Mercredi 24 avril 2013

- Présidence de M. Yves Daudigny, président -

Agences régionales de santé (ARS) - Table ronde des fédérations représentant les établissements médico-sociaux

M. Yves Daudigny, président. - Nous poursuivons nos travaux sur les ARS avec les fédérations représentant les établissements médico-sociaux : la Fédération hospitalière de France (FHF), la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap), le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) et l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), que je remercie d'avoir accepté de participer à cette table ronde.

La création des ARS répond à un objectif de décloisonnement entre les secteurs sanitaire et médico-social, dans le but d'assurer la continuité des parcours de santé des patients. Les ARS assurent au niveau régional la répartition des moyens destinés aux établissements médico-sociaux, elles initient et mettent en oeuvre les procédures d'appels à projets et interviennent dans la tarification des structures. Elles jouent également un rôle de planification à travers l'élaboration des schémas régionaux d'organisation médico-sociale et des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac).

Comment les ARS se sont-elles approprié ces compétences ? Comment l'apparition de ce nouvel acteur a-t-elle été vécue par les établissements et par vos fédérations ? Quelle est votre analyse de l'articulation entre l'action des ARS et celle des conseils généraux ? Quelles évolutions préconiseriez-vous pour améliorer le pilotage du secteur médico-social, que ce soit au niveau régional ou national ?

Mme Catherine Réa, Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap). - Le dispositif d'accompagnement national des ARS ne les a pas réellement aidées à s'approprier leurs nouvelles missions. Les projets régionaux de santé (PRS) et les schémas qui les composent ont été élaborés dans des délais très courts, ce qui n'a pas favorisé le dialogue avec les professionnels de terrain. S'ils sont de bonne qualité, les guides devant aider à l'adoption des schémas ont été publiés tardivement.

Les campagnes budgétaires se sont succédé dans une certaine confusion. Les circulaires paraissant tardivement, les enveloppes n'étaient connues par les établissements qu'avec retard. 2013 marque cependant une amélioration puisque, pour la première fois et dans un calendrier plus resserré, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ont publié une circulaire commune. La confusion demeure malgré tout, en particulier pour le secteur personnes âgées. Je pense notamment à la sous-consommation chronique de l'objectif global de dépenses (OGD), au processus de convergence tarifaire et au coup d'arrêt porté à la mise en place d'une tarification globale. Les outils d'évaluation des besoins, nécessaires à la fixation des tarifs, existent, mais la répartition des crédits demeure perfectible. Le passage à un financement en autorisations d'engagement et crédits de paiement, concomitant de la création des ARS, n'a pas non plus simplifié les choses.

Concernant les personnes handicapées, l'absence de données statistiques pour l'évaluation réelle des besoins - les coûts à la place sont calculés à partir de données très empiriques - empêche la construction d'une vision partagée entre les partenaires.

Comme dans le secteur sanitaire, le manque de transversalité est patent, ce qui se traduit notamment dans les circulaires. Cela pose la question de l'organisation administrative qui devrait être mise en place au niveau central pour améliorer le pilotage national.

Concernant le fonctionnement de la démocratie sanitaire, la Conférence nationale de santé a produit des travaux remarquables. La Fehap rejoint pleinement ses constats et ses préconisations, en particulier sur la nécessaire formation des personnes qui siègent dans les conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA), sur l'intérêt d'assurer dans ces instances le suivi des PRS et des Priac et sur l'opportunité de se pencher sur les questions de zonage des professionnels libéraux de santé. Toutefois, la place des CRSA par rapport aux conférences de territoire doit encore être affinée.

Beaucoup reste à faire pour ce qui est de la complémentarité entre les ARS et les conseils généraux. Les contraintes temporelles et budgétaires sont différentes et le partage de données pourrait être amélioré. Un travail du même type devrait être engagé avec le ministère de l'éducation nationale.

Si la progression de l'Ondam médico-social est satisfaisante par rapport à celle de l'enveloppe totale, les mises en réserve de crédits demeurent considérables. La fongibilité entre les enveloppes sanitaire et médico-sociale est nécessaire. Elle doit également être renforcée avec l'enveloppe soins de ville car des blocages existent, notamment pour le financement des pharmacies à usage intérieur dans les établissements médico-sociaux.

