Quel rôle jouent les Gouvernements successifs dans cette guérilla parlementaire ?
Ils ne prennent jamais aucune initiative.

En 1927 et 1932, la Chambre des députés adopte deux propositions de résolution invitant le Gouvernement à user de son influence auprès du Sénat pour obtenir l'inscription à l'ordre du jour de la proposition adoptée en 1919. Pas de réponse.

A titre individuel, cependant beaucoup de ministres sont favorables au moins au "petit suffrage". Ce qui fait dire à la militante féministe Louise Weiss, reçue par Pierre-Etienne Flandin, nouveau président du Conseil : "Je m'aperçois qu'un féministe devenu président du Conseil, ne se montre pas forcément un président du Conseil féministe."

De même en 1922, Raymond Poincarré, favorable au suffrage féminin et qui a pris la parole dans des réunions féministes au côté de l'avocate Maria Vérone, désigne, pour représenter le Gouvernement dans la discussion sur la proposition Dussaussoy, un des rares ministres qui y soit opposé.

Cependant la cause des femmes a aussi ses partisans au Parlement.

C'est en 1894 à la Chambre des députés que fut créé le premier groupe parlementaire en faveur du droit des femmes ; il compta jusqu'à 36 membres avant de disparaître. Un autre groupe le remplaça à l'instigation d'Henry Chéron en 1906, comprenant 200 adhérents, bien qu'il ne se soit jamais réuni.

Au Sénat, c'est en 1923 que Louis Martin crée un groupe qui compte près de 80 membres.
Parmi tous ces parlementaires, quelques personnalités se détachent :

  • Ferdinand Buisson, dont le rapport sur le droit des femmes fait autorité et qui crée, en 1911, la Ligue des électeurs pour le suffrage féminin ;
     
  • René Viviani, féministe convaincu, qui fut adhérent dès 1888 de la Ligue pour les droits de la femme ; son intervention en 1919, lors du débat à la Chambre des députés, avait entraîné l'adoption de la proposition de loi Dussaussoy ;
     
  • Louis Martin, sénateur du Var et juriste, auteur de plusieurs propositions de loi sur ce sujet ;
     
  • Antonin Gourju, sénateur du Rhône qui interpelle à plusieurs reprises le Gouvernement pour hâter la discussion des textes sur le suffrage féminin ;
     
  • Eugène Milliès-Lacroix, sénateur des Landes qui préside le groupe féministe du Sénat.

Malgré ces appuis, le processus législatif est enrayé.

Les militantes féministes s'en aperçoivent et optent pour des méthodes plus directes.