Mercredi 4 juillet 2007

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et directeur de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam)

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam).

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam, et directeur général de l'Uncam, a constaté qu'au cours des trente dernières années, la progression des dépenses de santé a toujours excédé la croissance du Pib, à l'exception de quatre périodes correspondant à la mise en oeuvre des plans Séguin (1986), Veil (1993), Juppé (1995) et Douste-Blazy (2004). Depuis quinze ans, l'écart s'élève en moyenne à 1,3 % et, sans la réforme de 2004, le déficit cumulé de l'assurance maladie aurait atteint 16,5 milliards d'euros à fin 2006, et non 5,9 milliards d'euros, comme tel était le cas.

Ce résultat a été obtenu grâce à la mise en oeuvre de nouveaux outils de pilotage des dépenses de santé, mais également en raison de la perception de recettes supplémentaires, d'un montant de 1,5 milliard d'euros, provenant de la taxation anticipée des plans épargne logement (PEL). Sans cette recette supplémentaire, non reconduite par définition en 2007, le déficit courant de l'assurance maladie aurait été supérieur à 7 milliards d'euros fin 2006. Le taux de progression normal de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) se situe entre 3,5 % et 4 %. Réduire ce taux nécessite des mesures sévères de la part des pouvoirs publics, ce qui a été fait en 2006, année durant laquelle l'Ondam a progressé de 3,1 %, soit la progression la plus faible constatée depuis 1999.

En ce qui concerne l'état des comptes 2007, la commission des comptes de la sécurité sociale évalue le dérapage de l'Ondam 2007 à 2,6 milliards d'euros par rapport à l'objectif initial, dont 2,2 milliards d'euros pour le seul régime général. Une partie de l'écart entre le déficit prévu et le déficit constaté est imputable à une perte de recettes. Le dispositif de compensation des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires par des recettes fiscales affectées, mis en place depuis le 1er janvier 2006, ne permet plus en effet un remboursement à l'euro l'euro de leur coût. Si le montant des exonérations a été couvert par le panier de recettes en 2006, cela n'a pas été le cas en 2007, ce qui se traduit par une perte de recettes de 850 millions d'euros.

Les mauvais résultats enregistrés au premier semestre 2007 trouvent également leur origine dans un dérapage important des dépenses, notamment dans le domaine des soins de ville. Le caractère particulièrement ambitieux de l'Ondam pour 2007, et notamment du sous-objectif soins de ville, dont le taux de progression avait été fixé à 1,1 %, rendait d'ailleurs probable la survenance de ce dérapage en cours d'année. De surcroît, les dépenses effectivement réalisées en 2006 ont dépassé de 500 millions l'estimation qui a servi de base à la construction de l'Ondam 2007, ce qui impliquait que le taux de progression de son sous-objectif « soins de ville » aurait dû être proche de 0 %. L'impossibilité de respecter ce taux de progression nul, couplée à une dynamique plus importante que prévue des dépenses de médicaments, sont la cause du dérapage constaté par le comité d'alerte.

M. Frédéric Van Roekeghem a observé que la politique menée entre 2004 et 2007 a néanmoins permis de réduire le déficit de l'assurance maladie de moitié, tout en assumant les dépenses supplémentaires liées à la mise en oeuvre des trente-cinq heures à l'hôpital et à la revalorisation des honoraires médicaux. La persistance de déficits importants ne permet donc pas de conclure à l'échec de la réforme de 2004, mais elle doit inciter les pouvoirs publics à engager une deuxième étape de la réforme qui portera sur l'organisation du système de soins.

Dans ce contexte, la question de la prise en charge des personnes souffrant d'une affection de longue durée (ALD) doit faire l'objet d'une attention particulière, dans la mesure où cette prise en charge explique 80 % de la croissance des dépenses. A titre d'exemple, le coût de la prise en charge du diabète s'élevait à 3,4 milliards d'euros en 1994 pour un million d'assurés pris en charge, à 11 milliards en 2006 pour 2,1 millions de patients et il devrait atteindre 20 milliards d'euros en 2015, pour 2,5 millions de patients. Face à ces tendances lourdes, la mission de l'assurance maladie est triple.

Il faut d'abord investir dans la prévention et l'accompagnement des patients. Rien qu'en développant ce chapitre, il est possible de réduire d'un point le taux de progression des dépenses de santé.

