Mercredi 12 avril 2006

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Désignation du Bureau

La mission a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau. Elle a nommé M. Bernard Cazeau, vice-président et MM. Guy Fischer et Bernard Seillier, secrétaires.

Auditions sur la dette sociale - Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale

La mission a ensuite entendu M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale.

En introduction, M. Dominique Libault a souligné le consensus entourant le constat du caractère préoccupant de l'existence d'une dette sociale. Dès l'origine en 1945, les Pères fondateurs de la sécurité sociale avaient conçu un budget où les recettes devaient équilibrer strictement les dépenses. Alors qu'il existe une logique à faire financer par les générations futures, à travers les remboursements d'emprunt, des investissements dont elles bénéficieront, il est anormal de faire financer les dépenses actuelles de solidarité par ceux qui viendront après. Comme le souligne la Cour des comptes, la seule dette sociale soutenable est la dette « zéro ».

Sur le fond, le sujet de la dette est particulièrement préoccupant, non pas tant du fait de son volume que de sa dynamique. En ce qui concerne son montant, M. Dominique Libault a indiqué que le total du passif repris par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) s'élève au 31 décembre 2005 à 102 milliards d'euros, dont 29 milliards ont déjà été amortis, 73 milliards restant dus. L'objectif d'amortissement pour 2006, fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale conformément aux dispositions de la loi organique du 2 août 2005, s'élève à 2,4 milliards d'euros.

Cependant, le total de la dette sociale ne se limite pas aux amortissements mis à la charge de la Cades. Deux autres structures présentent des déséquilibres qui doivent être consolidés avec ceux de la caisse pour obtenir une évaluation exacte du besoin de financement de la protection sociale : celui du fonds de solidarité vieillesse (FSV), évalué au 31 décembre 2005 à 2 milliards d'euros, et celui du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (Ffipsa), qui s'élève à 1,4 milliard d'euros à la même date.

Abordant ensuite les perspectives financières du régime général, M. Dominique Libault a rappelé que son déficit a puisé son origine au cours de ces dernières années dans le besoin de financement de la branche maladie, qui aurait atteint 16 milliards d'euros en 2005 si aucune mesure n'avait été prise par le gouvernement dans le cadre de la loi de 2004.

En réalité, le montant du déficit de la branche maladie sera réduit en 2005 à 8 milliards d'euros, les prévisions de la loi de financement pour la sécurité sociale étant de 6,1 milliards d'euros en 2006 et de 3,5 milliards d'euros en 2007. L'effort réalisé sur les dépenses de maladie constitue une condition sine qua non pour enrayer la progression de la dette sociale. Les bons résultats constatés sur l'exercice en cours prouvent que les comptes de la sécurité sociale sont sur le chemin d'un retour à l'équilibre.

Puis M. Dominique Libault a relativisé l'apparition de déficits affectant d'une part la branche vieillesse, d'autre part la branche famille. Pour la vieillesse, il a rappelé que la situation actuelle avait été créée par les dispositifs de départ anticipé à la retraite et par le « papy boom ». Il a fait état du rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor), remis récemment au Premier ministre, qui estime que les effets de la réforme de 2003 laissent subsister des besoins de financement à l'horizon 2020.

Quant à la branche famille, le déséquilibre qui l'affecte apparaît transitoire, essentiellement lié à la montée en puissance de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje).

Il semble ainsi possible de revenir vers un équilibre de toutes les branches de la sécurité sociale permettant de ne pas accroître la dette gérée par la Cades.

Revenant sur les déficits affectant le FSV et le Ffipsa, M. Dominique Libault a cependant reconnu qu'il n'existe pas de solution évidente pour leur résorption. La situation du FSV est en effet étroitement corrélée à la situation de l'emploi. Quant au Ffipsa, il faut attendre les conclusions des travaux du groupe de travail présidé par M. Jean-François Chadelat, qui a été constitué sur le thème de la compensation.

