Les contemporains de Jules Ferry le décrivent souvent comme un homme froid et déterminé mais sensible. On rapporte souvent un dialogue avec Gambetta : " Tu me fais l’effet d’un rosier qui ne porte que des épines. – Mes roses fleurissent en dedans. ". Ce tempérament se retrouve dans la doctrine politique qu’il a forgée que l’on connaît sous le nom d’opportunisme et que l’on a même qualifiée de " ferrysme ".

L’opportunisme se situe à gauche de l’échiquier politique mais contrairement aux radicaux qui exigent des réformes immédiates ou aux socialistes qui parlent de révolution, il conçoit la justice sociale comme un idéal à atteindre par étapes, franchies pragmatiquement et au moment opportun : " la démocratie et la République sont le point d’aboutissement de tout progrès moderne ", explique-t-il. Et contrairement à Clémenceau qui pense que " la Révolution [de 1789] est un bloc ", il estime que " si la Révolution pouvait se passer de Bonaparte, elle n’avait pas besoin de Robespierre ".

Ainsi, alors que Jules Ferry est à ses débuts plutôt véhément, expliquant en 1869 qu’il faut " vouloir par dessus tout la décentralisation administrative, la séparation absolue de l’Etat et de l’Eglise, la réforme des institutions judiciaires par un large développement du jury, la transformation des armées permanentes ", il n’hésite pas, quelques années plus tard, à voter contre la liberté absolue d’association (28 janvier 1880), la liberté absolue de réunion (29 janvier), de la presse (28 janvier 1881), contre le divorce (8 février). Il a même déclaré à Aix en janvier 1876 " la France a besoin d’une politique conservatrice ! ".

L’opportunisme incarne en fait ce dont Jules Ferry a toujours rêvé : une gauche républicaine modérée et rurale, ce qu’il appelle " le centre gauche paysannesque ".