M. Guy Collet, Fédération hospitalière de France (FHF). - Certaines des remarques générales formulées par la FHF lors de la précédente audition consacrée au secteur sanitaire s'appliquent en grande partie au médico-social, notamment en ce qui concerne l'autonomie des ARS par rapport aux ministères de tutelle. Les ARS ont eu pour mission de décloisonner l'ensemble des secteurs, sanitaire, médico-social, médecine de ville. Le secteur médico-social est lui-même cloisonné entre personnes âgées et personnes handicapées. Y sont-elles parvenues ? La situation a évolué mais les efforts doivent encore être poursuivis. Des initiatives intéressantes sont menées dans certaines régions mais les documents de planification sont tellement vastes, denses et théoriques qu'ils paraissent technocratiques. Les choses ne peuvent changer que lorsque les acteurs de terrain et leur tutelle - ARS et conseils généraux pour le secteur médico-social - s'engagent ensemble. Cela demeure peu fréquent, surtout en période de difficultés financières.

Les délégations territoriales des ARS jouent un rôle important pour le secteur médico-social et travaillent en lien avec les conseils généraux. Elles sont très investies mais souvent insuffisamment coordonnées avec le niveau régional. Il conviendrait d'améliorer le pilotage sur ce point.

Alors que le projet de loi sur la décentralisation fait référence à des pôles de compétences en matière de politiques publiques, il serait nécessaire de mieux coordonner sur le terrain l'ensemble des politiques publiques qui concernent le secteur médico-social. Or, cette démarche n'est pas encore aboutie.

Les appels à projets constituent un autre sujet de préoccupations. Au cours des dernières années, les créations de place ont principalement été réalisées dans le secteur commercial. La lourdeur de la procédure d'appel à projets explique en partie cette situation. Il s'agit d'une idée intéressante sur le papier mais pour laquelle le secteur public est handicapé en raison des multiples règles qui s'imposent à lui. Or, le développement du secteur commercial au détriment des autres secteurs peut créer un déséquilibre en renchérissant l'offre dans les établissements pour personnes âgées. La FHF a développé un service d'assistance pour le montage des réponses aux appels à projets mais la démarche demeure très lourde pour les acteurs publics.

Le fonds d'intervention régional (FIR) est une bonne idée. Mais les modalités de répartition des crédits apparaissent technocratiques et insuffisamment transparentes. Nous souhaitons que la gestion du FIR soit davantage discutée avec les professionnels, en particulier avec les fédérations. Le besoin de transparence au niveau national et régional est d'autant plus important que les crédits du FIR ont fortement augmenté en 2013.

M. Ronald Maire, Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss). - La démocratie sanitaire demeure un concept relativement flou. Notre réseau note une grande désaffection pour la concertation. Il est en particulier difficile de mobiliser les acteurs au sein des CRSA et des conférences de territoire. Ce sujet dépasse le seul cadre du fonctionnement des ARS mais il serait nécessaire de mener une réflexion pour parvenir à impliquer l'ensemble des parties prenantes.

Le centralisme administratif, qui limite les marges de manoeuvre des ARS, est reproduit par ces dernières au niveau régional vis-à-vis des délégations territoriales. D'ailleurs, la capacité d'action des délégués territoriaux étant limitée, les associations sont amenées à se tourner directement vers les ARS.

La place du secteur médico-social au sein des ARS doit être consolidée, même si les équipes qui lui sont dédiées fonctionnent correctement. Les ARS ont parfois tendance à reproduire les modes de régulation du secteur sanitaire pour le médico-social, ce qui n'est guère pertinent. En ce qui concerne la planification, il existe de grandes différences entre les deux secteurs quant à la qualité de l'évaluation des besoins. Créer davantage de liens entre les schémas sanitaires et médico-sociaux serait également nécessaire.

Nous constatons sur certains points une fracture institutionnelle entre les ARS et les conseils généraux, ce qui pose notamment un problème de coordination entre les schémas régionaux et départementaux. Les situations varient cependant fortement en fonction de la qualité des relations entre les directeurs généraux d'ARS et les présidents de conseils généraux.

Malgré la mise en oeuvre des Priac, nous sommes confrontés à un problème de visibilité des procédures d'appels à projets. Il serait nécessaire de donner plus de place aux initiatives du secteur associatif afin de mieux faire remonter les besoins.

Il conviendrait enfin de réaliser un premier bilan de la façon dont fonctionnent les conférences de territoire.

Mme Florence Arnaiz-Maumé, Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa). - Le Synerpa est globalement très satisfait de la création des ARS. Elles ont en général un bon niveau de connaissance du secteur médico-social et sont parvenues à rassembler des services très divers en un temps limité. Il est vrai que la personnalité du directeur général de l'ARS joue beaucoup et peut conduire à une plus ou moins forte implication de l'agence dans le secteur médico-social.

