Mardi 27 janvier 2009

- Présidence de M. Alain Vasselle, président -

Amélioration des dispositifs de contrôle et d'audit internes - Audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale

La mission a procédé à l'audition de M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, président, a souhaité connaître le sentiment général de la direction de la sécurité sociale (DSS) sur les efforts entrepris par la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) pour répondre aux critiques de la Cour des comptes qui ont conduit la juridiction à se déclarer, à deux reprises, dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes combinés de la branche famille.

M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale, a déclaré comprendre la démarche de la Cour des comptes, même s'il juge sa décision particulièrement sévère à l'égard de la branche famille : d'autres organismes privés comme publics, par exemple l'union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic), ont vu leurs comptes certifiés alors que la maîtrise des risques y est moins développée. Néanmoins, il faut reconnaître que la Cnaf n'était pas au même niveau que les autres caisses en matière de lutte contre la fraude, sans doute parce que la culture de la branche famille la porte en priorité vers le souci du service rendu à l'allocataire. La construction du répertoire national des bénéficiaires (RNB), prévue par la convention d'objectifs et de gestion (Cog) 2005-2008, marque la volonté de la Cnaf de tenir compte de l'impératif de mise en place d'un plan de maîtrise des risques.

M. Dominique Libault a ensuite présenté les cinq principaux risques de fraudes identifiés à ce jour :

- versements des mêmes prestations à la même famille par plusieurs caisses : le RNB devrait y mettre un terme ;

- déclarations de ressources volontairement tronquées : les échanges avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) comme la possibilité pour les caisses d'allocations familiales (Caf) de consulter les comptes bancaires des allocataires ou le fichier des comptes bancaires (Ficoba) devrait permettre de les détecter ;

- travail clandestin qui ne donne pas lieu à une fiche de paie : les Caf doivent renforcer leur coopération avec les services des ministères de la justice et de l'intérieur pour mieux le combattre ;

- versements d'une prestation à des allocataires qui ne résident pas régulièrement en France : des décrets et des circulaires ont précisé la notion de séjour régulier mais il faut encore renforcer les contrôles. Une conférence européenne a récemment révélé la volonté commune des vingt-sept Etats membres de travailler ensemble sur ce sujet ;

- présentation de fausses quittances de loyers permettant de bénéficier des allocations logement : seuls les contrôles sur pièces et sur place permettront sinon de l'empêcher, du moins de la repérer rapidement.

Enfin, d'une manière plus générale, il faut saluer la mise en place d'une cellule « maîtrise des risques » à la Cnaf et la fiabilisation du système d'information assurant le contrôle du fonds national d'action sociale (Fnas).

M. André Lardeux a souhaité connaître l'appréciation que la DSS porte sur les conditions de l'élaboration du répertoire national des bénéficiaires (RNB) au sein de la branche famille. Quel a été le rôle de la DSS dans les décisions prises ? Comment s'exerce le suivi ? Quelles sont, en outre, les démarches actuelles de la DSS dans la perspective de la création du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) ? Enfin, que penser des nouvelles actions de la branche famille en matière de maîtrise des risques et de lutte contre la fraude ?

Mme Christiane Demontès s'est interrogée sur l'état d'avancement des autres branches dans la construction du RNCPS. Elle a également souligné que la mise en place de tout répertoire national conduit les organismes concernés à s'engager dans une mission de vérification de l'état civil de leurs allocataires qui ne relève pas traditionnellement de leur champ de compétences.

M. Dominique Libault a considéré que la construction du RNB a été réalisée dans les délais impartis. En ce qui concerne le RNCPS, la DSS a nommé un directeur de projet spécifiquement chargé de veiller à son élaboration. Un comité de pilotage, présidé par le directeur de la sécurité sociale et rassemblant l'ensemble des acteurs impliqués, notamment les cinq branches de la sécurité sociale et le Pôle emploi, se réunit régulièrement pour faire le point sur l'avancement des travaux. La principale difficulté consiste à mettre en réseau les différents fichiers mais elle devrait être surmontée au quatrième trimestre de cette année. Par ailleurs, la lutte contre la fraude est suivie en particulier par une délégation nationale éponyme s'appuyant sur des comités locaux qui déclinent ses directives dans les territoires.

