TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION

DU CONSEIL DES MINISTRES

ÉTUDE D'IMPACT

PROJET DE LOI ORGANIQUE

relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire

NOR : JUSB2305129L/Bleue-1

10 mai 2023

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION GÉNÉRALE 5

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 24

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 27

TABLEAU D'INDICATEURS 32

Article 1er - Réforme des voies d'accès au corps de la magistrature et de l'intégration provisoire à temps plein 35

Article 2 - Evaluation des chefs de cour d'appel et de tribunal 80

Article 3 - Structure du corps judiciaire 98

I. Création d'un troisième grade de la hiérarchie judiciaire 98

II. Modification du ratio de magistrats placés 124

III. De certaines fonctions en cour d'appel 135

IV. Introduction d'un délai de retour après l'exercice de fonctions spécialisées ou en cas de passage du siège au parquet au sein d'une même juridiction 147

V. Durée limitée des fonctions à l'inspection générale de la justice et transparence de la nomination de son chef 159

VI. Modernisation des positions administratives et fixation des conditions de réintégration après une mobilité 171

VII. Recul de la limite d'âge pour le maintien en activité en surnombre 189

Article 4 - Priorité d'affectation 198

Article 5 - Affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination 209

Article 6 - Dialogue social 231

I. Rénovation de la commission d'avancement 231

II. Participation des magistrats aux comités sociaux d'administration 246

III. Négociation collective 254

Article 7 - Dispositions relatives à l'intégration provisoire à temps partiel 265

I. Magistrats à titre temporaire 265

II. Magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles 287

Article 8 - Amélioration du traitement des plaintes des justiciables, renforcement de la protection et de la responsabilité des magistrats 301

I. Commission d'admission des requêtes 301

II. Renforcement de la responsabilité des magistrats 318

III. Renforcement de la protection fonctionnelle des magistrats et création d'une protection des lanceurs d'alerte 333

IV. Égalité professionnelle 346

Article 9 - Modification du mode de scrutin des élections au Conseil supérieur de la magistrature 363

Article 10 - Dispositions diverses 375

I. Déclaration d'intérêts 375

II. Gestion dématérialisée du dossier administratif 385

III. Modifications diverses 395

Article 11 - Expérimentation d'un premier concours spécial 402

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1. LE CADRE JURIDIQUE ACTUEL

1.1. AU NIVEAU NATIONAL

1.1.1. La spécificité d'un statut relevant de la compétence du législateur organique

Aux termes du troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958, « Une loi organique porte statut des magistrats ». Cette loi organique doit respecter les principes statutaires posés expressément par les articles 64 et 65 de la Constitution qui prévoient le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et son corollaire, le principe d'inamovibilité des magistrats du siège, ainsi que les conditions d'intervention du Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM) dans le cadre des nominations et de la discipline des magistrats.

Ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel dans un considérant de principe, « en spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le Constituant a entendu accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats »1(*).

Pour assurer l'indépendance de la justice, les magistrats de l'ordre judiciaire sont les seuls agents de l'État dont le statut est fixé par une loi organique, ce qui apporte comme garantie essentielle que toute modification de ce statut est nécessairement examinée par le Conseil constitutionnel, en application de l'article 61 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a, en outre, considéré que, « dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe proclamé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, ils " sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leur vertus et de leurs talents" ; qu'il résulte de ces dispositions, s'agissant du recrutement des magistrats, en premier lieu, qu'il ne doit être tenu compte que des capacités, des vertus et des talents ; en deuxième lieu, que les capacités, vertus et talents ainsi pris en compte doivent être en relation avec les fonctions de magistrats et garantir l'égalité des citoyens devant la justice ; enfin, que les magistrats doivent être traités de façon égale dans le déroulement de leur carrière ; »2(*).

Les règles statutaires auxquelles sont soumis les magistrats sont définies par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

L'ordonnance du 22 décembre 1958 définit notamment :

- L'organisation du corps judiciaire, caractérisée par son unité nonobstant l'appartenance au parquet ou au siège, ainsi que les droits et les devoirs de ses membres (chapitre I) ;

- Les conditions de recrutement et la formation professionnelle des magistrats (chapitre II) ;

- Les procédures de nomination, qui se caractérisent par l'intervention du CSM et par des règles de nature à garantir l'indépendance de l'ensemble des magistrats et l'inamovibilité de ceux du siège (chapitre III pour les magistrats des premier et second grades, chapitre V pour les magistrats hors hiérarchie) ;

- Les conditions du recrutement de juges pour une durée limitée, à temps plein ou à temps partiel, et ayant vocation à n'exercer qu'une part limitée des attributions juridictionnelles (chapitre V bis : conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation, détachés judiciaires, magistrats exerçant à titre temporaire, magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ou non juridictionnelles) ;

- Les règles disciplinaires, caractérisées par un rôle du CSM distinct pour les magistrats du siège et ceux du parquet (chapitre VII) ;

- Les règles régissant les positions administratives (chapitre VIII) ;

- Les règles régissant la cessation de fonctions (chapitre IX).

