratiques ? Les établissements doivent rendre compte de leurs actions dans ce domaine, à travers, par exemple, l'élaboration et le suivi sur plusieurs années d'indicateurs de qualité présentés dans un tableau de bord, qui permettrait notamment d'évaluer l'observance et le développement des bonnes pratiques.

Il pourrait être enfin intéressant de faire réaliser un sondage d'opinion sur la perception par les Français de ce problème, puisqu'il semble exister une divergence d'appréciation à ce sujet avec les professionnels de santé. Le sondage permettrait notamment de savoir si la question est considérée comme étant suffisamment prise en compte par les pouvoirs publics.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, il avait insisté pour qu'il soit procédé à l'avenir à l'accréditation des équipes médicales et à la certification des établissements de santé. La réalisation d'un sondage est par ailleurs une suggestion opportune. En tout état de cause, il est essentiel, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de disposer de recommandations permettant de faire reculer le risque infectieux et d'en apprécier les aspects économiques.

M. Alain Vasselle, sénateur, a jugé dignes d'intérêt tous les axes de travail proposés par M. Pascal Astagneau, à condition toutefois que leur dimension concrète soit privilégiée et qu'ils comportent des éléments d'information sur la qualité des soins.

M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, a rappelé à cet égard que le Sénat avait initialement proposé d'engager une étude sur la perception de la qualité des soins à l'hôpital. La réalisation d'un sondage d'opinion permettrait ainsi de mieux apprécier les attentes de la population.

M. Claude Le Pen, membre du conseil d'experts, s'est tout d'abord interrogé sur l'impact de la mise en place de la nouvelle tarification sur ce sujet. S'agissant du sondage d'opinion, il pourrait avoir un effet pervers lié à ce que, souvent, lorsque pour la première fois on évoque un problème et que l'on engage des actions pour y remédier, l'opinion peut avoir tendance à considérer que les choses s'aggravent.

M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, a estimé qu'il faudrait effectivement accompagner la publication de ce sondage par une communication sur le décalage existant entre la perception des Français et la réalité.

M. Claude Le Pen, membre du conseil d'experts, a souligné l'importance de cette question.

M. Pascal Astagneau, membre du conseil d'experts, a expliqué que l'application de la tarification à l'activité, qui permet de coder et d'intégrer le coût d'une infection nosocomiale, pourrait effectivement conduire à augmenter le « coût d'un patient ». Cet effet pervers est d'autant plus préoccupant que la tarification à l'activité s'inscrit dans une enveloppe financière globale nécessairement limitée.

Mme Claudine Blum-Boisgard, membre du conseil d'experts, a considéré que l'impact des infections nosocomiales en matière de handicap constitue une piste de réflexion intéressante pour les travaux de l'OPEPS. S'agissant, d'autre part, des recommandations, qui devront être proposées pour lutter contre les infections nosocomiales, les hôpitaux disposent-ils aujourd'hui de tous les moyens, en particulier financiers, nécessaires pour appliquer les normes réglementaires, s'agissant par exemple de l'utilisation des matériels à usage unique ?

M. Pascal Astagneau, membre du conseil d'experts, a rappelé qu'en France la détermination de l'usage unique d'un matériel relève de la responsabilité du fabricant et non des pouvoirs publics et il y a là des enjeux économiques importants. Au Canada, certains matériels sont dits « à usage limité », avec un risque infectieux nul dès lors que les mesures de sécurité sont respectées. En France, la réglementation est beaucoup plus stricte. Il y a une dizaine d'années, une affaire liée à l'utilisation de sondes en cardiologie avait par exemple suscité un débat au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce matériel à usage unique était en effet si coûteux qu'il interdisait de faire fonctionner normalement le service.

Mme Claudine Blum-Boisgard,membre du conseil d'experts, a noté que la réglementation n'était pas toujours respectée dans la pratique.