En conclusion, il a souligné le rôle d'aiguillon joué par une progression des dépenses spontanément plus rapide que celle des recettes au sein des branches maladie et vieillesse. La tendance au déficit crée une obligation d'agir qui devrait continuer de marquer l'action publique dans les années à venir.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir le montant de la dette sociale française en demandant un bilan détaillé pour chaque branche de la protection sociale et les modalités du traitement de la gestion de cette dette. Il s'est enquis des réactions inspirées par les analyses du rapport Pébereau relatives à la dette sociale, notamment celles faisant état de « marges d'améliorations reconnues » en matière d'assurance maladie. S'agissant des déficits cumulés du FSV et du Ffipsa, il a voulu savoir comment la direction de la sécurité sociale appréhende les observations du président de la Cour des comptes, M. Philippe Seguin, qui menace de ne pas certifier les comptes de ces organismes si le Gouvernement persiste à ne pas assurer leur équilibre. Il a aussi demandé des précisions sur le montant de la dette de l'Etat envers les organismes de sécurité sociale. Il a enfin fait état des études du Conseil d'orientation des retraites (Cor) et des critiques les jugeant peu réalistes. Il a évoqué les difficultés liées à l'adossement des régimes spéciaux de salariés sur le régime général.

M. Dominique Libault a tout d'abord insisté sur le consensus qui entoure dorénavant l'existence d'une structure autonome, la Cades, dédiée exclusivement à la gestion de la dette sociale. L'autonomie a un intérêt symbolique fort et donne une visibilité à cette dette. Le Conseil constitutionnel a renforcé la structure en soulignant le caractère organique du principe selon lequel tout nouveau transfert de dette à la Cades doit être compensé par des ressources permettant de ne pas rallonger la durée d'amortissement de la dette.

Certes, ce mode de gestion, déconnecté de celui de la dette de l'Etat, entraîne un léger surcoût (spread). Cependant, cette déconnection répond à une nécessité pratique, car la dette gérée par la Cades a un horizon spécifique (vers 2023), ce qui n'est pas le cas de la dette de l'Etat.

Réagissant aux observations du rapport Pébereau, selon lequel il existe des « marges d'amélioration reconnues » en matière d'assurance maladie, M. Dominique Libault a estimé qu'il ne suffit pas de reconnaître et d'utiliser ces marges, mais qu'il convient de le faire en temps et en heure. Les décisions trop tardives engendrent un « effet base » qu'il est difficile d'enrayer.

Il a ainsi suggéré que des mesures correctrices auraient pu être prises plus tôt, alors que l'objectif national d'assurance maladie (Ondam) progressait à un rythme rapide, au cours des années 1998 à 2000, et que l'augmentation soutenue de la masse salariale au cours de la même période permettait de maintenir un solde encore positif. Dès que la masse salariale a connu une évolution moins favorable, le déficit de l'assurance maladie s'est brutalement creusé, notamment au cours des années 2002-2003.

L'effet retard de la décision joue un rôle important dans la constitution de la dette et c'est ce constat qui a conduit à la mise en place du comité d'alerte prévu par la loi de 2004 relative à l'assurance maladie.

Quant à la définition même des marges d'amélioration, celles-ci sont très nombreuses. Pour s'en tenir aux soins, il existe ainsi des marges d'efficience permises par les comparaisons de coûts de fonctionnement entre les hôpitaux ou la mise en place de parcours de soins en médecine de ville.

M. Dominique Libault a ensuite insisté sur le fait que le montant des indemnités journalières versées est en baisse pour la troisième année consécutive. En revanche, la France dispose encore de marges de résultat dans le recours aux médicaments génériques. D'une façon générale, il est illusoire de s'en remettre à des « solutions miracles » : les sujets traités sont compliqués et supposent d'être traités en concertation avec les acteurs concernés. A titre de comparaison, les autres grandes nations industrialisées éprouvent des difficultés similaires aux nôtres dans la maîtrise de leurs dépenses de protection sociale.

Il a fait valoir que si la sécurité sociale n'avait pas subi les déficits résultant de la gestion antérieure aux réformes engagées au cours des trois dernières années, les dépenses auraient progressé à un rythme sensiblement identique à celui du produit intérieur brut et un léger excédent du solde global aurait pu être constaté en 2005. Ce constat doit inciter à persévérer dans la voie tracée par ces réformes.

Revenant sur le traitement des déficits du FSV et du Ffipsa, il a indiqué que le gouvernement a entamé des travaux de réflexion et qu'il ne lui revient pas de préjuger de leurs résultats. Il a néanmoins fait part de l'opposition de sa direction à la piste, proposée par le président du conseil d'administration du Ffipsa, consistant à réformer les règles de la compensation démographique au détriment du régime général.

M. Dominique Leclerc a rappelé qu'il est membre du groupe de travail Chadelat et qu'il a eu l'occasion de souligner le danger recélé par ces propositions. Le principe de la compensation démographique a atteint ses limites, alors que la plupart des régimes pâtissent de déséquilibres démographiques plus ou moins marqués.

