Cyber-débat avec Monique Cerisier Ben Guiga, Sénateur des Français établis hors de France

Gladys : comment se fait-il qu'une mère de famille, avec ses trois enfants, ait des difficultés pour rentrer en France et qu'ensuite elle soit abandonnée dans un centre d’accueil ? Il ne serait pas préférable d'organiser son retour et son insertion dans la vie sociale et du travail avant son départ du pays étranger ? Merci

Il existe un organisme qui permet d'organiser le retour en France d'une mère de famille avec 3 enfants. Le problème c'est que, faute de financement, le centre d'entraide aux rapatriés à Vaujours, en Seine St Denis et contrairement à ce que dit Gladys, la mère de famille n'est pas abandonnée, mais cela n'est pas toujours très rapide.

Julio Perez : Ici Francfort. Ta visite est attendue à EUMETSAT et à l'ESA pour que tu puisses y rencontrer des compatriotes. On en parle ?

Je pense que le mieux sera de se téléphoner ce soir !! Je t'appelle ce soir, si tu es à ton domicile !

Thierry & Emilie : Bonjour ! Nous sommes deux français de 25 ans résidant au Canada. Nous vivons en concubinage depuis 2 ans ici et sommes très inquiets à propos du service national. Je suis titulaire d'un report de 2 ans (L5BisA) qui expire en décembre 2000 et est éventuellement prolongeable. Une incorporation serait catastrophique pour nous sur le plan financier et professionnel. Question : cela serait-il judicieux de demander une dispense du service national au titre de l'article L32 car "une incorporation entraînerait une situation économique et sociale grave" ?

Il faut bien sur demander une dispense et donner une preuve que vous avez un emploi au Canada. Cette dispense est généralement accordée.

Certa : Petite question civique : combien de sénateurs représentent les Français à l'étranger, par quel collège sont-ils (sont-elles) élu(e)s, et y a t il des députés élus d'une façon similaire ?

Il n'y a pas de députés des français à l'étranger. En revanche il y a 12 sénateurs, élus par un collège de grands électeurs pour lequel les Français de l'étranger peuvent voter dans leur pays de résidence. Cette année le renouvellement a lieu le 18 juin.

christelle : Ne pensez-vous pas que les règles régissant la nationalité ne devraient pas être modifiées à chaque changement de gouvernement ?

Ah non ! Ce qui est significatif c'est sa permanence, et les modifications sont limitées. Moins il y en a, mieux c'est.

Claude : Travailler pour les expatriés à l'étranger n'est-il pas aussi travailler pour les étrangers en France ? afin que tous les expatriés de tous pays soient biens accueillis partout quelles que soient leurs origines ?

Il est évident que le sénateur des Français à l'étranger est sensible aux questions des étrangers en France car ce sont des Français de l'étranger qui me demandent de m'occuper d'étrangers vivant en France. Il faut savoir que la moitié des Français vivant à l'étranger sont bi-nationaux et donc en relation étroite avec les sociétés des pays dans lesquels ils sont installés.

Certa : Madame le Sénateur : à l'heure où la conscription vit ses derniers mois, ne pouvez-vous pas faire un geste pour ces deux jeunes Français au Canada (soyons directs !) ?

Il faut m'envoyer un courrier à mon bureau avec tous les éléments ! Comme je le fais pour tous les autres cas !

Marie : Comment comptabilisez-vous les Français à l'étranger ? Ils ne se déclarent pas tous, si ?

L'inscription au consulat n'est pas obligatoire. Selon les pays, les Français s'immatriculent plus ou moins. Actuellement, 1 million sont immatriculés, et nous estimons à 700 ou 800.000 ceux qui ne le sont pas. Plus la vie est difficile dans le pays d'accueil, plus les français s'immatriculent.

Laurent : Dans quel pays sont-ils le plus nombreux ? Et le moins nombreux ?

Les pays sont tous les pays de l'Union européenne (la moitié des Français de l'étranger y résident), soit 500.000 personnes, avec autant de non-immatriculées. Pour les moins nombreux, je ne saurais dire.

Souris : Les sociétés françaises qui s'installent en Italie et ailleurs, je pense, ne peuvent pas embaucher des Français qui sont sur place et au chômage...!

Toutes les sociétés en union européenne peuvent embaucher des français. il n'y a pas de préférence nationale dans l'union. d'ailleurs, beaucoup de sociétés ont recours au bureau à l'emploi installé dans chaque consulat pour embaucher des Français.

Moki : Quelles sont les difficultés les plus importantes auxquelles se heurtent les expatriés ?

Hors union européenne et pays développés, les gros problèmes sont : assurance maladie, sécurité sociale et la scolarisation des enfants, surtout si les systèmes scolaires publics locaux sont très dégradés et ne constituent pas une alternative aux écoles française qui restent très onéreuses.

Claude : Un Français qui ne vit pas en France mais dans la CEE est-il un expatrié ?

C'est une question que nous nous posons. Je pense qu'il reste un expatrié sur le plan culturel et qu'il l'est de moins en moins sur les plans sociaux et civiques.

Fly : ne croyez-vous pas que les Français s'expatrient en priorité à cause des taxes appliquées en France ?