M. Alain Vasselle, sénateur, a proposé de recentrer les travaux de l'office sur les trois axes suivants : le coût économique, le handicap lié aux infections nosocomiales et l'évaluation des risques à l'hôpital. En la matière, la mobilisation des hôpitaux est en effet très inégale. L'étude devrait également préciser l'impact de cette question sur les finances sociales. Enfin, il faudra inscrire le sujet d'étude dans la problématique plus large de la qualité des soins.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a jugé, que pour revenir à l'objectif initial de l'OPEPS, il apparaît important de bien identifier le coût économique de cette question afin de pouvoir proposer des mesures concrètes dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Concernant l'élaboration de tableaux de bord relatifs aux infections nosocomiales, M. Pascal Astagneau, membre du conseil d'experts, a rappelé l'existence d'un projet de définition de tableaux autour de quatre indicateurs simples. Le calendrier de sa mise en place, sur laquelle le gouvernement s'est engagé, s'étend de 2005 à 2008. En outre, l'ancienne Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), désormais intégrée à la Haute autorité de santé (HAS), et la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé mènent actuellement une étude portant sur cinquante hôpitaux et visant à élaborer des indicateurs de qualité globale sur la qualité des soins. Ses résultats seront bientôt connus.

Santé publique - Nature et organisation des soins dans le domaine de la santé mentale - Présentation de l'étude

Puis, l'office a entendu la présentation par M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts et médecin psychiatre, de ses propositions pour l'étude consacrée à la santé mentale.

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a tout d'abord rappelé que de nombreuses études épidémiologiques ont évalué à 20 % la prévalence des troubles mentaux, soit au minimum 10 millions de personnes en France, ces chiffres concernant aussi bien les enfants, les adolescents, les adultes que les personnes âgées. Face à cette situation, l'organisation de l'offre de soins doit être entièrement revue en intégrant une dimension médico-sociale. Aux pathologies qui relèvent spécifiquement de la psychiatrie s'ajoute en effet le domaine plus vaste de la détresse psychologique. On a par ailleurs trop tendance actuellement à confondre les problèmes liés à la santé mentale et la psychiatrie. C'est pourquoi il faut tout d'abord clarifier les concepts, car ils renvoient à des besoins différents qui ne relèvent pas tous du soin et ne font pas appel aux mêmes compétences, ni aux mêmes professionnels.

La situation française actuelle se caractérise à la fois par un état de santé globalement défavorable et par une offre de soins inadaptée en raison principalement :

- des cloisonnements entre spécialistes et généralistes, du recours limité aux psychologues et de la méconnaissance par le public du fonctionnement des dispositifs existants ;

- de l'inadéquation de certaines prises en charge hospitalières, liée à l'insuffisance de la capacité de réponse du secteur médico-social et, en quelque sorte, à une « embolisation » de la filière ;

- de la forte inégalité de répartition territoriale des professionnels de santé et de la pénurie de psychiatres.

La psychiatrie se trouve donc confrontée à une situation problématique, qu'il s'agisse de la délimitation de ses tâches, de l'organisation de l'offre de soins, de la répartition des moyens humains et matériels ou encore de l'évaluation des pratiques. Le plan d'action en psychiatrie et santé mentale pour les années 2005-2007 propose quatre orientations majeures : décloisonner et permettre à tous les professionnels de travailler ensemble ; garantir les droits des patients et des conditions d'exercice satisfaisantes pour les professionnels ; promouvoir l'évaluation et la qualité des pratiques et développer la recherche ; répondre aux besoins identifiés par des programmes spécifiques, afin notamment d'atteindre les objectifs de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Dès lors, dans la mesure où le plan d'action en santé mentale vise à aborder ce problème dans toutes ses dimensions, il peut sembler difficile de hiérarchiser et d'opérer une sélection entre ses différentes composantes afin de proposer à l'OPEPS des thèmes d'études portant sur des sujets limités. Plusieurs thèmes émergent cependant des nombreux rapports et propositions élaborés au cours des dernières années, tant il est vrai que l'insuffisance d'une politique publique se mesure souvent au nombre de rapports commis sur celle-ci.

Il pourrait tout d'abord être intéressant d'expertiser l'adaptation quantitative et qualitative de l'hospitalisation complète aux contraintes actuelles, le développement des alternatives à l'hospitalisation, l'organisation des soins en réseau ainsi que la coopération entre les secteurs public et privé. Les réseaux de santé, qui réunissent les différents acteurs du système de soins et permettent un meilleur suivi des malades, constituent sans doute la réponse de proximité la mieux adaptée, alors que de nombreux hôpitaux psychiatriques demeurent fermés sur eux-mêmes et éloignés des centres urbains. Il faut également noter qu'un réel consensus s'est dégagé pour renforcer la coopération entre les secteurs public et privé.