Sur les 10 milliards d'euros annuellement octroyés au titre de la compensation, 6 vont déjà aux régimes agricoles. Dans l'autre sens, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) reverse 20 % de ses ressources pour la compensation, au bénéfice des autres régimes. Même s'il est incontestable que la CNRACL connaît une montée en charge, grâce aux recrutements accrus de fonctionnaires par les collectivités territoriales au cours des dernières années, il s'agit d'un véritable acte de spoliation.

M. Dominique Leclerc a également exprimé ses craintes au sujet de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), socle des régimes de retraite, qu'il paraît difficile de mettre davantage à contribution dans le cadre de la compensation démographique.

Puis il a relativisé la faiblesse des résultats obtenus jusqu'à présent en matière de commercialisation de médicaments génériques, rappelant que les autres pays ayant exploré cette voie avec succès ont entamé cette démarche de façon plus précoce que la France et que le succès en ce domaine ne peut venir que d'un long et patient travail de persuasion.

M. Dominique Libault a reconnu que la France avait envisagé tardivement le recours accru aux médicaments génériques.

Revenant sur le Ffipsa, il a rappelé que le budget annexe des prestations sociales agricoles (Bapsa) bénéficiait auparavant d'une subvention d'équilibre venant du budget de l'Etat, et qu'il faut bien chercher ici la solution du problème créé par l'apparition d'un déficit, et non du côté des autres régimes de protection sociale.

Il a ensuite déclaré avoir pris bonne note des critiques exprimées par la commission des affaires sociales au sujet des projections du conseil d'orientation des retraites, tout en faisant remarquer que d'autres partenaires, le syndicat Force ouvrière (FO) par exemple, les ont, quant à eux, jugées « catastrophistes ». Le Cor a le mérite de bien expliciter ses hypothèses. Il est vrai que le travail d'exploration effectué ne prend pas en compte la réalité des exercices 2004 et 2005 et s'appuie exclusivement sur les données connues en 2003, mais il s'agit d'un travail sérieux.

Sur la question des soultes que les grandes entreprises devront verser au régime général à l'occasion de l'adossement des régimes spéciaux de retraite, M. Dominique Libault a souligné le fait que la direction de la sécurité sociale doit être vigilante et procéder à un examen critique des prévisions et évaluations faites par les structures concernées (RATP, SNCF, La Poste...).

Abordant enfin la question du chiffrage du montant de la dette de l'Etat envers les organismes de sécurité sociale, il a rappelé que cette donnée figure dorénavant au nombre de celles qui doivent être transmises au Parlement en application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Les évaluations sont pour l'instant entre les mains du secrétariat général du gouvernement, mais cette dette se serait élevée au 31 décembre 2005 à 5,1 milliards d'euros, après 3 milliards d'euros à fin 2004.

M. Guy Fischer a demandé si l'objectif de stabilisation de la dette gérée par la Cades conduira inéluctablement à un encadrement plus étroit du taux de progression des pensions servies aux retraités.

M. Dominique Libault a rappelé le voeu du Président de la République qu'une expertise soit conduite sur une évolution de l'assiette des ressources de la protection sociale, avec notamment la possibilité que la valeur ajoutée soit substituée à la masse salariale. Il a estimé que l'objectif de réduction de la dette des organismes sociaux n'a pas nécessairement pour corollaire une limitation de la progression des pensions de retraite. L'équilibre peut être réalisé tant par une action sur les dépenses que sur les recettes.

Il a ainsi rappelé que les projections de la loi Fillon sur les retraites reposent sur un transfert des ressources provenant de la baisse attendue du chômage et de la reconversion des cotisations chômage en cotisations vieillesse. Cette loi prévoit en outre des rendez-vous, dans le cadre desquels d'éventuels « coups de pouce » pourront être donnés aux retraites.

Réagissant à ces propos, M. Alain Vasselle, président, a souligné l'absence de cohérence qu'il lui semble percevoir entre les axes de la loi Fillon rappelés par M. Dominique Libault et les propos récents de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, qui a envisagé le basculement de cotisations de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic) vers le financement de la prestation autonomie dépendance.

A M. Bernard Cazeau, qui souhaitait connaître l'évolution des dépenses au titre des indemnités journalières et des médicaments, M. Dominique Libault a confirmé que le nombre des arrêts de travail pour cause de maladie poursuit le mouvement de baisse entamé au cours des deux années précédentes. En revanche le secteur du médicament continue d'être affecté d'un fort dynamisme, avec une croissance de 5 % en moyenne annuelle, ce qui en fait le poste de progression des dépenses de santé spontanément le plus rapide.

