Mardi 6 mai 2008

- Présidence de M. Alain Vasselle, président. -

Coût de l'hôpital - Audition de MM. Christophe Lannelongue, inspecteur général, et Hervé Léost, inspecteur à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et Mme Catherine Dardé et M. Bernard Bonnici, conseillers généraux des établissements de santé

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Christophe Lannelongue, inspecteur général, et Hervé Léost, inspecteur à l'inspection générale des affaires sociales (Igas), et Mme Catherine Dardé et M. Bernard Bonnici, conseillers généraux des établissements de santé.

M. Christophe Lannelongue, inspecteur général à l'Igas, a indiqué les conditions dans lesquelles a été choisi l'échantillon d'établissements étudiés par le rapport de l'Igas sur le contrôle des mesures prises dans le cadre du contrat de retour à l'équilibre financier (Cref) par les hôpitaux « perdants » à la tarification à l'activité (T2A). Trois régions ont été retenues : l'Ile-de-France et la Lorraine, où de gros déficits dans un grand nombre d'établissements ont été constatés, et le Midi-Pyrénées, où on observe peu de déficits dans un petit nombre d'établissements. Par ailleurs, les centres hospitaliers universitaires (CHU) de Lille et de Rouen ont été ajoutés à l'échantillon en raison de leur taille très comparable à celle des CHU de Nancy et de Toulouse. Au total, dix-neuf établissements de toute taille, dont cinq CHU, font l'objet de l'étude. Dans chacun de ces établissements la production de soins tarifés à la T2A est apparue déficitaire, ce qui signifie que les dépenses relatives aux activités de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) y sont supérieures aux recettes procurées par la tarification à l'activité. Les constats effectués sur ces dix-neuf établissements sont très homogènes, ce qui permet d'extrapoler les conclusions du rapport aux mille établissements de santé français. En effet, les situations de déficit rencontrées résultent dans tous les cas d'une mauvaise performance médico-économique, c'est-à-dire d'une mauvaise efficience dans la production de soins, soit en raison d'une sous-activité, soit du fait de coûts de production excessifs, ces derniers étant liés à une mauvaise organisation, à un mauvais management ou à une difficulté à faire évoluer les ressources, notamment médicales. Dans presque tous les établissements examinés, le contexte local est celui d'un fort développement du secteur privé et, face à cette situation, d'une impossibilité de l'hôpital public à s'adapter en termes d'offre de soins et d'efficience.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir si l'échantillon d'établissements retenu peut être considéré comme représentatif.

M. Christophe Lannelongue a estimé que les résultats des établissements de santé pour 2007 confortent pleinement les conclusions du rapport qui envisageait déjà, quelques mois plus tôt, une accentuation des déficits. Cela signifie que l'échantillon retenu est tout à fait représentatif. L'augmentation des déficits est liée à un effet de ciseaux avec, d'une part, la stagnation, voire la baisse, de l'activité, d'autre part, une progression des charges, notamment de la masse salariale, comprise entre 2 % et 4 % par an. Ces déficits ne sont donc pas liés à des effets exogènes mais essentiellement à des facteurs endogènes.

M. Bernard Cazeau a souhaité obtenir des précisions sur la situation particulière du CHU de Toulouse.

M. Christophe Lannelongue a rappelé que cet établissement a disposé de subventions exceptionnelles très importantes à partir de 2004, sans pour autant signer de contrat de retour à l'équilibre. La situation déficitaire de cet établissement n'est en fait qu'un habillage car elle masque l'existence de réserves très considérables. En effet, pour permettre la mise en oeuvre d'un programme d'investissement et de restructuration du CHU sur deux sites, d'environ 500 millions d'euros, des « manipulations comptables » ont été effectuées - d'ailleurs en toute légalité - et les durées d'amortissement ont été modifiées afin d'accumuler les réserves nécessaires. Ainsi, les comptes de cet hôpital ne peuvent être considérés comme fiables, ce qui est d'ailleurs le cas de nombreux comptes d'hôpitaux publics. Toutefois, dans la plupart des cas, la situation est inverse : on masque les déficits en n'inscrivant pas les provisions ou les dotations aux amortissements, ce qui constitue une réelle menace pour la politique d'investissement des hôpitaux concernés et donc pour l'évolution même des établissements publics de santé.

M. François Autain a souligné l'importance du besoin de financement actuel des hôpitaux publics. En effet, la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) hospitalier ne permet pas d'accorder les moyens nécessaires au retour à l'équilibre, ce qui risque d'entraîner une accumulation des déficits et de susciter des licenciements de personnel. Il s'est interrogé sur l'analyse selon laquelle cette situation ne serait due qu'à des facteurs endogènes. Il paraît en effet difficile d'ignorer le problème de la tarification des activités non programmées et celui de la prise en compte d'un grand nombre de missions accomplies par l'hôpital et non facturées.

M. Hervé Léost, inspecteur à l'Igas, a considéré que les déficits des hôpitaux sont essentiellement dus à la faible productivité des effectifs, ce qui est bien un facteur endogène. En effet, la mission a souvent constaté un maintien du nombre des personnels médicaux malgré une activité en décroissance. Le discours selon lequel le déficit est lié à un sous-financement de l'hôpital ou la dénonciation de sous-effectifs dans les établissements de santé doit être contesté car, à l'inverse, on constate, le plus souvent, des sureffectifs.