Ainsi que le précise le Conseil constitutionnel, « la loi organique portant statut des magistrats doit [...] déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées »3(*).

En application de ce principe, un certain nombre de dispositions statutaires sont énoncées dans le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

D'autres textes réglementaires posent diverses règles statutaires, relatives notamment à la rémunération des magistrats.

1.1.2. L'articulation avec le statut général des fonctionnaires

Les magistrats de l'ordre judiciaire bénéficient d'un statut autonome, distinct du statut général des fonctionnaires, autonomie qui découle du principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire4(*), affirmé par l'article 64 de la Constitution et indispensable corollaire de l'indépendance des juridictions, est traditionnellement entendu comme une protection de l'autorité judiciaire contre les empiètements du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif5(*). Cette indépendance des juges constitue également l'obligation pour les magistrats de se mettre à l'abri de toute forme de dépendance dans l'exercice de leurs activités professionnelles.

L'autonomie statutaire se matérialise d'abord par le niveau de norme dont dépend le statut de la magistrature. Ce dernier relève du niveau organique en application de l'article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose que « Une loi organique porte statut des magistrats. »

Le statut général des fonctionnaires relève, quant à lui, de la compétence du législateur en application de l'article 34 de la Constitution, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat s'agissant du statut des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel6(*). Garant des libertés individuelles, le magistrat de l'ordre judiciaire est soumis à un statut propre qui constitue le miroir de la spécificité constitutionnelle des fonctions qu'il exerce.

Ainsi, les magistrats de l'ordre judiciaire ont été pendant longtemps privés du droit syndical qui n'a été inscrit au sein de l'ordonnance qu'à partir de la promulgation de la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature qui a introduit dans l'ordonnance statutaire un article 10-1. Le corps de la magistrature est aujourd'hui dépourvu d'instances de dialogue social dont la consultation est obligatoire et au sein desquelles les représentants des magistrats pourraient voter et émettre des avis7(*).

L'autonomie statutaire de la magistrature se matérialise ensuite par les règles qui organisent l'exercice des fonctions de magistrats comme, par exemple l'implication de l'organe constitutionnellement indépendant qu'est le Conseil supérieur de la magistrature dans la carrière des magistrats8(*) ou l'inamovibilité, principe non applicable aux fonctionnaires.

Néanmoins, les positions administratives applicables aux magistrats étant similaires à celles des fonctionnaires, l'ordonnance du 22 décembre 1958 renvoie expressément à certaines règles applicables à ces derniers en la matière.

Ainsi, aux termes du premier alinéa de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susmentionnée, « Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes :1° En activité ; 2° En service détaché ; 3° En disponibilité ; 4° Sous les drapeaux ; 5° En congé parental » et aux termes de l'article 68 du même texte « Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après. »

En application de ce principe, certaines règles prévues par le statut général des fonctionnaires et par ses décrets d'application9(*) s'appliquent aux magistrats placés dans les positions suivantes :

- Activité : soit principalement les règles régissant les congés de toute nature ou les mises à disposition ;

- Détachement : soit essentiellement les conditions du retour de détachement, les règles de départ étant en grande partie prévues par l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;

- Disponibilité : soit notamment de la définition des différentes catégories de disponibilité ;

- En congé parental.

Certaines de ces règles ayant été élaborées sans tenir compte des spécificités du corps judiciaire, il peut en résulter des difficultés d'application aux magistrats.

1.1.3. Un statut modifié à plusieurs reprises

L'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée a été modifiée à plusieurs reprises depuis son entrée en vigueur, la dernière remontant au 22 décembre 2021. Il sera rappelé ici les principaux apports des dernières modifications.

A - La loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature

Cette loi organique a apporté de profondes modifications dans la structure du corps des magistrats comme dans leur carrière, et ce dans le sens d'une accélération sensible de celle-ci :

- Augmentation du nombre des emplois classés hors hiérarchie ;

- Suppression des groupes au sein du premier grade et suppression corrélative des rubriques du tableau d'avancement ;

- Abaissement à sept ans de l'ancienneté requise pour l'accès au 1er grade ;

- Instauration de nouvelles conditions de mobilité pour l'accès au premier grade et à la hors hiérarchie.

