Cyber-débat avec Jean Arthuis, Sénateur de la Mayenne

Gilou : La cagnotte redistribuée par Jospin, vous en pensez quoi ?

D'abord, il est absurde de parler de cagnotte alors que le budget reste déficitaire à hauteur de plus de 200 milliards. Sur la cagnotte, je ferai trois remarques: 1) c'est un émiettement, 2) aucune perspective de réforme fiscale n'est tracée, 3) les classes moyennes restent accablées par le poids de l'impôt.

Silvia : Vous avez écrit un livre où vous " cassiez " Bercy, non ? Vous avez encore des amis là-bas ?

Je n'ai pas " cassé " Bercy. J'ai au contraire l'ambition de sauver Bercy. C'est pour cela que j'y compte de bons amis.

Guy : Bercy, c’est une citadelle piégée où on peut faire bouger les choses ?

Oui, à condition que se manifeste une volonté politique, à condition aussi que l'on réforme le système d'informations financières. Sortir de l'archaïsme et assurer la transparence : comment faire mieux quand on ne sait pas ce qu'on fait ?

Richard : Quel est votre rôle au Sénat ?

Président du groupe de l'Union Centriste (UDF). Nous venons de rendre publique notre charte, manifeste de la rénovation du Parlement et de la vie politique.

Félix : Bonjour Monsieur Arthuis, quel est votre rôle chez les centristes ? Pourquoi avoir choisi d'être sénateur au lieu de député ?

Bonjour ! Parce que je privilégie le fond sur la forme. Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit. Cela étant dit, je suis bien conscient que le Sénat doit se préoccuper de mieux communiquer. C'est ce que nous faisons en cet instant.

Franck : M. le Sénateur, pourquoi votre groupe va voter contre la reconnaissance du génocide arménien ?

Le génocide est un fait historique. Notre compassion est totale. Cela étant, la Constitution Française ne permet pas au Parlement de réécrire l'histoire. Au surplus, le gouvernement de Lionel Jospin, pour des raisons géopolitiques, s'oppose au vote de ce texte.

Sorel : Bonjour Monsieur, qu'entendez vous par rénovation de la vie politique?

Bonjour, j'entends faire sortir la vie politique de l'incantation et de l'illusionnisme. Exigence de vérité, de transparence, de contrôle. Ainsi, je souhaite que le Parlement assume enfin ses prérogatives de contrôle et s'en donne les moyens. Au surplus, nous devons ré-enraciner la vie politique dans la proximité. C'est pour cela que nous devons aller vers la décentralisation. Malheureusement, aujourd'hui, l'État reprend le chemin du centralisme, par exemple, en payant la taxe d'habitation à la place des contribuables. Il faut aussi un vrai statut de l'élu, avec un système d'assurance chômage, lorsque l'on perd son mandat. Alors, les conditions seront réunies pour mettre un terme aux cumuls de mandats.

Phil : Sénateur, Président du conseil général, Président de groupe parlementaire : vous êtes pour ou contre le cumul des mandats ?

Je viens de répondre. 1) mener à son terme une décentralisation audacieuse, 2) voter un statut de l'élu, 3) "privatiser la vie politique", 4) faire vivre la fonction "contrôle" au Parlement, 5) nous sortirons alors de la problématique du cumul des mandats, les tâches seront clairement définies et il ne sera plus possible de cumuler dès lors que l'efficacité sera enfin devenue l'élément d'appréciation.

Bédier : Bonjour, j'ai 30 ans et je suis "de la classe moyenne". J'attendais avec impatience une décision pour alléger les charges des classes moyennes et, une fois de plus, RIEN (réduction des impôts pour ceux qui en payaient très peu). Qu'en pensez vous ?

Le gouvernement de Lionel Jospin soigne son électorat. Il met en péril le pacte républicain.

Iltis Robert : On peut être inquiet sur les retombées à terme du coût de la recherche-développement pour les nouvelles technologies, absolument pas dans le commerce à leur vrai coût (comme le téléphone portable). Conséquence possible (e.a.) : l’effondrement boursier. Qu'en pensez-vous ? Merci !

L'appréciation des valeurs boursières, notamment aux États-Unis est en partie liée à un phénomène d'endettement. Il y a donc apparition d'une "bulle" et risque de correction. Cela étant, s'il est probable que se produisent des ajustements, notamment sur les valeurs de la "nouvelle économie", je ne crois pas au retour d'un krach tel que ceux que nous avons connus dans le passé.

