Mercredi 27 juin 2007

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Philippe Georges, directeur, de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Philippe Georges, directeur, de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) a indiqué que le déficit de la branche famille pour 2006 s'élève à 891 millions d'euros, en légère amélioration par rapport aux dernières prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale. Pour 2007, il devrait atteindre 700 millions d'euros, soit une nouvelle avancée vers le retour à l'équilibre. Il faut souligner toutefois que la poursuite de cette amélioration ne pourra se faire qu'à situation constante car la mise en oeuvre éventuelle des propositions avancées par le Président de la République aurait un impact financier certain sur les comptes de la branche. Il s'agit en particulier du versement de l'allocation familiale au premier enfant ou de l'institution d'un droit opposable au mode de garde des enfants.

M. Nicolas About, président, a souhaité connaître l'opinion de la Cnaf sur l'absence de certification de ses comptes par la Cour des comptes.

M. Jean-Louis Deroussen a précisé que la Cour des comptes n'a pas refusé de certifier les comptes de la Cnaf mais a seulement jugé qu'elle ne disposait pas d'éléments suffisamment précis pour pouvoir se prononcer. En effet, la Cnaf, qui doit gérer de multiples activités, n'est pas parvenue à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour s'atteler à cette tâche difficile. Elle va donc analyser en détail les remarques de la Cour des comptes et en tirer les conséquences dans son organisation. Elle reconnaît que l'absence de numéro unique d'allocataire est une source de fraude, ce dont l'ensemble du réseau a pris conscience depuis déjà un certain temps. En ce qui concerne l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), les reproches de la Cour se concentrent en fait sur un simple transfert de droits ouverts à une époque et destinés à des avantages futurs dont l'urgence n'apparaît pas toujours évidente.

M. Nicolas About, président, s'est interrogé sur le contenu détaillé des réponses de la Cnaf aux observations de la Cour des comptes.

M. Philippe Georges, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), a rappelé que ces observations s'orientent autour de deux critiques principales : l'absence de fichier unique et l'AVPF. Or, la mise en place d'un fichier unique des allocataires, qui existe pour le RMI mais pas encore pour les allocations familiales, est une opération très lourde. La Cnaf s'est engagée en 2005 à créer ce fichier ; il devrait, en principe, être opérationnel à la fin de l'année 2007. Sur la deuxième critique, il a estimé l'enjeu relativement faible car il s'agit seulement de savoir si les versements concernés ont bien eu lieu ; une mission récemment diligentée par le Gouvernement devrait permettre d'y voir plus clair.

M. Guy Fischer a souligné que les comptes de la branche famille constituent un des très rares exemples de non-certification des comptes par la Cour des comptes.

M. Philippe Georges a rappelé que l'unicité de l'Etat conduit la Cour à ne formuler qu'un seul jugement sur ses comptes, malgré les disparités de gestion des ministères, alors que, pour la branche famille, entièrement autonome, son regard est empreint d'une plus grande sévérité.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si l'objectif de retour à l'équilibre implique une plus forte pression sur les fonds sociaux de la caisse alors que la situation des allocataires se détériore sérieusement. En d'autres termes, peut-on considérer que ces fonds sociaux sont aujourd'hui à l'étiage ou bien qu'il existe encore une marge de manoeuvre à la baisse ?

M. Jean-Louis Deroussen a reconnu que la seule partie du budget de la Cnaf sur laquelle on dispose d'une marge de manoeuvre est celle de l'action sociale. Or, celle-ci doit prendre en charge de très nombreux efforts, en direction des jeunes enfants notamment. Les contrats « enfance jeunesse », à la suite des contrats « temps libre », représentent un budget en très forte augmentation qui pourrait s'accroître de plus de 15 % si les caisses n'effectuent pas de révision à la baisse de leurs engagements. L'idée est de faire en sorte que ces budgets soient programmés et confortés dans le cadre de la prochaine convention d'objectif et de gestion (Cog).

M. Guy Fischer a souhaité connaître l'opinion de la Cnaf sur le reproche de certains conseils généraux selon lequel le suivi du RMI par les caisses locales ne serait pas assez précis, entraînant de ce fait un montant de versement par les conseils généraux supérieur à ce qu'il devrait être en réalité.

M. Philippe Georges a estimé qu'après des débuts difficiles et la nécessaire adaptation des systèmes informatiques, les conseils généraux et les caisses d'allocations familiales travaillent aujourd'hui en parfaite coopération, y compris dans le département du Rhône où des changements récents au sein de la caisse devraient permettre de faciliter ces relations.

M. Nicolas About, président, a ensuite interrogé les responsables de la Cnaf sur le sujet du périmètre de la protection sociale, en particulier sur l'idée d'une fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, sur l'intérêt de la budgétisation de la branche famille ou encore du basculement des cotisations patronales affectées à la Cnaf vers une partie de la contribution sociale généralisée (CSG) ou de la TVA sociale.

M. Jean-Louis Deroussen s'est félicité de la création du conseil d'orientation des finances publiques et des efforts déjà effectués pour améliorer la coordination des textes financiers, harmoniser les calendriers, reconnaître la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale et permettre un retour régulier du Gouvernement vers le Parlement avec la production d'états financiers semestriels. Accentuer cette meilleure transparence et la collaboration entre administrations est certainement une bonne chose mais elle n'implique pas pour autant la fusion des textes financiers. Celle-ci se heurte en effet à la grande différence de nature des dépenses concernées et au principe de l'affectation préalable des recettes en matière de finances sociales. S'agissant de la branche famille, des prévisions de long terme sont nécessaires, ce qui signifie la fixation d'objectifs pluriannuels précis. Dans ce cadre, il est néanmoins impossible de définir des enveloppes limitatives car la naissance d'enfants constitue un « risque » que la branche doit, en tout état de cause, assurer. Certes, au cours des dernières années, l'existence d'excédents financiers a facilité la création de nouvelles prestations, comme la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), créant ainsi des dépenses nouvelles difficiles à évaluer précisément. Toutefois, l'augmentation actuelle des recettes devrait permettre d'annuler le déficit de la branche famille en 2008 ou du moins d'ici deux à trois ans. L'exemple du Conseil d'orientation des retraites (Cor) pour la vieillesse ou du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) pour la santé pourrait être reproduit pour la famille, avec la création d'un conseil d'orientation qui permettrait d'avoir une démarche plus prospective et de construire des budgets en équilibre tout en continuant à répondre aux attentes des familles.

Puis M. Jean-Louis Deroussen a évoqué le sujet de la TVA sociale en estimant au préalable indispensable de connaître les résultats détaillés des expérimentations menées à l'étranger. Il a souligné le risque non négligeable qu'une augmentation de quatre ou cinq points de TVA pourrait faire peser sur le pouvoir d'achat des inactifs. Il a fait valoir que l'équilibre actuel entre cotisations sur les salaires et impôts apparaît satisfaisant, même s'il peut sans doute être légèrement affiné. Il est particulièrement légitime que des cotisations sur les salaires servent à financer des dépenses supplémentaires liées à l'arrivée d'un jeune enfant au sein d'une famille.

M. Nicolas About, président, a souhaité savoir si le plaidoyer de la Cnaf en faveur du maintien des cotisations peut s'analyser comme l'affirmation de la nécessaire gestion de la protection sociale par les partenaires sociaux. Il a par ailleurs estimé que le principe de la TVA sociale est de ne pas créer de surcoût car l'augmentation de la TVA doit compenser une baisse des charges, ce qui, a priori, ne crée pas de risque en termes de pouvoir d'achat.