Ces mesures ont été complétées, à l'initiative du législateur, par des dispositions limitant la durée d'exercice de certaines fonctions (magistrats spécialisés, chefs de tribunal et chefs de cour d'appel). Pour ce faire a été instauré, sauf pour les procureurs généraux, un mécanisme de double nomination simultanée, garantissant aux magistrats arrivés au terme de la durée maximum d'exercice des fonctions de retrouver une affectation pour laquelle ils ont donné leur accord.

Cette loi a également ouvert aux chefs de cour d'appel la possibilité de saisir les formations disciplinaires du CSM et a créé la sanction d'exclusion temporaire des fonctions. Elle a posé le principe de la publicité des audiences disciplinaires du CSM, sous réserve d'exceptions prévues pour la protection de l'ordre public, de la vie privée et des intérêts de la justice. En outre, cette loi a aménagé le mode de scrutin régissant l'élection au CSM des représentants des magistrats qui n'exercent pas des fonctions de chef de juridiction et a organisé les modalités de remplacement en cas de vacances de poste en son sein. Concernant l'organisation des audiences des formations du CSM compétentes en matière disciplinaire, la loi a précisé le mode de convocation des membres des formations disciplinaires du CSM, et organisé, en cas d'empêchement, la suppléance du premier président de la Cour de cassation et celle du procureur général près ladite cour, respectivement par le magistrat hors hiérarchie du siège ou du parquet de la Cour de cassation membre de la formation disciplinaire dont il s'agit.

B - La loi organique n° 2003-153 du 27 février 2003 relative aux juges de proximité

Cette loi organique a défini les conditions de recrutement et de nomination des juges de proximité ainsi que les modalités d'application à leur égard de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée. Ce statut a été abrogé par la loi organique du 8 août 2016 (cf. G - infra).

C - La loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats

En matière de recrutement, la loi organique du 5 mars 2007 a augmenté la proportion des magistrats issus des modes de recrutement hors concours (recrutements sur titre d'auditeurs de justice et intégrations directes) et a instauré une formation probatoire pour la plupart de ces modes de recrutement.

En matière de formation, elle a rendu obligatoire l'accomplissement d'un stage d'une durée minimale de six mois auprès d'un barreau ou comme collaborateur d'un avocat inscrit au barreau et elle a augmenté les pouvoirs du jury de classement des auditeurs. Une obligation de formation continue a, en outre, été instituée.

Sur le plan de la carrière, cette loi a modifié les règles relatives à la mobilité des magistrats, notamment en obligeant les magistrats souhaitant accéder à des fonctions placées hors hiérarchie à accomplir, après au moins quatre années de services effectifs dans le corps judiciaire, une période dite de mobilité statutaire au cours de laquelle ils ne peuvent exercer de fonctions de nature juridictionnelle. La durée de cette période de mobilité a été fixée à un an renouvelable une fois.

Par ailleurs, cette loi a apporté des changements significatifs en matière disciplinaire en instituant l'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans. Ces dispositions ont également augmenté le nombre de sanctions disciplinaires pouvant être assorties du déplacement d'office et interdit à un magistrat mis à la retraite d'office de se prévaloir de l'honorariat des fonctions.

   

La loi du 5 mars 2007 a obligé le garde des sceaux, ministre de la justice, à communiquer toute décision définitive d'une juridiction nationale ou internationale condamnant l'État pour fonctionnement défectueux du service de la justice à la fois aux chefs de cour d'appel et aux magistrats intéressés.

D - La loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution

Cette loi organique est la conséquence de la modification des dispositions de l'articles 65 de la Constitution relatives au CSM dans leur rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.

Elle a notamment mis en oeuvre la possibilité pour les justiciables de saisir le CSM d'une demande de poursuites disciplinaires à l'encontre d'un magistrat. En matière de sanctions disciplinaires applicables aux magistrats, elle a supprimé la suspension des droits à pension et remplacé la réprimande par le blâme.

E - La loi organique n° 2012-208 du 13 février 2012 portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature

La loi organique du 13 février 2012 a appliqué aux magistrats de l'ordre judiciaire le calendrier de relèvement de la limite d'âge par génération.

Par ailleurs, cette loi a modifié les règles applicables à la nomination des magistrats placés. En outre, elle a assoupli, d'une part, les conditions dans lesquelles les magistrats peuvent accomplir leur mobilité statutaire pour l'accès aux emplois hors hiérarchie, et d'autre part, le quota d'anciens magistrats référendaires à la Cour de cassation devant être nommés pour chaque nomination à un emploi hors hiérarchie de la Cour.

Enfin, elle a conféré de nouvelles attributions au comité médical national propre aux magistrats et instauré un comité médical national d'appel.