L'évolution de la répartition géographique des professionnels médicaux, qui appelle des mesures législatives et réglementaires, pourrait également être étudiée, de même que la trop faible implication de la médecine générale dans le dépistage et l'orientation des patients. Les conditions d'exercice et l'usage du titre de psychothérapeute doivent également être précisés, alors que le décret prévu par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique n'a toujours pas été publié.

Concernant le dispositif de l'hospitalisation sans consentement, qui avait fait l'objet d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête déposée par M. Georges Hage, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est chargée de faire des propositions afin de clarifier les procédures. Depuis 1992, on constate une augmentation de 90 % des hospitalisations sans consentement et de nombreux acteurs agissent dans l'illégalité, ce qui semble lié pour partie aux insuffisances de l'offre de soins hospitaliers.

Il y a aussi des efforts à faire en matière de connaissance des risques et de bon usage des médicaments en matière de santé mentale. La France se caractérise par une surconsommation de médicaments psychotropes, prescrits à 70 ou 75 % par les médecins généralistes. A côté des travaux réalisés par les agences sanitaires, en particulier la Haute autorité de santé, il faut améliorer l'information et la diffusion des référentiels et des bonnes pratiques.

Concernant la prise en charge de certaines pathologies et de populations plus sensibles, les quatre pistes suivantes méritent également d'être signalées :

- le développement de la collaboration médico-psychologique en périnatalité présente aujourd'hui un caractère d'urgence. En effet, aider les familles à mieux préparer l'accueil de l'enfant et améliorer la formation des professionnels de santé contribueraient sans doute à prévenir plus tard l'apparition de comportements violents ;

- quelle est par ailleurs la réponse apportée aux besoins de prise en charge coordonnée des enfants et des adolescents ? On constate, en effet, un diagnostic trop souvent tardif de leurs troubles psychiques, alors qu'un repérage précoce nécessite que tous les acteurs éducatifs et médicaux soient mobilisés sur cette question ;

- il conviendrait également d'approfondir la question de la participation des équipes de psychiatrie à la généralisation de la création des centres de ressources sur l'autisme. La circulaire d'application du plan autisme est attendue avec impatience et le rôle de la psychiatrie doit être renforcé dans ce domaine ;

- on peut enfin s'interroger sur la réponse apportée aux besoins de santé mentale des personnes âgées dans le cadre d'une prise en charge coordonnée sanitaire et médico-sociale. Les psychiatres doivent, là encore, contribuer à répondre à la fragilité et à l'isolement des personnes âgées, révélés de façon dramatique lors de la canicule intervenue au cours de l'été 2003. Il est en particulier très inquiétant d'observer la croissance du taux de suicide des personnes âgées, alors que celui-ci stagne pour les autres catégories de la population.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a estimé que les différents thèmes d'étude proposés par M. Philippe Clery-Melin sont intéressants mais il convient, pour permettre à l'office d'arrêter son choix, de les replacer dans le contexte du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ainsi, si le bon usage du médicament en matière de santé mentale constitue un sujet de réflexion intéressant, on peut néanmoins se demander, compte tenu des nombreuses publications récentes et dans la perspective qui est celle de l'office, si une nouvelle étude apporterait des éléments de réflexion réellement novateurs sur ce sujet. De même, la réorganisation du système de soins ne relève pas a priori du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a estimé que la question du bon usage du médicament soulève en réalité plusieurs séries de difficultés, la plus importante étant sans doute liée au système français d'organisation des soins. Ainsi, en matière psychiatrique, les médicaments sont pour l'essentiel prescrits par les médecins généralistes, et non par les spécialistes, alors que seuls 15 % des généralistes sollicitent ces derniers pour un avis médical ou pour la prise en charge médicale de leurs patients.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a néanmoins estimé qu'il serait sans doute plus intéressant d'engager des recherches sur un problème encore assez mal connu, tel que celui de la prise en charge psychiatrique des personnes âgées.

M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, a ajouté que le problème de l'hospitalisation sans consentement constitue lui aussi un champ d'investigation très intéressant, même s'il relève plutôt de la compétence des commissions des lois.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a confirmé que celui-ci dépasse le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale stricto sensu : si elle était présentée devant le Parlement, la réforme du régime d'hospitalisation sans consentement serait en effet examinée au fond par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, au titre de la protection des libertés publiques.