Il est nécessaire, ensuite, de mieux organiser le système de soins et le recours à ce système, alors qu'il n'existe pas aujourd'hui de définition d'une trajectoire optimale pour le patient. La mise en place du médecin référent n'a constitué de ce point de vue qu'une réponse partielle à cette exigence.

Enfin, la question de l'efficience du système de soins doit être posée.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que, faute de s'engager dans cette voie d'une meilleure organisation de l'offre de soins, il ne restera que deux possibilités : l'augmentation des prélèvements obligatoires, qui freine la compétitivité des entreprises et rencontre l'hostilité de nos concitoyens ; le recours à des déremboursements massifs ou le report des dettes vers les générations futures, qui ne sont pas des solutions acceptables. La voie du redressement passe donc par une amplification de la réforme de 2004, qui offre déjà un certain nombre d'outils, et par une accélération du rythme des décisions.

La séparation existant entre médecine de ville et hôpital constitue, il est vrai, un frein majeur.

Il a cité l'exemple de la Grande-Bretagne, qui a massivement investi dans son système de santé au cours des dernières années, menant une politique volontariste pour optimiser la trajectoire de soins des patients, en augmentant les dépenses consacrées au développement des soins ambulatoires et en réduisant à due proportion les budgets hospitaliers. Par ailleurs, la réforme britannique du financement des établissements de santé était prévue sur quatre ans, alors qu'en France, la mise en oeuvre de la tarification à l'activité s'étend sur une durée de huit ans.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité connaître les appréciations portées par le comité d'alerte et le Gouvernement sur les mesures d'économies proposées par la Cnam.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que l'ensemble du plan d'économie présenté par la Cnam a été approuvé par le Gouvernement, à l'exception de la participation des assureurs complémentaires au financement de la rémunération forfaitaire des professions médicales, car cette mesure nécessite une modification législative. Les mesures d'économie retenues s'élèvent à 1,225 milliard d'euros en année pleine et à environ 400 millions pour la fin de l'année 2007.

M. François Autain a voulu savoir si cette contribution des organismes complémentaires à la rémunération forfaitaire des professions médicales pourrait faire l'objet de débats ultérieurs.

M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que les assureurs complémentaires ont bénéficié des effets de la réforme mise en oeuvre depuis 2004 et qu'il est justifié de les associer, à hauteur de 30 %, à la prise en charge de la rémunération forfaitaire des professionnels de santé. Les modalités d'une telle participation ont été évoquées lors d'une rencontre entre l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et l'union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unocam).

M. Alain Vasselle, président, s'est déclaré favorable à un approfondissement des relations entre l'Uncam et l'Unocam.

M. Frédéric Van Roekeghem a reconnu qu'aucune convention tripartite entre les professionnels de santé, le régime obligatoire et les régimes complémentaires n'a pu être conclue jusqu'à présent. Une telle structure tripartite n'a pas pu aboutir dans le domaine des soins dentaires en raison du refus des syndicats professionnels d'associer les organismes complémentaires à cette négociation. Certes, une autre négociation réunit l'ensemble des parties, avec l'objectif de créer un nouveau secteur tarifaire dénommé « secteur optionnel », mais il s'agit d'une négociation longue et ardue.

Ceci étant, si le renforcement de l'articulation des interventions du régime obligatoire et des régimes complémentaires et une meilleure association de ces derniers à la gouvernance du système de santé sont nécessaires, il convient toutefois de ne pas se tromper sur les effets à attendre d'une telle collaboration, qu'il ne faut pas surestimer. En 2007, le dépassement de l'Ondam avoisine les 2,6 milliards d'euros et ce déséquilibre financier ne sera pas résorbé par une intervention accrue des assureurs complémentaires dans la prise en charge des dépenses de santé.

M. Alain Vasselle, président, a souligné que la question de l'articulation des interventions du régime général et des régimes complémentaires ne doit pas être abordée uniquement d'un point de vue comptable. Cette action conjointe peut être source d'efficience pour le système de santé et doit permettre de déterminer les conditions d'une optimisation de la prise en charge des assurés.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que les organismes complémentaires doivent être en mesure de faire la preuve de leur capacité à améliorer la prise en charge des patients s'ils souhaitent être mieux associés à la gestion du système. Prenant l'exemple de l'optique, domaine dans lequel, compte tenu des règles de remboursement, les organismes complémentaires sont les opérateurs principaux, il a jugé que leur action ne se traduit pas par la mise en oeuvre d'une politique de gestion du risque plus active que celle déployée par le régime général dans le domaine des soins de ville, ni par une plus grande mise en concurrence des acteurs ou par une politique de réduction des coûts.