F - La loi organique n° 2013-1115 du 6 novembre 2013 relative au procureur de la République financier

Cette loi organique a rendu applicable au procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris les dispositions de l'article 38-2 de l'ordonnance organique du 22 décembre 1958. Ainsi, à l'instar du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, le procureur de la République financier près ce même tribunal ne peut exercer ses fonctions pendant plus de sept années. A l'expiration de cette période et à défaut de nouvelle affectation, ce dernier doit être déchargé des fonctions de procureur de la République financier près le tribunal judiciaire de Paris ; il exerce alors les fonctions d'avocat général à la Cour de cassation.

G - La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature

La loi organique du 8 août 2016 a modifié en profondeur l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. Cette réforme s'est inscrite dans le cadre de la réforme plus globale de la justice dénommée « J21 - la justice du 21ème siècle ». Ce vaste chantier, initié dès 2012, tendait à adapter la justice aux évolutions de la société en inscrivant l'institution judiciaire dans le mouvement de modernisation et de simplification des institutions publiques voulu par le Gouvernement. Dans ce cadre, deux lois qui s'articulent et se complètent ont été adoptées par le Parlement : une loi organique, le 8 août 2016, visant à renforcer l'indépendance de la magistrature, et une loi du 18 novembre 2016, visant à apporter des solutions aux difficultés rencontrées par les juridictions.

La loi organique du 8 août 2016 a ainsi renforcé les obligations déontologiques des magistrats en instaurant une obligation de déclaration d'intérêts remise à l'issue d'un entretien déontologique pour tous les magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles, en prévoyant que les membres du CSM remettent une déclaration patrimoniale à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et en créant un conseil de déontologie des magistrats ayant pour mission de rendre des avis sur toute question déontologique et d'examiner les déclarations d'intérêts.

Elle a, par ailleurs, consacré la liberté syndicale des magistrats et défini les conditions d'exercice de ce droit syndical.

Cette loi a également ouvert aux magistrats honoraires la possibilité d'exercer des fonctions juridictionnelles, soit en tant qu'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance et des cours d'appel, soit en tant que substitut ou substitut général. Elle a également intégré dans l'ordonnance statutaire les dispositions relatives à la réserve judiciaire des magistrats.

Il a aussi été procédé, dans le cadre de cette réforme à la fusion des statuts des magistrats exerçant à titre temporaire (ci-après MTT) et des juges de proximité en supprimant le statut de juge de proximité et en étendant les attributions des magistrats exerçant à titre temporaire.

Le statut du juge des libertés et de la détention a été aligné sur celui des autres magistrats exerçant des fonctions spécialisées.

Cette loi organique a procédé à diverses autres modifications :

- Relatives à la composition du corps judiciaire : renforcement de l'indépendance des magistrats de l'Inspection générale de la justice, création de nouvelles fonctions hors hiérarchie (premier président de chambre et premier avocat général dans les cours d'appel, et de premiers vice-présidents spécialisés dans les tribunaux) ;

- Relatives au recrutement et à la formation professionnelle : l'extension des missions confiées à l'Ecole nationale de la magistrature (ci-après ENM), la modification des conditions d'accès à l'ENM, notamment la nomination directe en qualité d'auditeur de justice des juristes-assistants, l'amélioration de la formation des magistrats, en permettant notamment, que le stage changement de fonction soit de plein exercice et en supprimant toute référence à une durée minimale du stage avocat, et l'harmonisation des conditions pour se présenter au concours complémentaire et à l'intégration directe ;

- Relatives aux conditions de nomination : la suppression de la nomination des procureurs généraux en Conseil des ministres, la généralisation de la transparence, la modification du serment des magistrats par la suppression du terme « religieusement », l'assouplissement des exigences de mobilité, le renforcement de l'attractivité des fonctions de magistrat placé, l'instauration d'un dispositif en cas de suppression de fonction, l'amélioration des conditions de nomination des chefs de cour et de l'évaluation de l'activité professionnelle, l'allègement des conditions d'inscription au tableau d'avancement, et l'introduction d'un mécanisme spécifique pour le retour de congé parental ;

- Relatives aux droits et obligations des magistrats, permettant d'assouplir l'obligation de résidence, de prévoir l'octroi de la protection statutaire durant la phase préalable devant la commission d'admission des requêtes avant l'engagement de la procédure disciplinaire devant le CSM et l'encadrement de son coût, et de dématérialiser la gestion du dossier administratif ;

- Relatives aux autres modalités de recrutement des magistrats telles que la modification du statut des conseillers et avocats généraux en service extraordinaire, le renforcement de l'attractivité des détachements judiciaires, et l'encadrement du régime des magistrats maintenus en activité en surnombre (condition d'aptitude et d'intérêt du service) ;

- Relatives à la discipline et au CSM : la loi organique a modifié la procédure
pré-disciplinaire et disciplinaire, notamment en instaurant de nouvelles garanties et des délais pour statuer et de prescription.