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a jugé que le plus intéressant serait d'envisager la problématique des personnes âgées en liaison avec celle des réseaux de santé, qui constituent une enveloppe du PLFSS et dont le développement est aujourd'hui bridé, alors même qu'ils présentent un intérêt réel, puisqu'à l'heure actuelle il n'existe pas de structures adaptées pour accueillir et orienter ces personnes.

M. Claude Le Pen, membre du conseil d'experts, a déclaré que tous les thèmes présentés par M. Philippe Clery-Melin constituent des axes de recherche importants mais que, pour sa part, il est effectivement plus sensible à celui des réseaux. En effet, cette question apparaît comme la plus cruciale pour l'avenir du système de santé, de même que celle de la démographie médicale. S'agissant du bon usage du médicament, qui constitue l'un des cinq axes du plan mis en oeuvre par le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de la problématique que sous-tend cette question. Il ne suffit pas en effet de s'alarmer des prescriptions abusives, encore faut-il définir des solutions de substitution et s'il est vrai que de nombreuses études ont déjà été conduites sur le sujet, rares sont celles faisant preuve d'une approche originale ; pour faire court, la plupart se bornent à n'expliquer le phénomène que par une prétendue « nullité des généralistes ».

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, s'est interrogé toutefois sur les moyens de renouveler les analyses.

Mme Claudine Blum-Boisgard, membre du conseil d'experts, a avancé la possibilité de concentrer les recherches sur les primo-prescriptions. En raison de l'accoutumance des patients à leurs médicaments, il est en effet très difficile, une fois le traitement entamé, de réduire voire d'arrêter la consommation de médicaments, fussent-ils d'une utilité contestable, et cela même dans le cas où le médecin fait montre de la meilleure volonté.

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a déclaré qu'un autre axe d'étude original consisterait à mener une enquête prospective sur l'évolution des pratiques et qui porterait notamment sur l'augmentation inquiétante du nombre de médicaments antipsychotiques prescrits par les généralistes, qui représentent un coût d'environ 190 euros par mois.

Mme Claudine Blum-Boisgard, membre du conseil d'experts, a également évoqué l'intérêt de réaliser une étude sur les médicaments prescrits aux enfants et aux adolescents.

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a répondu qu'il s'agit-là d'un problème important, mais qu'une solution a déjà été apportée à travers la limitation aux spécialistes de la possibilité de prescrire de tels médicaments pour les mineurs.

Après avoir déclaré que les exigences du travail parlementaire de l'office ne permettent pas de mener une étude prospective, le président Jean-Michel Dubernard, député, a passé en revue les différents axes de réflexion proposés par M. Philippe Clery-Melin. Tous présentent un intérêt certain : le développement des réseaux constitue à n'en pas douter une problématique importante, de même que l'amélioration du suivi de la périnatalité ; la prise en charge des adolescents est fondamentale d'autant plus que pour ces derniers l'accessibilité aux soins demeure faible ; l'autisme, qui touche près de 100 000 personnes en France, est une pathologie à laquelle les élus sont très sensibles. Il semble toutefois souhaitable que l'office se concentre sur le thème concernant les besoins et la prise en charge des troubles psychiques des personnes âgées, même si une étude sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées est déjà engagée par l'OPEPS et si un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité (MECSS) est également en cours de préparation sur le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD).

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a indiqué que la question des troubles mentaux des personnes âgées, et plus largement de leur prise en charge sanitaire, est une question importante qui ne se réduit pas aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. On compte ainsi un taux de suicide plus élevé chez les personnes âgées que chez les jeunes : on compte près de 3 000 suicides parmi les personnes âgées chaque année contre 700 parmi les jeunes ; il est vrai qu'il y a plus de tentatives inabouties chez les jeunes.

M. Alain Vasselle, sénateur, a demandé si la France dispose de moyens suffisants pour appréhender la dégradation de la santé mentale chez les personnes âgées.