Les rapports d'orientation budgétaire (ROB) que réalisent les ARS à l'issue de la campagne budgétaire et qui sont communiqués aux établissements ainsi qu'aux fédérations renforcent la visibilité dont nous disposons sur l'allocation des crédits dans les différentes régions. Le déroulement de la campagne budgétaire constitue en effet un point central de notre travail avec les ARS.

Les relations entre les établissements et leurs principaux interlocuteurs que sont les délégations territoriales, héritières des directions des affaires sanitaires et sociales (Ddass), se passent beaucoup mieux, en raison d'un pilotage renforcé et d'une plus grande qualité des intervenants.

Nonobstant les qualités propres du secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, le pilotage national demeure totalement opaque. Or, nous sommes confrontés au problème de la sous-consommation massive des crédits de l'objectif global de dépenses (OGD). Près de deux milliards d'euros n'ont pas été consommés au cours des cinq dernières années, une somme qui se rapproche du produit annuel de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) ! Sur ce point, la création des ARS n'a absolument rien amélioré. Il s'agit d'un problème essentiel pour le secteur médico-social qui doit être relié aux questions d'autonomie financière des ARS et de fongibilité. La fongibilité asymétrique n'a de sens que si le secteur médico-social est en mesure de dépenser l'ensemble des crédits qui lui sont alloués. Consommer entièrement l'OGD chaque année constituerait déjà une avancée, qui permettrait de davantage médicaliser les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a mis en place un système de tarification à la ressource qui n'est toujours pas entré en vigueur faute de publication des dispositions réglementaires nécessaires. Il revient aux parlementaires de prendre les mesures nécessaires pour que les crédits votés chaque année soient effectivement dépensés.

Il conviendrait par ailleurs de réfléchir à davantage de pluriannualité afin que les ARS disposent d'une visibilité renforcée sur la consommation des crédits.

En attendant, la sous-consommation de l'OGD risque de semer le trouble chez les professionnels du secteur qui pourraient finir par se demander si elle n'est pas organisée dans un but de maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.

Les relations entre conseils généraux et ARS demeurent difficiles même si nous notons une amélioration. Un point de clivage complexe concerne le financement conjoint des aides soignantes, assuré à 70 % par les ARS et 30 % par les conseils généraux. Engager davantage d'aides soignantes n'est pas possible lorsque les conseils généraux bloquent les processus en raison de leurs difficultés financières. L'argent que les ARS auraient pu consacrer aux aides soignantes n'est pas dépensé, ce qui constitue l'une des sources de la sous-consommation de l'OGD. Or transférer entièrement la prise en charge des aides-soignantes vers l'assurance maladie coûterait un milliard d'euros, soit la moitié des sommes non consommées au cours des dernières années.

Tant que les ARS ne sont pas en mesure de dépenser tous les crédits, il ne paraît pas opportun de s'orienter vers un accroissement de leur autonomie financière.

La réflexion sur la mise en oeuvre du parcours de santé, notamment pour les personnes en risque de perte d'autonomie, est complexe. Elle doit avant tout être traitée au niveau national, par le Gouvernement et le Parlement, afin qu'une véritable vision soit définie, que des décisions concrètes puissent être prises et mises ensuite en oeuvre au niveau régional.

Pour ce qui est des créations de places, le secteur commercial a fortement bénéficié du plan solidarité grand âge (PSGA). Sur les 5 000 à 7 500 places créées chaque année entre 2005 et 2010, 80 % l'auraient été dans notre secteur.

Pour autant, le nombre d'appels à projets est à ce jour insuffisant pour qu'il soit possible d'en dresser un bilan. Je comprends les craintes de la FHF liées à la lourdeur des procédures dans le secteur public mais nous en avons également. Nous ne bénéficions d'aucune aide publique pour les lits non habilités à l'aide sociale, ce qui nous oblige à pratiquer des tarifs plus élevés pour l'hébergement. Il serait regrettable que nos réponses aux appels à projets soient refusées sur la base de ce seul élément. En tout état de cause, la priorité n'étant plus aujourd'hui à la création d'Ehpad, cela va limiter le nombre des appels à projets qui seront lancés dans les prochaines années.

M. Yves Daudigny, président. - L'OGD est certes sous-consommé mais le niveau de sous-consommation diminue d'année en année, ce qui constitue un point positif.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - La Cour des comptes estime que le pilotage national des ARS demeure trop peu stratégique et que les administrations centrales n'ont pas pris la mesure des changements que devrait entraîner la création des agences. Comment percevez-vous cette affirmation ? Comment se passent les choses sur le terrain ?

