Loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (Journal officiel du 19 décembre 2003 ).

Première lecture.

L' Assemblée nationale 1 ( * ) a, en première lecture, repris pour l'essentiel le texte transmis par le Sénat, sous réserve de précisions jugées utiles par M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les députés ont ainsi adopté conformes 20 articles sur les 44 que comptait le projet de loi à l'issue de sa première lecture par le Sénat. Les modifications qu'ils ont introduites ne remettent pas en cause l'équilibre général du texte :

- possibilité offerte aux associations intervenant dans le domaine de la lutte contre les exclusions de se substituer à l'allocataire pour exercer un recours contre des décisions individuelles relatives à l'allocation ;

- maintien à titre transitoire, en 2004, des crédits obligatoires d'insertion supprimés pour les départements par le Sénat, et caractère facultatif du report de 2003 sur 2004 des crédits d'insertion non consommés, afin de donner aux associations un signe fort de la volonté des départements de poursuivre l'effort d'insertion ;

- précision des conditions du transfert aux départements des droits et obligations de l'Etat en matière de RMI à compter du 1 er janvier 2004, les départements ayant préalablement reçu, pour faire face à ces dépenses, une fraction du produit de la TIPP, et étant en mesure par ailleurs de récupérer les créances détenues par l'Etat sur les allocataires en cas d'indus.

Deuxième lecture.

Au cours de la discussion générale au Sénat , Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, a qualifié le projet de loi de « l'un des axes forts de notre mobilisation pour donner à la solidarité une forme plus dynamique ». La volonté de réformer le dispositif d'aide à l'insertion est venue du constat, a-t-elle poursuivi, qu'un allocataire sur trois était bénéficiaire du RMI depuis plus de trois ans. Elle a souligné le caractère inacceptable et « démotivant » du statu quo , qui offre à ceux qui cherchent à s'en sortir la « perspective d'une assistance sans cesse prolongée par l'attente mensuelle de la prochaine allocation ». La ministre déléguée a motivé la décision de confier le RMI au département par la nécessité de faire gérer l'aide à l'insertion par un échelon à la fois spécialisé dans le domaine social et proche des réalités quotidiennes des personnes en difficulté.

Abordant ensuite les dispositions relatives à la création du revenu minimum d'activité, Mme Ameline a plaidé en faveur d'un dispositif destiné à proposer « un nouveau chemin vers l'emploi », à accompagner l'accès ou le retour vers le travail en garantissant une rémunération majorée de 50 % par rapport au revenu minimum d'insertion. Elle a nié que le Gouvernement souhaite mettre en place un statut dérogatoire permanent par la création d'une catégorie de « sous-salariés ». La ministre déléguée a qualifié le RMA de mécanisme temporaire, « conçu comme une étape dans un parcours progressif d'insertion professionnelle ».

Après un rappel au règlement de M. Claude Domeizel, M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales, a rappelé que l'effort d'insertion théoriquement demandé à l'allocataire du RMI n'avait jamais constitué la contrepartie de l'aide financière reçue. Il a fait état d'une « double conviction » : la décentralisation du RMI serait un moyen de permettre à la collectivité de tenir ses engagements vis-à-vis des plus démunis, et de mettre un terme au copilotage de l'insertion en définissant un « responsable unique et proche du terrain ».

Le rapporteur a insisté sur la faiblesse des dispositifs d'insertion existants, plaidant en faveur de la création de « véritables parcours individualisés » destinés à définir avec le bénéficiaire de l'aide à l'insertion les étapes de son retour à l'emploi, et de la désignation d'un référent unique chargé, pendant ce parcours, d'assister le bénéficiaire.