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a déclaré qu'il est d'autant plus difficile de répondre à cette question que cette dégradation est considérée par beaucoup comme un phénomène « normal » passé un certain âge. En ce sens, l'action des centres locaux d'information et de coordination (CLIC) est importante car elle permet d'établir la jonction entre ces personnes et le dispositif sanitaire. Autre difficulté, les personnes âgées sont bien souvent des personnes polypathologiques pour lesquelles la pathologie mentale n'est pas considérée comme la plus importante, alors même qu'il est fondamental qu'elle ne soit pas exclue de la prise en charge.

M. Alain Vasselle, sénateur, a indiqué que l'on rejoint là la problématique de la formation des professionnels de santé.

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a déclaré que les réseaux de santé, en plus de favoriser une meilleure prise en charge des patients, permettent également de mieux former les professionnels de santé, en rendant notamment plus aisées les approches pluridisciplinaires.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a proposé que l'office concentre ses réflexions sur le thème suivant : « Prise en charge de la santé mentale des personnes âgées : développement des réseaux, maîtrise de la prescription, accessibilité des soins et coordination des secteurs sanitaire et médico-social », tout en s'interrogeant sur l'existence de structures, telles que l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et le Centre national de recherche scientifique (CNRS), capables de réaliser une étude dans ce domaine.

M. Philippe Clery-Melin, membre du conseil d'experts, a répondu que tel est en effet le cas et que le CNRS présente en plus l'avantage de conduire des recherches comportant une dimension sociologique.

Répondant à M. Jean-Michel Dubernard, député, président, M. Pascal Astagneau, membre du conseil d'experts, a indiqué que deux thèmes avaient semblé se dégager du premier débat engagé sur les infections nosocomiales : l'évaluation de leur coût médico-économique et celle de leurs conséquences en termes de handicap.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a ensuite remercié à nouveau les membres du conseil d'experts d'avoir bien voulu participer à cette réunion de l'OPEPS.

Définition des sujets d'études

Tirant les conclusions des débats précédents, M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, a estimé qu'outre le problème de la prise en charge des troubles psychiques des personnes âgées, celui de la prise en charge des enfants et des adolescents est important et qu'il répond à une attente certaine.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a pour sa part jugé préférable de retenir le thème de la prise en charge psychique des personnes âgées, en raison de ses enjeux majeurs en termes de santé publique.

M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, a évoqué le problème spécifiquement français de la consommation massive de psychotropes, en s'interrogeant sur les moyens de limiter la prescription et la dépendance engendrée par ces médicaments. En effet, la multiplication des prescriptions génère des dépenses inutiles et crée des problèmes connexes avec les multiples effets iatrogènes de ces prescriptions abusives.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, a alors fait remarquer que pour les adolescents des mesures ont déjà été adoptées pour limiter les prescriptions, puisque seul un psychiatre peut décider de commencer à prescrire un psychotrope à un adolescent.

M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, a proposé d'approfondir la question du sevrage de ces médicaments, qui pourrait constituer une bonne façon d'aborder ce problème.

M. Jean-Michel Dubernard, député, président, et M. Nicolas About, sénateur, premier vice-président, ont proposé aux membres de l'office de reporter à la prochaine réunion le choix de l'intitulé des thèmes d'étude afin d'approfondir la réflexion.

Nomination de rapporteurs

L'OPEPS a ensuite désigné Mme Maryvonne Briot, députée, rapporteure de l'étude sur l'organisation des soins dans le domaine de la santé mentale, et M. Alain Vasselle, sénateur, rapporteur de l'étude sur les infections nosocomiales.

Programme de travail

Abordant le programme de travail de l'OPEPS, le président Jean-Michel Dubernard, député, a tout d'abord regretté que les chercheurs de l'INSERM, auxquels a été confiée l'étude sur la nutrition et la prévention de l'obésité, ne soient pas en mesure de présenter leurs conclusions à l'OPEPS avant septembre prochain. Le rapport de M. Gérard Dériot, sénateur, sera donc examiné par l'office et présenté à la presse à la fin du mois de septembre.

Quant à l'étude sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées, confiée à l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement (ISPED), le professeur Jean-François Dartigues présentera ses conclusions lors de la prochaine réunion de l'OPEPS, le mardi 21 juin. Le rapport de Mme Cécile Gallez, députée, sera ensuite examiné par l'office le mercredi 6 juillet et présenté à la presse le 12 ou le 13 juillet.