Concernant le degré d'autonomie laissé aux ARS, pensez-vous qu'il faille augmenter le niveau du FIR et s'engager vers une fongibilité complète des enveloppes sanitaire et médico-sociale ?

M. Alain Milon, rapporteur. - La création des ARS a entraîné une certaine satisfaction et j'ai avant tout le sentiment que c'est l'esprit de la loi HPST qui n'est pas toujours respecté au niveau régional. La loi avait pour objectifs de donner aux directeurs généraux d'ARS une certaine liberté dans l'application des stratégies définies au niveau national, d'assurer une fongibilité financière mais également plus de transversalité dans la mise en oeuvre des politiques sanitaires et médico-sociales. En pratique, il me semble que le respect de l'esprit de la loi dépend en grande partie de la personnalité du directeur général d'ARS. Les difficultés rencontrées sur le terrain ne découlent-elles donc pas avant tout des personnalités plutôt que de la loi elle-même ? N'existe-t-il pas parfois des problèmes personnels entre les directeurs généraux, les fédérations et les établissements qui empêchent le dialogue ? N'y a-t-il pas également un excès de zèle de certains directeurs généraux qui préfèrent travailler directement avec les syndicats plutôt qu'avec les établissements ?

Mme Catherine Réa. - Les ARS ont fait beaucoup d'efforts mais elles ont besoin qu'un pilotage fort s'exerce au niveau national. Les administrations centrales devraient être en mesure de se concerter, en amont de la rédaction des circulaires et du Conseil national de pilotage (CNP), pour définir des stratégies communes. Le travail de partenariat n'est pas encore suffisant : des instructions sont signées conjointement mais rien ne garantit qu'elles aient été définies en amont de façon coordonnée.

Concernant la définition des parcours de santé, les ARS ont la légitimité pour réunir les acteurs d'institutions différentes sur un territoire. La définition des PRS a été l'occasion de renforcer le dialogue, d'échanger des données, notamment avec les conseils généraux. Il ne faut pas oublier le rôle que les ministères de l'emploi et de l'éducation nationale doivent jouer dans la prise en charge des personnes handicapées.

La fongibilité doit être mise en oeuvre à partir d'une évaluation des besoins, dans une logique de concertation et de transparence. A ce titre, les instances de démocratie sanitaire sont parfaitement légitimes pour donner leur avis, notamment sur la consommation du FIR. En ce qui concerne la mise en oeuvre d'une fongibilité complète au niveau de chaque région, la situation ne m'apparaît pas encore suffisamment mure.

M. Guy Collet. - La réalité est-elle conforme à l'esprit de la loi ? Non, car la réforme des ministères sociaux doit encore être mise en oeuvre. L'administration centrale demeure organisée en tuyaux d'orgue, de sorte que les ARS reçoivent plus d'une instruction par jour ouvré, ainsi qu'un nombre de messages électroniques impressionnant. A titre personnel, j'estime que créer une agence nationale de santé serait justifié. Dans le secteur médico-social, il convient de prendre en compte un autre acteur qu'est la CNSA, qui joue en quelque sorte le rôle d'agence nationale de santé, mais le fait en parallèle de l'action ministérielle. Il faudra qu'un jour les ministères s'engagent pleinement dans la mise en oeuvre d'un pilotage stratégique. Pour le moment, nous avons le sentiment qu'ils agissent dans une logique purement financière. A titre d'exemple, une circulaire de trois cent cinquante pages vient de nous être communiquée qui définit la liste et le contenu des missions d'intérêt général (Mig) des établissements sanitaires !

Récemment, une ARS a directement signé un contrat d'établissement avec un syndicat. Ce genre de pratiques entre en contradiction, non seulement avec l'esprit de la loi HPST, mais également avec toute logique d'organisation. Pour être performant, il faut arriver à définir des objectifs stratégiques au niveau national, les décliner dans chaque région et faire ensuite confiance aux acteurs pour les mettre en oeuvre. Il faut sortir de l'application de règles pour aller vers le pilotage. Si tous ces préalables sont respectés, alors il est possible de s'engager vers plus de fongibilité. Mais le mode de financement n'est qu'un outil, il ne peut pas se substituer à la réflexion stratégique.

Il est normal que certains réflexes bureaucratiques aient perduré dans les premières années d'existence des ARS. Mais nous sommes aujourd'hui à un tournant. Les travaux de la Mecss seront importants pour changer d'orientation et permettre de s'engager dans la bonne direction.

