Cyber-débat avec Xavier de Villepin, Sénateur des Français établis hors de France

Bonjour !

Fifi : Que pensez-vous du faux pas de Lionel Jospin au Proche-Orient ? Le Hezbollah est-il un mouvement terroriste ?

Je regrette le faux pas car il est très important au Moyen-Orient que le Hezbollah réintègre la vie politique libanaise. Il doit se transformer en mouvement politique.

Christelle : Quelle attitude la France doit-elle, selon vous, adopter vis a vis de l'Autriche ?

Je suis favorable à la position prise par les 14 pays européens. Pour l'avenir, il faut réfléchir à une règle du jeu plus claire afin d'éviter une montée du parti de M.Haider.

Colombe : Quelle rôle la France peut-elle jouer dans le processus de paix au Moyen-Orient ?

Le processus de paix est si complexe qu'il exige la présence de tous : États-Unis, Europe, France. Nous avons de bonnes relations avec les Palestiniens, les Syriens et les Libanais. Ces relations doivent nous aider à faire passer l'idée de la paix.

José : Que pensez-vous du retour au pays de Pinochet ?

S'il doit être jugé, je crois préférable qu'il le soit par les Chiliens que par les pays européens. Nous ne devons pas oublier la sensibilité particulière de nos amis d'Amérique latine.

Liliane : Pensez-vous qu'un jour l'Europe pourra parler d'une même voix dans politique étrangère ?

Je le souhaite, mais je crois que cela sera long avant de parler d'une même voix. Les réformes qui sont sur la table, soit pour la partie institutionnelle, soit pour l'élargissement, devraient nous entraîner vers une meilleure compréhension des positions des 15 pays.

Laziz : Quels sont les grands chantiers européens actuellement ?

La réforme institutionnelle, l'élargissement, la charte des droits me paraissent les plus importantes. D'autres souhaitent une constitution des pays d'Europe. Mais pour ma part je crois que c'est prématuré.

Max : Bonjour, webmaster de www.dienbienphu.org dédié à tous les combattants de cette tragique bataille afin que ces soldats ne soient pas "voués à l'oubli" comme a écrit Antoine de Saint-Exupery : quels sentiments éprouve-t-on aujourd'hui ?

Pour ma part, mon meilleur ami est mort à Dien Biên Phu, je garderai toujours son souvenir. Les soldats français ont peut-être dans cette bataille subit une défaite, ils ont aussi écrit une page de gloire.

Mohamed : Où en sont les relations entre la France et l'Algérie ?

Elles s'améliorent, notamment sur le plan des visas, de l'ouverture des consulats, et de notre centre culturel à Alger. Le président Bouteflika doit venir en France dans les mois qui viennent, je suis sûr que sa visite marquera une nouvelle amélioration de nos rapports avec ce pays ami.

Mathieu : Pourquoi la France intervient-elle au Kosovo et pas en Tchétchénie ou au Tibet ?

Le Kosovo fait partie des Balkans. Nous ne pouvons pas oublier la tragédie des réfugiés, environ 1 million de personnes, la Tchétchénie fait partie intégrante de la Russie. Ceci dit, l'attitude des troupes russes vis à vis des civils est inadmissible. Nous devons le faire savoir à Monsieur Poutine.

JP : La France a-t-elle encore une politique étrangère en Afrique ?

Oui. Et je peux vous dire que, comme tous les membres de ma commission, nous allons suivre dimanche avec un très grand intérêt les élections au Sénégal.

Luc : Pourquoi la France a-t-elle perdu autant de terrain sur la politique étrangère par rapport au temps de de Gaulle ?

Notre politique a changé, nous n'intervenons plus dans les conflits intérieurs de l'Afrique. Nous souhaitons la démocratie, l'alternance. Également une aide plus forte de la part de notre Gouvernement.

Le monde a changé depuis 70,année où le Général de Gaulle nous a quittés. Nous sommes en face d'une mondialisation, d'une prise de conscience des problèmes des pays en voie de développement, et nous ne pouvons plus avoir la même politique étrangère. Elle doit rester ouverte sur le monde, sensible au plus pauvre pays, et capable de se mobiliser rapidement. C'est le voeu que nous formons pour la France.

Louis : Quels pays sont pressentis pour rejoindre les premiers l'Union Européenne ?

En première étape, la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque. D'autres pays suivront, mais nous ne devons pas sortir des règles et notamment du respect de l'acquis communautaire. Notre communauté doit être une communauté de valeurs et de principes, aller trop vite serait oublier les efforts faits par les 15 pays pour devenir européen.

Abrahamian : vous êtes un des 14 membres sur les 20 de la Commission des présidents du Sénat qui se sont opposés à l'inscription à l'ordre du jour du Sénat du projet de loi reconnaissant le génocide arménien. Vous regardez-vous toujours dans la glace le matin ?

Oui, je suis l'un des 14 de la conférence des présidents. je ne crois pas qu'une loi puisse qualifier l'histoire. Je souhaite la réconciliation de l'Arménie et de la Turquie. Mon vote a pour souci l'intérêt de la France, tout en étant prêt à reconnaître la souffrance de nos amis arméniens.