Mme Sylvie Desmarescaux a constaté que les caisses d'allocations familiales sont les premières à inciter les collectivités à signer des contrats mais, en cas de difficulté, les collectivités territoriales doivent se substituer aux caisses pour assurer le financement des actions engagées. Or, il est généralement impossible pour les élus locaux et les collectivités de revenir sur ce qui a été mis en place, ce qui entraîne des frais supplémentaires non négligeables. Par ailleurs, de vives inquiétudes existent aujourd'hui dans le Nord sur les projets de suppression et de regroupements en cours dans le réseau des Caf.

M. André Lardeux a souhaité savoir quel pourrait être le coût de la mise en place d'une allocation familiale au premier enfant et si l'on a mesuré l'efficacité d'une telle mesure.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur les modalités de la mise en application d'un droit opposable au mode de garde des enfants.

M. Jean-Louis Deroussen est convenu que la légitimité de la gestion de la branche famille par les partenaires sociaux disparaîtrait si ses dépenses étaient budgétisées. Néanmoins, le bilan largement positif de ce mode de gestion, en particulier au niveau local où il permet l'expression des besoins du terrain et de la population à travers les conseils d'administration des caisses, conduit à encourager le maintien de cette gouvernance pour la sécurité sociale. En ce qui concerne la TVA sociale, même si l'objectif est de conserver une correspondance dans le pouvoir d'achat des ménages avant et après la réforme, cela n'exclut pas un risque important pour les salariés d'être confrontés à des augmentations de dépenses et donc à une perte de pouvoir d'achat, qui serait de toute façon élevée pour les non-salariés. Il a ensuite reconnu les difficultés créées par les contraintes budgétaires de la branche famille pour la mise en oeuvre des contrats « enfance » ou « temps libre » signés avec les collectivités territoriales. Dans certains cas, il est effectivement nécessaire de trouver un autre financeur mais les Caf restent très attentives au maintien d'un soutien aux contrats qui interviennent dans les situations les plus difficiles.

M. Philippe Georges a insisté sur les problèmes rencontrés lors de la transition entre le régime antérieur des contrats « temps libre » et celui actuellement en vigueur. L'idée est aujourd'hui d'offrir une meilleure visibilité avec des contrats de quatre ans comportant des engagements financiers garantis. Il s'agit de sécuriser au maximum l'ensemble des situations dans le cadre d'une enveloppe financière limitée.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a fait valoir que, dans d'autres domaines, le système des crédits limitatifs avait produit des résultats financiers certains et qu'il pourrait dès lors être appliqué à la branche famille.

M. Philippe Georges a précisé que les seules dépenses évaluatives de la branche concernent les sommes versées aux familles. En revanche, les crédits destinés aux collectivités territoriales ne fonctionnent pas à guichet ouvert.

M. Jean-Louis Deroussen a indiqué que le conseil d'administration de la Cnaf a arrêté le 12 juin dernier sa position sur la départementalisation du réseau : d'ici 2011, il ne devra y avoir qu'une seule Caf par département. Les principales difficultés concernent les départements du Nord et de la Seine-Maritime dans lesquels on compte aujourd'hui respectivement huit caisses et quatre caisses. Huit autres départements disposent de deux caisses différentes. L'idée n'est pas de supprimer les points d'accueil ni les personnels mais de centraliser la gestion de ces caisses et en particulier de créer un seul interlocuteur par département pour les services du conseil général, la priorité restant la qualité du service rendu.

M. Louis Souvet a insisté sur les questions d'aménagement du territoire en citant le département du Doubs où l'existence d'une caisse à Montbéliard et d'une autre caisse à Besançon se justifie pleinement.

M. Philippe Georges a souligné que le regroupement des caisses n'implique pas la suppression des points de contact avec le public mais permet la centralisation des fonctions de direction et de support.

M. Jean-Louis Deroussen a indiqué que, sur la base de 60 euros par mois, le coût du versement de l'allocation au premier enfant serait de 2,6 milliards d'euros pour la Cnaf.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a réaffirmé l'intérêt d'une réflexion sur la nature des crédits de la branche famille car certains exemples, comme celui de l'aide juridique, montrent que l'on peut progresser dans la gestion de crédits, en théorie évaluatifs, dès lors qu'ils deviennent limitatifs.

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Alain Gubian, directeur financier de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Alain Gubian, directeur financier de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Présentant la situation des finances de l'Acoss, M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss, a tout d'abord souligné le surcroît d'encaissements de cotisations sociales en provenance du secteur privé, lié à une dynamique de la masse salariale très supérieure à ce qui avait été envisagé. Une rentrée supplémentaire de 270 millions d'euros provenant du secteur privé a ainsi été constatée dès le mois de février dans les résultats de janvier prenant en compte des encaissements assis sur le dernier trimestre de 2006. Le mouvement s'est prolongé en mai avec les résultats du premier trimestre pour les petites entreprises et du mois de mars pour les plus grandes : le surcroît d'encaissements a atteint 310 millions d'euros. Au 15 juin 2007, le taux de progression de l'assiette salariale dans le secteur privé calculé sur un an, entre le premier trimestre 2006 et le premier trimestre 2007, s'élevait à 5,1 %. Rien qu'entre le quatrième trimestre 2006 et le premier trimestre 2007, la hausse de la masse salariale a été de 2 % alors qu'elle avait atteint 3,3 % sur l'ensemble de l'année civile 2005 et 4,2 % sur la totalité de l'exercice 2006.

Le taux de 5,1 % en glissement annuel apparaît cependant dopé par le versement de primes très élevées dans le secteur bancaire. Ce sont ces primes qui expliquent à elles seules la moitié du taux de progression de 2 % constaté entre le quatrième trimestre 2006 et le premier trimestre 2007.

Dès lors, il apparaît vraisemblable que l'évolution de la masse salariale sur l'ensemble de l'exercice 2007 sera un peu moins élevée que ce que laisse prévoir la dynamique actuelle. On s'attend ainsi à un taux de 4,8 % représentant tout de même 0,6 point de plus par rapport aux conjonctures établies en début d'année. Ce taux se décomposerait approximativement en 1,5 point lié à l'augmentation de l'emploi et 3,3 points de progression du salaire moyen par tête. Il convient de rappeler qu'un point de masse salariale en plus correspond à une recette supplémentaire de 1,7 milliard d'euros.

Si l'on compare toutefois les finances de l'Acoss au calcul prévisionnel établi en janvier sur la base des hypothèses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, la situation apparaît moins favorable. En effet, la loi de financement avait été établie à partir d'une projection de progression annuelle de la masse salariale de 4,6 %. Ce taux, ayant été généralement considéré comme excessivement optimiste, avait ensuite été ramené par les conjoncturistes à 4,2 % en début d'année. Si l'on se réfère donc à la loi de financement, le surcroît de progression de la masse salariale par rapport aux projections ne serait que de 0,2 point (au lieu de 0,6 point si l'on se réfère aux conjonctures révisées du début de l'année), soit un gain pour l'Acoss de 350 millions d'euros environ.

Le bilan des recettes est « impacté » par un surcroît d'exonérations. A ce sujet, M. Alain Gubian a rappelé qu'en 2007 est entré en vigueur le nouveau mode de financement de la compensation des exonérations générales de cotisations. Depuis 2006, les sommes correspondantes n'étaient déjà plus directement compensées par l'Etat, mais financées par une affectation de recettes fiscales, le « panier fiscal ». En 2007, la compensation « à l'euro l'euro » par le panier de recettes n'est en outre plus garantie, puisque la composition du panier ne pourra être corrigée que si le constat est fait d'un écart de plus de 2 % entre le coût des allégements et celui des recettes censées le compenser. En outre, le différentiel ne sera comblé que dans le cadre de la plus prochaine loi de finances après le constat préalable de l'existence de cet écart dans un rapport, soit au minimum en 2009 pour un écart constaté au terme de l'exercice 2007.