M. Christophe Lannelongue est revenu sur les causes exogènes fréquemment avancées pour expliquer les déficits. La première est celle de l'insuffisance alléguée de la tarification des pathologies lourdes. Or, les tarifs appliqués sont le reflet des productivités moyennes des établissements publics car ces pathologies sont très rarement présentes dans les établissements privés. Les tarifs ne sont donc pas inférieurs aux coûts mais liés aux coûts de production moyens des établissements concernés. La deuxième cause concerne les durées de séjour, généralement plus longues dans le secteur public. Ici encore, il s'agit avant tout d'un problème d'organisation, notamment des filières aval, en particulier celles des soins de suite et de réadaptation (SSR) souvent mal utilisées. Enfin, de nombreux CHU revendiquent des insuffisances de financement pour les activités d'intérêt général. Or, les dotations des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) ont été définies sur la base des propositions des hôpitaux eux-mêmes. Ces derniers les ont parfois, il est vrai, mal évaluées. La dotation Migac est une enveloppe nationale fermée dont la répartition se fait en fonction des « meilleurs » besoins, ce qui suppose de s'interroger sur les missions inutiles ou peu, voire pas, efficientes. Par exemple, à Nancy, la mission a constaté trop de lignes d'urgence et une grande difficulté à les remettre en cause. La faiblesse de la gestion actuelle des Migac est qu'elle se fait en dehors de la notion de coûts de production objectivés et normalisés. Au total, le discours sur les causes exogènes du déficit des hôpitaux publics est donc peu fondé et insuffisamment documenté. En revanche, la démonstration a été clairement faite de l'existence de sous-activités flagrantes et de coûts de production excessifs. Les évolutions sont encore trop lentes, par exemple en ce qui concerne le développement de l'hospitalisation de court séjour ou de la chirurgie ambulatoire.

Le rapport a ainsi fait le constat de l'ampleur extrêmement grave des difficultés endogènes à l'hôpital. De nombreux exemples peuvent être cités comme celui du service de chirurgie viscérale d'un hôpital public, où trois chirurgiens sont employés pour réaliser un nombre d'interventions inférieur à celui du seul chirurgien de la clinique privée voisine. Aucune conséquence n'a donc été réellement tirée de la dégradation de la situation financière des hôpitaux et, en particulier, il n'y a eu ni redéploiement des ressources ni restructuration des activités. Le système actuel bloque les initiatives, les inerties apparaissant à tous les niveaux de décision, depuis la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos) jusqu'aux médecins présents dans les hôpitaux.

M. Hervé Léost a ensuite fait état de la faible ambition des mesures prévues en matière d'effectif dans le cadre des Cref. Les Cref analysés par le rapport ont été lancés en 2004 avec un retour à l'équilibre prévu sur trois ou quatre ans. Or, le contenu des contrats est très décevant car il comporte peu de mesures d'économies et est avant tout fondé sur une augmentation des recettes grâce au développement de l'activité dans un contexte de mise en place progressive de la T2A. Un tiers des contrats ne prévoit d'ailleurs même pas de retour à l'équilibre. Les économies envisagées concernent en outre très rarement le personnel mais s'appliquent surtout aux fonctions logistiques, notamment aux achats et à la restauration. Or, la mission a constaté de nombreux problèmes d'effectifs, voire de sureffectifs, dans les hôpitaux analysés. Les raisons de cette situation tiennent, d'une part, à la position en retrait des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), qui ont très souvent simplement avalisé les plans préparés en interne par les établissements ou même consenti à des subventions sans signer de contrat ; d'autre part, très peu d'aides ont été mises en place pour permettre la reconversion des sites et des personnels ; enfin, les chefs d'établissement se sont souvent trouvés démunis face à la communauté médicale et aux syndicats, ainsi qu'au conseil d'administration dont le président a fréquemment freiné les mesures de gestion du personnel. Ainsi, les établissements ont certes été peu ambitieux dans leur plan de retour à l'équilibre en matière d'effectifs, mais ils ont été peu aidés par les ARH et par le niveau central.

Mme Catherine Dardé, conseiller général des établissements de santé, a rappelé que la confusion a pu naître du fait que le message associé aux premiers Cref était celui d'un développement de l'activité car ces contrats ont été mis en place en même temps que la T2A. Ce message était clairement insuffisant car il aurait fallu l'accompagner d'un souci prioritaire d'efficience.

M. Alain Vasselle, président, a voulu savoir si la mission avait entendu des objections recevables pour expliquer les insuffisances relevées dans le contenu et la mise en oeuvre de ces contrats.

M. Christophe Lannelongue a estimé que la situation analysée est le reflet des faiblesses du pilotage par les ARH et le niveau national, ainsi que de l'insuffisance du management des établissements, qui se trouve en position de faiblesse face à la communauté médicale et au conseil d'administration. La nouvelle gouvernance, qui commence à être mise en place, et la constitution de pôles doivent permettre des gains en termes de performances de gestion, mais ceux-ci ne sont pas encore apparus. D'une façon générale, les outils de gestion des établissements de santé publics sont très insuffisants et ne permettent pas d'identifier les sources de gains ou de pertes. En outre, la mise en place d'une véritable comptabilité analytique se fait avec un très grand retard. Des progrès ont certes été récemment enregistrés grâce aux actions de la mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers (Meah) qui a établi des comptes de résultats par pôle et surtout une grille TCCM (tableau coût case mix) permettant des comparaisons entre l'échelle nationale des coûts normés et les coûts réels de l'hôpital. L'objectif doit être de pouvoir repérer les écarts par rapport aux performances moyennes médico-économiques des établissements de santé. Un autre indicateur utile est celui de la durée moyenne de séjour qui apparaît dans le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Mais ces outils développés par la Meah ne sont pas encore mis en oeuvre dans la majorité des établissements, ce qui explique la fragilité des moyens de gestion actuellement à la disposition des équipes de direction.

