Loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat (Journal officiel du 6 janvier 2005 ).

Cette proposition de loi , adoptée par l'Assemblée nationale, résulte de textes déposés simultanément dans les mêmes termes dans les deux assemblées, à l'initiative de M. Daniel Hoeffel au Sénat et de M. Yves Censi à l'Assemblée nationale.

Ces initiatives visent, d'une part, à dissiper l'ambiguïté du statut des maîtres de l'enseignement privé sous contrat et, d'autre part, à rapprocher le niveau des retraites qui leur sont versées de celui dont bénéficient les maîtres de l'enseignement public, mettant ainsi fin à une différence de traitement aux dépens des maîtres du privé.

A l'Assemblée nationale, le Gouvernement a amendé le texte soumis aux députés :

- afin d'instituer un régime public de retraite additionnel obligatoire, ouvert non seulement aux personnels enseignants et de documentation auxquels s'adresse la proposition de loi, mais aussi à leurs conjoints survivants et à leurs orphelins ;

- et pour prévoir un financement de l'Etat, sur lequel repose le dispositif de rattrapage du niveau des pensions de retraite.

La proposition de loi soumise au Sénat compte huit articles :

- l' article premier définissant le statut des maîtres de l'enseignement privé sous contrat en modifiant les articles L. 914-1 et L. 442-5 du code de l'éducation pour reconnaître leur qualité d'agent public ainsi que le caractère propre des établissements privés ;

- l' article 2 étendant et adaptant ces dispositions aux maîtres des établissements d'enseignement agricole privés en modifiant en conséquence le code rural ;

- l' article 2 bis procédant à la création d'un régime public de retraite additionnel ;

- l' article 2 ter visant le maintien provisoire du versement de l'indemnité de départ en retraite ;

- l' article 2 quater prévoyant le dépôt d'un rapport évaluant les mesures restant à prendre pour parvenir à l'application du principe de parité posé par la loi Guermeur de 1977 ;

- l' article 3 relatif à l'extension de la proposition de loi aux collectivités d'outre-mer à statut particulier ;

- l' article 3 bis étendant aux maîtres de l'enseignement agricole privé le maintien des droits syndicaux et sociaux ;

- l' article 4 précisant les modalités d'entrée en vigueur de la proposition de loi.

Au cours de la discussion générale au Sénat , M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a annoncé un « débat serein » sur un texte qui n'appelait pas le même déchaînement de passions que d'autres débats législatifs sur l'enseignement privé. Il a rappelé que le Gouvernement, conscient des attentes auxquelles donnait lieu la question de la situation des maîtres de l'enseignement privé sous contrat, avait inscrit la proposition de loi de M. Yves Censi à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale. Le ministre a qualifié de « juste et équilibré » le texte soumis au Sénat, qui tranchait fort opportunément la question du statut de ces enseignants et mettait fin à un régime de retraite inéquitable.

Sur le premier point, le ministre a confirmé que les maîtres de l'enseignement privé exerçaient une mission de service public, et a fait observer que l'enseignement était, dans ces établissements sous contrat, délivré dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, ce qui soulignait selon lui le caractère propre de ces établissements.

Le ministre a ensuite estimé que la proposition de loi « [rétablissait] fort justement chacun dans ses obligations ». A l'Etat d'assumer seul, a-t-il relevé, le coût salarial et les charges qui en résultaient et de recruter les maîtres contractuels pour qu'ils dispensent les programmes de l'enseignement public, les droits sociaux devant être respectés et, par conséquent, l'exercice du droit syndical, la participation à la commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi qu'au comité d'entreprise, auquel l'Etat contribuait par le forfait d'externat. Ces enseignants ne devaient donc pas être considérés, selon M. Fillon, comme des salariés de l'établissement, en dépit de l'autorité exercée sur eux par le chef d'établissement et de l'accord donné par la direction de l'établissement à leur prise de fonctions.

Le ministre a ensuite fait valoir que la mise en place d'un régime additionnel de retraite visait à compenser progressivement un différentiel de pension entre les maîtres de l'enseignement public et ceux de l'enseignement privé sous contrat, et de mettre fin à l'inégalité dont pâtissaient ceux-ci.

Mme Catherine Troendle, rapporteure de la commission des affaires culturelles, a rappelé la quasi unanimité dont le vote de la proposition de loi avait fait l'objet à l'Assemblée nationale. Elle a jugé que ce consensus était justifié sur le fond, du fait des « attentes fortes et légitimes de l'ensemble des personnels enseignants des établissements privés sous contrat », et a rappelé que ce texte concernait une population importante, évaluée à plus de 140 000 maîtres des établissements privés sous contrat relevant de l'éducation nationale, auxquels s'ajoutaient quelque 5 000 maîtres des établissements privés d'enseignement agricole.

La rapporteure s'est félicitée que soit reconnue à ces enseignants le statut d'agent public de l'Etat, et que soit « dissipée » une ambiguïté née d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle les maîtres de l'enseignement privé sous contrat étaient liés à leur établissement par un contrat de travail. Mme Troendle a rappelé le contentieux important suscité devant les conseils de prud'hommes par la situation de « dualité juridique » caractérisant ces enseignants du fait de la superposition de deux contrats, l'un de droit public avec l'Etat, et l'autre de droit privé avec l'établissement, ce dernier conduisant à « minimiser la portée du contrat passé entre le maître et l'Etat ».