M. Alain Gubian a fait observer que l'écart de 2 % à partir duquel une correction est, le cas échéant, mise en oeuvre dans le panier des recettes représente tout de même 400 millions d'euros. Les organismes de sécurité sociale peuvent ainsi se voir opposer une sorte de franchise de plusieurs centaines de millions d'euros en cas d'excédent du montant d'exonération sur les recettes sans que le différentiel leur soit remboursé.

Si cette situation se présentait, l'impact serait immédiat dès 2007 non seulement en trésorerie mais également en comptabilité.

En l'état actuel des données, les rentrées fiscales du panier de recettes semblent progresser au rythme de ce qui était attendu avec même un léger supplément de 100 millions d'euros provenant de la taxe sur les salaires versée par le secteur bancaire, correspondant au surplus de primes mentionné plus haut.

L'Acoss a dû cependant prendre en compte un risque de supplément d'exonérations « Fillon » important qui aurait une double origine. La première procède de l'application de l'article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Cet article, en effet, a précisé que les calculs d'exonérations se font pour les entreprises d'intérim sur les heures rémunérées quelle qu'en soit la nature et non sur les heures effectives. Les entreprises concernées peuvent recalculer leurs exonérations selon les nouvelles règles, avec effet rétroactif au 1er janvier 2006. Après un démarrage relativement lent, les bénéficiaires potentiels ont accéléré le mouvement en 2007 et l'on s'attend à un surcroît de demandes de recalcul à l'été. L'impact retenu par la prévision Acoss est de 300 à 500 millions pour 2006, ce qui laisse présager un impact sur 2007 de 800 millions d'euros supplémentaires dont la compensation n'est pas prévue dans le panier de recettes fiscales.

La seconde source potentielle d'alourdissement des exonérations Fillon provient du projet du Gouvernement de supprimer les cotisations sociales sur les heures supplémentaires, en contrepartie de laquelle il n'est prévu aucune recette de couverture en l'état.

S'agissant des exonérations ciblées, cette année encore il apparaît que le montant réel de certaines d'entre elles est nettement supérieur aux prévisions figurant dans l'annexe 5 de la loi de financement. C'est le cas de celles concernant les départements d'outre-mer, les apprentis et les services à la personne. Les deux dernières de ces exonérations sont sur une courbe de croissance particulièrement dynamique.

Parallèlement à ce pronostic assez défavorable sur les rentrées, les décaissements sont accrus principalement sur la maladie, du fait du dérapage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), et sur la vieillesse avec un nombre de départs anticipés plus élevés que celui initialement attendu. Dès lors, la variation de trésorerie de l'Acoss devrait être supérieure à ce qui était attendu. Seuls les décaissements de la branche famille semblent être en retrait par rapport aux hypothèses de départ avec des dépenses de RMI moins dynamiques et un freinage assez net des allocations logement.

A la fin septembre 2007, la variation de trésorerie de l'Acoss serait ainsi de 12 milliards d'euros au lieu des 11 milliards attendus. A la fin de l'année, cet écart d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions pourrait encore s'accroître.

Dans ces conditions, le solde négatif du compte Acoss est prévu à 24,5 milliards d'euros à fin septembre, sans risque toutefois de dépassement du plafond de 28 milliards d'euros à ce stade. Cependant, de septembre à la fin de l'année, les risques de dépassement apparaissent très importants. D'une part, on l'a vu, les compensations sont déjà insuffisantes. A cela, s'ajoute le surcroît de dépenses et aussi d'exonérations, conduisant à des encaissements minorés malgré l'amélioration de la situation de la masse salariale. Enfin, il conviendra de prendre en compte également, pour deux mois en trésorerie, le coût des allègements de cotisations sociales sur les heures supplémentaires qui devraient être votés pendant la session extraordinaire.

Sur ces bases, le solde négatif moyen pourrait doubler sur l'année 2007 par rapport à 2006. Compte tenu des hausses des taux d'intérêts (en moyenne le taux de financement passerait de 2,94 % en 2006 à près de 4 % en 2007), le résultat net de trésorerie atteindrait 730 millions d'euros après 271 millions d'euros en 2006, soit une multiplication de la charge d'intérêt par un coefficient de 2,7.

Grâce aux dispositions de la loi de financement pour 2007, l'Acoss a pu cette année, pour la première fois, émettre des billets de trésorerie avec un solde compris entre 2,8 et 3 milliards d'euros. Ces produits très souples permettent des économies chiffrées à 400 000 euros par point de base et par milliard emprunté par année, soit, pour 3 milliards en moyenne, 1,2 million d'euros. Le volume de billets de trésorerie émis par l'Acoss devrait atteindre 5 milliards d'euros d'ici la fin de l'année.

La dette de l'Etat vis-à-vis du régime général s'est élevée à 3,5 milliards d'euros à fin décembre 2006 pour l'ensemble des exonérations et 3,1 milliards fin janvier, compte tenu des montants versés en début d'année au titre de l'exercice 2006 et des exercices antérieurs. Ce montant de dette est en hausse de 800 millions d'euros par rapport à 2005. S'agissant des prestations, la dette brute était de 2,6 milliards fin décembre et 1,6 milliard fin janvier. Dans ces conditions, la dette d'ensemble de l'Etat à l'égard du régime général s'élevait à 6,1 milliards d'euros fin décembre et 4,7 milliards fin janvier.

Si l'on ajoute à ces totaux les retards du fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui représentent 4,9 milliards d'euros, l'addition de la dette Etat et FSV à l'égard de la sécurité sociale portée par l'Acoss s'élève à 10 milliards d'euros.

S'agissant de la seule dette de l'Etat, hors FSV, le surcroît d'intérêts est estimé pour 2006 à 168 millions d'euros soit environ le montant des droits tabac affectés au régime général en 2007 pour leur couverture.

En octobre 2006, 238 millions d'euros auraient dû être versés par l'Etat conformément à l'échéancier prévu pour la compensation du coût des exonérations : 151 millions d'euros pour les dispositifs apprentis et 87 millions d'euros pour la professionnalisation. Rien n'a été versé en novembre et décembre. En janvier, en période complémentaire, 12 millions d'euros ont été accordés pour les contrats de professionnalisation et 86 millions d'euros pour les apprentis. Manquent donc toujours, depuis octobre, 65 millions d'euros pour les apprentis et 75 millions d'euros pour les contrats de professionnalisation.

M. Alain Gubian a ensuite détaillé le contenu de l'avis de l'Acoss sur la partie relative aux heures supplémentaires du projet de loi portant sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (Tepa).

Le texte prévoit deux dispositifs : une réduction des cotisations salariales et une réduction forfaitaire des cotisations patronales.

La réduction de cotisations salariales consiste en pratique en une exonération complète des cotisations salariales d'assurance maladie et d'assurance vieillesse, des cotisations de retraite complémentaire, des cotisations d'assurance chômage et des contributions CSG et CRDS pesant sur les salaires. L'addition de tous ces prélèvements est de 21,5 points. Cependant, la réduction de cotisations sera imputée au titre de chaque salarié uniquement sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale (assurance maladie et assurance vieillesse) dues chaque mois pour celui-ci. Cette imputation sera effectuée sur le total des cotisations d'assurance maladie et d'assurance vieillesse et pas seulement sur les cotisations correspondant aux heures supplémentaires. En conséquence, dans le cas d'un salarié effectuant quatre heures supplémentaires par semaine, ce sont 2,7 points qui seront défalqués de ce total.

En principe, cet abattement ne devrait pas poser de problème puisqu'il demeure inférieur au montant total des cotisations salariées versées au régime général, soit 7,5 % se décomposant en 0,75 % pour la maladie et 6,75 % pour la vieillesse. Le salaire net du salarié sera accru à due proportion de l'abattement de 2,7 points.