H - La loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l'organisation des juridictions

Cette loi doit se lire à la lumière de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation
2018-2022 et de réforme pour la justice dans la mesure où elle constitue la mise en oeuvre, au niveau statutaire, des réformes de l'organisation judiciaire engagées par cette dernière.

La loi organique a opéré une sorte de fusion-absorption des tribunaux d'instance par les tribunaux de grande instance, qui sont devenus des tribunaux judiciaires.

En outre, à compter du 1er janvier 2020, les juges chargés du service d'un tribunal d'instance sont statutairement devenus des juges des contentieux de la protection. Leurs compétences reprennent de façon plus ramassée celles du juge d'instance (protection juridique des majeurs vulnérables, actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre, crédits à la consommation, surendettement des particuliers et procédures de rétablissement personnel, etc.)

Dans la mesure où la loi de programmation et de réforme pour la justice n'a supprimé aucun tribunal, les anciens tribunaux d'instance situés dans la même ville qu'un tribunal de grande instance ont été absorbés par le tribunal judiciaire tandis que, dans les villes dans lesquelles il n'existait qu'un tribunal d'instance, celui-ci est devenu une chambre de proximité dénommée « tribunal de proximité » dont le siège et le ressort ainsi que les compétences matérielles ont été fixés par décret.

Par ailleurs, la loi organique a confié aux MTT les fonctions de juge des contentieux et de la protection en prévoyant que ces magistrats peuvent être nommés pour exercer une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité. Les MTT ne peuvent exercer plus du tiers du service du tribunal ou de la chambre de proximité dans lesquels ils sont affectés.

Il a encore été introduit l'expérimentation relative à la cour criminelle départementale dans au moins et au plus dix départements déterminés par un arrêté du ministre de la justice. Deux des assesseurs peuvent être des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles (ci-après MHFJ) dans une composition de cinq juges. La loi organique prévoit encore que les MTT et MHFJ peuvent exercer les fonctions d'assesseur dans les cours criminelles entre le 1er juin 2019 et le 31 décembre 2022. De la même façon, elle a ajouté à l'article 249 du code de procédure pénale un second alinéa, applicable au 1er juin 2019, qui prévoit que l'un des assesseurs à la cour d'assises peut être un MHFJ.

Enfin, cette loi organique a rendu applicable au procureur de la République antiterroriste près le tribunal judiciaire de Paris les dispositions de l'article 38-2 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958. Ainsi, de même que le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris et que le procureur de la République financier près ce même tribunal (Cf. supra point F), le procureur de la République antiterroriste près le tribunal judiciaire de Paris ne peut exercer cette fonction pendant plus de sept années. A l'expiration de cette période et à défaut de nouvelle affectation, ce dernier doit être déchargé des fonctions de procureur de la République antiterroriste près le tribunal judiciaire de Paris ; il exerce alors les fonctions d'avocat général à la Cour de cassation.

I - La loi organique n° 2021-1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a généralisé les cours criminelles départementales et prévu l'expérimentation de la participation, dans ces juridictions, d'un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles (ci-après AHFJ). L'arrêté du 22 septembre 2022 relatif à l'expérimentation permettant la désignation dans les cours criminelles départementales d'avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles en qualité d'assesseurs est paru au Journal officiel du 24 septembre 2022. Il retient 20 départements, conformément à l'article 10 de la loi du 22 décembre 2021, soit les départements des Bouches-du-Rhône, du Cher, des Côtes-d'Armor, de la Drôme, de l'Eure, de Guyane, de la Haute-Garonne, de la Haute-Vienne, de l'Indre-et-Loire, du Lot-et-Garonne, de la Mayenne, de la Meurthe-et-Moselle, du Nord, de Paris, du Puy-de-Dôme, des Pyrénées-Atlantiques, du Rhône, du Val d'Oise, du Vaucluse et de la Vienne.

La loi organique du même jour a défini le statut de l'avocat honoraire appelé à siéger dans ces juridictions criminelles. Elle a également apporté, dans un esprit de cohérence, des modifications relatives aux compétences des MTT et des MHFJ.

La compétence des MTT et des MHFJ pour exercer les fonctions d'assesseur dans les cours criminelles départementales a été inscrite de manière pérenne aux articles 41-10 et 41-25 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Afin de respecter la réserve constitutionnelle tenant à la participation minoritaire des juges non professionnels dans une juridiction de jugement, le premier président ne peut désigner en qualité d'assesseur de cette même cour criminelle qu'un seul MTT ou MHFJ lorsqu'il désigne un AHFJ dans le cadre de l'expérimentation.

S'agissant des MHFJ, la loi organique du 22 décembre 2021 a étendu leurs compétences pour les aligner sur celles pouvant être exercées par les MTT.