M. Guy Fischer a estimé que la lutte contre la fraude est avant tout un sujet de communication pour le Gouvernement, qui conduit à stigmatiser les plus fragiles des citoyens. Les Caf ont fait des efforts considérables pour répondre aux critiques de la Cour des comptes et il faut espérer que celle-ci les reconnaîtra en certifiant les comptes 2008 de la branche.

M. Dominique Libault a jugé qu'il est difficile d'évaluer l'efficacité de la lutte contre la fraude car toute estimation doit prendre en compte aussi bien la fraude révélée que la fraude évitée, qui est par définition inchiffrable. De surcroît, la fraude, qui révèle une volonté délibérée de fournir de fausses informations, doit être distinguée des indus qui sont les erreurs involontaires dans le paiement, résultant d'une négligence de l'allocataire ou de la caisse. Lorsque les indus sont identifiés, il est souvent très délicat de les récupérer car beaucoup de familles sont dans l'incapacité de rembourser la somme, même lorsque celle-ci est modeste.

M. Alain Vasselle, président, a déclaré comprendre cette situation mais la récupération des indus ne doit pas pour autant être négligée, notamment au prétexte que la branche famille devrait être de nouveau excédentaire dans les années à venir.

M. André Lardeux a souligné que les branches ne font pas toutes preuve du même niveau d'exigence dans la construction du RNCPS : la DSS veille-t-elle à l'harmonisation des pratiques ?

Mme Annie Henrion, chargée des systèmes d'information à la DSS, a déclaré qu'une soixantaine d'organismes sont concernés par l'alimentation du RNCPS. Un nombre bien plus important encore de structures y aura accès. Un groupe de travail rassemblant l'ensemble des caisses a mis au point une méthode commune de certification, inspirée à la fois des expériences de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et des Caf.

M. Alain Vasselle, président, s'est ensuite interrogé sur les moyens donnés par le Gouvernement aux Caf pour mettre en place le revenu de solidarité active (RSA) : ne sont-ils pas insuffisants, comme certains directeurs de Caf le soulignent avec inquiétude ?

M. Dominique Libault a rappelé que le Gouvernement, à la suite de la mission de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales, qui a conclu à la nécessité de recruter 807 agents supplémentaires, a accordé 1 007 équivalents temps plein (ETP) à la branche famille. Même si ces recrutements sont inférieurs à la demande de la Cnaf, ils devraient permettre de faire face, dans un premier temps, à l'afflux de nouveaux allocataires. En fonction de l'évolution de la situation, un ajustement est bien sûr envisageable. Mais, quoi qu'il en soit, plusieurs dispositifs, comme l'instauration d'une plate-forme téléphonique, seront instaurés pour éviter l'engorgement redouté des guichets.

Mme Sylvie Desmarescaux a confirmé que les moyens prévus par le Gouvernement devraient permettre de couvrir les besoins des caisses. Encore faudrait-il que les agents recrutés soient effectivement déployés de la Cnaf vers les Caf, et qui plus est de manière équitable, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Il faudra réagir très rapidement si le nombre d'allocataires du RSA est plus important que prévu.

M. Dominique Libault a déclaré que le mouvement de répartition des nouveaux agents est en cours et va se poursuivre. Le surcroît de travail pour les caisses dépendra aussi de la qualité de leurs relations avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) : quand celles-ci sont bonnes, la répartition des tâches entre les CCAS, qui instruisent les demandes, et les Caf, qui assurent le paiement, allège la charge de travail des caisses. La DSS cherche par ailleurs à définir avec la Cnaf des modalités à la fois souples et rigoureuses de contrôle trimestriel des ressources, qui permettraient de ne pas mobiliser trop d'agents sur cette fonction.

Nomination de rapporteurs

Enfin, la mission a désigné M. André Lardeux et Mme Christiane Demontès en qualité de rapporteurs sur l'amélioration des dispositifs de contrôle et d'audit internes du réseau des Caf et la mise en place du RNB.