Evoquant la question de la transmission des données individuelles utiles à la liquidation des dossiers présentés au remboursement par les assurés à leur complémentaire santé, il a estimé que les assureurs complémentaires bénéficieront d'une information plus complète par le truchement de l'institut des données de santé. Toute décision de transfert d'informations supplémentaires détenues par les régimes d'assurance maladie vers les assureurs complémentaires doit faire l'objet d'une décision des pouvoirs publics et il n'appartient pas au directeur général de l'Uncam de se prononcer sur le sujet.

Contrairement à d'autres pays comme les Etats-Unis, la France n'a pas choisi de confier la gestion de son système de santé à des assureurs privés. Aux Etats-Unis, les dépenses de santé représentent 15 % du Pib et cet exemple ne fournit pas la preuve de la plus grande efficacité des opérateurs privés dans la gestion de l'assurance maladie. Si une meilleure coopération entre régime obligatoire et organismes complémentaires est souhaitable, elle doit à son sens être fondée sur la recherche de gains d'efficacité profitables à la collectivité.

M. Alain Vasselle, président, a fait observer que le plan d'économies présenté par la Cnam est d'un montant inférieur à celui du dérapage des dépenses constaté par le comité d'alerte et la commission des comptes de la sécurité sociale.

M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que le comité d'alerte est intervenu le 31 mai. Compte tenu des délais d'instruction du plan d'économie, les caisses doivent proposer des économies réalisables au cours d'une période de temps inférieure à six mois, voire dans un laps de temps encore plus court lorsqu'il est nécessaire de prendre des mesures législatives pour appliquer ledit plan. Dans ce contexte, il est quasi impossible de réussir à économiser 2 milliards d'euros avant la fin de l'année 2007.

M. Alain Vasselle, président, a estimé que ce plan d'économie doit être intégré dans le cadrage pluriannuel des dépenses fixé par la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Paul Blanc s'est étonné de la référence faite à l'efficacité du système de santé britannique, car ce dernier connaît des phénomènes de « files d'attente » qui nuisent à la qualité de la prise en charge des assurés. Il a voulu connaître les effets de la mise en oeuvre du parcours de soins sur l'activité des médecins spécialistes et les mesures envisagées pour améliorer la productivité des hôpitaux publics.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que ses propos n'ont pas vocation à ériger le modèle britannique en exemple à suivre, mais bien à souligner la nécessité de procéder à des comparaisons entre les politiques menées par nos voisins européens et les mesures retenues en France afin de s'inspirer des « bonnes pratiques ». A ce titre, s'il n'est pas envisageable de confier à notre médecin traitant les tâches assumées par le médecin de quartier britannique, il est possible de s'inspirer des modalités de mise en oeuvre de la tarification à l'activité dans les hôpitaux anglais. Au Royaume-Uni, cette démarche est sous-tendue par une stratégie claire et des étapes précises alors qu'en France, la mise en oeuvre de ce système de tarification ne bénéficie pas d'un environnement aussi transparent. Une telle comparaison permet également de nourrir le débat sur les nécessaires évolutions de la gouvernance hospitalière. Il convient notamment de s'interroger sur les écarts de coût entre établissements, car une partie de ces écarts correspond à une moindre efficacité dans l'organisation, et de ne pas s'interdire de favoriser les établissements les plus performants. Toutefois, il a reconnu que les gestionnaires hospitaliers manquent de visibilité et que, dans ce contexte, il est difficile de les responsabiliser.

Puis, répondant à la question relative à la mise en oeuvre du parcours de soins, il a indiqué que le recours au médecin traitant a provoqué une baisse de 2,8 % des actes cliniques spécialisés. L'effet sur les actes techniques est moins clair du fait de la tendance à multiplier les appareils d'exploration, notamment dans les hôpitaux publics. Une politique ambitieuse de gestion du risque ne sera possible qu'avec la mise en oeuvre du dossier médical personnel.

