EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les libertés sont une conquête de la République. Proclamées pour la première fois en 1789, elles expriment une conception de la vie en société dans laquelle le pouvoir du droit l'emporte sur la raison d'État ou le rapport des forces politiques et sociales en présence.

La Constitution du 4 octobre 1958, dans son article 34, laisse à la loi votée par le Parlement le soin de fixer les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Elle ne prévoit pas une intervention directe des citoyens dans une matière qui les concerne pourtant au premier chef.

En effet, l'article 11 de la Constitution, qui a instauré dans notre droit positif la possibilité de soumettre au référendum des projets de loi, ne l'a prévu que dans des domaines étroitement délimités. Outre l'approbation des accords de Communauté qui n'a plus qu'une valeur rétrospective, la procédure référendaire n'est susceptible d'être mise en œuvre que dans deux hypothèses : pour les projets de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics et pour les projets tendant à autoriser la ratification de certains traités.

Il apparaît souhaitable d'en étendre le champ d'application à un domaine essentiel : les grandes questions qui concernent ces biens précieux et inaliénables que sont les libertés publiques.

Sous cette dénomination, la tradition constitutionnelle française recouvre les libertés proclamées par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par les préambules des Constitutions de 1946 et 1958 et, plus généralement, celles ressortant des «principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

S'appuyant sur les dispositions du préambule de la Constitution de 1958. Ie Conseil constitutionnel a donné une valeur constitutionnelle à ces libertés.

Sur les grandes questions qui s'y rattachent. il est souhaitable d'élargir les possibilités de recours au référendum, de façon à pouvoir consulter directement le peuple français.

Le présent projet tend à modifier en conséquence l'article 11 de la Constitution. Il fortifie la démocratie dans notre pays. Il marque un progrès important dans le domaine des libertés.

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Sur la proposition du Premier ministre,

Le Président de la République,

Vu l'article 89 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi constitutionnelle portant révision de l'article 11 de la Constitution pour permettre aux Français de se prononcer par référendum sur les garanties fondamentales en matière de libertés publiques, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État (commission permanente), sera présenté au Sénat par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion,

Article unique. - Le premier alinéa de l'article 11 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, concernant les garanties fondamentales des libertés publiques ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

Fait à Paris, le 20 juillet 1984.

François Mitterrand

Par le Président de la République :

Le Premier ministre

Laurent Fabius

Le garde des Sceaux, ministre de la Justice

Robert Badinter

Doc. S. 1983-1984 n° 480