En outre, pour éviter toute ambiguïté quant à l'appréciation des limitations de la part du contentieux ou des affaires que les MTT et les MHFJ peuvent traiter dans la juridiction, la chambre de proximité ou le service où ils sont affectés, une précision a été apportée aux articles 41-11 et 41-26 de l'ordonnance statutaire. Il en résulte que les limitations prévues dans l'exercice des fonctions de juge du tribunal de police, de juge chargé de valider les compositions pénales, de juge des contentieux de la protection ou de juge chargé de connaître des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité, s'appliquent à l'ensemble des magistrats non professionnels.

S'agissant des MTT, la loi organique du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a également modifié les dispositions qui leur sont applicables en introduisant ensuite une possibilité de dispense totale ou partielle de formation préalable à l'installation laissée à l'appréciation du CSM et en assouplissant enfin le régime des incompatibilités auxquelles les MTT étaient jusqu'à présent astreints.

1.2. AUX NIVEAUX EUROPÉEN ET INTERNATIONAL

Le statut de la magistrature s'insère dans un cadre européen et international et nombre de textes de l'ordre international ou européen, ont une influence, directe ou indirecte, sur le statut des magistrats.

Le Pacte international des Nations Unies relatifs aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996, notamment son article 14, et la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée le 10 décembre 1948, en son article 10, proclament le droit à un « tribunal indépendant et impartial ».

Ces principes d'indépendance et d'impartialité sont repris au plan européen par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, à l'article 6. Dans de nombreuses décisions, la Cour européenne est venue en préciser les implications concrètes, en énonçant notamment que l'indépendance du tribunal s'apprécie au regard du mode de désignation et de la durée du mandat de ses membres10(*) , en posant le principe d'inamovibilité des juges au cours de leur mandat comme un corollaire de leur indépendance11(*) et en veillant à ce que le juge ne reçoive aucune pression ou instruction dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles, qu'elles émanent du pouvoir exécutif12(*) , du pouvoir législatif13(*) ou des parties14(*) . La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne adoptée le 18 décembre 2000 a également proclamé ces principes à l'article 47.

Par ailleurs, des principes à valeur non contraignante adoptés à l'échelle européenne et internationale approfondissent ces principes d'indépendance et d'impartialité des magistrats. Ainsi, les principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés par le septième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, approuvés par l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1985, recommandent de protéger les magistrats de toute intervention, pression ou menace, de prévoir des garanties contre « les nominations abusives », d'inscrire dans une loi « la durée du mandat des juges, leur indépendance, leur sécurité, leur rémunération appropriée, leurs conditions de service, leurs pensions et l'âge de leur retraite » et de s'assurer que l'avancement des magistrats est fondé sur « des facteurs objectifs ». Ils établissent un principe de non-discrimination dans les procédures de recrutement, ainsi qu'un principe d'inamovibilité des juges et prévoient que la distribution des affaires et le dessaisissement relèvent exclusivement de la compétence des magistrats.

Sur le plan européen, la Charte européenne sur le statut des juges15(*), adoptée par les participants de pays européens et les membres de deux associations internationales de juges réunis du 8 au 10 juillet 1998 à Strasbourg reprend ces principes, en les développant. Elle promeut notamment le principe de non-discrimination dans le recrutement, garantit le principe d'inamovibilité des juges, leur promotion à l'ancienneté ou par le mérite, leur droit à la formation, leur libre exercice de toute activité extérieure, sous réserve que celle-ci ne porte pas atteinte à leur impartialité, leur indépendance et leur disponibilité, ainsi qu'une rémunération suffisante.

De la même manière, la recommandation CM/Rec (2010) 12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités, adoptée par le Comité des Ministres le 17 novembre 2010, a remplacé la recommandation du Conseil des ministres du Conseil de l'Europe n° R (94) 12 relative à l'indépendance, l'efficacité et le rôle des juges, dans le souci de renforcer l'indépendance et l'efficacité des juges, tout en veillant à rendre plus effective leur responsabilité. Dans l'exposé des motifs, l'indépendance des juges est conçue comme « un élément inhérent à l'État de droit et indispensable à l'impartialité des juges et au fonctionnement du système judiciaire » et il est considéré que la mise en place d'un système juridique efficace et équitable nécessite de garantir la place et les pouvoirs des juges. Le principe d'inamovibilité et l'absence de toute pression ou influence dans la prise de décision sont en particulier mis en avant. Au nom de « l'indépendance externe », il encadre les conditions dans lesquelles les juges peuvent exercer des activités parallèlement à l'exercice de leurs fonctions judiciaires.