M. Christophe Lannelongue a estimé que la faiblesse du pilotage du système relève avant tout du manque de suivi des différentes circulaires ou directives établies à l'intention des hôpitaux. Ainsi, il n'y a pas de centralisation du suivi à la Dhos ni de système de relation entre le niveau national et les ARH. Par exemple, il est apparu dans l'étude que l'ARH de Midi-Pyrénées n'avait pas d'objectif quantifié à respecter en termes de retour à l'équilibre des établissements de la région. L'absence d'objectifs chiffrés précis et de dispositifs d'incitation-sanction sont des lacunes importantes.

Par ailleurs, les outils nécessaires aux reconversions sont excessivement centralisés, ce qui est le cas, par exemple, des décisions d'emploi des crédits du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP). Les ARH ne sont pas en situation d'être soutenues et accompagnées par la Meah. De même, trop de décisions d'investissements importantes ont été engagées dans le cadre du plan Hôpital 2007 sans lien véritable avec l'augmentation de l'efficience des établissements concernés. Par exemple, un établissement du sud francilien a obtenu des investissements pour augmenter son activité de 20 % alors que celle-ci a diminué. D'une manière générale, on constate un manque de compétences des personnels des ARH face aux équipes de direction des CHU, surtout lorsque celles-ci ont été renforcées. A l'ARH de Lorraine, deux personnes qui ne sont pas issues du milieu hospitalier ont la responsabilité du suivi de trente Cref et de l'ensemble des équilibres financiers des établissements de la région, ce qui est insuffisant. Cela explique que le contrat conclu entre cette agence et le CHU de Nancy reprenne intégralement le projet établi par l'hôpital lui-même et ne donne pas lieu à un suivi exigeant. S'ajoutent à ces difficultés l'insuffisance des systèmes d'information des ARH, le manque de coopération des comptables publics, la faiblesse des outils de gestion des ARH et parfois même aussi l'intervention du niveau central qui octroie directement une subvention exceptionnelle, décrédibilisant ainsi la responsabilité des agences.

Le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, en activité depuis la fin de 2006, est un progrès mais il est encore trop tôt pour voir s'il permettra une gestion réellement active des directeurs d'établissements. Il est en effet impératif qu'il y ait adéquation entre le directeur et les exigences à mettre en place pour le rétablissement de l'équilibre financier d'un hôpital.

M. Dominique Leclerc s'est félicité de la pertinence et de la mesure des propos tenus par les auteurs du rapport, qui témoignent d'une connaissance profonde du monde hospitalier. Cette étude développe opportunément le mal récurrent de l'hôpital : sa mauvaise organisation, son insuffisante gestion des ressources humaines, son manque de productivité. Il faut retrouver le souci de la performance médicale dans le cadre d'équipes solidaires.

M. André Lardeux a souhaité savoir si les élus, et en particulier les maires, peuvent avoir un rôle moteur, et pas seulement une fonction de frein des évolutions.

M. François Autain a demandé par quels moyens on peut adapter l'hôpital si ses charges, notamment sa masse salariale, augmentent de 2 % à 4 % par an et que l'Ondam ne prend pas en compte cette évolution. Il a souhaité savoir si le mode de rémunération des médecins peut avoir un effet pervers, si les zones de sous-performance sont liées à des problèmes internes ou bien à un contexte local particulier, par exemple à l'âge ou à la précarité de la population. Enfin, il s'est interrogé sur le paradoxe entre la coexistence de services vides et d'autres pléthoriques et le chiffre de 30 % de postes de médecins non pourvus à l'hôpital public.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir si les futures agences régionales de santé (ARS) pourront constituer un élément de réponse aux difficultés analysées par les auteurs du rapport et si oui, à quelles conditions.

M. Christophe Lannelongue a estimé que les élus sont toujours très sensibles aux évolutions de l'emploi public local. De nombreux constats montrent que leurs interventions sont souvent bloquantes. Toutefois, certains élus s'engagent réellement dans la restructuration des établissements de santé et dans le développement de partenariats entre hôpitaux, ce qui a alors un impact très positif.

Puis il a estimé impossible de faire évoluer l'hôpital public sans lui redonner des marges de manoeuvre, notamment en termes de ressources humaines. Le rapport propose donc un assouplissement du statut du praticien hospitalier, aussi bien pour permettre des recrutements locaux de médecins qu'en termes de rémunération. Il serait également utile de faciliter la remise à disposition, auprès du centre national de gestion, d'un nombre de praticiens qui pourrait atteindre deux mille. Le rapport Larcher fait également des propositions en ce sens qui paraissent indispensables pour que l'hôpital puisse mieux répondre aux besoins et adapter son activité.

En ce qui concerne les zones de sous-performance, seuls quelques très rares cas d'établissements sont soumis à une situation particulière liée à l'aménagement du territoire. Mais l'essentiel des mille établissements en MCO ne répondent pas à cette logique. Sur la question des vacances de postes, une mission vient d'être lancée par la ministre de la santé afin d'approfondir les raisons de cette situation, notamment en lien avec le problème de la rémunération des médecins. Sur l'évolution des ARH, il paraît impératif d'engager une politique plus exigeante et plus dynamique et de donner plus de marge de manoeuvre aux responsables locaux. Un renforcement de la régulation du système est nécessaire. Or, les ARH ne sont pas en état aujourd'hui de gérer le redressement des hôpitaux, comme en témoignent les résultats des comptes des établissements de santé en 2007.

En conclusion, M. Christophe Lannelongue a remercié le Sénat d'avoir pris l'initiative d'un amendement voté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et permettant de resserrer le cadre juridique applicable aux établissements en situation de déséquilibre financier.