Revenant sur les travaux du Cor, M. Dominique Leclerc a rappelé que 2008 est dorénavant l'échéance la plus significative en matière d'assurance vieillesse et que l'objectif, fixé en 2003, de conversion des cotisations chômage en cotisations vieillesse, ne semble plus à l'ordre du jour. Le coût financier des carrières longues a été notablement sous-évalué.

Dans ce contexte, l'environnement économique sur lequel s'appuient les évaluations du Cor reflète une euphorie artificielle et n'apparaît pas comme réaliste. Or, il convient d'être très attentif au message adressé à l'opinion publique sur le sujet des retraites : il n'est pas possible de lui faire croire que l'on pourra continuer de financer les pensions au niveau actuel en 2020.

M. Dominique Libault a nié que le Cor ait voulu adressé un message trop optimiste sur l'avenir du financement des retraites. Il s'est néanmoins inquiété de la lenteur avec laquelle les Français semblent prendre conscience du caractère inéluctable de l'allongement de la durée de la vie active.

Il a appelé à plus de pédagogie : les Français doivent avoir le sentiment que les efforts réalisés jusqu'à présent ont été efficaces, quand bien même les équilibres ne seraient toujours pas atteints. Ils doivent aussi prendre conscience que de nouvelles étapes seront nécessaires.

M. Alain Vasselle, président, a voulu savoir si les services de M. Dominique Libault avaient eu communication d'un amendement adopté la veille par le Sénat, sur le projet de loi portant engagement national pour le logement, prévoyant l'exonération de contribution sociale généralisée (CSG) au profit des sociétés d'économie mixte.

Répondant par la négative, M. Dominique Libault a expliqué qu'il lui est difficile de repérer une disposition d'initiative strictement parlementaire au sein d'un texte pour lequel sa direction n'est pas compétente. Il a fait cependant état de progrès dans l'information que les autres ministères doivent lui apporter dans le cadre de la rédaction des projets de loi, lorsque ces ministères envisagent d'agir sur les dépenses ou les recettes à caractère social.

Auditions sur la dette sociale - Audition de M. Jean-Luc Tavernier, directeur général, et M. Alain Gubian, directeur financier, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

Puis la mission a entendu M. Jean-Luc Tavernier, directeur général, et M. Alain Gubian, directeur financier, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

M. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'Acoss, a indiqué que le solde du compte de trésorerie de l'Acoss a atteint, au 31 décembre 2005, - 16,9 milliards d'euros avant reprise de dette par la Cades. Sur ce total, le déficit de gestion du régime général s'élève à 11,6 milliards d'euros.

La différence entre ces deux déficits a deux origines principales : la première tient au déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui pèse sur l'Acoss à hauteur de 1,7 milliard d'euros ; la seconde provient des moindres remboursements d'exonérations de cotisations par l'Etat aux régimes de protection sociale. Ce moins-perçu s'est élevé à 2,1 milliards d'euros sur l'exercice 2005, soit 1,3 milliard d'euros correspondant à un trop versé par l'Etat en 2004 au titre des compensations d'exonérations et 800 millions d'euros résultant d'un retard de paiement de l'Etat. L'essentiel de ce solde de 800 millions d'euros a cependant été acquitté au mois de janvier au bénéfice de l'Acoss.

Les autres éléments expliquant le différentiel entre le niveau du solde de trésorerie et l'addition des déficits du régime général, du FSV et des moindres remboursements d'exonérations de cotisations par l'Etat sont plus difficiles à déterminer, une partie de l'écart (- 1,5 milliard d'euros en 2005) restant généralement inexpliquée. Toutefois, 600 millions d'euros proviendraient du passage d'une comptabilité en droits constatés à une comptabilité en variation de trésorerie.

M. Jean-Luc Tavernier a indiqué que l'Acoss n'avait pas été contrainte en 2005 de dépasser le plafond autorisé par la loi de financement de la sécurité sociale et que son point critique avait été atteint au début du mois d'octobre à la veille du versement au profit des régimes de retraite.

L'année 2006 a débuté avec un niveau de trésorerie s'établissant à - 6,85 milliards d'euros.

