Mme Nelly Tocqueville, présidente du groupe d’amitié, MM. Simon Sutour, vice-président, Rachel Mazuir, secrétaire, Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine di Folco MM. Pierre Laurent et Sébastien Meurant ont reçu au Sénat, le 11 juillet 2018, S. E. M. Pantias Eliades, Ambassadeur de la République de Chypre en France.

Après l’allocution de bienvenue de la présidente, l’ambassadeur chypriote a dressé un panorama des relations bilatérales entre Chypre et la France et a présenté la situation sur l’île et l’état des négociations relatif à la réunification.

Les relations entre nos deux pays n’ont cessé de se renforcer depuis le début des années 2000 ; en particulier l’épisode de la crise israélo-libanaise de 2006, au cours de laquelle des ressortissants européens, notamment français, ont été évacués via le territoire chypriote, a démontré la position géostratégique centrale de Chypre au Proche-Orient et a contribué à rapprocher la France et Chypre. Depuis lors, les visites entre les autorités des deux pays s’enchaînent régulièrement au plus haut niveau.

M. Eliades a rappelé que la Turquie occupe militairement plus d’un tiers du territoire chypriote depuis 1974 et que les 44 000 soldats turcs présents en permanence sur l’île sont déployés dans une configuration offensive.

Le cycle de négociations menées sous l’égide du secrétaire général de l’ONU, en juillet 2017 à Crans-Montana, n’a pas permis d’aboutir à un accord, malgré l’investissement réel des deux parties. Les Chypriotes sont les déçus de cet échec qui tient à la volonté constante de la Turquie de maintenir une présence militaire permanente avec droit d’intervention, même après la réunification.

La politique turque de colonisation des terres chypriotes réalisée par le transfert de populations pauvres du nord-est de l’Anatolie a en outre créé un problème démographique. En 1973, la population chypriote turque était estimée à 114 000 personnes ; 45 000 Chypriotes turcs ont émigré et environ 200 000 à 300 000 Turcs ont colonisé la partie septentrionale de l'île, s'ajoutant aux 44 000 soldats turcs. Ces populations pauvres, conservatrices et très religieuses, sont un facteur majeur d'instabilité pour le pays et représentent un véritable défi pour le règlement de la partition.

Le véritable interlocuteur dans la négociation est donc la Turquie et non la République turque de Chypre du Nord. Du reste, les jeunes dirigeants chypriotes turcs s’alignent de plus en plus sur la position d’Ankara. M. António Guterres mène une action diplomatique sur ce sujet et doit nommer un envoyé spécial de l’ONU[1]. La France, acteur global, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et acteur majeur de l’Union européenne, pourrait, selon l’ambassadeur, jouer un rôle important dans le règlement.

Par ailleurs, d’importants gisements d’hydrocarbures ont été découverts en Méditerranée. Chypre, le Liban, Israël, la Jordanie et l’Égypte se sont entendus pour exploiter ces gisements. Israël a commencé à extraire ceux qui se trouvent dans sa zone économique exclusive, et Chypre souhaite pouvoir faire de même.

Néanmoins, la Turquie empêche les compagnies pétrolières d’installer leurs plateformes d’extraction ; ainsi, la marine turque a adressé au capitaine de la plateforme d’ENI un ultimatum le menaçant d’ouvrir le feu s’il s’y installait. La société Total a pu installer la sienne au moment où la ministre française des Armées était à Chypre et où des frégates françaises croisaient au large de l’île.

Le gouvernement chypriote espère pouvoir lancer l’exploitation dans deux ans, mais la question de l'acheminement des hydrocarbures vers l'Europe se pose également, car la Turquie exige que le gazoduc passe par son territoire.


[1]Jane Holl Lute, envoyée spéciale de l’ONU à Chypre, a été nommée à la fin de juillet.

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