Convenant du caractère très dérogatoire au droit commun du contrat d'insertion-RMA, M. Seiller a précisé que ce dispositif ne visait qu'à « amorcer une démarche d'insertion professionnelle qui doit nécessairement s'inscrire dans la durée ». Il a fait observer que ce contrat était assorti de droits majorés au regard de l'assurance chômage, et que les revenus des bénéficiaires étaient augmentés de quelque 80 € par mois, soit environ 15 %. Ces avantages expliquaient, a fait valoir M. Seillier, les exigences fortes définies en matière d'insertion et d'accompagnement vers l'emploi, « qu'il appartiendra au département de faire respecter ».

Abordant alors la compensation financière de la décentralisation du RMI, le rapporteur a indiqué que le report à 2005 de la définition de la partie du produit de la TIPP qui constituera la contrepartie de la décentralisation du RMI devrait assurer la cohérence entre ressources et charges transférées. Il a estimé qu'une « politique d'insertion active » conduite par les départements pourrait contenir l'évolution des dépenses qui leur incombent désormais dans les limites de la TIPP transférée.

M. Seillier a enfin remarqué que la date d'entrée en vigueur de la loi en discussion, prévue pour le 1 er janvier 2004, ne se prêtait pas à la poursuite de la navette parlementaire et que, malgré les réserves que lui inspiraient certaines modifications apportées par les députés, il appelait ainsi le Sénat à voter le projet de loi dans le texte transmis par l'Assemblée nationale.

Dans la discussion générale sont également intervenus MM. Dominique Larifla, qui a estimé que la suppression de l'obligation faite aux départements de consacrer à des actions d'insertion 17 % des crédits jusqu'alors affectés au RMI apporterait de la souplesse au dispositif de lutte contre l'exclusion, et qui a commenté la spécificité du problème du chômage dans les départements d'outre-mer, Gilbert Chabroux, Michel Mercier, qui s'est déclaré satisfait des compensations financières garanties aux départements, et Roland Muzeau, qui a résumé la création du RMA par le versement d'une allocation en contrepartie de l'obligation d'effectuer un « travail précaire et sous-payé ».

Le Sénat a ensuite rejeté, suivant l'avis de la commission et du Gouvernement, la motion tendant à opposer l' exception d'irrecevabilité au projet de loi déposée par le groupe CRC. Défendant la motion, M. Guy Fischer a assimilé la réforme du RMI à une manifestation de la « conception minimaliste du rôle de l'Etat social » du Gouvernement et à la volonté de celui-ci de « renoncer à ses responsabilités particulières en matière de solidarité nationale ». Intervenant contre la motion, M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a ironisé sur l'hostilité qu'inspirait à M. Fischer « l'idée que l'on soit obligé de travailler pour toucher une allocation ».

Puis a été rejetée, à la demande de la commission et du Gouvernement, la motion tendant à opposer au projet de loi la question préalable , déposée par le groupe socialiste. Défendant la motion, M. Chabroux s'est étonné que les grandes fédérations d'associations spécialisées dans la lutte contre l'exclusion n'aient pas été consultées sur ce texte, a regretté que la rémunération des bénéficiaires des allocations n'ait pas été qualifiée de salaire, et a déploré que la lutte contre l'exclusion perde son caractère national. Intervenant contre la motion, M. About a déclaré ne pas comprendre pourquoi le Sénat devrait, en votant la question préalable, repousser un texte qu'il a lui même adopté en première lecture et auquel l'Assemblée nationale a apporté peu de modifications.

Le Sénat a ensuite abordé l' examen des articles .

Il a tout d'abord rejeté, au cours du scrutin public n° 108 demandé par le groupe CRC , un amendement de ce groupe posant le principe d'un examen annuel des conditions de la compensation apportée aux départements en contrepartie du transfert de charges.

L'article 40 de la Constitution a ensuite été déclaré opposable à un amendement du groupe CRC visant à étendre le bénéfice du RMI aux étrangers titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour temporaire, afin de supprimer la condition de séjour régulier et ininterrompu de cinq ans exigée des travailleurs étrangers pour bénéficier du RMI.