Coût de l'hôpital - Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale.

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, a rappelé que les dépenses hospitalières représentent 45 % du montant total de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), soit 63 milliards d'euros en 2008 ; elles constituent donc un poste déterminant au regard de la politique de maîtrise des dépenses de santé.

Les pouvoirs publics disposent schématiquement de deux solutions pour maîtriser ces dépenses : la réduction du périmètre des soins pris en charge ou une plus grande efficience de la dépense, cette dernière solution permettant de maintenir et d'améliorer les prestations dont bénéficient les assurés. L'hôpital étant le mode de prise en charge des malades le plus onéreux, les autorités sanitaires sont d'autant plus fondées à s'interroger sur l'efficience des dépenses hospitalières.

En comparaison avec les pays voisins, la France compte un nombre plus important d'établissements de santé par habitant, ce qui laisse supposer que des gains d'efficience sont possibles. Mais la réforme du secteur hospitalier ne procurant pas des économies rapides, les pouvoirs publics ont jusqu'à présent préféré agir sur d'autres catégories de dépenses, comme le médicament.

La mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A), qui sert de matrice à la réforme hospitalière, a permis de faire évoluer cette situation. Les autorités sanitaires disposent désormais d'un outil pour évaluer la pertinence des dépenses hospitalières, mais l'usage du seul levier budgétaire est insuffisant pour réformer l'organisation du secteur dans son ensemble. Le recours aux bonnes pratiques doit être intensifié ; en ce domaine la mission d'évaluation et d'audit hospitalier (Meah) fournit aux établissements des moyens d'action dans des domaines aussi variés que la gestion des lits, des blocs opératoires ou la prise en charge des escarres.

Le recours à la T2A pour financer les activités de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) se traduit par une meilleure efficience des dépenses hospitalières mais peut également être à l'origine des difficultés financières rencontrées par les établissements, notamment lorsque ces derniers ne parviennent pas à développer ou à maintenir une activité suffisante. Les pouvoirs publics doivent donc s'assurer que les prévisions d'activité retenues par les établissements pour élaborer leurs états prévisionnels de recettes et de dépenses (EPRD) sont compatibles avec les besoins du territoire de santé où ils sont installés.

M. Dominique Libault a, par ailleurs, regretté l'absence de réflexion stratégique sur la façon d'organiser le système de santé. Les directeurs d'établissement doivent être intéressés à la gestion de ceux-ci : la nouvelle gouvernance mise en oeuvre depuis 2005 et les recommandations qui accompagnent le rapport de la commission de concertation sur les missions de l'hôpital, présidée par M. le sénateur Gérard Larcher, vont dans ce sens. La participation des élus locaux à la gestion des établissements publics est compatible avec ces évolutions.

La création des agences régionales de santé (ARS) constitue une véritable opportunité pour réformer les modes de fonctionnement des établissements de santé mais surtout pour développer une vision plus globale du système de santé en s'assurant que les parcours de soins sont coordonnés entre médecine ambulatoire et médecine hospitalière et, qu'en conséquence, les établissements de santé ne sont pas amenés à prendre en charge, en raison d'une organisation défaillante, des patients qui ne nécessitent pas une hospitalisation.

M. François Autain a souhaité savoir si l'instauration de la T2A est à l'origine du constat des déficits dans de nombreux établissements de santé.

M. Dominique Libault a jugé que la T2A a incontestablement concouru à l'émergence des déficits constatés dans certains établissements de santé. Ces derniers ont cédé à la tentation de construire des budgets faisant la part belle à une progression de leur l'activité afin d'accroître leurs recettes. Or, si les objectifs ne sont pas atteints, un déficit apparaît nécessairement. Pour ces motifs, les autorités sanitaires nationales et régionales doivent s'assurer de la pertinence des hypothèses d'activité retenues pour l'élaboration des EPRD.

M. Alain Vasselle, président, s'est interrogé sur l'assistance apportée par les autorités nationales aux établissements pour le développement de nouveaux outils de gestion et la mise en oeuvre d'une meilleure organisation.

Il a voulu connaître les pistes que la direction de la sécurité sociale (DSS) privilégie pour améliorer l'efficacité des hôpitaux.

M. Dominique Libault a observé qu'une stratégie uniquement fondée sur une hausse du volume de l'activité est perdante. Il est au contraire possible de faire un peu moins à qualité de soins équivalente : c'est tout l'enjeu de la chirurgie ambulatoire qui n'est pas aussi développée en France que dans les pays voisins.

Les pouvoirs publics doivent également réfléchir au moyen de favoriser les rapprochements et les coopérations entre les établissements, sous la forme de communautés hospitalières de territoire, comme le propose le rapport remis au Président de la République par M. Gérard Larcher afin de simplifier, de rationaliser et de mutualiser les moyens, et donc la réponse apportée au patient.

Le caractère embryonnaire des études de coûts de fonctionnement des établissements publics et privés constitue un obstacle à une meilleure connaissance du secteur hospitalier. La réalisation de ces études doit être un objectif prioritaire des autorités de tutelle, notamment afin de déterminer des grilles tarifaires pertinentes.

M. Dominique Libault a également souligné que les établissements de santé ne font encore aujourd'hui qu'une utilisation limitée d'outils de gestion tels que la comptabilité analytique.

Il a rappelé que les dépenses de médicaments trouvent leur origine à l'hôpital, car les pathologies qui y sont traitées suscitent la diffusion des produits innovants. Or, on constate une évolution rapide des dépenses au titre des médicaments onéreux depuis qu'ils ont été retirés des tarifs des groupes homogènes de séjour (GHS) et sont facturés en sus : ces dépenses augmentent, en effet, de manière soutenue (3,6 milliards d'euros, soit 15 % d'augmentation en 2007) et doivent faire l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics. Au moins, l'ancien mécanisme de la dotation globale permettait de fixer des limites qui ont disparu avec le nouveau système.

