Mes chers compatriotes,

Président de la République, j'ai l'impérieux devoir de préserver, en toutes circonstances, l'unité nationale, le respect de la Constitution, le fonctionnement des pouvoirs publics, la continuité de l'Etat.

C'est parce que vous m'avez confié cette haute responsabilité que je m'adresse à vous ce soir.

Dans un pays comme le nôtre, où toutes les libertés sont assurées, où aucune n'est menacée, où plusieurs ont été étendues ou conquises au cours de ces dernières années, je cherche, en dépit des campagnes outrancières dirigées contre ceux qui nous gouvernent, à définir les voies et les moyens d'un dialogue fructueux entre tous ceux qui, opposés dans leurs conceptions, sont demeurés capables de respecter ensemble les règles de la démocratie. Je pense en particulier au débat engagé sur l'école.

Qu'il soit bien clair que je ne considère pas qu'il soit illégitime ou choquant qu'ici ou là on ait songé à soumettre au référendum les nouvelles dispositions sur l'école, voulues par le Gouvernement. Ces dispositions traitent, en effet, d'un problème suffisamment important pour que la souveraineté nationale puisse s'exprimer de cette façon, à ce sujet. Encore faut-il que les institutions l'autorisent.

Dans l'état présent de notre droit, ce n'est pas Ie cas, et l'Assemblée nationale a eu raison de rejeter la récente proposition de référendum formulée par Ie Sénat.

Je dois dire à cet égard que, bien avant 1981, je me suis personnellement prononcé, à diverses reprises, en faveur de l'élargissement du domaine du référendum, limité trop strictement par l'article 11 de la Constitution à l'organisation des pouvoirs publics et à certains traités internationaux.

Dans la plupart des familles politiques de la majorité ou de l'opposition, d'autres que moi ont pris des positions voisines, voire analogues.

Je pense donc que le moment est venu d'engager la révision constitutionnelle qui permettra au Président de la République, lorsqu'il le jugera utile et conforme à l'intérêt du pays, de consulter les Français sur les grandes questions qui concernent ces biens précieux, inaliénables que sont les libertés publiques, et c'est le peuple qui tranchera.

C'est pourquoi, en application de l'article 89 de la Constitution, le Parlement sera saisi, dès la semaine prochaine, d'un projet en vue de réviser l'article 11.

Si, comme je veux le croire, les assemblées adoptent la loi en termes identiques, je vous demanderai de la ratifier par référendum. Vous vous prononcerez dans le courant du mois de septembre.

Il s'agit, je le répète, d'un indispensable préalable à toute demande de consultation populaire touchant aux libertés.

De son côté, le Gouvernement déposera un nouveau projet de loi fixant les rapports entre l'Etat, les communes, les départements, les régions et l'enseignement privé sur les points qui relèvent à l'évidence des procédures habituelles.

L'ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement actuellement en cours sera modifié en conséquence. Je demande au Parlement de poursuivre et d'achever sa tâche sur l'ensemble des autres projets qui restent en discussion. Il respectera de la sorte, comme il le doit, les droits que la Constitution confère au Gouvernement.

Françaises, Français, mes chers compatriotes, bien d'autres enjeux nous sollicitent. Il faut avant tout gagner la bataille pour la modernisation de la France et pour l'emploi, à laquelle je vous appelle à consacrer toutes vos forces. Mais rien ne sera possible ni durable si vous vous laissez entraîner à d'excessives divisions.

Ce projet de référendum, parce qu'il ouvre à notre peuple un vaste espace de liberté, renforcera, je le souhaite, l'unité nationale.

Je n'ai pas d'autre ambition pour le service de la patrie.

Vive la République! Vive la France!