Présentation du colloque de MM. Jeanneney et Sirinelli

La mémoire française ? Pour la discipline historique, comme du reste pour les autres sciences sociales, l’usage d’un tel mot au singulier, de surcroît accompagné d’un adjectif aussi globalisant, requiert un examen préalable : existe-t-il, au sein d’une communauté nationale, une mémoire collective ?

Bien plus, sur un autre registre, le rôle des pouvoirs publics dans la prise en charge commémorative de certains pans de la mémoire collective, et leur contribution, de ce fait, au façonnement de celle-ci, doivent également être étudiés.

De telles analyses, assurément, gagnent à être placées dans une perspective comparative. Comment d’autres États-nations, ayant connu d’autres ébranlements historiques, en ont-ils ressenti les effets et géré les retombées mémorielles ? Et perçoit-on, par-delà une marqueterie de mémoires nationales, l’amorce d’une mémoire plus large, partagée par les populations de l’Europe ? Et, si oui, de quelle Europe est-il question ? La mémoire historique, à supposer qu’elle transcende les frontières nationales, a-t-elle acquis pour autant une teneur et une densité qui la rendent commune à des peuples aux destins initialement très contrastés ?

Faire dialoguer sur ces grands sujets des parlementaires éminents, nourris de leur expérience civique, et des historiens professionnels, formés à une réflexion sur les multiples échos du passé, devrait colorer ces travaux d’une manière originale et féconde.

Cette question, fort logiquement, sera au cœur de la première table ronde d’un colloque qui entend sonder les traces et les marques laissées sur cette communauté par une histoire française qui, entre 1940 et 1962, se fit particulièrement dense. Mais de telles empreintes ne sont jamais reproduites en l’état : entre les ébranlements originels, les ondes de choc en découlant et les perceptions par les générations successives s’interposent et interagissent des processus de transmission qu’il convient également d’analyser. Les médias, notamment, constituent des vecteurs de mémoire aux effets complexes et multiformes.

Jean-Noël Jeanneney, Professeur des Universités, ancien Ministre

Jean-François Sirinelli, Professeur à l’institut d’Études Politiques de Paris et directeur du Centre d’histoire de Sciences -Po