Ont également été rejetés deux amendement du groupe CRC :

- subordonnant à un avis conforme de la commission locale d'insertion toute décision de suspension de l'allocation motivée par un refus du bénéficiaire de signer un contrat d'insertion ;

- autorisant les allocataires du RMI à se faire assister de la personne de leur choix pour les accompagner dans leur démarche d'insertion. Sur ce dernier point, le rapporteur a souhaité que soit laissée au référent l'initiative d'accepter au cas par cas l'assistance d'un tiers.

Le Sénat a en outre repoussé trois amendements du groupe CRC posant le principe du caractère suspensif du recours contre la décision de retrait de l'allocation, et tendant à supprimer l' article 28 relatif aux modalités financières du transfert de charges pour les départements ainsi que l' article 34 bis concernant la prise en charge par l'Etat des agents transférés aux départements dans le cadre de la décentralisation du RMI.

Au cours du scrutin public n° 109 demandé par le groupe CRC , il a rejeté un amendement de ce groupe tendant à supprimer l' article 35 qui tire les conséquences, dans le code du travail, de la création du RMA. Il a également repoussé les six autres amendements déposés sur cet article par le groupe CRC.

Après le retrait d'un amendement de MM. Lardeux, Doligé, Leroy, Revet et Pépin visant à décaler au 1 er avril au lieu du 1 er janvier 2004 la date d'entrée en vigueur de la loi en discussion, puis d'un amendement de Mme Payet tendant à reporter d'un an l'entrée en vigueur de la future loi dans les départements d'outre-mer, le Sénat a entendu les explications de vote de MM. Muzeau, Domeizel et François Trucy.

Mme Ameline ayant souligné la qualité et la rigueur du travail accompli par le Sénat en vue de l'examen de ce projet de loi, celui-ci a été adopté dans le texte transmis par les députés, et est ainsi devenu définitif .

Conseil constitutionnel.

Saisi en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, le Conseil constitutionnel a conclu dans des délais particulièrement courts (trois jours après la saisine) à la conformité à la Constitution des articles dont il était saisi (articles 2, 4, 6, 14 et 43).

Le Conseil constitutionnel n'a pas retenu le moyen tiré de la rupture d'égalité dans la gestion du RMI par les départements, car il a considéré que le législateur avait fixé des conditions suffisantes pour prévenir un tel risque. Il a également considéré que l'attribution aux départements d'une partie du produit de la TIPP respectait l'exigence constitutionnelle d'attribution de ressources équivalentes aux transferts de charges prévue par l'article 72-2 de la Constitution, notant de surcroît que l'entrée en vigueur de ces dispositions de la loi déférée étaient subordonnée à celle des dispositions de la loi de finances pour 2004 relatives à la compensation des charges transférées.

Le Conseil constitutionnel n'a pas non plus suivi les requérants en ce qui concerne l'exigence de péréquation financière, estimant que le cinquième alinéa de la Constitution (la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales) n'imposait pas au législateur de prévoir un mécanisme de péréquation financière pour chaque transfert ou création de compétence.

Après avoir rappelé sa jurisprudence en matière d'égalité (ce principe ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de manière différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge au principe d'égalité pour des raisons d'intérêt général, à condition que la différence de traitement soit en rapport direct avec l'objet de la loi considérée), le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, considéré que le cumul de RMI et du RMA n'était pas constitutif d'une rupture d'égalité, mais qu'il était justifié par les difficultés particulières d'insertion professionnelle auxquelles se heurtaient les personnes qui avaient vocation à bénéficier de ce dispositif.

Travaux préparatoires

Sénat :

Première lecture (26 et 27 mai 2003) : n°s 282, 304, 305 et adoption 114 (2002-2003).

Nombre d'amendements déposés 135

Nombre d'amendements adoptés 49

(Scrutin n° 159)

Assemblée nationale :

Première lecture (19 à 21 et 25 novembre 2003) : n°s 884, 1216, 1211 et adoption 198 (12ème législ.).

