Le Corps législatif vote la loi. Cependant, ses pouvoirs, très encadrés, sont limités. Les députés sont tenus de prêter serment de fidélité à l'Etat, ce qui restreint leur indépendance. La chambre ne possède pas l'initiative des lois, réservée à l'Empereur, secondé en cela par le Conseil d'Etat. Les amendements déposés par les commissions doivent être validés par le Conseil d'Etat avant de pouvoir être examinés. Les séances sont publiques mais seuls des procès-verbaux sont publiés à leur issue. Les députés n'ont aucun droit d'interpellation. Les lois sont systématiquement soumises au contrôle de constitutionnalité du Sénat et l'Empereur peut s'opposer à leur promulgation.

Les pouvoirs du Corps législatif se renforcent au fil des senatus-consultes : la publicité des débats est améliorée (1861), le droit d'amendement élargi (1866), l'initiative des lois partagée, le droit d'interpellation obtenu (1869). Progressivement s'esquisse une responsabilité des ministres devant les chambres.

Cependant, tous ces droits sont postérieurs aux débats de mai 1853 sur la loi relative aux pensions civiles. Cela n'empêche pas la Chambre, qui craint pour les finances de l'Etat, de montrer son opposition au projet. Après trois mois de travail, la commission chargée d'examiner le texte parvient à modérer son opposition, sans pour autant parvenir à un accord avec le Conseil d'Etat, qui rejette de nombreux amendements. Alexandre Gouin, rapporteur de cette commission, constate : « Malheureusement, les dissentiments qu'elle aurait voulu éviter subsistent encore » (compte-rendu de la séance du 12 mai 1853, Moniteur universel, 14 mai 1853).

 La dimension sociale du projet ne paraît pas fondamentale aux adversaires du texte. Alexandre Gouin explique que « la loi n'a rien de politique ; c'est une loi d'affaires, purement financière et administrative. » Si elle ne nie pas l'intérêt du projet et l'attente qu'il suscite, la commission estime qu'il est important de limiter strictement les charges de l'Etat. Pour cela, elle préfèrerait conserver les caisses spéciales, car « l'organisation la plus satisfaisante, au point de vue de l'économie, est, sans contredit, celle qui confie la gestion aux parties intéressées elles-mêmes ». Puisque le projet de loi renonce à ce système, la commission préconise la gestion d'une caisse générale par le Ministère des finances, soucieux des deniers publics.

Sachant ses conseils vains, la commission émet des critiques : la charge de l'Etat n'est pas encadrée et trop incertaine, les obligations envers les pensionnés n'étant pas limitées ; des exceptions non justifiées sont faites pour les instituteurs et les receveurs généraux des finances ; les catégories de pensionnés ne figurent pas dans la loi, ce qui permet d'en ajouter de nouvelles.

Au total, ce sont neuf articles du projet qui sont complètement ou partiellement rejetés par la commission. La commission prône l'ajournement du vote, en raison du caractère quasiment irréversible de cette loi. « M. le Rapporteur demande que la Chambre pèse ce que ces mots «  pour toujours » ont de grave ». Le projet de loi est finalement adopté, mais 75 des 228 votants s'y sont opposés.