Le projet de loi instaure par ailleurs une réduction forfaitaire au bénéfice des employeurs. Le montant de la réduction devrait être fixé à 1,5 euro par heure supplémentaire dans les entreprises d'au plus vingt salariés et à 0,5 euro par heure supplémentaire dans les autres entreprises.

La réduction forfaitaire de cotisations patronales est cumulable avec l'exonération Fillon. Dans certains cas, très peu nombreux, il pourra arriver que le montant de la réduction forfaitaire dépasse le total des cotisations restant à la charge de l'employeur. La situation concerne quelques milliers d'entreprises dans lesquelles le salaire horaire du salarié est strictement au niveau du Smic et le taux de cotisation accidents du travail-maladie professionnelle n'excède pas 1,3 % .

Pour prendre en compte la situation spécifique de ces entreprises, le projet de loi permet à l'employeur d'imputer en trésorerie le surplus de la réduction patronale sur les cotisations salariales à reverser à l'Urssaf.

Cette possibilité ne pose pas de problème au niveau du paiement et en trésorerie puisque le montant dû au titre de la part salariale restera toujours élevé. Elle soulève en revanche pour l'Acoss une difficulté sérieuse pour la gestion comptable et l'enregistrement des écritures correspondantes, du fait de l'absence d'identité de nature juridique entre les cotisations salariales et patronales.

Afin de surmonter cette difficulté, l'Acoss propose de plafonner le montant de la réduction de cotisations au montant de cotisations patronales restant effectivement dû. Cette solution serait gérée sans impact important dans le système d'information selon les règles classiques d'exonérations.

M. Alain Gubian a indiqué que l'Acoss évalue à 5 milliards d'euros le surcoût du dispositif proposé pour la sécurité sociale. Ce total se décompose en 2,7 milliards au titre des exonérations de cotisations salariales, un milliard pour les exonérations patronales et enfin 900 millions d'euros de surcroît du coût des allègements Fillon.

En effet, le projet de loi prévoit une modification du mode de calcul de ces allègements permettant de prendre en compte le taux de majoration appliqué à la rémunération des heures supplémentaires.

En l'état, on l'a vu, le panier de recettes fiscales devrait tout juste permettre de couvrir en 2007 le coût des allègements généraux dont ceux du dispositif Fillon. Par voie de conséquence, le surcoût de 900 millions calculé par l'Acoss n'est pas actuellement pris en compte et ne peut faire l'objet à ce stade d'aucune compensation avant 2009.

Quant au coût à proprement parler des deux exonérations de cotisations salariales et patronales, le projet de loi ne prévoit rien pour l'instant au sujet de leur compensation. Il n'est ainsi pas indiqué si celle-ci prendra la forme d'une subvention budgétaire ou si elle sera assurée au travers du mécanisme du panier de recettes fiscales. Selon le cas, le montant des produits sera ou non « impacté ». En tout état de cause, la trésorerie de l'Acoss en sera modifiée avec un risque accru de dépassement du plafond de 28 milliards d'euros prévu par la loi de financement.

Dans son avis, l'Acoss pointe enfin que le dispositif proposé n'aborde pas les autres mesures d'exonérations patronales et suggère de prévoir un principe général de non-cumul de ces mesures avec la réduction forfaitaire patronales « heures supplémentaires ». Par ailleurs, le projet de loi propose qu'une évaluation du dispositif soit effectuée au 1er juillet 2009. L'Acoss souhaite que cette date soit reportée à l'automne de la même année afin qu'elle puisse disposer des informations utiles à la réalisation de cette évaluation.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué retenir des propos de M. Alain Gubian une dégradation de la trésorerie de l'Acoss en 2007, une compensation encore insuffisante des exonérations sociales, enfin, une dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale atteignant 10 milliards d'euros dont le montant pourrait encore s'accroître du coût du dispositif d'exonération des cotisations sur les heures supplémentaires.

M. Guy Fischer a souligné le décalage entre les indications données en matière de hausse de la masse salariale et la réalité perçue sur le terrain par des salariés qui constatent que la progression affichée n'est pas aussi forte que ce qu'en disent les pouvoirs publics.

S'agissant de la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale, il a insisté sur le resserrement des crédits de l'allocation de parent isolé (API), jugeant que le budget de la sécurité sociale apparaît ainsi de plus en plus comme la variable d'ajustement du budget de l'Etat.

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav)

Enfin, la commission a procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav).

Mme Danièle Karniewicz a rappelé qu'en 2001 la branche vieillesse présentait une situation bénéficiaire de 1,5 milliard d'euros. A partir de 2005, les comptes de la retraite se sont nettement dégradés avec un déficit de 1,9 milliard en 2005 et en 2006. Pour 2007, une nouvelle accélération de ce déficit a été prévue à hauteur de 3,5 milliards d'euros. Toutefois, le dépassement actuellement constaté sur les dépenses pourrait conduire ce déficit à 4,5 milliards et un retard sur les ressources le porterait à environ 5 milliards.

Plusieurs facteurs expliquent cette dégradation, en particulier l'importance du nombre des départs anticipés, l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du papy-boom et, désormais aussi, la charge d'intérêts supportée par la Cnav. Le coût de la mesure des départs anticipés est passé de 600 millions d'euros en 2004 à 1,8 milliard en 2006 et probablement 2,1 milliards en 2007. Le flux des départs en retraite qui était encore d'un peu plus de 600 000 en 2005 est passé à 710 000 en 2006. Par ailleurs, depuis 2003, le poids des cotisations retraite des chômeurs représente un coût d'environ un milliard d'euros par an pour la Cnav en raison du mode de calcul de la compensation. Enfin, les intérêts supportés par la caisse apparaissent en très nette augmentation, passant de 257 millions en 2006 à 500 millions en 2007. Les prestations en volume augmentent donc sensiblement car, outre les départs anticipés et l'arrivée de générations nombreuses à l'âge de la retraite, on constate l'échec complet des mesures en faveur de l'emploi des seniors. L'effet comportement qui était attendu de cette réforme semble en réalité produire l'effet inverse et accélérer encore les départs en retraite. Il faut d'ailleurs rappeler qu'un mois de décalage dans l'ensemble des départs en retraite représente 350 millions d'euros de dépenses supplémentaires. Enfin, les recettes affectées à la Cnav devraient être inférieures de 400 à 450 millions d'euros en 2007, sans toutefois qu'on en connaisse les raisons précises.

Mme Gisèle Printz a voulu savoir combien de départs anticipés en retraite sont enregistrés chaque année et quelle est la situation actuelle du travail des seniors.

Mme Danièle Karniewicz a indiqué que 15 % des départs en retraite se font au titre des carrières longues, les flux s'étant accrus depuis 2004, passant d'environ 100 000 à 111 000 en 2007. Depuis l'origine de la mesure en faveur du travail des seniors, seuls 83 000 retraités ont bénéficié d'une surcote. Cela signifie que l'effet incitatif ne fonctionne pas, l'effet inquiétude étant plus fort. Il apparaît de fait aujourd'hui que les salariés ne font plus confiance au système, ce qui justifierait de créer un électrochoc pour inverser cette tendance en matière de retraite. Celui-ci pourrait prendre la forme de garanties plus concrètes, comme la définition d'un taux minimal de remplacement en deçà duquel on ne descendrait pas. Il est, en tout état de cause, regrettable que les employeurs ne jouent pas le jeu en matière d'emploi des seniors.

M. André Lardeux a rappelé, pour la dénoncer, la mesure favorisant encore les départs en retraite contenue dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale à laquelle le Sénat s'était pourtant vivement opposé.