M. Ronald Maire. - Le Conseil national de pilotage des ARS est avant tout centré sur la stratégie financière alors qu'il devrait se concentrer sur l'évaluation des besoins. Or, pour mieux évaluer les besoins, il faut améliorer le fonctionnement des conférences de territoire.

L'articulation entre le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales et les directions d'administration centrale devrait également être améliorée pour aller vers davantage de transparence.

Pour ce qui est de la concertation régionale, je trouve regrettable que les directeurs généraux d'ARS soient totalement absents du projet de loi sur la décentralisation. Il convient de ranimer l'ensemble des lieux de concertation et d'impliquer davantage la société civile.

Mme Elodie Hemery, (FHF). - Concernant la fongibilité, la FHF propose qu'elle s'applique dans tous les secteurs, notamment avec la médecine de ville.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - La fongibilité est un sujet important. La définition d'un parcours de soins implique de donner davantage de liberté aux ARS pour qu'elles soient en mesure de repérer les besoins et de ventiler les crédits en conséquence.

Mme Elodie Hemery. - L'expérimentation du parcours de santé pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 va être l'occasion de définir un mode de financement ad hoc. Le décloisonnement doit également s'opérer en amont de la prise en charge, avec la prévention.

Mme Florence Arnaiz-Maumé. - La création des ARS a été une première étape dont j'estime qu'elle est positive. La seconde étape, qui consiste à laisser la liberté aux ARS de mettre en oeuvre des politiques médico-sociales adaptées aux réalités locales tout en découlant d'une véritable stratégie nationale, est encore loin d'être franchie. La faute n'en revient pas aux ARS. Outre le fait que le pilotage national est opaque et inefficace, force est de constater que la DGCS et la CNSA ne sont aujourd'hui nullement stratèges. Une circulaire budgétaire commune entre les deux instances a enfin été publiée cette année. Mais à partir du moment où personne ne veut perdre son pouvoir, les crédits restent distribués en tuyaux d'orgue. Tant que le CNP ne sera pas plus audible, ouvert et en mesure de faire accepter aux administrations centrales de déléguer un peu de leurs pouvoirs, les choses n'avanceront pas !

Pour ce qui est des directeurs généraux d'ARS, il est évident que leur personnalité compte énormément.

M. Alain Milon, rapporteur. - En regardant certains exemples, et sans trop exagérer, on peut s'interroger : est-ce qu'un directeur général d'ARS doit s'ériger en directeur d'établissement ?

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - Nous avons en effet eu connaissance d'une situation d'immixtion d'un directeur général d'ARS dans la gestion d'un établissement médico-social.

M. Guy Collet. - L'affaire à laquelle vous faites référence constitue un exemple assez éloquent. La personnalité des directeurs généraux d'ARS joue beaucoup. Certains sont avant tout des exécutants, d'autres non. Louis Jouvet disait : « qu'est-ce qu'un succès ? C'est un échec maîtrisé ». Il faut que les directeurs généraux d'ARS s'emparent pleinement des sujets qu'ils ont à traiter car seule la prise de risque permet d'aller vers le succès. Ils ne doivent pas être de simples courroies de transmission des instructions ministérielles. Or les ARS sont aujourd'hui d'une certaine façon des « holdings régionales », avec des « filiales » : les établissements ! Cette situation traduit un défaut plus global de notre organisation administrative qui consiste à préférer encadrer au maximum plutôt que de faire confiance. La période actuelle est difficile du point de vue financier : cela ne devrait pas constituer un frein mais plutôt une opportunité pour accorder davantage de confiance aux directeurs généraux d'ARS.

Mme Elodie Hemery. - Alors que les défis de réorganisation de l'offre médico-sociale sont importants, les directeurs généraux d'ARS doivent accompagner et soutenir les directeurs d'établissements. C'est une relation de confiance qui doit s'établir, pas une relation de tutelle.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - A quoi sert le conseil de surveillance des ARS, qui est présidé par le préfet de région ?

M. Guy Collet. - Il surveille la gestion financière de l'ARS. Ce sont les différentes instances de démocratie sanitaire qui réfléchissent au dispositif de pilotage. A titre personnel, je ne trouve pas nécessairement opportun que le préfet préside le conseil de surveillance car cela crée une confusion des genres. Le rapport Couty apporte sur ce point un élément intéressant en proposant que la présidence revienne plutôt à un élu.

