Proposition de loi complétant la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l' emploi de la langue française .

A l'initiative de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, cette proposition de loi tend à renforcer l'application de la loi dite « Toubon », du 4 août 1994, relative à l'emploi de la langue française.

Dans sa rédaction résultant des conclusions de la commission des affaires culturelles, elle vise notamment à :

- adapter les dispositions relatives à l'emploi de la langue dans les communications électroniques (article 1 er ) ;

- compléter l'obligation de traduction dans les domaines des enseignes, des transports internationaux et des dénominations sociales des entreprises (articles 2 à 4) ;

- autoriser l'action en justice des associations agréées de défense des consommateurs (article 5) ;

- renforcer la garantie d'emploi du français au sein de l'entreprise et dans la communication avec les salariés (articles 6 à 8) ;

- améliorer le suivi de la loi à travers la présentation du rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française (article 9).

Première lecture.

Au cours de la discussion générale au Sénat , M. Jacques Legendre, rapporteur de la commission des affaires culturelles, a affirmé que la législation sur la langue française ne visait pas à « retrouver sa pureté » , mais à « veiller à ce que des domaines entiers de l'activité humaine ne cessent pas, même en France, d'être exprimés en français » .

Rappelant la nécessaire conciliation entre la liberté d'expression et la lutte contre l'abandon progressif d'un vocabulaire mettant en péril l'existence même de la langue, le rapporteur a fait valoir que les politiques linguistiques très strictes mises en oeuvre par les Flamands, les Catalans ou les Québécois avaient démontré leur efficacité. Il s'est par ailleurs félicité de l'enracinement progressif des normes édictées par la loi Toubon, relatives à l'information des consommateurs ou à l'emploi du français sur le lieu de travail.

Saluant l'initiative de M. Marini, visant notamment à renforcer la portée de la loi dans les domaines sensibles des communications électroniques ou de la police des enseignes, le rapporteur en a détaillé le dispositif, avant de revenir sur les modifications proposées par la commission des affaires culturelles. M. Legendre a en particulier évoqué l'obligation pour les commerçants de traduire ou d'expliciter les termes étrangers utilisés dans la formulation d'une enseigne et l'extension aux associations de consommateurs agréées de la capacité d'exercer les droits reconnus à la partie civile déjà dévolue aux associations de défense de la langue française. Il a toutefois relevé que la commission n'avait pas souhaité autoriser les agents assermentés des associations de défense de la langue française et des consommateurs à constater les infractions commises en violation de plusieurs dispositions de la loi, estimant que ces pouvoirs de police devaient rester l'apanage des agents publics.

Le rapporteur a ensuite abordé la question des exceptions au principe de l'emploi du français dans les documents comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail. Il a fait valoir que la commission entendait restreindre le champ de ces exceptions aux seuls documents provenant de l'étranger et destinés à des salariés qui soient véritablement à même de les comprendre, dans la mesure où leur emploi nécessite une parfaite connaissance de la langue concernée. Il a en outre précisé que la commission souhaitait ne rendre obligatoire le rapport au comité d'entreprise sur l'utilisation de la langue française que dans les structures de plus de cinq cents salariés et permettre l'organisation d'un débat au moment de la remise au Parlement du rapport annuel du Gouvernement prévu par l'article 22 de la loi du 4 août 1994.

M. Legendre a conclu en jugeant que la protection de la langue française témoignait du souci exprimé par la France de protéger la diversité culturelle. Il a incité le Sénat à adopter la proposition de loi, afin de manifester une « volonté de donner à notre langue toute sa place au coeur de notre identité et de lui garder (...) ce rôle irremplaçable d'instrument de notre présence et de notre dialogue avec le monde » .

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, a fait référence aux violences urbaines récemment survenues pour rappeler le rôle essentiel joué par la langue dans la cohésion et l'insertion sociales. Récusant toute assimilation de la politique de promotion de la langue française à un « réflexe de défense identitaire » ou à une « police de la langue » , le ministre a réaffirmé le droit imprescriptible de tout citoyen à faire usage de la langue française dans toutes les circonstances de la vie sociale.

Le ministre a à son tour salué l'initiative de M. Marini, dont il a énuméré les principaux aspects. Il est plus particulièrement revenu sur la nécessité de satisfaire aux principes du droit communautaire en évitant que les obligations édictées en matière d'information et de protection des consommateurs ne portent atteinte au principe de libre circulation des biens et des services.

M. Donnedieu de Vabres a enfin fait valoir que l'expérience française en matière de législation garantissant l'emploi de la langue nationale avait fait école en Europe et au sein des pays francophones. Il a conclu en estimant que la proposition de loi, en ce qu'elle consolidait la défense du français, constituait à l'égard de nos partenaires « un message de confiance en l'avenir du français et en sa capacité à décrire les visages changeants du monde » .

Dans la suite de la discussion générale, Mme Anne-Marie Payet a exprimé des doutes quant à la nature législative des dispositions en discussion et a considéré que la défense de la langue française méritait mieux que des « mesurettes cosmétiques » tendant à « changer les devantures des vitrines du quartier chinois » . M. Yannick Bodin a exprimé le soutien du groupe socialiste à la proposition de loi, tout en affirmant qu'elle devait être complétée par « des moyens suffisants donnés à l'enseignement et aux associations d'éducation populaire, aux structures de promotion de la langue comme les alliances françaises et les centres culturels, ainsi que par une implication auprès de nos partenaires francophones » .

M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi, a fait valoir que sa démarche ne saurait être perçue comme purement défensive et résultait notamment de son expérience de maire face à la multiplication des enseignes non francophones et au conditionnement culturel de la jeunesse véhiculé par « une mondialisation largement anglo-saxonne » . Jugeant de bon sens de s'étonner de l'existence de « certains quartiers de Paris où il est possible de parcourir plusieurs centaines de mètres sans voir aux devantures des magasins ou sur les enseignes un mot de français, ni même parfois un mot articulé en caractère latin » , M. Marini a indiqué que de nombreux pays francophones invitaient la France à se montrer plus exigeante en matière de défense de son patrimoine linguistique.

Inscrivant la proposition de loi dans le cadre d'une démarche globale inspirant également la création de la chaîne française d'information internationale, M. Marini a rappelé que la « défense de la langue française (devait) nous fédérer, nous unir et permettre à nos concitoyens de s'exprimer et de participer » .

M. Ivan Renar s'est enfin avoué perplexe face à une initiative qui s'attaquait aux effets davantage qu'aux causes du recul de l'emploi du français, et a plaidé pour la défense du plurilinguisme à l'échelle internationale, seul vecteur efficace à ses yeux de la défense du français.

Le Sénat a ensuite procédé à la discussion des articles . Aucun amendement n'ayant été retenu, le Sénat a adopté l'ensemble de la proposition de loi dans sa rédaction résultant des conclusions de la commission des affaires culturelles. Elle demeurait en instance d'examen par l' Assemblée nationale au 31 décembre 2005.

Travaux préparatoires

Sénat :

Première lecture (10 novembre 2005) : n°s 59 (2004-2005), 27 et adoption 29 (2005-2006).

Nombre d'amendements déposés 1

Nombre d'amendements adoptés 0

Rapporteur au Sénat : M. Jacques Legendre, commission des affaires culturelles.