M. Jean-Claude Etienne a mis l'accent sur le manque de réflexion stratégique dans le domaine de la santé. Il s'est interrogé sur la pertinence des différents modes de prise en charge d'un patient. Il a souligné que le rapport Larcher n'évoque pas la question de l'hospitalisation à domicile, qui constitue pourtant une aspiration nouvelle des Français. Il a estimé que les hôpitaux font une erreur en se lançant dans la course à l'activité plutôt que d'envisager la mise en oeuvre d'une nouvelle organisation interne.

M. François Autain a réagi aux propos précédemment tenus par M. Dominique Libault sur la mesure de facilité qu'a constituée l'action sur le médicament, alors qu'agir sur les dépenses hospitalières aurait une portée plus large pour assurer la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Regrettant que l'hôpital apparaisse trop souvent comme le « bouc émissaire », il a relevé la pertinence du ciblage sur le poste médicament dont la progression a été très rapide ces dernières années, sans que l'on ne s'en aperçoive, puisque ce poste ne fait pas l'objet d'un suivi spécifique et est englobé dans l'objectif « soins de ville » de l'Ondam.

Cette remarque vaut également pour les honoraires perçus par les chirurgiens libéraux. Cette absence de transparence ne permet pas une bonne appréhension des dépenses de santé et conduit, compte tenu des masses financières en cause, à focaliser l'attention des pouvoirs publics sur les enveloppes les plus importantes, en l'occurrence celles attribuées à l'hôpital public.

M. Alain Vasselle, président, a voulu connaître l'appréciation de M. Dominique Libault sur le récent rapport de l'Igas relatif aux mesures prises dans le cadre du contrat de retour à l'équilibre financier par des hôpitaux « perdants » à la T2A. Il s'est également interrogé sur l'existence d'une politique globale de gestion prévisionnelle des emplois à l'hôpital. Il s'est enfin enquis de l'intérêt qu'il y aurait à offrir plus de sécurité aux établissements de santé en fixant les évolutions de tarifs dans un cadre pluriannuel.

M. Dominique Libault a précisé que la DSS a commandé une étude sur les coûts et avantages de l'hospitalisation à domicile et a déclaré souscrire aux préoccupations exprimées par M. Jean-Claude Etienne.

Il a insisté sur la nécessité de ne pas instruire à charge le dossier de l'hôpital public, qui pallie certaines défaillances du système de soins. La répartition des rôles entre les différents acteurs est un défi que devront relever les futures ARS, afin d'organiser des réponses pertinentes aux demandes de soins sur l'ensemble d'un territoire de santé. L'amélioration de la gestion de l'hôpital public est dans l'intérêt de l'assurance maladie mais également des assurés.

Il a reconnu que le rapport de l'Igas dresse un bilan critique de la procédure suivie pour accompagner les établissements de santé sur la voie d'un retour à l'équilibre financier, ce qui n'a pas totalement étonné la DSS. Si les conclusions de l'Igas sont cruelles, elles arrivent à un moment opportun pour rappeler la nécessité de développer de nouveaux outils de gestion. Ceux-ci sont particulièrement insuffisants en matière de gestion des ressources humaines ; dans ce domaine, l'évolution des effectifs hospitaliers au cours des dernières années est étonnante et les autorités sanitaires doivent faire preuve d'un regard plus prospectif sur ce sujet.

M. Dominique Libault a réfuté l'idée selon laquelle le déficit hospitalier est uniquement lié à un manque de moyens financiers.

Il a estimé que le manque de transparence tarifaire, critiqué à juste titre par les établissements, est inhérent au caractère récent de la T2A et aux difficultés de mise en oeuvre. Des améliorations sont possibles dans ce domaine mais sans aller jusqu'à l'établissement de tarifs pluriannuels dont l'instauration priverait le Gouvernement d'un outil de régulation en cas de dépassement de l'Ondam.

M. Alain Vasselle, président, a souligné la nécessité de disposer d'une meilleure information sur les coûts et de développer une meilleure stratégie de soins, y compris en faisant appel à la Haute Autorité de santé pour définir les référentiels nécessaires.

M. Dominique Libault a rappelé qu'il est possible de compléter les annexes de la loi de financement de la sécurité sociale pour améliorer l'information des parlementaires. Par ailleurs, un effort de mise à niveau des systèmes d'information des établissements de santé doit être entrepris pour mieux suivre les prescripteurs ou les patients. Il a conclu en estimant indispensable d'investir dans la connaissance du système de santé.

Coût de l'hôpital - Audition de Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos), et de M. Patrick Olivier, sous-directeur des affaires financières

Enfin, la commission a procédé à l'audition de Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos), et de M. Patrick Olivier, sous-directeur des affaires financières.

Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, a présenté le contenu des protocoles d'accords conclus pour le règlement des heures supplémentaires et des jours de congés non pris et non rémunérés affectés dans un compte épargne temps (CET). Pour la fonction publique hospitalière, les jours pouvant être affectés à un CET sont au maximum de vingt-deux par an. Au 31 décembre 2007, le volume des jours épargnés en stock s'élevait à 2,6 millions. Pour les personnels médicaux, qui disposent d'un autre régime, ces jours peuvent aller jusqu'à trente par an sur dix ans et intégrer les congés annuels, des jours de récupération du temps de travail (RTT) ou des jours de récupération. Pour ces personnels, le stock de jours épargnés était d'1,6 million au 31 décembre 2007.