Pour l'exercice 2006, avant reprise éventuelle d'une partie de la dette et sur la base des projections de la loi de financement de la sécurité sociale, le dénivelé de trésorerie devrait s'élever à - 13,7 milliards d'euros, soit moins que l'amplitude de - 16,9 milliards atteinte en 2005. Ce moindre écart serait obtenu grâce à une évolution de la masse salariale en légère accélération et à un objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) en faible décélération.

M. Jean-Luc Tavernier a reconnu que des aléas négatifs pouvaient intervenir : risques macro-économiques, possibilité que le ralentissement de la progression des dépenses d'assurance maladie ne se vérifie pas, danger enfin que des postes de dépenses, notamment celui de la compensation démographique, soient sous-budgétés.

Il a cependant fait état d'une bonne surprise intervenue en début d'exercice. En effet, le montant des prélèvements sur les plans d'épargne logement de plus de dix ans, qui avaient été estimés pour 700 millions d'euros, a finalement atteint 1,5 milliard d'euros, soit une plus-value de 800 millions qui devrait suffire à compenser les éventuelles moindres ressources ou dépenses supplémentaires non envisagées.

Il a ensuite expliqué que le solde de trésorerie devrait atteindre au 31 décembre 2006, toutes choses égales par ailleurs, - 20,6 milliards d'euros, soit l'addition du solde d'entrée (- 6,9 milliards) et du dénivelé de - 13,7 milliards. Le plafond de trésorerie autorisé par la loi de financement de la sécurité sociale à hauteur de 18,5 milliards d'euros serait donc dépassé.

Cependant, une dernière reprise de dette par la Cades est prévue pour le mois d'octobre à hauteur de 6,7 milliards d'euros, correspondant au reliquat de l'enveloppe de 15 milliards autorisée par la loi de 2004 relative à l'assurance maladie. Compte tenu de cette reprise prévisible de dette, le solde de sortie au 31 décembre 2006 s'établirait autour de - 13,9 milliards d'euros, en dessous du plafond de 18,5 milliards. Si toutefois ce plafond devait être atteint ou dépassé, il resterait la soupape de sécurité offerte par l'obligation pour l'Etat de rembourser ses dettes auprès des différents régimes de protection sociale.

Abordant ensuite la question de la gestion de la trésorerie de l'Acoss, M. Jean-Luc Tavernier a indiqué qu'il avait reçu de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dès le début d'exercice, l'assurance que celle-ci serait en mesure de subvenir aux besoins de trésorerie à l'Acoss jusqu'à hauteur du plafond autorisé de 18,5 milliards d'euros. Pour les années suivant 2006, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Francis Mayer, a signalé par lettre que la CDC pourrait même relever jusqu'à 30 milliards d'euros le montant des avances de trésorerie consenti à l'Acoss.

Pour l'heure, l'Acoss négocie une nouvelle convention de gestion avec la CDC pour la période 2006-2009. L'Acoss a ainsi donné, le 11 avril, un mandat de gestion à son président et au directeur général prévoyant des demandes d'aménagement des conditions financières proposées par la caisse, en faisant valoir le caractère de client « captif » de l'agence.

En premier lieu, l'agence souhaite qu'à l'avenir une distinction soit opérée entre la tenue des comptes par la caisse et les modalités de financement des emprunts. Cette distinction est aujourd'hui imposée par le cadre européen qui prévoit une mise en concurrence distincte pour chacun de ces deux postes.

En ce qui concerne la mission de tenue de compte, il paraît évident que l'Acoss continuera de faire appel à la Caisse des dépôts et consignations, mais sur des bases techniques dorénavant plus saines. Avant 2001 en effet, cette activité n'était pas facturée à l'Acoss par la CDC. A partir de 2001, une facturation a été établie pour un coût de 3 millions d'euros annuels, mais ce montant avait été fixé après déduction d'une ristourne consentie par la Caisse en contrepartie de la mise en place du projet Géode. Ce projet ayant été abandonné, la facturation par la Caisse de son activité de tenue de compte devrait donc en réalité augmenter et atteindre environ 3,5 millions d'euros annuels.

En réponse à une question de M. André Lardeux sur l'absence de recours à la concurrence, ce montant de 3,5 millions d'euros apparaissant tout de même relativement élevé, M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss, a indiqué que la fonction de tenue de compte est accomplie par la Caisse en application de la loi et que seule la loi peut prévoir une mise en concurrence.