M. Alain Milon, rapporteur. - Les préfets ont vu d'un mauvais oeil l'arrivée des préfets de santé au moment de la loi HPST...

M. Guy Collet. - Les revendications corporatistes existeront toujours mais elles peuvent être dépassées. Pour le secteur médico-social, il me semble que la difficulté de pilotage principale réside dans l'articulation entre l'ARS et les conseils généraux.

Un débat va s'ouvrir sur le financement de la dépendance. Les enjeux financiers sont importants, d'autant plus que la situation budgétaire des conseils généraux est dégradée. La FHF défend un principe de solidarité nationale, que celle-ci s'effectue via les cotisations sociales ou l'impôt. J'estime également à titre personnel qu'il conviendrait de réfléchir aux modalités de fixation des tarifs dans le secteur médico-social. Dans le secteur sanitaire, c'est la puissance publique qui définit les tarifs. Pourquoi ne pas faire de même pour la prise en charge des personnes âgées et handicapées ? Des financements publics, provenant de l'assurance maladie et des départements, sont alloués aux établissements qui accueillent ces personnes. Les créations de places dans les établissements sont autorisées par la puissance publique à partir d'une évaluation qu'elle a conduite elle-même. Il s'agit donc bien d'une mission de service public, qu'elle soit assurée par le secteur public ou par le secteur privé. Cette évolution concernant les tarifs médico-sociaux pourrait être reliée à celle du mode de rémunération des médecins, au sein duquel la part forfaitaire occupera certainement une place de plus en plus importante à l'avenir.

Mme Catherine Réa. - Les conseils généraux sont censés siéger dans les commissions de coordination de la prise en charge et de l'accompagnement médico-social, mais leurs représentants sont dans les faits assez peu présents. Il faudrait parvenir à les associer davantage, et ce d'autant plus que la concertation au niveau national est insuffisante.

Le renforcement des liens avec les conseils généraux doit se faire dans l'optique d'une meilleure évaluation des besoins. Or celle-ci n'est pas suffisante, notamment concernant le secteur des personnes handicapées pour lequel nous ne disposons pas des outils qui existent dans les secteurs sanitaire ou personnes âgées. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont en train de développer un outil commun, le guide d'évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (Geva) mais il est encore difficile de croiser les données. Il faut aboutir à un partage des systèmes d'informations entre les MDPH, les conseils généraux, les ARS et l'éducation nationale.

M. Jacky Le Menn, rapporteur. - La construction de logiciels communs aux enfants et aux adultes dans les MDPH a été un processus long et complexe mais qui a fini par aboutir. Rien n'empêche aujourd'hui d'aller plus loin.

Mme Catherine Réa. - Actuellement, des codes « FINESS » servent à classer les établissements en fonction du public accueilli. Mais ce type de classification n'est pas suffisamment précis pour être adapté à la grande variété des publics. Là encore, une évaluation plus fine des besoins au moyen d'outils statistiques robustes serait nécessaire.

Enfin, la Fehap s'inquiète qu'aucune place ne soit donnée aux ARS dans les conférences territoriales de l'action publique prévues par le projet de loi de décentralisation et que les compétences de chaque acteur ne soient pas mieux précisées.

Je reviens à la question des appels à projets. Il s'agit de procédures essentielles pour développer des actions innovantes mais moins pertinentes lorsqu'il s'agit de simples extensions d'établissements. Il est également aberrant de devoir passer par des appels à projets pour mettre en oeuvre des évolutions prévues dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) des établissements.

Mme Florence Arnaiz-Maumé. - Le versant personnes âgées du secteur médico-social n'est pas un service public. En outre, l'état des finances publiques est tel aujourd'hui qu'il rend impossible la création d'un service public du quatrième âge. Des débats vont s'engager dans la perspective de la future réforme dont le volet financier demeure encore très flou. Seule la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie a été votée alors qu'une réforme ambitieuse coûterait au minimum cinq milliards d'euros. Or, il faudra prendre des décisions rapidement car le secteur est confronté à trois enjeux principaux : le financement des soins ; celui de la dépendance, via l'allocation personnalisée d'autonomie ; la solvabilisation de l'hébergement. Sur ce dernier point, notons que le législateur participe, sans le savoir, à l'augmentation du tarif hébergement puisque toutes les normes supplémentaires imposées aux établissements sont répercutées sur les tarifs hébergement.

M. Ronald Maire. - La procédure d'appels à projets connaît des imperfections. Sa réforme ne peut se faire que si les acteurs du secteur médico-social participent à une concertation de qualité.