M. François Autain s'est étonné de l'efficacité transitoire des différents plans de sauvegarde de l'assurance maladie mis en oeuvre au cours des vingt dernières années. Il a déploré la maigre place accordée à la politique de prévention, dont la promotion est pourtant susceptible de procurer des économies supplémentaires et, à ce titre, il a regretté que la rémunération forfaitaire versée aux médecins traitants pour la prise en charge de malades atteints d'une affection de longue durée ne permette pas l'instauration d'une politique de prévention comparable à celle mise en oeuvre dans le cadre du dispositif dit du « médecin référent ». Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles le dossier médical personnel ne fonctionne toujours pas, alors qu'à l'occasion de la réforme de 2004, le ministre chargé de la santé avait annoncé sa mise en oeuvre dès 2007. Il a voulu connaître le calendrier de mise en oeuvre des franchises médicales souhaitées par le Président de la République ainsi que les conditions dans lesquelles le processus de convergence tarifaire entre les établissements de santé publics et privés pourrait aboutir.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que les déficits de la sécurité sociale ne doivent pas faire l'objet d'un report sur les générations futures et qu'il faut choisir d'accroître l'efficience du système de soins, de basculer d'une culture de moyens vers une culture du résultat. Par ailleurs, il n'a pas été possible, compte tenu de son coût estimé à 2 milliards d'euros, de transférer le mode de rémunération du médecin référent vers le médecin traitant.

Il s'est déclaré favorable au développement de rémunérations forfaitaires versées en fonction des résultats obtenus, notamment dans le domaine de la prévention. Ce mode de rémunération se diffuse progressivement en coopération avec les partenaires conventionnels. L'assureur collectif doit demander un engagement et le respect de cet engagement.

M. Alain Vasselle, président, s'est interrogé sur les effets d'aubaine qui peuvent résulter de la multiplication des rémunérations forfaitaires.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que le recours à ce mode de rémunération doit être cantonné dans des limites précises car l'assurance maladie n'a pas pour objectif de fonctionnariser la médecine libérale.

Il a ensuite précisé que le dossier médical personnel est un outil de coordination des soins. Les délais fixés en 2004 étaient ambitieux et difficiles à respecter. Le développement de ce programme doit se poursuivre, mais faire l'objet d'un calendrier réaliste, tandis que les charges financières pesant, à ce titre, sur l'assurance maladie doivent être étalées dans le temps.

Puis il a indiqué que l'instauration de nouvelles franchises médicales fait encore l'objet d'une réflexion au niveau gouvernemental et que les régimes obligatoires n'ont pas à se prononcer sur l'opportunité d'une franchise fractionnée ou d'un bouclier sanitaire. Les régimes obligatoires auront pour tâche de mettre en oeuvre ces dispositifs dans les délais les plus courts. Il a toutefois attiré l'attention des parlementaires sur les difficultés et les retards qui pourraient être provoqués par la prise en compte des conditions de revenu des assurés. Il s'agit d'une exigence nouvelle qui demandera des ajustements techniques lourds. L'assurance maladie ne dispose pas de bases de données sur les ressources des individus et il faudra assurer une coordination interrégimes. Une mise en place dès 2008 paraît de ce point de vue exclue.

En conclusion, il a jugé nécessaire de modifier les modalités de mise en oeuvre de la tarification à l'activité dans les établissements de santé, considérant que la négociation annuelle qui prévaut actuellement constitue un frein et souhaitant qu'un lien soit établi entre les évolutions tarifaires et les projections pluriannuelles de la loi de financement de la sécurité sociale.

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale

Puis la mission a procédé à l'audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale.

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, a souligné d'emblée la forte dégradation des comptes du régime général en 2007. Alors que le déficit global avait été évalué à 8 milliards d'euros par la loi de financement, les estimations fournies par la commission des comptes de la sécurité sociale laissent apparaître un dérapage de 4 milliards d'euros, le besoin de financement s'établissant à 12 milliards. Le régime général renoue ainsi avec les déficits élevés constatés jusqu'en 2005, l'exercice 2006 étant le seul pour lequel le déficit est revenu sous le seuil des 10 milliards d'euros.

La première explication de ce dérapage des comptes doit être recherchée dans la branche maladie, dont les dépenses dépassent de 2,2 milliards d'euros le niveau prévu en loi de financement. Alors que le taux de progression de l'Ondam avait été fixé à 2,6 %, il atteint 4 %, du fait notamment d'une forte dynamique des dépenses de soins de ville. L'objectif fixé pour ce poste en loi de financement apparaît rétrospectivement trop ambitieux et insuffisamment étayé.