Pour appuyer ces propos, M. Jean-Luc Tavernier a souligné le savoir-faire de la Caisse des dépôts et consignations, ajoutant que l'activité de tenue de compte n'est pas de celles où l'Acoss peut se permettre une prise de risques.

Abordant ensuite le volet des modalités de financement des emprunts effectués par l'Acoss en recourant à l'intermédiation de la Caisse, M. Jean-Luc Tavernier a rappelé qu'il y a dix ans encore, la Caisse imposait à l'agence un spread de 100 points de base (1 %) par rapport au taux des emprunts d'Etat (taux EONIA : Euro overnight index average). A l'heure actuelle, l'écart de refinancement s'établit dans une fourchette de cinq à dix points de base pour les emprunts déterminés à l'avance, cinq points pour un emprunt demandé un mois à l'avance pour une durée d'un mois et dix points pour un emprunt demandé quinze jours à l'avance pour une durée de quinze jours. L'écart de refinancement s'établit sur une base de dix-sept à vingt points de base pour les emprunts demandés au jour le jour.

Pour ce qui est des placements des excédents de trésorerie de l'Acoss, leur rémunération s'effectue dans les conditions suivantes : les excédents de trésorerie inférieurs à 3 milliards d'euros sont rémunérés au taux EONIA moins 1/16e et les excédents supérieurs à 3 milliards d'euros sont rémunérés au taux de base EONIA sec. En conséquence, l'agence a réalisé en 2005 des gains très légèrement supérieurs à l'EONIA.

Si la Caisse des dépôts et consignations estime qu'elle est allée au maximum des avantages qu'elle pouvait proposer à l'Acoss, celle-ci a toutefois fait valoir que l'Unedic émet des billets de trésorerie à EONIA plus deux points de base. M. Jean-Luc Tavernier a toutefois reconnu que la loi n'autorise pas, en l'état, l'Acoss à émettre elle-même des billets de trésorerie et qu'en outre cette activité suppose une logistique ayant un coût. Dans son esprit, la référence à l'Unedic a surtout pour vertu de mettre la pression sur la Caisse afin qu'elle améliore encore ses offres en termes de rémunération des placements et de coût des prêts.

C'est d'ailleurs à ce titre que la nouvelle convention d'objectif et de gestion stipule l'obligation de chercher une diversification tant des instruments d'emprunt et de placement que des organismes prêteurs.

M. Jean-Luc Tavernier a cependant, en conclusion sur ce point, souligné le relativement faible enjeu présenté par la question des coûts de gestion : les possibilités d'économie consécutives à une mise en concurrence sont évaluées à environ 4 ou 5 millions d'euros annuels, soit une proportion infime du montant des déficits à gérer. La remontée des taux de la Banque centrale européenne aura un impact beaucoup plus élevé sur les charges financières supportées par l'Acoss.

Abordant ensuite l'état de la situation des recouvrements des impayés, il a indiqué que le solde à recouvrer des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) s'élevaient à - 13,6 milliards d'euros à fin 2005, contre - 13,7 milliards d'euros à fin 2004. Cette légère amélioration se vérifie également dans les taux d'impayés qui atteignent, pour 2005, 0,96 % pour le total métropole-départements d'outre-mer et 0,84 % pour la seule métropole.

Les marges d'amélioration ont essentiellement été obtenues à Paris où le taux de recouvrement est en forte amélioration. Si l'on passe à une analyse par secteurs, les gains réalisés sont totalement attribuables aux entreprises du secteur privé, cependant que les améliorations constatées depuis quelques années dans la catégorie des travailleurs indépendants continuent de se vérifier. En revanche, les collectivités territoriales ne font pas partie des bons payeurs.

Développant ensuite le sujet du montant de la dette contractée par l'Etat envers les organismes de sécurité sociale, M. Jean-Luc Tavernier a indiqué qu'il remettra à la mission le rapport de l'agent comptable de l'Acoss qui révèle qu'au 31 décembre 2005, le total de la dette cumulée au titre des exonérations de cotisations sociales a atteint 2,975 milliards d'euros, soit un maximum historique s'expliquant notamment par le trop versé de l'Etat en 2004 qui a justifié de sa part un moindre versement en 2005.

Au 12 avril 2006, le cumul de dettes au titre des recettes non versées est cependant redescendu à - 2,3 milliards d'euros grâce à la régularisation précitée de 800 millions intervenue au mois de janvier.