C'est un thème habituel de propagande de certaines revues. Cela ne correspond pas à la réalité. Il est intéressant de s'installer à l'étranger pour payer moins d'impôts que lorsqu'on est vraiment très très riche !

Luc : Les Français sont-ils de plus en plus nombreux à partir ?

Il y a eu depuis 93-94 un certain nombre de départs, mais l'expatriation est difficile, il y a eu donc beaucoup de retours. Mais l'idée de partir est aujourd'hui plus répandue qu'avant.

Claude : Comment sont accueillis les Français a l'étranger ; y a-t-il du racisme comme en France ou 70 % des gens sont anti émigrés voleurs d'emplois...

Tous les pays bloquent tant qu'ils le peuvent, l'accueil des étrangers. Il ne faut surtout pas partir à l'aventure sans connaître les lois du pays où l'on souhaite aller. Par exemple : il est impossible d'obtenir une carte de séjour et de travail aux USA ou en Australie sans avoir été pré-recruté en France.

Marie : Si l'on veut s'expatrier, quels organismes peuvent nous y aider ?

Il faut aller à la Maison des Français de l'étranger, un lieu d'information, mais il n'y a pas, à ma connaissance, d'autres organismes. Les associations des Français de l'étranger, l'union des Français de l'étranger peuvent apporter un appui, mais simplement de l'information. L'association démocratique des Français à l'étranger, dont je suis la vice-présidente, peut également apporter des informations.

Lucie : Internet est très pratique pour communiquer avec les expatriés, non ?

Oui, c'est très pratique mais je constate que lorsqu'un problème est complexe, le défaut d'Internet est d'envoyer des infos trop peu précises et sans les pièces annexes qui permettent de les comprendre. Le courrier traditionnel reste très utile pour les dossiers complexes.

Vinia : Les expatriés paient-ils leurs impôts en France ?

Tout dépend du pays où ils sont installés et de leur statut. Une partie les paie en France, l'autre à l’étranger. Par exemple : les fonctionnaires à l'étranger les paient en France. La règle est qu'on paie des impôts à l'état qui vous rémunère. Mais tout dépend de la convention fiscale bilatérale entre le pays de résidence et la France.

Claude : Comment se conduit une campagne électorale dans un pays étranger ; comment sont informés les électeurs alors qu'ils sont dans différents pays et que la campagne n'est pas médiatisée ? Qui sont les grands électeurs à l'étranger où il n'y a pas de maires français ?

Je pense que vous parlez de la campagne des conseillers au conseil supérieur des Français à l'étranger et la loi est qu'il n'y a pas de "campagne électorale".

C'est une loi qu'il faudra changer car profondément antidémocratique. On peut très bien faire campagne électorale parmi les Français, sans gêner en rien la souveraineté du pays d'accueil.

Il faudra revenir là-dessus. Quant à l'élection sénatoriale, ils font leur campagne auprès des 150 délégués du Conseil supérieur des Français à l'étranger. Je pense qu'Internet sera le vecteur privilégié des campagnes électorales des Français à l'étranger.

Marc : Quelles sont les professions qui s'expatrient le plus ?

La France exporte sa matière grise. 80 % des Français de l'étranger travaille dans le tertiaire, même plus maintenant, on doit être plus proche des 90 %. Et 30 % des Français à l'étranger sont cadres ou professions intellectuelles. Ce qui est très élevé. En France, ils ne représentent que 10 %. Les autres sont profession intermédiaire, enseignement, santé, et employé.

Fly : c’est amusant qu'un sénateur ne donne comme exemple que les fonctionnaires, parlez svp un peu des privés, donnez-nous par exemple les différentes charges en France par rapport au pays où il y a le plus d'expatriés? merci.

Je n'ai pas donné comme exemple seulement les fonctionnaires - seuls les fonctionnaires paient leurs impôts en France. Inversement, les employés du privé ou les indépendants paient dans leur pays de résidence.

Clarisse : L'éducation d'enfants français à l'étranger c'est un gros problème, vous avez des solutions ?

Il y a deux grandes solutions :

- mettre ses enfants à l'école française, quand on habite dans une capitale et qu'on est assez aisé pour payer les frais de scolarité, ou avec des revenus jugés insuffisants et qu'on peut obtenir des bourses scolaires. Un quart des français scolarisés en écoles françaises ont des bourses scolaires.

- mais pour la majorité des Français à l'étranger, la solution est l'école du pays d'accueil avec un complément à l'accès à la langue et à la culture française donné soit dans le cadre d'une section bilingue, soit grâce à des initiatives parentales comme à Zurich ou à Frankfort, soit par le CNED, le centre d'enseignement à distance.

Merci beaucoup Monique Cerisier-Ben Guiga, le mot de la fin ?

Je crois que les Français de l'étranger devraient prendre conscience rapidement que la résolution de leurs problèmes passe par une très forte mobilisation associative et politique. Puisqu'ils ne peuvent et ne souhaitent pas d'ailleurs bloquer des routes avec des poids lourds et remplir Paris de manifestants, il faut qu'ils soient très présents et très actifs dans les associations au niveau local et dans les partis politiques qui généralement ont des sections à l'étranger. Je vous invite à rejoindre les rangs du parti socialiste français à l'étranger.