Mme Danièle Karniewicz a estimé que la première des priorités est aujourd'hui de favoriser l'emploi des seniors afin de permettre à un maximum de personnes d'atteindre une retraite à taux plein. Permettre le cumul emploi-retraite apparaît moins crucial et devrait, pour le moins, être interdit avant soixante ans et limité entre soixante et soixante-cinq ans.

Mme Christiane Demontès a relevé la situation paradoxale du développement des départs anticipés dans le cadre des plans sociaux et la difficulté de favoriser les actions de formation et de reclassement dans le cadre de ces mêmes plans, en particulier au-delà de l'âge de cinquante ans. Elle a souhaité savoir si l'on a établi une typologie des salariés en mesure de travailler au delà de l'âge de la retraite.

Mme Danièle Karniewicz a indiqué que les personnes prolongeant leur durée d'activité sont essentiellement des cadres, soit sous une forme salariale, soit sous une autre forme.

Mme Gisèle Printz a constaté qu'augmenter le nombre d'embauches serait plus profitable pour les caisses de la sécurité sociale que l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

Mme Danièle Karniewicz est convenue de l'incidence directe du taux d'emploi sur les ressources des caisses, la difficulté étant de dynamiser ce taux d'emploi. Elle a ajouté que le problème de la compensation des exonérations de charges constitue une vraie difficulté pour les caisses. Il en est de même pour le FSV.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité connaître l'état actuel de la situation du FSV et de ses relations avec la Cnav.

Mme Danièle Karniewicz a rappelé que le déficit du FSV s'est établi à 1,2 milliard d'euros en 2006 après 2 milliards en 2005, soit une diminution. En revanche, la dette cumulée de ce fonds à l'égard de la Cnav s'est nettement accrue pour atteindre 5,5 milliards d'euros à la fin 2006. Elle entraîne des coûts financiers très importants pour la Cnav, s'approchant de 500 millions d'euros.

La réforme des régimes spéciaux est certes aujourd'hui importante mais elle ne pourra, à elle seule, régler le déficit du régime général ni d'ailleurs permettre la revalorisation des petites retraites. Un effort supplémentaire est donc inévitable. Naturellement, la réforme des régimes spéciaux et des éventuels adossements ne pourra se faire sans un dialogue social approfondi. A cet égard, Mme Danièle Karniewicz a rappelé que le dossier de l'adossement de la RATP au régime général est ouvert depuis plus de deux ans et que celui de la Poste est récemment apparu. Pour celle-ci des calculs sont en cours, mais il semble à la Cnav que la prise en charge des retraites des 200 000 fonctionnaires de la Poste relève avant tout de l'Etat et de son budget.

Mme Sylvie Desmarescaux a insisté sur l'inquiétude actuelle des salariés en matière de retraite. Elle s'est interrogée sur la nature de l'électrochoc qui permettrait de rétablir leur confiance.

Mme Danièle Karniewicz a rappelé qu'il existe une garantie aujourd'hui pour tous ceux qui arrivent à l'âge de soixante ans, de bénéficier d'une retraite à taux plein et que cela est méconnu. Il est nécessaire de développer une compréhension collective du problème des retraites car, pour demander un effort collectif, il convient d'abord de rassurer les salariés. Cela signifie que, même si des efforts supplémentaires devaient être décidés, il est important de mettre en place un garde-fou, par exemple en définissant une garantie de référence, comme cela existe dans la fonction publique ou pour les bas salaires. Il est impératif de favoriser la plus grande lisibilité possible sur ces questions et de rappeler que le système de retraite par répartition est le plus protecteur pour la collectivité.

Enfin, Mme Danièle Karniewicz a fait part de ses observations sur la TVA sociale. Elle a regretté le terme, estimant préférable d'utiliser l'expression « cotisation sociale sur la consommation » car celui-ci permet d'afficher l'affectation du prélèvement supplémentaire que l'on souhaite créer. Néanmoins, cette nouvelle taxe paraît inévitable car l'assiette des salaires est insuffisante pour faire face à des dépenses qui vont augmenter de façon structurelle, notamment les dépenses de santé, liées à la dépendance et au vieillissement de la population. En revanche, il ne serait pas judicieux de recourir à la TVA sociale pour le financement des retraites pour lequel un mécanisme contributif s'impose. Il est d'ailleurs essentiel de mieux clarifier, dans notre système de protection sociale, ce qui relève de la solidarité et de la contribution. C'est seulement après un tel travail que l'on pourra approfondir la réflexion et engager une expérimentation de la TVA sociale.

Périmètre de la protection sociale - Audition de Mme Yannick Moreau, présidente de la section sociale du Conseil d'Etat

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Alain Vasselle, président, la mission a procédé à l'audition de Mme Yannick Moreau, présidente de la section sociale du Conseil d'Etat.

A titre liminaire, Mme Yannick Moreau, présidente de la section sociale du Conseil d'Etat, a souligné les nombreuses améliorations apparues ces dernières années, notamment avec la création des lois de financement de la sécurité sociale. Il reste cependant plusieurs points préoccupants. En particulier, le Gouvernement peut créer tout au long de l'année des exonérations de cotisations sociales pour des montants parfois substantiels et de façon totalement indolore, la compensation de ces exonérations n'étant envisagée qu'au moment de la discussion du projet de loi de financement. Ce décalage dans le temps entre la décision d'exonération et sa compensation entraîne en pratique un contrôle très faible sur la dépense publique. Phénomène aggravant, la question de la prise en charge des exonérations n'apparaît le plus souvent qu'en annexe aux deux lois financières et passe relativement inaperçue.

Par ailleurs, telles qu'elles existent, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pourraient finir par poser un problème de sincérité des comptes dans la mesure où ces deux documents peuvent ne pas être en concordance sur le montant des recettes et des charges. Le fait que les deux textes ne soient pas examinés en même temps lors de leur passage au Conseil d'Etat ou au Conseil constitutionnel accroît ce risque.

Une troisième difficulté provient de ce que les arbitrages faits le sont le plus souvent au détriment de la sécurité sociale, sauf lorsqu'il existe un grand « ministère des affaires sociales » dont le titulaire dispose de suffisamment de poids politique pour imposer ses choix. La grande taille de ce ministère n'est cependant pas un gage d'efficacité globale.

Enfin, l'Etat ne paie pas ce qu'il doit pour ses fonctionnaires au titre des cotisations sociales et ne montre pas une qualification exemplaire dans la gestion des transferts sociaux, car il mélange constamment la politique salariale, dont il souhaite minimiser les coûts, et les dépenses au titre des retraites. En pratique, il préfère accorder des bonifications à ses retraités plutôt que des primes à ses fonctionnaires lorsqu'ils sont en activité.

De ce point de vue, il est regrettable que la réforme annoncée des régimes spéciaux ne s'étende pas jusqu'au régime de ceux des fonctionnaires de l'Etat qui ont des avantages supplémentaires par rapport aux autres, notamment du point de vue de l'âge et des bonifications.

Abordant la question d'une éventuelle fusion des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, Mme Yannick Moreau a estimé que cette idée se heurte à de nombreuses objections. En premier lieu, cette évolution comporte le risque d'une étatisation de la sécurité sociale, en contradiction forte avec les principes fondateurs établis en 1945. Or, face aux réformes nécessaires, il est plus efficace d'associer les partenaires sociaux, ce qui n'est pas facile pour l'Etat. L'exemple du conseil d'orientation des retraites montre l'intérêt d'un processus débordant largement les décideurs étatiques.

D'une façon générale, la société française se caractérise par la dureté des relations dans le domaine social. Au sein de cette société dure, il reste deux éléments d'équilibre : la sécurité sociale et les services publics.