En matière d'heures supplémentaires, le régime applicable à la fonction publique hospitalière est encadré par des dispositions réglementaires et peut être appliqué jusqu'à un plafond de 180 heures, ou de 220 heures par an pour certains personnels. Au 31 décembre 2007, 23 millions d'heures non récupérées ou non indemnisées étaient accumulées depuis le début de la mise en place de la réduction du temps de travail à l'hôpital.

Les deux protocoles conclus au début de l'année 2008 ont été négociés à la demande du ministère de la santé et du ministère de la fonction publique. Le premier protocole, conclu le 15 janvier 2008, concerne les personnels médico-hospitaliers. Il prévoit l'indemnisation de la moitié des jours épargnés, sur la base de 300 euros bruts par jour, à rapprocher des 330 euros retenus lors de la première indemnisation effectuée en 2004. Les décrets sont en cours de publication et la circulaire est prête. A l'avenir, une gestion plus rigoureuse sera demandée aux directeurs d'établissement qui auront l'obligation de produire des tableaux de service afin de justifier l'affectation des jours dans un CET et surtout de provisionner les comptes épargne temps dans leurs objectifs annuels dès l'année 2008.

Le deuxième protocole, conclu le 6 février 2008, concerne la fonction publique hospitalière. Sa traduction doit intervenir dans un décret, également en cours de publication. La moitié, au maximum, des jours épargnés dans un CET pourra être indemnisée sur la base de tarifs fixés par référence à la première indemnisation de 2004 et au système mis en place dans la fonction publique d'Etat : pour les fonctionnaires de catégorie A, 125 euros bruts par jour ; pour les fonctionnaires de catégorie B, 80 euros ; pour les fonctionnaires de catégorie C, 65 euros. En outre, si l'agent titulaire d'un CET est décédé, ses ayants droit pourront revendiquer l'indemnisation prévue. Les heures supplémentaires pourront soit être indemnisées, soit être récupérées, selon le choix de l'agent exprimé au plus tard le 30 juin 2008. L'indemnisation forfaitaire sera de 13 euros bruts par heure, les exonérations prévues par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) s'appliquant pour les heures supplémentaires effectuées entre le 1er octobre et le 31 décembre 2007.

Les modalités de financement de ces protocoles se feront à la fois par l'utilisation du solde des crédits du fonds pour l'emploi hospitalier (FEH) et par les provisions constituées par les établissements de santé.

Au 31 décembre 2007, les crédits du FEH atteignaient environ 388 millions d'euros, dont 135,5 ont été délégués aux ARH pour les personnels médicaux et 252 millions affectés à la fonction publique hospitalière. Sur ce dernier montant, 10 millions sont destinés aux agents intervenant dans le secteur social et médicosocial, pour lesquels est également disponible un solde non utilisé de 11 millions d'euros.

Les provisions des établissements s'élèvent à 415 millions d'euros. Celles-ci sont très inégales selon les établissements et pas nécessairement liées à leur situation financière. L'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) est l'organisme qui a le plus provisionné à ce titre au cours des dernières années. Dans la répartition qui sera faite par les ARH, il est important que les établissements qui n'avaient pas provisionné ne soient pas spécifiquement privilégiés. A partir du 1er janvier 2008, la situation sera plus claire puisque tous les établissements devront provisionner les CET et les heures supplémentaires dans leur totalité. A cet effet, les ARH devront signer un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (Cpom) de chaque établissement, conformément à un modèle qui figurera dans la circulaire.

Puis Mme Annie Podeur a indiqué que le rapport de l'Igas sur le contrôle des mesures prises dans le cadre des Cref s'est fait en plein assentiment avec la Dhos, qui a d'ailleurs apporté son concours à l'étude par la présence de conseillers généraux d'établissements. Elle a remis à la commission la liste définitive de l'ensemble des missions d'appui menées par les conseillers généraux d'établissements, ainsi que le « diagnostic flash » utilisé lors de ces missions d'appui.

Ce rapport porte sur la première génération des Cref, conclus en 2004, au moment où une somme de 300 millions d'euros a été débloquée de façon un peu exceptionnelle et rapide pour assainir la situation des hôpitaux. Une contrepartie aux aides versées était exigée mais sans qu'aucune directive particulière n'ait été alors définie. En particulier, il n'y a pas eu de vraie réflexion sur les facteurs d'explication de la situation dégradée des hôpitaux et donc sur l'organisation des activités, les possibilités de gains de productivité et leurs conséquences sur les effectifs.

Si certains établissements ont amorcé une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, celle-ci a plus porté sur les compétences que sur les emplois. En outre, le pari fait sur l'augmentation de l'activité a empêché toute réflexion sur la « réduction de la voilure ».

En effet, lors de la mise en place de la T2A, on n'a pas assez insisté sur le véritable but de cette réforme, c'est-à-dire la réduction des rentes de situation et l'augmentation de l'efficience de l'hôpital. On a cru que le développement de l'activité devait permettre le retour à l'équilibre ; or les parts de marché n'évoluent pas aussi vite qu'on peut le penser et la vision initiale était sans doute trop optimiste. D'une manière générale, il y a eu insuffisance du pilotage médico-économique dans le cadre de ces contrats.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir à qui incombe la responsabilité de ces défaillances.