Sénat :

Deuxième lecture (10 décembre 2003) : n°s 85, 96 et adoption 22 (2003-2004).

Nombre d'amendements déposés 20

Nombre d'amendements adoptés 0

(Scrutins n°s 108 et 109)

Rapporteurs au Sénat : M. Bernard Seillier, commission des affaires sociales, et, pour avis, M. Michel Mercier, commission des finances.

Conseil constitutionnel :

Décision n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003 ( Journal officiel du 19 décembre 2003).

Table de concordance

Numérotation articles en cours de navette

Numérotation articles texte définitif

 

Numérotation articles en cours de navette

Numérotation articles texte définitif

1 er et 2

Idem

 

21

26

2 bis

3

 

22

27

3

4

 

23

28

3 bis

5

 

23 bis

29

4

6

 

24

30

5

7

 

25

31

6

8

 

26

32

6 bis

9

 

27

33

7

10

 

28

34

8

11

 

29

35

8 bis

12

 

30

36

9

13

 

31

37

9 bis

14

 

32

38

10

15

 

32 bis

39

11

16

 

33

40

12

17

 

34

41

13

18

 

34 bis

42

14

19

 

35

43

15

20

 

36

44

16

21

 

37

45

17

22

 

38

46

18

23

 

39

47

19

24

 

40

48

20 :

25 :

 

40 bis A

49

code de l'action sociale

code de l'action sociale

 

40 bis

50

et des familles

et des familles

 

40 ter

51

L. 262-38-1

id

 

41

52

L. 262-38-2

supprimé

 
 
 

Analyse politique du scrutin n° 108

Séance du mercredi 10 décembre 2003

sur l'amendement n° 7, présenté par M. Roland Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à modifier l'article 3 du projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (compensation aux départements du transfert de compétences).

Nombre de votants .........................................................

318

Suffrages exprimés .........................................................

234

Pour ......................................................

30

204

Contre ..................................................

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN ( 23 ) :

Pour .....................................................................................

23

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE ( 29 ) :

Contre ................................................................................

28

N'a pas pris part au vote .....................................................

1

Mme Valérie Létard

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ( 17 ) :

Pour .....................................................................................

7

MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin,

Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin

Contre ................................................................................

9

Abstention .........................................................................

1

M. Dominique Larifla

GROUPE SOCIALISTE ( 83 ) :

Abstention .........................................................................

83

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE ( 164 ) :

Contre ................................................................................

162

N'ont pas pris part au vote .................................................

2

M. Christian Poncelet - président du Sénat

et M. Adrien Gouteyron - qui présidait la séance

SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 5 ) :

Contre ................................................................................

5

Analyse politique du scrutin n° 109

Séance du mercredi 10 décembre 2003

sur l'amendement n° 16, présenté par M. Roland Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à supprimer l'article 35 du projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité (suppression du revenu minimum d'activité).

Nombre de votants .........................................................

317

Suffrages exprimés .........................................................

316

Pour ......................................................

113

203

Contre ..................................................

GROUPE COMMUNISTE REPUBLICAIN ET CITOYEN ( 23 ) :

Pour .....................................................................................

23

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE ( 29 ) :

Contre ................................................................................

27

N'ont pas pris part au vote .................................................

2

M. Christian Gaudin, Mme Valérie Létard

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPEEN ( 17 ) :

Pour .....................................................................................

7

MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau,

Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla

Contre ..................................................................................

9

Abstention ...........................................................................

1

M. Nicolas Alfonsi

GROUPE SOCIALISTE ( 83 ) :

Pour .....................................................................................

83

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE ( 164 ) :

Contre ................................................................................

162

N'ont pas pris part au vote .................................................

2

M. Christian Poncelet - président du Sénat

et M. Adrien Gouteyron - qui présidait la séance

SENATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE ( 5 ) :

Contre ................................................................................

5