Dans le même ordre d'idées, la fiscalisation accrue des recettes de la protection sociale, ces dernières années, n'est pas un argument justifiant la mise à l'écart des partenaires sociaux et le changement d'organisation de la sécurité sociale. Une fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale en un seul document au prétexte de la prépondérance du financement par l'impôt conduirait à mettre en place un « monstre » impressionnant qui ne serait pas le gage d'une bonne gestion.

A ce sujet, il faut relever, comme cela a été fait à l'occasion des études de la Cour des comptes dans le cadre de son travail de certification, que les administrations centrales ne sont pas bien organisées, ni pour tenir des dossiers de pension, ni pour assurer une maintenance continue de modèles de projections de dépenses. Les mutations des fonctionnaires qui créent ces modèles sont trop souvent, dans les faits, l'occasion d'une perte des éléments à partir desquels les calculs de simulation ont été effectués, par défaut de transmission de ces informations aux nouveaux arrivants.

Une fusion partielle des deux lois financières est peut-être possible, des reclassements sont sans doute envisageables. Mais, pour ne prendre que l'exemple de la branche famille souvent citée comme pouvant basculer dans le périmètre du budget de l'Etat, une telle opération n'apparaît pas opportune. Cette branche comporte en effet un mélange fort de solidarité et d'assurance. L'impossibilité, vérifiée sous le gouvernement de Lionel Jospin, de placer sous condition de ressources les allocations familiales à proprement parler est un indice qu'il faut prendre au sérieux.

En revanche, on peut soutenir que la confection d'un « jaune » qui retracerait l'ensemble de l'effort national - social, budgétaire et fiscal - en faveur de la famille, serait un pas vers une meilleure information du Parlement et des partenaires sociaux.

Par ailleurs, même si l'on conserve deux lois distinctes, il est important que l'exécutif comme le législatif aient une vision consolidée des finances publiques. Des propositions peuvent être faites en ce sens : elles peuvent concerner le déroulement des procédures, la confection de divers documents et les mécanismes de mise en oeuvre financière.

S'agissant des procédures, Mme Yannick Moreau a estimé que, d'une façon générale, les arbitrages interministériels sont faits trop tard. Trop de réunions se déroulent sans rédaction de « bleus ». L'idée de créer auprès du Premier ministre un secrétariat général des finances publiques afin d'améliorer la fonction d'arbitrage qui revient à Matignon pourrait être explorée.

Il serait par ailleurs souhaitable que la norme de progression des dépenses de l'Etat soit élargie à la dette que celui-ci a contractée à l'égard de la sécurité sociale. On pourrait également concevoir des modalités de travail en commun entre les diverses commissions parlementaires saisies du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

S'agissant de la confection de divers documents, on peut imaginer par exemple un document transversal commun à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale pour la famille, répondant aux objectifs décrits plus haut. Ce « jaune » contiendrait des informations sur les dépenses fiscales qui sont actuellement très mal prises en compte pour mesurer les efforts collectifs dans ce domaine comme dans bien d'autres.

En ce qui concerne enfin les mécanismes de mise en oeuvre financière, Mme Yannick Moreau a estimé qu'il serait intéressant d'explorer la voie d'une modification de la loi organique afin de donner un rôle essentiel aux lois de financement de la sécurité sociale pour l'adoption des exonérations de cotisations prévues par d'autres textes. L'idée serait en effet que les exonérations votées tout au long de l'année par le législateur ne deviennent effectives qu'après qu'elles auront été récapitulées et adoptées définitivement en loi de financement de la sécurité sociale. Ce regroupement permettrait de vérifier la compatibilité des exonérations entre elles et avec l'équilibre d'ensemble des finances sociales et d'arbitrer entre l'adoption de ces exonérations ou de privilégier d'autres formes de dépenses.

L'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui retrace les exonérations, apparaît de ce point de vue insuffisante, précisément parce qu'elle ne permet pas ce travail indispensable de rapprochement de toutes les données d'ordre financier et n'a qu'une portée réduite.

On peut citer en exemple à ce sujet les transferts de compétences nouvelles et des financements correspondant aux collectivités territoriales qui ne rentrent définitivement en vigueur qu'après le vote des dépenses correspondantes au sein de la plus prochaine loi de finances.

Toujours au chapitre des mécanismes de mise en oeuvre, on pourrait prévoir un système d'avances versées trimestriellement par l'Etat aux organismes de sécurité sociale en contrepartie des prestations que la sécurité sociale verse pour le compte de l'Etat. Cette technique permettrait d'éviter que ne se recréent des dettes du second au détriment de la première.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé des précisions sur les modalités d'examen par le Conseil d'Etat des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Yannick Moreau a rappelé, à titre liminaire, que le Conseil d'Etat ne se prononce pas en opportunité sur les projets dont il est saisi. S'agissant des projets de loi de financement de la sécurité sociale, leurs délais d'examen sont extrêmement courts. La partie pluriannuelle n'est généralement remise aux différentes caisses que deux jours avant la date à laquelle elles doivent se prononcer, ce qui limite le sérieux de l'avis qu'elles peuvent élaborer. D'autre part, les hypothèses sur lesquelles est fondée cette annexe pluriannuelle pâtissent d'une totale absence de publicité. Au total, le document fourni apparaît largement incontrôlable.

Pour autant, le Conseil d'Etat a accumulé au cours de ces dernières années une information importante sur l'évolution des finances sociales, notamment grâce aux rapports annuels élaborés par la Cour des comptes. Le Conseil d'Etat effectue ainsi une analyse des chiffres de progression des dépenses et exerce une sorte de contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur les taux d'évolution annoncés. Même s'il ne l'a pas fait jusqu'à présent, il ne s'interdirait ainsi pas de contester des normes de progression qui lui paraîtraient manifestement erronées.

L'examen des articles à proprement parler est effectué avec deux objectifs : le texte proposé doit être convenablement rédigé au regard du principe de lisibilité de la norme juridique ; par ailleurs, sur le fond, il ne doit pas être contraire à la Constitution ou à une convention internationale.

En outre, un examen détaillé est fait sur l'existence éventuelle de « cavaliers sociaux ». C'est-à-dire que l'on recherche les dispositions qui, en application de la loi organique, n'ont pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Force est de constater que ce contrôle prend un temps considérable.

Une solution consisterait à réhabiliter les projets de loi portant diverses dispositions d'ordre social qui permettent de faire passer l'ensemble des dispositions qui ne trouvent pas leur place en loi de financement ou dans des textes spécifiques. Ce type de texte a aujourd'hui disparu notamment parce que les gouvernements sont devenus réticents à recourir à cette technique, mais il serait utile d'en prévoir au moins un par an ou tous les deux ans, ce qui permettrait de redonner à la loi de financement de la sécurité sociale son véritable rôle.

M. François Autain a souhaité obtenir des précisions sur les propos de Mme Yannick Moreau relatifs aux régimes spéciaux et au régime des fonctionnaires de l'Etat.

Mme Yannick Moreau a confirmé que, dans son esprit, la fonction publique d'Etat constitue bien un régime spécial. Celle-ci a certes été concernée par la réforme de 2003, d'une part avec l'application du principe d'indexation des pensions sur les prix, d'autre part avec l'alignement de la durée de cotisation sur les règles du privé. Cet alignement n'a d'ailleurs pas été fait a minima et le Gouvernement a bel et bien introduit la décote déjà applicable au secteur privé dans la fonction publique.

Si cet effort n'est pas contestable, force est toutefois de constater qu'il reste un certain nombre de difficultés pour des catégories particulières de fonctionnaires. L'Etat a tendance à renvoyer vers des systèmes de bonification ou de départs précoces des avantages financiers qui auraient normalement dû être accordés sous la forme d'améliorations de salaire au bénéfice des actifs. La situation des fonctionnaires est de ce fait très hétérogène et cette question est largement ignorée, d'autant plus que le taux de cotisations fictives fait une moyenne qui n'a pas grand sens.