Face à cette dégradation des comptes, M. Jean-Luc Tavernier a affirmé avoir écrit aux ministres de tutelle afin de savoir si l'Acoss doit provisionner le montant de ce manque à gagner afin de tenir compte de l'apparition de créances douteuses, rappelant dans son courrier que la Cour des comptes avait fait à l'agence le reproche de cette absence de provision. Les ministres ont répondu en certifiant que l'Etat reconnaît sa dette qui se retrouvera donc en bilan d'entrée à l'occasion du passage des comptes en droits constatés.

Au chapitre des dépenses non compensées par l'Etat figurent au premier chef la dette du fonds de solidarité vieillesse puis, pour un montant de 600 millions d'euros, l'aide médicale de l'Etat (AME). Les autres postes (allocation de parent isolé, revenu minimum d'insertion, allocation pour adulte handicapé...) apparaissent pour des montants plus réduits. Le total de la dette contractée par l'Etat au titre des dépenses s'établissait donc au 1er avril 2006 à environ 3,5 milliards d'euros.

A la même date, le total de la dette de l'Etat à l'égard de l'Acoss s'élevait donc à 5,85 milliards d'euros (2,3 milliards pour les exonérations et 3,5 milliards pour les dépenses de protection sociale).

Appelé ensuite à donner son avis sur le diagnostic, les analyses et les préconisations du rapport Pébereau en matière de dette sociale, M. Jean-Luc Tavernier s'est réjoui de ce que le rapport définitif n'ait pas repris le montant cumulé de 2.000 milliards de dettes, pour l'ensemble des administrations publiques, avancé dans le pré-rapport. Ce montant qui consolidait l'ensemble des dettes publiques au sens des critères de Maastricht, comprend en effet à la fois une dette quantifiée et certaine et des provisions au titre des engagements non couverts des régimes de retraite des fonctionnaires et des entreprises publiques correspondant à une dette future non encore matérialisée.

Il a insisté sur l'indication donnée cependant par le rapport Pébereau sur le montant de ce provisionnement au titre de ces régimes qui aurait atteint 1.800 milliards d'euros si la réforme Balladur de 1993 et la réforme Fillon de 2003 n'avaient pas été adoptées, alors qu'il a pu être réduit de moitié, à 900 milliards d'euros, grâce à ces deux réformes.

Sur l'exigence posée par le rapport Pébereau d'un vote à l'équilibre de l'assurance maladie, M. Jean-Luc Tavernier a souligné le manque de cohérence des auteurs qui évoquent parallèlement la mise en place d'un fonds de stabilisation conjoncturelle permettant d'envisager l'existence au moins ponctuelle de déficits. En tout état de cause, la perspective d'un retour à l'équilibre apparaît encore lointaine.

Il a en revanche jugé excellente la proposition tendant à ce que la loi de financement de la sécurité sociale contienne immédiatement après l'article fixant l'Ondam un autre article fixant les mesures qui seraient automatiquement mises en oeuvre si l'objectif était effectivement dépassé.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Jean-Luc Tavernier a enfin évalué à 355.500 le nombre des contrats nouvelles embauches signés sur la période de septembre 2005 à février 2006, auxquels il conviendrait sans doute d'ajouter 20.000 autres contrats signés dans le courant du mois d'août. Il a cependant indiqué que ce chiffre est obtenu à partir d'une extrapolation faite sur les déclarations uniques d'embauches téléchargées sur internet.

Auditions sur la dette sociale - Audition de M. Patrice Ract-Madoux, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

Enfin la mission a entendu M. Patrice Ract-Madoux, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

M. Patrice Ract-Madoux a indiqué que, depuis l'origine de la Cades, son ordonnance fondatrice et les nombreuses lois qui l'ont modifiée ont mis à la charge de la Caisse un montant total de 110,4 milliards d'euros. A la fin de 2005, la Cades avait effectivement repris 102 milliards d'euros. Sur ce total, 29,3 milliards d'euros ont d'ores et déjà été amortis, le montant de la dette restant à rembourser s'élevant donc à 72,7 milliards.

Il a cependant précisé que la dette sociale ne se limite pas au montant repris par la Cades, mais doit également prendre en compte les besoins de financement de l'Acoss, si ceux-ci ne parviennent pas à être résorbés dans l'avenir.

Commentant ensuite le tableau des ressources de la Caisse, il a indiqué que depuis la vente du stock restant des immeubles des organismes sociaux, la seule ressource demeurant à la Cades est constituée par la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), dont le montant s'élève à environ 5 milliards d'euros par an.