Julie : Êtes-vous toujours expert comptable en exercice ? Si c’est non, est ce que cela vous manque ?

Oui, mais j'ai choisi d'assumer mes fonctions politiques. Cela ne veut pas dire que je n'y reviendrai pas un jour. Les comptables à leur façon, sont des pacificateurs parce qu'ils aident à "rendre compte" avec une exigence de sincérité.

Bill : Le Web, les nouvelles technologies, accro ou pas trop chaud ?

Accro ! A maîtriser. Je crois aux bienfaits de la nouvelle économie. Il nous reste à accélérer le processus.

Sorel : Comment expliquez-vous que dans une démocratie comme la notre les revendications ne semblent prises en compte qu'une fois une crise déclenchée par des grèves dures, exemple: les transports, les hôpitaux, l'éducation ? Et en quoi le surplus de communication directe apporté par Internet peut être un plus ?

Nous souffrons de notre culture d'opacité publique. Le système d'information financière est le plus archaïque qui soit. Nous ne disposons pas d'informations analytiques et globales pour justifier les réformes. Au surplus, tout se décide au cœur des citadelles. Dès lors, tout projet de réforme se heurte aux corporatismes qui peuvent sans difficulté dénoncer l'arbitraire du projet. Sommes-nous prêt à y voir clair ? Voulons-nous prendre les moyens pour extraire la sphère publique de l'opacité cultivée.

Thomas et Régine : Que pensez-vous d'une éventuelle augmentation des fonctionnaires (territoriaux si possible) ?

Augmentation de leur nombre ou de leur rémunération ? L'avenir n'est pas à la création d'emplois publics. Cela étant, si comme je le souhaite la décentralisation va à son terme, nous devons programmer l'accueil de fonctionnaires dans les collectivités locales et corrélativement la suppression de postes dans les services de l'État. Sur les rémunérations, j'attends que le Gouvernement prenne position sur le passage aux 35 heures.

Laurent : Êtes-vous favorable à ce que les patrons dévoilent leur patrimoine et leur revenu ?

Je suis favorable à la transparence. Sur le patrimoine, cela n'a rien à voir avec leur activité à la tête d'une entreprise. En revanche, pour leur rémunérations et, éventuellement, leurs stock options, il importe que les actionnaires soient informés, les salariés aussi sans doute.

Rems : Bonjour Monsieur, quels avantages fiscaux obtient-on lors de la signature d'un PACS ?

Ceux, pour l'essentiel, prévus pour les concubins. C'est d'ailleurs pour cela que j'avais préconisé, à la place du PACS, de modifier la jurisprudence de la Cour de Cassation en reconnaissant le statut de concubins à des couples homosexuels.

Julien : Quelles ont été vos relations avec DSK, juste après votre départ ?

Courtoises ainsi que le veut la tradition républicaine.

Speedy : Bonjour, pouvez-vous nous dire quand prendra fin le monopole de France Télécom ?

Le plus tôt possible. Lionel Jospin se hâte lentement sur ce sujet comme sur d'autres.

Vivian : Pourquoi-vous occupez vous d’affaires culturelles maintenant , et de quelles affaires vous préoccupez vous le plus?

Étant président de groupe, j'ai choisi ma commission après avoir laissé le choix à tous mes collègues. J'ai pris place là où restait une place. Ayant dit cela, je m'occupe de coordination politique et de tous les sujets importants.

Roger Bertrand : Bonjour M. le Sénateur de la part d'un collègue de l'Assemblée nationale du Québec.

Bonjour ami, cultivons la francophonie parlementaire.

Roger Bertrand : En effet, c'est toujours un plaisir. Je suis à Paris à l'occasion du 1er Forum Mondial de la Démocratie Électronique et je félicite le Sénat pour sa participation à la fête de l'Internet... voie d'avenir si l'on peut dire.

Merci beaucoup M. Arthuis, le mot de la fin ?

Le mot de la fin ? Nous n'avons jamais autant ressenti la nécessité de l'engagement politique. A l'heure de la mondialisation, nous avons besoin de valider nos solidarités communautaires nationales et européennes, de faire vivre vigoureusement l'administration de proximité. Bref l'avenir est politique. Soyons optimistes et volontaires. Il est temps de rompre avec toutes les formes de conservatismes, le pire étant de nature politique ! Haut les cœurs !