Superattac : Est-il normal que les intérêts économiques de la France à l'étranger priment sur toutes autres considérations ?(ex. Total en Birmanie qui grâce a son investissement permet à la dictature d'acheter des armes pour massacrer des démocrates...).

Les aspects économiques ne doivent pas être les seuls en cause pour définir la politique de la France. On peut espérer que les relations économiques contribueront à mieux faire passer dans les esprits l'exigence des droits de l'homme. Il faut à la fois se connaître, échanger et se parler franchement.

Bill : Par rapport aux États-Unis, la France n'a pas vraiment d'influence sur la scène internationale ? Comment y remédier ?

Je ne crois pas qu'il soit exact de dire que la France n'a pas d'influence dans les relations internationales .Vis à vis de l'Irak, où nous avons un différent avec les amis américains, nous pensons qu'il faut prendre en compte les souffrances du peuple irakien tout en continuant à demander le contrôle des armements de ce pays.

Victor : Etes-vous favorable au droit d'ingérence ?

Je suis pour ma part réservé sur ce droit. Nous ne pouvons pas intervenir à tout moment. Il faut le faire avec beaucoup de réflexion. Si ce droit existe, il ne doit pas avoir d'autre but que de préserver les plus pauvres et les plus déshérités.

Ali : L'ONU est née de l'équilibre des forces après la seconde guerre mondiale, son mode de fonctionnement est dépassé, à quand une réforme ?

Vous avez raison, elle est souhaitable et la France fait tout ce qu'elle peut pour avancer, mais c'est difficile. Combien de membres pouvons-nous admettre au conseil de sécurité ? S'il veut rester efficace, nous devrions les limiter. En admettant bien entendu par priorité l'Allemagne et le Japon.

Superattac : Pourquoi la coface donne son accord pour l'implantation d'entreprises dans des pays ou l'on sait que l'argent apporté ira à l'achat d'armes?

Certains pays souhaitent se défendre. Personnellement je ne leur donne pas tort. L'histoire de notre pays démontre qu'une nation doit rester attentive.

Les événements récents dans l'ex Yougoslavie, au Kosovo, au Koweit, en Afrique, démontrent que l'état de guerre continuera au XXIè siècle. Le pacifisme ne peut être une méthode pour tous ceux qui veulent rester libres.

No Frontier : Pourquoi personne ne condamne plus fermement les pays qui ne respecte pas les droits de l'homme ? La France est particulièrement silencieuse sur ce sujet ?

Je ne crois pas que la France soit silencieuse, sa diplomatie et son Président de la République, en particulier, insistent sur ce sujet dans toutes les grandes rencontres internationales. C'est le cas en Russie, en Chine en Turquie, et en Afrique.

Livia : Sur quels dossiers de politique étrangère travaillez-vous actuellement ?

Dans l'immédiat, nous avons particulièrement travaillé sur deux élections importantes : celle de Taiwan, celle du Sénégal.

A mi-avril, nous partirons en Iran avec une mission pluraliste pour étudier les relations entre réformateurs et conservateurs. Il nous paraît essentiel pour l'avenir de la région que l'Iran, tout en maintenant sa culture et ses croyances religieuses, revienne à la démocratie, au respect des droits de l'homme, et au souci de la paix dans toute la région du Moyen-Orient.

Nicolas : Comment prétendre faire respecter les droits de l'homme alors que les états de la planète n'arrivent pas à s'entendre sur la définition du terme "droits de l'homme" ?

Je vous répondrai par des exemples pratiques : en supprimant la peine de mort, en respectant l'égalité des femmes et des hommes et en donnant aux enfants le droit essentiel à l'éducation.

Laetitia : Renouer des relations avec l'Iran alors qu'il finance des organisations terroristes, ça ne vous fait rien ?

L'Iran a pu être traité d'état terroriste, je crois que cela n'est plus vrai. L'Iran se rapproche des pays de la région, et il s'opposent aux drames qui se déroulent en Afghanistan. L'élection du président Khatami, en 97, conduit lentement mais je l'espère sûrement un changement des idées en Iran. Il a été élu par les jeunes et par les femmes.

Laetitia : Êtes-vous apparenté à Dominique de Villepin, secrétaire général de l'Elysée ?

Oui, c'est mon fils.

Jim : Quelles sont les grands enjeux de la présidence française de l'Union européenne ?

Réussir la réforme des institutions, définir la progression des élargissements, et s'entendre sur une politique de sécurité et de défense commune.

Jim : Père centriste, fils chiraquien : les dîners familiaux se passent bien ?

Merci pour cette question sur ma vie de famille. J'ose vous avouer que nous ne parlons pas de politique.

Superattac : Les États-Unis respectent-ils les droits de l'homme en appliquant la peine de mort alors qu'il y a toujours une possibilité aussi infime soit-elle pour que le condamné soit innocent ?

Je suis reconnaissant aux États-Unis d'avoir libéré notre pays à deux reprises. Par contre, je regrette l'extension et le développement de la peine de mort dans ce pays.

Le mot de la fin Monsieur de Villepin, merci...

Merci d'avoir recherché le dialogue, merci de votre gentillesse, j'ai été heureux de parler avec vous !