Depuis 2005, du fait du doublement de la dette, la fraction de la CRDS consacrée au paiement des intérêts dépasse celle destinée aux amortissements.

Détaillant la répartition de l'endettement contracté en contrepartie de la masse amortissable de 72,3 milliards d'euros, M. Patrice Ract-Madoux a indiqué que les dernières échéances remboursables sont fixées à 2019 et 2020. Les niveaux d'emprunts les plus élevés atteignent 3 à 4 milliards d'euros. La dette à taux révisable représente 26,2 % de l'encours, la dette à taux fixe 52,5 % et la dette indexée sur l'inflation 21,3 %. Les obligations en euros représentent, au 31 décembre 2005, 47 % de l'encours.

S'agissant de la situation nette en fonction du risque, au 1er avril 2006, il existe une chance sur deux que l'ensemble des remboursements soit achevé dans dix-sept ans, cinq chances sur cent pour que ce délai soit à treize ans et cinq chances sur cent pour que les remboursements ne soient pas achevés dans un délai de vingt-deux ans. Ces prévisions tiennent compte de la reprise de dette par la Cades prévue pour la fin de 2006.

M. Patrice Ract-Madoux a ensuite fait état des avancées permises par la parution du rapport de M. Alain Vasselle sur la gestion de la Cades en 2003 : d'une part, la caisse a maintenant basculé dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale, puisque celles-ci doivent dorénavant obligatoirement contenir ses objectifs d'amortissement ; d'autre part, la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a stabilisé la cessation théorique d'activité de la Cades en fixant pour principe l'interdiction d'accroître ses charges en l'absence de ressources correspondantes. Le Conseil constitutionnel dans sa décision a confirmé la valeur organique de ce dispositif en rappelant que le législateur ne pouvait pas reporter le financement de la dette sociale sur les générations futures.

Au total, le cadre législatif qui entoure la Cades apparaît aujourd'hui solide et donnant enfin la priorité au traitement de la dette sociale.

Interrogé par M. Alain Vasselle, président, sur la portée de l'amendement adopté fin 2005 à l'initiative de M. Philippe Marini, autorisant le ministère des finances à émettre des emprunts au bénéfice de la Cades dans le but de supprimer le spread qui affecte les recours de la caisse au marché, M. Patrice Ract-Madoux a rappelé que l'agence France-Trésor effectue une activité distincte de celle de la Cades en assurant le financement du déficit de l'Etat. Cette activité n'est pas assimilable à la mission d'amortissement de la dette sociale dévolue à la Cades. En outre, le spread qui affecte les emprunts de la Cades est en quelque sorte « congénital » et le fait que l'agence France-Trésor prenne en charge la levée des emprunts pour le compte de la Cades ne pourra pas le faire disparaître. Pour ces motifs, M. Patrice Ract-Madoux s'est déclaré défavorable à cette disposition.

Accessoirement, l'amendement de M. Philippe Marini avait toutes les caractéristiques d'un cavalier budgétaire, alors que la matière relative à la Cades aurait dû être traitée exclusivement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel, qui n'avait pas été interrogé par les requérants sur l'article concerné, ne l'a pas censuré, mais il aurait dû le faire s'il avait persévéré dans son ancienne jurisprudence qui le conduisait à examiner la constitutionnalité de l'ensemble des dispositions des lois dont il est saisi.

En conclusion sur le rapport de M. Paul Girod, à l'origine de l'amendement de M. Philippe Marini, M. Patrice Ract-Madoux a relevé que les regrets exprimés par ce rapport au sujet du manque d'indicateurs de performance relatifs à la gestion de la Cades n'étaient plus valables après l'adoption de la loi organique du 2 août 2005 qui impose de définir dans la loi de financement les objectifs d'amortissement de la caisse.

M. Patrice Ract-Madoux a conclu en énumérant les différentes propositions contenues dans le rapport Pébereau sur la gestion de l'assurance maladie.

M. Alain Vasselle, président, a enfin rappelé le satisfecit que la commission des affaires sociales avait donné à la gestion de M. Patrice Ract-Madoux, soulignant sa volonté de conserver la Cades comme instrument de gestion de la dette sociale.

Nomination de rapporteurs

Puis la mission a procédé à la désignation des co-rapporteurs suivants :

MM. Alain Vasselle et Bernard Cazeau pour le rapport d'information relatif à la dette sociale ;

MM. Dominique Leclerc et Claude Domeizel pour le rapport d'information sur la compensation démographique.