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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Ministère de l'Europe

et des affaires étrangères

Projet de loi

autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord

sur l'accession de la République de Macédoine du Nord

NOR : EAEJ1913326L/Bleue-1

ÉTUDE D'IMPACT

I. Situation de référence

Le Traité de l'Atlantique Nord, qui institue l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), a été signé à Washington le 4 avril 1949 par douze pays 1 ( * ) . Après plusieurs adhésions successives 2 ( * ) , l'Alliance compte aujourd'hui 29 membres. L'objectif essentiel et immuable de l'Alliance, tel qu'il est énoncé dans le traité de l'Atlantique Nord, consiste à sauvegarder la liberté des peuples qui la constituent et à unir les efforts des membres pour leur défense collective et la préservation de la paix et de la sécurité. A cette fin, l'Alliance dispose d'un système d'états-majors intégrés (la NATO Command Structure ou NCS) qui peut, sous certaines conditions, prendre le commandement de forces nationales interopérables, afin de réaliser les trois missions principales de l'Alliance : la défense collective, la gestion de crise, et la sécurité coopérative. A cette fin, le budget de l'Alliance est de 2,25 Mds€ par an, réparti entre les Alliés selon une clef « revenu national brut » (RNB).

Chaque adhésion à l'Alliance a été soumise à l'accord du Parlement français en raison de l'importance politique de l'élargissement de l'OTAN pour la sécurité et la paix en Europe, découlant en particulier de l'obligation d'assistance en cas d'attaque armée contre l'un des membres, inscrite à l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord 3 ( * ) .

Depuis la proclamation de son indépendance le 17 septembre 1991, un différend sur la question du nom de la Macédoine opposait Skopje (Macédoine du Nord) et Athènes (Grèce). La Grèce estimait en effet que le nom « Macédoine » ne peut désigner que la région grecque de Thessalonique, alors que Skopje mettait en avant le fait qu'une petite partie de la Macédoine antique s'étendait sur son territoire actuel pour s'en revendiquer l'héritière. Le pays avait ainsi été admis à l'ONU, le 8 avril 1993, sous le nom provisoire d'« Ancienne République yougoslave de Macédoine » (« Former Yugoslav Republic of Macedonia » en anglais), nom sous lequel la France a officiellement reconnu ce pays le 11 janvier 1994. Un accord intérimaire entre l' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » et la Grèce, signé le 13 septembre 1995, définissait leurs relations en attendant qu'elles trouvent une solution à leur différend.

Suite à la désignation par l'Organisation des Nations unies (ONU) d'un médiateur, M. Matthew Nimetz, ressortissant des Etats-Unis, les deux Parties ont acté le principe d'un nom composé sans pour autant parvenir à un accord. La Grèce souhaitait qu'un accord ait une portée « erga omnes », c'est-à-dire opposable à l'égard de tous sur le plan international y compris en droit interne dans l' « Ancienne République yougoslave de Macédoine ». Cela supposait, toutefois, pour Skopje, des implications importantes notamment une révision de la Constitution, une modification des documents d'identités et de toutes les inscriptions officielles.

Le non-règlement de la question du nom de l' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » a longtemps obéré l'avenir de ce pays. Ainsi, d'une part, si la Macédoine du Nord a été le premier pays des Balkans à obtenir le statut de pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne (UE), le 16 décembre 2005, Athènes a fait obstacle à l'ouverture des négociations d'adhésion de ce pays lorsque la Commission européenne l'a recommandée pour la première fois le 1 er octobre 2009. D'autre part, l' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » n'a pas pu adhérer à l'OTAN lors du sommet de Bucarest en 2008. A l'occasion de ce dernier, les pays alliés ont décidé qu'une invitation à adhérer à l'Alliance atlantique serait adressée à l' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » « dès qu'une solution mutuellement acceptable aura été trouvée à la question du nom ». Skopje disposait toutefois d'un Plan d'action pour l'adhésion (MAP) depuis 1999 et a pu poursuivre les réformes nécessaires à celle-ci.