En admettant que certaines bonifications soient parfois un mécanisme bien adapté, il faut constater que l'évaluation de leurs coûts et de leurs justifications est restée aujourd'hui trop faible.

Au terme d'un débat auquel ont participé Mmes Raymonde Le Texier et Annie Jarraud-Vergnolle, Mme Yannick Moreau a rappelé que le Conseil d'Etat n'est pas principalement un organe financier. Elle a reconnu toutefois qu'il existe des marges d'amélioration dans son travail d'examen de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, estimant notamment qu'il serait envisageable que les deux sections, section des finances et section sociale, aient un regard commun sur les points de recoupement entre les deux textes. Des progrès pourraient ainsi être réalisés dans l'appréciation de la sincérité des comptes, à travers la confrontation des deux documents.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a fait observer que, depuis son origine, l'Ondam a reposé, sauf exception, sur des projections qui ne se sont pas vérifiées et il s'est interrogé, dans ces conditions, sur la portée du contrôle de l'erreur manifeste effectué par le Conseil d'Etat. Il a par ailleurs rappelé son souhait que les projets de loi soient accompagnés d'études d'impact financier et a regretté que celles-ci aient en pratique disparu.

Mme Yannick Moreau a reconnu que, jusqu'à présent, l'examen de l'annexe financière du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas spontanément celle qui attire le plus l'attention des conseillers d'Etat. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel n'a jusqu'à présent jamais remis en cause la sincérité des comptes inscrits en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale. Ceci n'incite pas à un contrôle approfondi.

Pour autant, il serait envisageable que des rencontres informelles entre le Conseil d'Etat et la Cour des comptes, après la publication du rapport de la Cour au mois de septembre, permettent d'examiner plus précisément les hypothèses chiffrées du projet de loi de financement de la sécurité sociale et d'apprécier leur crédibilité.

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

Ensuite la commission a procédé à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Cades, a indiqué que les comptes de la Cades viennent d'être arrêtés et seront présentés dans quelques jours à son comité de surveillance. Le résultat de l'exercice 2006 s'est élevé à 2,8 milliards d'euros. Il a été intégralement consacré au remboursement de la dette pour un montant légèrement supérieur à l'objectif d'amortissement rectifié de 2,77 milliards d'euros fixé par la loi de financement de la sécurité sociale.

Depuis sa création, la Cades a perçu 50 milliards d'euros de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Elle a pu amortir 32 milliards d'euros sur les 107,7 milliards de dette reprise, conformément aux lois votées par le Parlement, et 18 milliards d'euros d'intérêts ont été versés aux investisseurs.

Pour 2007, le programme de financement de la caisse devrait être de l'ordre de 9 milliards d'euros.

Dans le détail, le résultat de l'exercice 2006 (2,8 milliards d'euros) est égal à la différence entre le produit de CRDS perçu, qui s'élève à environ 5,5 milliards d'euros, et le montant des intérêts versés, qui atteignent 2,66 milliards d'euros. En 2005, le résultat avait été négatif, à hauteur de 367 millions d'euros, du fait d'un versement à l'Etat de 3 milliards d'euros.

Les emprunts de refinancement émis sur le marché par la Cades le sont dans des conditions identiques à celles des deux principales agences européennes, la KFW allemande (Kasse für Wiederaufbau) et la BEI (Banque européenne d'investissement). Le très léger surcoût des emprunts de la Cades par rapport à ceux émis par l'Agence France Trésor pour le compte de l'Etat est le même que celui supporté par la KFW en comparaison du coût des emprunts de l'Etat fédéral allemand.

Au titre des ressources, le produit de la CRDS provient, pour près des deux tiers, du prélèvement sur les revenus d'activité. Les revenus de remplacement, dont les retraites, représentent 22 % de l'assiette de la contribution, les revenus du patrimoine et les placements, 12 %. La croissance de cette ressource est assez régulière. La hausse sensible du produit de la CRDS constatée en 2006 (+ 5,48 % par rapport à 2005) est due aux nouvelles modalités de taxation des plans d'épargne logement (PEL) qui ont entraîné un gain net de 100 millions d'euros. Les effets de cette mesure, inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, sont limités à l'exercice 2006.

S'agissant des émissions et de la structure de la dette, M. Patrice Ract-Madoux a fait observer qu'en 2007, le montant des échéances d'emprunt reste supérieur au montant de la dette amortie annuellement. L'inverse devrait se vérifier à partir de 2014.

Il a rappelé que, depuis la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, il n'est plus possible de transférer à la Cades de nouvelles obligations sans prévoir les ressources lui permettant de conserver son horizon de remboursement complet de l'ensemble de la dette sociale. Cet horizon n'est plus fixé par la loi depuis 2004, mais procède d'un calcul. En l'état, il existe une chance sur deux pour que tous les emprunts aient été remboursés d'ici quinze ans (2022), cinq chances sur cent que ce remboursement total ait pu être effectué avant treize ans (2020) et, également, cinq chances sur cent pour que la totalité des emprunts ne soit remboursée qu'au-delà d'un délai de dix-neuf ans (2026).

Grâce à une CRDS dynamique et parce que la banque centrale européenne a pris son temps pour augmenter ses taux, la Cades a vu ses perspectives s'améliorer, gagnant une à deux années sur la durée présumée de son activité.

Toutefois, force est de constater qu'une nouvelle ouverture de la caisse ne peut être exclue eu égard au montant élevé du déficit de trésorerie porté par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) qui pourrait dépasser le plafond de 28 milliards d'euros prévu en loi de financement pour 2007. Si la Cades devait reprendre une trentaine de milliards de dettes, la règle de stabilisation de l'horizon de remboursement étant par ailleurs maintenue, il faudrait alors prévoir de porter de 0,5 % à 0,7 % le taux de la CRDS, 0,1 point de CRDS représentant environ 15 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

En réponse à une question de M. François Autain, M. Patrice Ract-Madoux a justifié l'existence de la Cades et la distinction opérée en 1996 entre la gestion de la dette sociale et la gestion de la dette de l'Etat par l'Agence France Trésor. La dette sociale doit être isolée car elle ne devrait pas en principe exister eu égard à la nature même des dépenses sociales. Sa mise en exergue et son financement par une ressource dédiée ont une valeur pédagogique pour les citoyens qui doivent savoir ce qu'elle coûte.

Il convient par ailleurs de relativiser le débat sur le surcoût de cette gestion séparée des deux dettes. Ce débat est régulièrement relancé par les articles que publie M. Philippe Marini, rapporteur général du budget, dans la presse.

Le premier effet, paradoxal, de ces articles de presse est qu'ils ont provoqué une baisse de la prime de risque payée par la Cades ou « écart agence ». Alors qu'elle était de dix points de base en moyenne, ce qui est de toute façon très faible, elle est aujourd'hui descendue à cinq ou six points environ car les banques acheteuses ont conclu des propos de M. Philippe Marini que la Cades allait disparaître ainsi que le gain réalisé sur ses emprunts par rapport aux emprunts émis par l'Etat français. L'augmentation des achats d'emprunts Cades a mécaniquement entraîné une baisse de « l'écart agence ».

Par ailleurs, « l'écart agence » n'existe que sur la partie de l'activité commune à la Cades et à l'Agence France Trésor, c'est-à-dire les emprunts importants libellés en euros. Or, la Cades émet également des emprunts libellés en devises étrangères, ultérieurement convertis en euros, pour lesquels elle obtient des conditions égales, voire plus avantageuses que celles obtenues par l'Etat pour ses emprunts. Toutefois, la part de ce type de ressources demeure limitée, faute de décret permettant d'en accroître la proportion.