Mme Annie Podeur a considéré que la responsabilité est partagée. En effet, en 2005, les instruments de pilotage et de gestion n'étaient pas encore en place, la Dhos était très mobilisée sur le lancement de la réforme de la T2A et les ARH ont sans doute un peu joué la facilité. Ce qui est important, c'est que cette situation évolue et, de fait, tous les plans de retour à l'équilibre, conclus en 2006 et 2007, ont vu une forte mobilisation des ARH grâce au recrutement de nouveaux chargés de mission, et grâce aussi à l'intervention des missions d'appui conseil menées par les conseillers généraux des établissements de santé. Dans ces nouveaux plans, des réorganisations d'activité et des repositionnements stratégiques sont prévus, ce qui doit rendre possible la réalisation d'économies. Par ailleurs, grâce au « diagnostic flash », on dispose désormais d'indicateurs comparatifs sur les activités et les ressources humaines, ce qui permet d'apprécier objectivement les situations et de suggérer des adaptations en termes d'organisation interne.

Les seuils de déclenchement des plans de retour à l'équilibre sont actuellement ceux retenus par les chambres régionales des comptes, c'est-à-dire 2,5 % de déficit pour les gros établissements et 3,5 % pour les petits. Selon cette définition, une centaine d'établissements était en difficulté à la fin de l'année 2007. La fédération hospitalière de France (FHF) signale un nombre d'établissements en déficit plus élevé mais elle inclut les hôpitaux ayant un déficit très faible ou d'ordre conjoncturel. Cela étant, il serait sans doute utile de déclencher la procédure du plan de retour à l'équilibre financier bien avant les seuils actuellement définis. Un décret pourrait intervenir prochainement pour fixer de nouveaux seuils. Un guide méthodologique est par ailleurs actuellement en cours de publication afin de normaliser et de standardiser les plans de retour à l'équilibre, avec l'objectif très clair de parvenir à un retour à l'équilibre de tous les établissements de santé en 2012.

Mme Annie Podeur a rappelé que l'Ondam hospitalier a progressé de 3,44 % en 2006, de 3,48 % en 2007 et devrait augmenter de 3,18 % en 2008. De leur côté, les charges de personnel, qui comprennent les mesures générales applicables à l'ensemble de la fonction publique et les mesures catégorielles, ont augmenté de 2,07 % en 2006, 1,8 % en 2007 et devraient être en hausse de 1 % en 2008, ce qui représente des montants respectifs d'1 milliard d'euros, de 895,5 millions d'euros et de 616,2 millions d'euros. Toutefois, pour 2008, il faut d'ores et déjà ajouter un surcoût non budgété lié à la récente négociation gouvernementale et, notamment, à la mise en oeuvre de la garantie individuelle de pouvoir d'achat (Gipa), soit au total 191,8 millions d'euros. Simultanément, un effort d'économies est demandé au secteur hospitalier dans le cadre du plan de redressement des comptes de la sécurité sociale. Celui-ci a été chiffré à 534 millions en 2006, 345,7 millions en 2007 et 396 millions en 2008. Pour absorber ces économies, il est donc nécessaire de réaliser d'importants gains de productivité.

M. Patrick Olivier, sous-directeur des affaires financières, a rappelé qu'en 2005, une consigne précise avait été donnée pour la réalisation d'économies en les faisant porter sur les achats. A partir de 2006, l'effort d'économies a été globalisé sans ciblage particulier. Les dépenses de personnels représentant 70 % des dépenses hospitalières, il est évidemment nécessaire de les inclure dans cet effort. Il convient toutefois de souligner la progression très élevée des charges au cours des dernières années, d'environ 4 % à 4,5 % par an, liée aux dépenses de personnel, aux protocoles, aux divers plans de santé publique et aux investissements. Enfin, il faut préciser que l'effort d'économies s'entend compte tenu de l'augmentation de la participation de l'assuré, c'est-à-dire en particulier de l'augmentation du forfait journalier.

Mme Annie Podeur a estimé que les réformes lancées en 2004-2005 n'avaient pas été assez maîtrisées par les directeurs des ARH et les directeurs des établissements qui ont également eu à faire face à une nouvelle méthode comptable et à la nouvelle gouvernance. La période 2006-2007 constitue une rupture et les missions d'appui et de conseil déjà menées à bien ont sans doute permis un électrochoc. De ce point de vue, le rapport de l'Igas sur les Cref a également eu un rôle très utile d'accélérateur de la décision. Il est à l'origine de la mise au point du guide méthodologique en cours de publication et de la standardisation des plans de retour à l'équilibre. De la même façon, le rapport conjoint de l'Igas et de l'inspection générale des finances (IGF) d'avril 2007 sur le pilotage des ARH a entraîné l'organisation d'un séminaire dès le mois de mai de la même année et la définition d'indicateurs de performance dont la liste définitive sera fournie en septembre au Parlement.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité savoir quel pourrait être le prochain aiguillon pour progresser dans la voie de l'amélioration de la gouvernance du secteur hospitalier.

Mme Annie Podeur a indiqué qu'une mission d'évaluation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens conclus entre les ARH et les établissements hospitaliers sera entreprise au deuxième semestre 2008. Au préalable, le ministère a conclu un accord avec les directeurs d'ARH pour que le processus de contractualisation entre les agences et les établissements soit mené à son terme avant le 30 juin 2008.

Puis elle est revenue sur les principes directeurs d'un plan de redressement tels qu'ils figurent dans le guide méthodologique : la claire définition du positionnement de l'établissement par rapport à son territoire de santé et au schéma régional de l'offre de soins (Sros), l'adoption d'un diagnostic réellement partagé par l'établissement et l'ARH, la définition d'un plan global de redressement prenant en compte toutes les activités de l'hôpital, la détermination d'un objectif de retour à l'équilibre tenant compte de l'ensemble des ratios de gestion, notamment de l'équilibre structurel de l'établissement, avec une maîtrise du plan de charges et une justification détaillée des éventuels développements d'activité.