Commentant alors la « clarification nécessaire » apportée par la proposition de loi, la rapporteure a successivement évoqué :

- la reconnaissance de la qualité d'agent public des enseignants concernés, qui mettrait un terme aux « interprétations audacieuses du juge » ;

- la prééminence ainsi réaffirmée du lien qui attachait ces maîtres à l'Etat, sans pour autant que soit remise en cause la spécificité des établissements privés, fondée sur la liberté de conscience des maîtres et sur l'autorité du chef d'établissement ;

- la réaffirmation des droits sociaux et syndicaux de ces enseignants.

Mme Troendle a par ailleurs souhaité, pour garantir un financement suffisant des activités sociales du comité d'entreprise, que la rémunération des maîtres de l'enseignement privé sous contrat reste prise en compte dans la masse salariale servant de base au calcul de la contribution versée par les établissements. Elle a espéré que des « éclairages supplémentaires » seraient apportés à cet égard par le ministre.

La rapporteure a également noté que le décret qui préciserait les garanties d'emploi dont bénéficieront les lauréats des concours de l'enseignement agricole privé devrait prendre en compte le souci de souplesse des chefs d'établissement concernés, qui devaient, a-t-elle fait valoir, s'adapter à des « demandes de formation en constante évolution ».

Se félicitant que la proposition de loi « redonne toute sa portée au principe constitutionnel de liberté d'enseignement », Mme Troendle a conclu en appelant le Sénat à adopter la proposition de loi dans le texte transmis par les députés.

Dans la discussion générale sont ensuite intervenus MM. Bernard Seillier, Jean-Marc Todeschini, André Lardeux, Jean Boyer, Mme Annie David, qui a constaté que, dans le cadre d'un débat désormais apaisé, « rares [étaient] ceux qui [persistaient] aujourd'hui à présenter l'enseignement privé sous contrat comme une entrave au bon fonctionnement du système public », et a estimé que « l'absence de subventions pour l'enseignement privé créerait, à coup sûr, un secteur où seuls les plus nantis auraient droit à cette solution de remplacement », MM. Dominique Leclerc et Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, qui a souligné les qualités de conciliateur et de négociateur du ministre, et s'est réjoui de la définition d'une « solution équitable allant dans le sens d'une reconnaissance [...] de l'importance des maîtres qui choisissent l'enseignement privé sous contrat avec l'Etat et qui contribuent ainsi à laisser aux familles [...] le libre choix des filières d'éducation ».

Le Sénat a alors abordé la discussion des articles , au cours de laquelle sont intervenus Mme David, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Lardeux et Boyer, ainsi que Mme Troendle et le ministre. Dix-sept amendements étaient soumis à l'approbation du Sénat :

- à l' article premier , deux amendements du groupe CRC visant la « fonctionnarisation » des maîtres de l'enseignement privé sous contrat et permettant leur désignation comme délégués syndicaux, deux amendements du groupe de l'Union centriste prévoyant entre l'Etat et ces enseignants la conclusion d'un contrat spécifique et tendant à limiter les inconvénients financiers liés à la prise en compte de leur rémunération dans le calcul de la masse salariale, ainsi qu'un amendement de M. Lardeux réaffirmant l'existence d'un lien contractuel spécifique entre l'Etat et ces maîtres ; ces cinq amendements ont tous été retirés par leurs auteurs ;

- à l' article 2 bis , deux amendements du groupe CRC imputant une partie du financement du régime additionnel de retraite sur les établissements et faisant peser sur ceux-ci le coût de l'alignement des indemnités nettes des personnels de l'enseignement privé sous contrat sur celles de l'enseignement public, rejetés à la demande de la commission et du Gouvernement, et un amendement du groupe de l'Union centriste, retiré de même qu'un amendement de M. Lardeux présenté en termes identiques, concernant l'extension du régime de retraite additionnel aux services « assimilés » aux services de documentation auxquels s'appliquait cet article ;

- à l' article 2 ter , deux amendements identiques du groupe de l'Union centriste et de M. Lardeux prévoyant le maintien des régimes complémentaires financés par l'employeur, retirés à la demande du Gouvernement et de la commission ;

- à l' article 3 bis , trois amendements de conséquence du groupe CRC et un amendement du groupe de l'Union centriste, retirés par leurs auteurs.

Les articles 2 , 2 quater , 3 et 4 n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, le Sénat a ensuite entendu les explications de vote de MM. Daniel Goulet et Todeschini, puis il a adopté la proposition de loi dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, le rendant ainsi définitif .

Travaux préparatoires

Assemblée nationale :

Première lecture (8 décembre 2004) : n°s 1757, 1963 et adoption 362 (12 ème législ.).

Sénat :

Première lecture (22 décembre 2004) : n°s 107, 68, 113 et adoption 41 (2004-2005).

Nombre d'amendements déposés 17

Nombre d'amendements adoptés 0

Rapporteur au Sénat : Mme Catherine Troendle, commission des affaires culturelles.

Table de concordance

Numérotation articles en cours de navette

Numérotation articles texte définitif

1 er et 2

Idem

2 bis

3

2 ter

4

2 quater

5

3

6

3 bis

7

4

8