Enfin, le Conseil consultatif des juges européens, dans sa Charte des principes fondamentaux adopté lors de sa 11ème réunion plénière (Strasbourg, 17-19 novembre 2010)16(*), énonce que « l'indépendance et l'impartialité du juge sont des conditions préalables indispensables au fonctionnement de la justice » et rappelle que « l'indépendance du juge doit être statutaire, fonctionnelle et financière. Par rapport aux autres pouvoirs de l'Etat, elle doit être garantie aux justiciables, aux autres juges et à la société en général, par des règles internes au niveau le plus élevé. Il appartient à l'Etat et à chaque juge de promouvoir et préserver l'indépendance judiciaire ».

2. LA MAGISTRATURE AUJOURD'HUI17(*)

2.1. LES EFFECTIFS DE MAGISTRATS

Au 1er janvier 2023, la magistrature judiciaire compte 9 271 magistrats. Plus précisément :

9 126 magistrats sont en activité :

- 8 524 magistrats en juridiction ;

- 298 magistrats en administration centrale ;

- 304 magistrats en position de détachement.

145 magistrats sont sans affectation budgétaire :

- 103 magistrats en position de disponibilité ;

- 10 magistrats en position de congé parental ;

- 32 magistrats en position de congé longue durée.

2.2. LA RÉPARTITION PAR GRADE AU 1ER JANVIER 2023

Au 1er janvier 2023, 13,46 % des magistrats sont placés hors hiérarchie, 54,08 % sont au premier grade et 32,46 % au second grade.

2.1. LA MOYENNE D'ÂGE DES MAGISTRATS AU 1ER JANVIER 2023

2.1.1. Moyenne d'âge siège-parquet

 

Siège

Parquet

Total

Moyenne d'âge

47,6

43,9

46,6

2.1.2. Moyenne d'âge par sexe

 

Femmes

Hommes

Total

Moyenne d'âge

45,4

49,4

46,6

2.1.3. Moyenne d'âge par grade

 

HH

I

II

Moyenne d'âge

59,2

49,3

36,9

2.2. LA PYRAMIDE DES ÂGES AU 1ER JANVIER 2023

2.3. LA RÉPARTITION ENTRE LES MAGISTRATS DU SIÈGE ET DU PARQUET AU 1ER JANVIER 2023

2.4. LA RÉPARTITION PAR SEXE AU 1ER JANVIER 2023

Au 1er janvier 2023, les femmes représentent 70,08 % du corps.

Répartition femmes-hommes

Ensemble du corps

Femmes

6 497

70,08%

Hommes

2 774

29,92%

Total

9 271

100,00%

2.4.1. Répartition par sexe et par grade au 1er janvier 2023

ENSEMBLE DU CORPS DE LA MAGISTRATURE

 

Femmes

Hommes

Total

HH

648

600

1 248

I

3 551

1 463

5 014

II

2 298

711

3 009

Total

6 497

2 774

9 271

MAGISTRATS EN JURIDICTIONS

 

Femmes

Hommes

Total

HH

633

581

1 214

I

3 301

1 362

4 663

II

2 252

693

2 945

Total

6 186

2 636

8 822

Fonction

Femmes

Hommes

Total

PP HH

14

22

36

P HH

22

34

56

P I B bis

61

49

110

PG HH

10

27

37

PR HH

15

39

54

PR I B bis

44

69

113

Total

166

240

406

2.4.2. Répartition par sexe et par grade des chefs de juridiction au 1er janvier 2023

2.5. LA RÉPARTITION PAR FONCTIONS AU 1ER JANVIER 2023

2.6. LA RÉPARTITION PAR QUOTITÉ DE TEMPS DE TRAVAIL AU 1ER JANVIER 2023

Temps partiel des magistrats

50%

60%

70%

80%

90%

Total temps partiel

Temps plein

Total général

Nb

%

Nb

%

Nb

%

Nb

%

Nb

%

Nb

%

Nb

%

61

0,69%

30

0,34%

9

0,10%

368

4,17%

56

0,63%

524

5,94%

8298

8 822

2.7. LES MOUVEMENTS DE MAGISTRATS AU SEIN DU CORPS JUDICIAIRE EN 2022

1 802 mouvements ont été réalisés pour l'année 2022 :

- 280 mouvements hors hiérarchie, dont 152 en avancement ;

- 990 mouvements au premier grade, dont 284 en avancement ;

- 532 mouvements au second grade.