Mme Annie Podeur a ensuite détaillé les deux dispositifs législatifs applicables en cas de constat de déséquilibre financier ou de dégradation financière des établissements. S'il y a déséquilibre financier, le directeur de l'ARH saisit le conseil d'administration qui doit présenter un plan de redressement et conclure un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens. Si le conseil refuse ce plan, l'ARH peut arrêter la décision modificative de l'état des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD). Si le plan n'est pas mis en oeuvre, l'établissement peut être placé sous administration provisoire par le directeur de l'ARH. En cas de dégradation financière, les seuils de déclenchement du plan de redressement sont définis par décret et s'ils sont applicables, le directeur de l'ARH saisit la chambre régionale des comptes qui préconise les mesures de redressement nécessaires. En cas de problème dans l'application de ces mesures, l'établissement peut également être placé sous administration provisoire. Ces deux procédures doivent être simplifiées et le guide méthodologique comporte un certain nombre de dispositions sur la prévention des risques. Il paraît important que l'ARH intervienne plus tôt afin d'aller plus vite vers la phase de l'administration provisoire. En effet, les chambres régionales des comptes ne sont pas toujours rompues aux conditions très particulières de l'équilibre financier des hôpitaux et leur intervention peut allonger la procédure. Aucun hôpital n'a toutefois encore été placé sous administration provisoire, mais une sanction de ce type pourrait intervenir prochainement.

Mme Annie Podeur a ensuite insisté sur le fait que l'existence de crédits fléchés sur des priorités de santé publique ne doit pas obligatoirement signifier de nouveaux recrutements car des redéploiements sont généralement possibles. Des situations de redressement efficace ont été enregistrées, par exemple dans le cas des hôpitaux de Longjumeau et Orsay, qui étaient l'un et l'autre en déficit et dont la fusion a donné naissance à un établissement aujourd'hui en équilibre.

Selon elle, l'échantillon d'établissements défini par l'Igas dans son rapport sur les Cref ne peut être considéré comme représentatif puisque seuls certains établissements de trois régions ont été retenus auxquels ont été simplement ajoutés les CHU de Lille et de Rouen.

On peut porter une appréciation positive sur le bilan global de l'action des ARH puisque plus de six cents actions de restructuration ont été menées au cours des dix années d'existence de ces agences. Aujourd'hui, la restructuration des maternités est pratiquement achevée tandis que celle de la chirurgie est en cours. De telles actions prennent du temps et mobilisent beaucoup d'énergie sans pour autant produire immédiatement des économies. Actuellement, l'enjeu essentiel est celui de l'efficience et les ARH sont mobilisées sur cet objectif prioritaire. Dans ce cadre, certaines agences ont déjà fait un travail remarquable, notamment dans la redéfinition des missions d'intérêt général. La refondation des ARH au sein des futures agences régionales de santé permettra d'amplifier ces actions.

M. Gilbert Barbier a souhaité savoir si un contrôle est effectué sur le sous-codage, notamment dans le cadre de l'effort d'amélioration de l'équilibre des établissements. Il a estimé que certaines mesures, comme l'organisation de dépôts de sang dans les hôpitaux, sont coûteuses en ce qu'elles exigent en particulier une dotation spécifique en personnel. Il a demandé si le guide méthodologique prévoit un rapprochement entre les activités des établissements du secteur public et du secteur privé dans un même territoire de santé. Enfin, il a souhaité savoir si les déficits enregistrés, comblés par une dotation exceptionnelle, font néanmoins l'objet d'un report à nouveau dans les comptes des années ultérieures.

Après avoir constaté le décalage entre la progression des charges, soit 4 % à 4,5 % par an, et la progression de l'Ondam hospitalier, soit 3,2 % à 3,8 % par an, M. François Autain a demandé jusqu'où l'on pouvait envisager la réalisation d'efforts de productivité, tout en préservant la qualité des soins.

Sur le problème du sous-codage, Mme Annie Podeur a insisté sur la nécessaire rationalisation des chaînes de facturation. Désormais, il convient de rapprocher chaque séjour avec les données administratives correspondantes. Cet exercice révèle des failles importantes puisqu'il a permis de faire apparaître que, dans certains établissements, 15 % des consultations externes n'avaient pas fait l'objet d'une facturation.

Pour l'organisation des dépôts de sang, la compétence de la Dhos est partagée avec celle de la direction générale de la santé et celle de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Néanmoins, il serait sans doute possible d'organiser, dans le cadre de la réglementation en vigueur, un dépôt de sang sans nouveaux recrutements, en optimisant les ressources médicales localement disponibles et d'éviter ainsi les surcoûts.

Le rapprochement entre les secteurs public et privé fait partie des modalités des restructurations en cours. Il existe des concessions de service public attribuées à des établissements privés. Il est important que des coopérations se mettent en oeuvre, aussi bien entre établissements du secteur public qu'entre hôpitaux publics et cliniques privées.

L'accompagnement du retour à l'équilibre des établissements de santé doit être glissant et décroissant, ainsi que le préconise la circulaire budgétaire de 2008. Il est vrai que cet accompagnement n'a pas été assez suivi au cours des dernières années car il est impératif de ne pas laisser s'installer les hôpitaux dans une situation de déficit. D'importants gains de productivité sont possibles. Cela signifie qu'une analyse stratégique doit être développée sur chaque territoire avec la mise en évidence des éventuels doublons. Enfin, il faut souligner que l'on a encore trop souvent recours à l'hospitalisation en France, comparativement aux pays voisins, alors que d'autres solutions existent.