Les ministres chargés de la sécurité sociale ont pour l'essentiel repris le contenu du plan d'ajustement élaboré par le directeur général de la Cnam, Frédéric Van Roekeghem, à la suite de l'avis émis par le comité d'alerte. Ce plan porte sur 400 millions d'économies en 2007 et 1,2 milliard en année pleine. Alors que l'exercice 2007 est déjà largement entamé, il était difficile d'aller plus loin, sauf à utiliser l'arme, toujours difficile à manier, des déremboursements massifs. Pour autant, il est clair que les ajustements proposés ne règlent pas le problème du déficit structurel de l'assurance maladie.

M. Dominique Libault a présenté ensuite les autres composants de l'accroissement du déficit du régime général. Le dérapage des dépenses de retraite de la Cnav est de l'ordre d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions, ce qui porte son déficit de 3,5 à 4,5 milliards d'euros. A cela, deux explications. Tout d'abord, le succès du dispositif de départs anticipés pour longue carrière ne se dément pas, notamment en raison des facilités offertes pour le rachat de trimestres. A ce sujet, il devient nécessaire de s'interroger sur l'existence éventuelle d'abus, par exemple ceux liés à la mesure qui permet de se faire reconnaître la qualité d'aide familiale agricole sur simple présentation de deux témoins.

Le second motif de forte progression des dépenses de la Cnav tient à l'arrivée à l'âge de soixante ans de la première génération du « baby-boom » : le flux annuel passe de 500 000 environ pour les générations nées pendant la Seconde Guerre mondiale à 800 000 pour les générations nées à partir de 1946. Dans le même temps, les dispositions prises pour inciter à la poursuite de l'activité ne semblent pas produire d'effets sensibles pour le moment.

En pratique, les affiliés continuent à liquider leurs droits à l'approche de leur soixantième anniversaire, exprimant ainsi un fort sentiment d'anxiété, en dépit des assurances données, notamment en loi de financement pour 2007, que les règles du jeu ne seront pas modifiées pour les générations qui s'apprêtent à partir en retraite.

Un troisième facteur de dérapage des comptes du régime général, à hauteur de 1,45 milliard d'euros, se trouve dans un niveau d'exonération de cotisations sociales plus élevé que prévu en 2006 et 2007, qui s'explique par une dynamique marquée des exonérations sur les bas salaires. Cette dynamique trouve elle-même son origine dans la bonne tenue du niveau d'emploi, mais également dans l'aboutissement du contentieux qui permet aujourd'hui aux entreprises d'intérim de calculer les exonérations non plus sur les heures effectives, mais sur les heures rémunérées, qui constituent une assiette plus large.

Parallèlement, le mécanisme d'équilibrage qui garantissait au régime général un montant de recettes au moins égal à celui des allégements en 2006 ne joue plus en 2007 : l'insuffisance de financement des allégements sur les bas salaires se traduit ainsi par une perte nette de produits dans les comptes du régime général.

Selon M. Dominique Libault, la situation du régime général apparaît donc globalement préoccupante.

M. Alain Vasselle, président, a demandé que l'on fasse également le point sur le fonds de solidarité vieillesse (FSV) et sur le fonds de financement des prestations sociales agricoles (Ffipsa).

M. Dominique Libault a indiqué que les comptes du FSV s'améliorent grâce à la diminution du chômage. Le déficit pour 2007 ne devrait être que de 300 millions d'euros et les perspectives de retour à l'équilibre sont désormais bien réelles. Il restera cependant à régler la question de l'apurement de la dette accumulée par le fonds au fil des ans.

S'agissant du Ffipsa, le déficit annoncé en 2007 est de 2,1 milliards d'euros et le déficit cumulé devrait atteindre 14 milliards d'euros en 2010, c'est-à-dire un montant pratiquement égal au budget du fonds.

Le problème de financement du Ffipsa est structurel et tient largement au fait que l'Etat a substitué à ses recettes antérieures des produits financiers prélevés sur les tabacs et qui se révèlent moins dynamiques. Pour autant, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a déclaré devant la commission des comptes de la sécurité sociale ne pas disposer pour l'instant de solution au problème posé.