Après la crise politique qu'a traversée l' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » entre 2014 et 2017, les discussions entre Skopje et Athènes ont repris à l'été 2017, à l'initiative du nouveau Gouvernement macédonien. En effet, le Premier Ministre, M. Zoran Zaev, a fixé la résolution de la question du nom comme priorité en vue de reprendre le cours des réformes nécessaires à l'adhésion à l'UE et à l'OTAN. Après plusieurs mois de négociations, avec la participation du médiateur des Nations unies, les ministres grec et macédonien des Affaires étrangères, MM. Kotzias et Dimitrov, ont signé un accord bilatéral, le 17 juin 2018, sur les rives du lac Prespa, partagé entre les deux pays. L'accord, dit de « Prespa », a été conclu en dépit des oppositions, notamment celles des nationalistes et des responsables religieux. D'une part, cet accord règle principalement la question de la dénomination de l' « Ancienne République yougoslave de Macédoine » qui est alors dénommée « République de Macédoine du Nord » (ou « Macédoine du Nord »), tant dans le cadre des relations internationales que dans le pays lui-même. D'autre part, l'accord prévoit un approfondissement des relations bilatérales entre la Grèce et la Macédoine du Nord.

II. Historique des négociations

L'entrée en vigueur de l'accord de Prespa supposait sa ratification par la Macédoine du Nord ainsi que la modification préalable de sa Constitution pour y introduire le nouveau nom. Cette dernière condition a été remplie par Skopje non sans difficultés. Ainsi, le referendum consultatif du 30 septembre 2018 visant à recueillir le soutien des électeurs à l'accord a reçu 91 % de « oui » pour un taux de participation de 37 % seulement et l'approbation définitive par le Parlement des amendements constitutionnels à la majorité des deux tiers requise a été obtenue par 81 voix sur 120, le 11 janvier 2019.

Par la suite, le Parlement grec s'est prononcé par 153 voix sur 300 en faveur de la ratification de l'accord de Prespa le 25 janvier 2019, puis de celle du protocole d'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN le 8 février 2019, lequel avait été signé le 6 février 2019, à Bruxelles, par les 29 pays alliés et le ministre des Affaires étrangères de Macédoine du Nord, M. Nikola Dimitrov.

L'accord est entré en vigueur le 12 février 2019. La mission de la République de Macédoine du Nord aux Nations unies a adressé, le 14 février 2019, une note verbale à l'ensemble des Etats membres et observateurs pour leur notifier le changement de nom et expliquer les nouveaux usages à adopter en ce qui concerne la dénomination du pays.

III. Objectifs du protocole

L'objectif du protocole d'accession de la Macédoine du Nord à l'OTAN est de permettre à ce pays de devenir le 30 ème membre de l'Alliance atlantique conformément aux stipulations de l'article 10 du traité de l'Atlantique Nord. Celles-ci prévoient que peut accéder au traité tout « Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes du présent traité et de contribuer à la sécurité de la région de l'Atlantique Nord ».

Un tel élargissement est conforme à la « politique de la porte ouverte » de l'Alliance atlantique , qui contribue à développer la sécurité coopérative et donc la stabilité au sein de l'espace euro-atlantique. La France soutient la politique de la porte ouverte, mais évalue les candidats à l'adhésion selon leurs mérites propres, dans la mesure où ils contribuent au renforcement de l'Alliance, et sur la base de critères définis. Pour mémoire, les autorités françaises avaient ainsi donné, en décembre 2015, leur accord à l'adhésion du Monténégro, devenu le 29 e membre le 5 juin 2017.

IV. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de l'accord

Aucune conséquence environnementale n'est attendue de la mise en oeuvre du présent protocole. Il n'aura par ailleurs aucun impact sur l'égalité entre les hommes et les femmes, ni sur la jeunesse. En revanche, il produira des conséquences juridiques, économiques, sociales et financières.

a. Conséquences juridiques

L'adhésion de la Macédoine du Nord à l'OTAN étendra l'ensemble des dispositions prévues par le traité de l'Atlantique Nord à ce pays. Elle aura notamment pour effet d'élargir l'engagement de défense collective, à un allié supplémentaire. En effet, l'article 5 du traité prévoit qu'une attaque armée contre un ou plusieurs membres sera considérée comme une attaque dirigée contre tous les membres, et que chacun des alliés prendra en conséquence les mesures qu'il juge nécessaires pour apporter une assistance à l'allié attaqué.

