Issu d'une vieille famille de la noblesse de robe, Jean Jacques Régis de Cambacérès, après des études de droit, prend en 1771, la succession de son père dans sa charge de conseiller en la Cour des comptes, aides et finances de Montpellier, sa ville natale. Fin novembre 1791, il est choisi comme président du tribunal criminel de l'Hérault et, en septembre 1792, il est élu à la Convention.

Révolutionnaire plus par raison que par goût, il évite de se compromettre dans le conflit qui oppose Girondins et Montagnards et, pendant les premiers mois, se cantonne à la défense et la présentation des projets délibérés par le Conseil de législation. Lors du procès de Louis XVI, il propose de surseoir à l'exécution du roi, préférant le garder en otage jusqu'à la fin des hostilités.

Élu au Conseil des Cinq-Cents, puis ministre de la justice en 1798, il devient, après le 18 brumaire, deuxième consul, chargé de l'organisation des pouvoirs judiciaires et de la préparation des lois. Chancelier de France, Président du Sénat, il sert fidèlement l'Empereur qui le fait duc de Parme en 1808.

Banni comme régicide à la Restauration, il se retire à Bruxelles. En 1818, il obtient l'autorisation de revenir en France et meurt le 1er mai 1824 à Paris.

Les trois projets de Code civil de Cambacérès

Diversité, confusion et incohérence : ainsi pourrait-on définir la législation civile de l'ancien régime. Le jurisconsulte, Merlin de Douai, affirme dans un rapport « qu'on ne peut laisser sans danger subsister plus longtemps cette marqueterie bizarre, cet assortiment ridicule de lois, de statuts et de coutumes ». Pour mettre cette législation en conformité avec les principes révolutionnaires d'unité et d'égalité, l'Assemblée constituante décide dans la loi d'organisation judiciaire du 16 août 1790 puis dans la Constitution de 1791 de faire : « un Code de lois civiles communes à tout le royaume ». Toutefois la réalisation de ce projet ne sera pas immédiate. Pour l'Assemblée constituante, le Code pénal est prioritaire. L'Assemblée législative qui lui succède, reprend le projet. Au terme de longues discussions, elle parvient à organiser l'état civil et à instituer le divorce.

Le premier projet officiel de Code civil voit le jour sous la Convention. Il est l'œuvre du comité de législation, auquel sont associés d'éminents juristes comme Merlin de Douai et Guiton-Moreau. Le 9 août 1793, Cambacérès, président de ce comité, présente le nouveau texte. Il se compose de 719 articles regroupés en trois livres : les personnes, les biens et les contrats. Profondément novateur sur le plan familial, il fixe la majorité à 18 ans, conserve « le divorce non seulement pour des causes indéterminées mais aussi par le consentement mutuel ou par l'incompatibilité d'humeur », décide de la gestion commune des biens du ménage par les deux époux, donne aux enfants naturels reconnus par leur père les mêmes droits successoraux qu'aux enfants légitimes.

La discussion du projet se déroule du 22 août au 28 octobre 1793. Les Montagnards le trouvent « trop étendu et encroûté des préjugés de la vieille routine ».

La Convention adopte une motion qui le renvoie à une commission de philosophes : le texte est « trop compliqué » selon Cambon, « il est très important de le réduire en idées élémentaires » ; son intervention est appuyée par celle de Fabre-d'Eglantine : « il faut le purger ... des préjugés que des hommes de loi auraient pu y laisser ».

La commission

La commission, en fait composée de juristes, ne s'est jamais réunie et Cambacérès, souhaitant que son travail ne soit pas perdu, entreprend de le corriger. Le 23 fructidor an II, il présente une deuxième mouture de son projet réduit « à une collection de maximes ou plutôt à une table raisonnée des matières ». Sur les 297 articles, la Convention adopte les dix premiers en frimaire an III et suspend l'examen des autres.

C'est devant le Conseil des Cinq-Cents que Cambacérès présente son troisième projet de Code civil, le 24 prairial an IV (14 juin 1796). Composé de 1104 articles, c'est, aux dires de Portalis, un texte « dans lequel les matières se trouvent classées avec autant de précision que de méthode ». On y retrouve le plan et les grands principes du projet de 1793 avec quelques modifications : notamment l'importance du mariage y est affirmée, l'adoption réservée aux seuls parents sans enfant et la femme mariée frappée d'incapacité dans le régime légal de la communauté.

En janvier et février 1797, le Conseil des Cinq-Cents adopte les deux premiers articles et renvoie le texte à une commission chargée d'étudier les points d'achoppement. Cette commission est supprimée le 13 messidor an VI (1er juillet 1798) et pour la troisième fois, le projet de Cambacérès est abandonné. Portalis, dans son discours préliminaire de présentation du Code civil devant le Conseil d'Etat en 1801, lui rend cet hommage : « ce magistrat, aussi sage qu'éclairé, ne nous eût rien laissé à faire, s'il eût pu donner un libre essor à ses lumières et à ses principes ».