Périmètre de la protection sociale - Audition de M. Daniel Lenoir, directeur général de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF)

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Daniel Lenoir, directeur général de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF).

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé, à titre liminaire, l'expérience acquise par M. Daniel Lenoir en matière de financement de la protection sociale comme directeur général de la mutualité sociale agricole (MSA), puis, à partir de 2002, de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), enfin, comme directeur général de la fédération nationale de la mutualité française (FNMF), à compter de 2005. Son audition s'inscrit dans la réflexion menée par la Mecss autour de l'idée, avancée au cours de la discussion budgétaire de l'automne dernier par le gouvernement de l'époque, d'une fusion des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

M. Daniel Lenoir, directeur général de la FNMF, s'est déclaré défavorable à la proposition de fusionner les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, en raison de la différence de logique à l'oeuvre dans le champ de la protection sociale et dans celui des finances publiques. L'existence de textes législatifs distincts ne fait pas obstacle, à son sens, à un suivi global de l'évolution des prélèvements obligatoires et de leur destination, ni à une gestion commune de la dette publique. Le report des déficits sur les générations futures est une très mauvaise solution. Il est nécessaire que les représentants de la nation arbitrent les objectifs de dépenses de la sécurité sociale et déterminent les moyens de respecter l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ainsi que les conditions du respect de cet objectif.

Selon lui, les lois de financement de la sécurité sociale, dont le contenu a déjà été amélioré avec l'adoption de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, doivent faire l'objet de modifications complémentaires. Le périmètre des comptes sociaux ne doit pas se limiter aux comptes de la sécurité sociale mais être étendu à l'ensemble des dépenses engagées pour la prise en charge de chaque risque couvert. Il a cité à cet égard l'exemple de la santé, secteur au sein duquel devraient être prises en compte les dépenses remboursées par l'assurance maladie, celles couvertes par les assureurs complémentaires, enfin celles restant à la charge des ménages. En restreignant la loi de financement de la sécurité sociale aux dépenses des régimes obligatoires d'assurance maladie, le législateur ne dispose que d'une vision partielle des dépenses du secteur.

Poursuivant sa réflexion, il a avancé l'idée d'une loi-cadre pluriannuelle destinée à fixer les évolutions des finances publiques et sociales. Un tel dispositif serait susceptible de prévenir l'intervention du comité d'alerte, d'une part, et de donner à tous les acteurs une meilleure visibilité sur les évolutions du secteur social, d'autre part. Il permettrait la prise en compte des évolutions à venir dans le champ de la protection sociale comme, par exemple, la prise en charge de la dépendance. Cet exercice pluriannuel permettrait en outre de retracer l'effort financier que la nation consacre à la prise en charge des risques sociaux ainsi que la répartition des fonds affectés à chacun de ces risques.

Abordant la question de la maîtrise des dépenses, M. Daniel Lenoir a estimé que la réforme de l'assurance maladie réalisée en 2004 se solde par un échec. En effet, la Cnam n'est pas en mesure, pour des raisons structurelles, de maîtriser l'évolution des dépenses de santé. Une réflexion sur la répartition des rôles entre les différents intervenants est indispensable afin de définir le rôle et le périmètre d'intervention des régimes obligatoires et des régimes complémentaires.

Cette absence de prise en compte de l'intégralité des dépenses de santé constitue un frein à la politique de maîtrise des dépenses de santé et conduit à des reports de charges constants du régime obligatoire vers les assureurs complémentaires et les assurés.

Cette pratique devenue courante, ainsi que l'illustrent les nouveaux transferts envisagés, sans concertation, dans le cadre du plan de redressement établi par la Cnam à la suite de la notification du comité d'alerte, ne constitue pas une politique satisfaisante. La question de la maîtrise des dépenses intéresse tout autant les régimes obligatoires que les régimes complémentaires. Pour compléter sa démonstration, M. Daniel Lenoir a souligné que la mise en oeuvre d'une nouvelle politique de prise en charge de la dépendance doit également constituer un espace de collaboration entre les régimes obligatoires et complémentaires.

Une telle collaboration trace les contours d'une nouvelle gouvernance du système de santé au sein de laquelle il conviendra de s'interroger sur la place et le rôle des partenaires sociaux. Les valeurs et le rôle de la sécurité sociale ont évolué depuis 1945. L'assurance maladie, pour ne prendre que cet exemple, est devenue un régime universel qui n'a plus vocation à relever uniquement d'une gestion paritaire.

Il a observé que rien ne s'oppose à ce que désormais la gestion de l'assurance maladie soit assurée par des organismes disposant d'une véritable autonomie de gestion, notamment en matière de détermination du périmètre de soins non remboursables. Selon lui, une telle agence, dotée d'un conseil de surveillance, obtiendrait des résultats supérieurs en matière de maîtrise des dépenses. Il a rappelé qu'avec la création de la Haute Autorité de santé les opérateurs de l'assurance maladie disposent d'un outil pour contribuer à l'évaluation de la valeur médicale des actes et prestations remboursables.

Il a insisté sur la nécessité de distinguer les biens et services qui doivent être pris en charge par la solidarité nationale de ceux qui relèvent de prises en charge non obligatoires mais peuvent être intégrés à une prise en charge solidaire assurée par les organismes complémentaires. Dans un tel schéma, l'offre commerciale des assureurs complémentaires doit pouvoir se diversifier tout en étant encadrée par les pouvoirs publics par le recours aux incitations fiscales.

Concernant le financement de la protection sociale, M. Daniel Lenoir a considéré que la fiscalisation des recettes de la sécurité sociale est un mouvement irréversible ainsi que l'illustre le débat sur le transfert des cotisations patronales vers une cotisation assise sur la valeur ajoutée. Cette évolution ne soulève aucune difficulté dans le cadre de l'assurance maladie qui est devenue une prestation universelle. La situation est différente dans la branche retraite dont le financement doit demeurer associé à l'activité professionnelle tandis que dans tous les cas la dimension contributive doit être préservée.

Dans ce contexte, les Français ne sont pas prioritairement intéressés par la distinction juridique existant entre une cotisation et une taxe mais bien par l'affectation des recettes aux différents risques couverts par la sécurité sociale. L'objectif des acteurs de la sécurité sociale doit être de rendre totalement transparentes les conditions de son financement et le coût de ses différentes prestations.

M. François Autain a voulu savoir si la gestion de la sécurité sociale par des structures autonomes doit s'accompagner de leur mise en concurrence.

M. Daniel Lenoir a considéré que la gestion du régime obligatoire d'assurance maladie ne doit pas s'accompagner par la mise en concurrence de plusieurs opérateurs, ni par la remise en cause des spécificités actuelles. Cette nouvelle gouvernance doit permettre une collaboration renouvelée des régimes obligatoires et des régimes complémentaires pour définir le périmètre de soins, les prix des actes et des prestations. En contrepartie de cette association, les assureurs complémentaires pourront ajuster leur contribution à la prise en charge des prestations non couvertes par les régimes obligatoires.

M. François Autain s'est interrogé sur l'opportunité de mettre en oeuvre des franchises sanitaires.

M. Daniel Lenoir a rappelé que le recours à la franchise est une technique courante dans le monde de l'assurance. Toutefois, le cumul du ticket modérateur déjà existant et d'une nouvelle franchise pourrait produire des effets indésirables, en excluant de l'accès aux soins certaines franges de la population. D'autres effets indésirables pourraient d'ailleurs survenir, notamment en matière de régulation des dépenses lorsque le patient aura réglé le montant de sa franchise annuelle.

Le recours à la participation forfaitaire, qui relève d'un autre mécanisme, a des effets plus directs sur la régulation des comptes mais, là encore, se pose la question du rôle des régimes complémentaires dans la prise en charge des dépenses de santé non couvertes par les régimes obligatoires.