Les stipulations du présent protocole sont pleinement compatibles avec, d'une part, les engagements de la France pris dans le cadre des Nations unies (articles 2 et 51 de la Charte des Nations unies) et, d'autre part, ses engagements dans le cadre de l'Union européenne. En effet, le traité sur l'Union européenne (article 42.7) renvoie aux engagements souscrits par les États membres dans le cadre de l'OTAN.

Enfin, il est à noter que ce protocole ne nécessitera pas de modification du droit français ou l'adoption de dispositions législatives ou réglementaires nouvelles.

b. Conséquences économiques

Dans le cadre de son adhésion à l'OTAN, la Macédoine du Nord s'est engagée dans un processus de rénovation de ses capacités militaires qui pourrait ouvrir des perspectives économiques à nos entreprises. Afin de moderniser leurs forces armées, les autorités de ce pays ont lancé différents appels d'offres auxquels ont répondu Thalès (moyens de communications, de commandement, de protection CYBER et de surveillance aérienne) et NEXTER (véhicules blindés). Le suivi de ces prospects est effectué par un comité d'armement bilatéral franco-macédonien (piloté par la direction générale de l'armement - DGA), qui s'est réuni pour la dernière fois le 25 juin 2018 à Skopje.

Au-delà, l'entrée en vigueur de l'accord de Prespa renforcera l'attractivité économique du pays et ouvrira des perspectives pour les entreprises françaises. Une entreprise française est ainsi bien positionnée pour remporter le marché du renouvellement des titres d'identité. La situation environnementale conduit les autorités de Macédoine du Nord à accroître la part des énergies renouvelables, ce qui pourrait amener à l'ouverture de parts de marché dans les domaines des transports et des infrastructures. Dans ces derniers domaines, les prospections d'Eiffage et de Bouygues témoignent d'un regain d'intérêt des entreprises françaises.

Pour mémoire, les échanges entre la France et la Macédoine du Nord sont en croissance continue depuis 2012, mais restent modestes (141 millions d'euros en 2018 -leur plus haut niveau depuis 2005). La France est le 17 e fournisseur de la Macédoine du Nord alors que dans le même temps ce pays est le 117 e client de la France. Pour l'heure le projet principal est celui de la station d'épuration des eaux de Skopje, dont l'étude de faisabilité conduite par la société d'ingénierie EGIS est financée par l'Etat français, avec un bon espoir que le contrat final (120 à 130 millions d'euros) soit attribué à Véolia, leader français des services de l'eau. La société NGE, un des grands groupes de travaux public français, a obtenu, pour sa part, un contrat pour les bassins qui sont liés au projet de station d'épuration des eaux usées (11 millions d'euros). Les travaux de la station devraient débuter en 2020 après une conférence des bailleurs prévue en 2019.

c. Conséquences financières

Le Bureau de la planification et de la politique générale des ressources de l'OTAN, qui fixe les contributions des pays membres selon un principe de partage des coûts fondé sur le revenu national brut, a établi que la République de Macédoine du Nord contribuerait à hauteur de 0,072 % (soit environ 1,7 M€ par an) aux financements communs de l'Alliance, regroupant les budgets civil et militaire, ainsi que le programme d'investissement au service de la sécurité (NSIP).

En conséquence, la révision des contributions devant permettre la participation de la République de la Macédoine du Nord aux budgets de l'Alliance entraînera une baisse modeste des contributions des Alliés, et donc de la France (de l'ordre de quelques dizaines de milliers d'euros selon l'estimation préalable faite par notre Représentation permanente auprès de l'OTAN).

V. Etat des signatures et ratifications

A la date du 19 mars 2019, sept membres de l'Alliance avaient ratifié le protocole d'adhésion signé le 6 février 2019 (Grèce, Albanie, Slovénie, Croatie, Bulgarie, Monténégro).

VI. Déclarations ou réserves

Sans objet.


* 1 La Belgique, le Danemark, la France, l'Islande, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Canada.

* 2 En 1952 la Grèce et la Turquie ; en 1955 la République fédérale d'Allemagne ; en 1980 l'Espagne ; en 1999 la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ; en 2004 la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie ; en 2009 la Croatie et de l'Albanie ; en 2017, le Monténégro.

* 3 « Les Parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les Parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles [...] assistera la Partie ou les Parties ainsi attaquées [...] y compris [par] l'emploi de la force armée [...] ».

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