En revanche, le ministre a souligné, dans la même enceinte, le caractère prioritaire du règlement des dettes contractées par l'Etat à l'égard des organismes de sécurité sociale. Le fait que le ministre du budget soit également compétent pour les comptes sociaux ainsi que la présence, auprès de lui, d'un directeur de cabinet venant de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), permettent d'être raisonnablement optimiste en ce domaine.

Le remboursement par l'Etat, ne serait-ce que d'une partie de sa dette, devrait permettre à l'Acoss de ne pas dépasser le plafond de 28 milliards d'euros de déficit de trésorerie inscrit en loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Interrogé par M. Alain Vasselle, président, sur le coût de la mesure relative à l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, inscrite dans le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, M. Dominique Libault a fourni une fourchette de 4,5 à 5 milliards d'euros, tout en soulignant l'incertitude entourant cette évaluation. Le Gouvernement a pris un engagement clair et ferme d'une compensation intégrale du coût de la mesure par l'Etat.

En tout état de cause, il s'agit d'une mesure coûteuse et lourde à mettre en oeuvre. Il faudra, en particulier, être attentif aux risques de recours abusif au dispositif.

En réponse à M. Alain Vasselle, président, qui lui demandait si l'ampleur des déficits cumulés des différentes branches ne justifie pas que l'on envisage d'ores et déjà une réouverture de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), M. Dominique Libault a indiqué que M. Eric Woerth a écarté cette hypothèse devant la commission des comptes de la sécurité sociale. Il a toutefois reconnu que la question mérite d'être posée sur un plan technique.

M. Dominique Libault a ensuite confirmé à M. Guy Fischer qu'une partie non négligeable des gains en recettes que la sécurité sociale pouvait attendre en 2007 du dynamisme de la masse salariale a été annulée par la progression des allégements sur les bas salaires, dans un contexte où le panier de recettes institué en 2006 ne permet plus une compensation du coût de ces allégements à l'euro l'euro. En outre, certaines recettes perçues en 2006 avaient un caractère non reconductible : tel est le cas, en particulier de la mesure de prélèvement anticipé de CSG sur les intérêts des plans d'épargne logement, qui ne produit plus d'effet en 2007.

M. Jean-Pierre Cantegrit a exprimé deux requêtes concernant la caisse des Français de l'étranger dont il préside le conseil d'administration : un relèvement de l'aide apportée par le ministère des affaires étrangères à l'effort de cotisation de la troisième catégorie d'affiliés à la caisse, en portant de 33,3 % à 50 % la participation publique à cet effort ; l'autorisation de diminuer de 0,4 point le taux de cotisation, actuellement de 6,5 %, acquittée par les trois catégories d'affiliés à la caisse afin de rendre celle-ci plus compétitive en comparaison des compagnies d'assurance privée présentes sur le marché de la protection sociale des expatriés.

M. Dominique Libault a indiqué que la direction de la sécurité sociale est particulièrement attentive à la question des flux migratoires, tant en ce qui concerne les expatriés français à l'étranger qu'en ce qui concerne les expatriés de nationalité étrangère en France. Cette vigilance est justifiée par la multiplication des abus et des fraudes en matière de définition du régime de protection sociale applicable à ces populations.

M. François Autain a souhaité connaître le montant du déficit global de sécurité sociale pour l'ensemble des régimes et non pour le seul régime général.

M. Dominique Libault a rappelé que les analyses de la commission des comptes de printemps ne portent traditionnellement que sur le seul régime général. Les branches sont examinées dans leur ensemble, tous régimes confondus, par la commission des comptes du mois de septembre.

Il a par ailleurs évoqué la question du rattachement du solde du FSV au solde de la Cnav souhaité par la Cour des comptes dans son rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour 2006. On peut comprendre que la Cour ait souhaité mettre un terme à une situation dans laquelle le déficit du FSV était dissimulé : dès lors que l'Etat ne voulait pas prendre en charge ce déficit, il était nécessaire de le faire apparaître en le consolidant avec le solde, lui-même négatif, de la branche vieillesse du régime général. Ce souhait de consolidation manifesté par la Cour est néanmoins gênant dans ses effets : le but de la réforme de 1993, qui a institué le FSV, était précisément de séparer le contributif, incarné par la Cnav, de la solidarité, logée dans le nouveau fonds, dont la responsabilité de l'équilibre appartient à l'Etat.