2.8. LES PRÉVISIONS DES DÉPARTS EN RETRAITE DES MAGISTRATS

EXÉCUTION

PRÉVISIONS

Réalisé 2019

Réalisé 2020

Réalisé 2021

Réalisé 2022

Prévisions retraite 2023

Prévisions retraites 2024

246

238

237

247

254

264

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

1er

Réforme des voies d'accès au corps de la magistrature et de l'intégration provisoire à temps plein

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

École nationale de la magistrature

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

2

Évaluation des chefs de cour d'appel et de tribunal

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

3

Structure du corps judiciaire

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

4

Priorité d'affectation

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

5

Affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination

L'assemblée de Corse, de Guyane, de Martinique et de la Polynésie française

Les conseils départementaux de la Guadeloupe, de La Réunion et de Mayotte

L'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna

Le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie

Commission permanente d'étude du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

6

Dialogue social

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

7

Dispositions relatives à l'intégration provisoire à temps partiel

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

Association Nationale des Magistrats Honoraires (ANAMHO)

Association des magistrats à titre temporaire (ANMATT)

Union syndicale des magistrats exerçant à titre temporaire (USMETT)

8

Amélioration du traitement des plaintes des justiciables et renforcement de la protection et de la responsabilité des magistrats

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

Collège de déontologie des magistrats

9

Modification du mode de scrutin des élections au Conseil supérieur de la magistrature

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

10

Dispositions diverses

Néant

Commission permanente d'étude du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

11

Expérimentation d'un premier concours spécial

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

12

Dispositions relatives à l'entrée en vigueur et transitoires

Néant

Commission permanente d'études du ministère de la justice

Conseil supérieur de la magistrature

Conférences des premiers présidents, des procureurs généraux, des présidents et des procureurs de la République

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

1er

Réforme des voies d'accès au corps de la magistrature et de l'intégration provisoire à temps plein

Décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités du recrutement de magistrats par le biais des concours professionnels

Décret en Conseil d'Etat pour les modifications des décrets n° 93-21 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, n° 72-355 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature, et n° 97-874 du 24 septembre 1997 relatif à l'application des articles 25-4 et 40 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature et l'abrogation du décret n° 2001-1099 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

Décret simple pour la modification du décret n° 2012-683 fixant le régime indemnitaire des auditeurs de justice et des candidats admis aux concours de recrutement de magistrats prévus par l'article 21-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et l'abrogation du décret n° 2017-1285 fixant le régime indemnitaire au cours de la formation probatoire des candidats à l'intégration au titre des articles 22 et 23 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature

Arrêté relatif aux modalités d'inscription, organisation, règles de discipline, programme, déroulement et correction des épreuves des concours professionnels

Ministère de la Justice /

Direction des Services Judiciaires

Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques/

Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publiques

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique/

Direction du Budget

2

Evaluation des chefs de cour d'appel et de tribunal

Décret en Conseil d'Etat relatif au collège d'évaluation et au processus d'évaluation

Ministère de la Justice/

Direction des Services Judiciaires

3

Structure du corps judiciaire

Ministère de la Justice /

Direction des Services Judiciaires

Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques /

Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publiques

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique /

Direction du Budget

I. Création d'un troisième grade de la hiérarchie judiciaire

Décret en Conseil d'Etat fixant la liste des fonctions de chaque grade, les conditions d'inscription et les modalités d'établissement des tableaux d'avancement, la liste des fonctions afférentes à chaque rubrique du tableau d'avancement pour l'accès au troisième grade, la durée d'inscription au tableau d'avancement pour l'accès au troisième grade, les modalités déterminant le contingent de magistrats pouvant être promus au troisième grade et redéfinissant l'échelonnement indiciaire au sein de chaque grade

Décret en Conseil des Ministres relatif au classement hiérarchique des magistrats de l'ordre judiciaire

Décret simple fixant l'échelonnement indiciaire des magistrats de l'ordre judiciaire

Arrêté abrogeant l'arrêté du 12 novembre 2010 fixant la liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un huitième échelon

II. Modification du ratio de magistrats placés

Néant

III. De certaines fonctions en cour d'appel

Décret en Conseil d'Etat modifiant le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance statutaire afin de faire figurer dans la liste des fonctions pouvant être exercées par les magistrats du premier grade nouveau celles de conseiller et de substitut général de cour d'appel

IV. Introduction d'un délai de retour après l'exercice de fonctions spécialisées ou en cas de passage du siège au parquet au sein d'une même juridiction

Néant

V. Durée limitée des fonctions à l'inspection générale de la Justice (IGJ) et transparence de la nomination de son chef

Néant

VI. Modernisation des positions administratives et fixation des conditions de réintégration après une mobilité

Décret en Conseil d'Etat abrogeant le décret n° 93-549 du 26 mars 1993 pris pour l'application de l'article 76-3 de l'ordonnance statutaire

VII. Recul de la limite d'âge pour le maintien en activité en surnombre

Néant

4

Priorité d'affectation

Décret en Conseil d'Etat précisant la durée d'exercice minimale des fonctions

Arrêté listant les emplois rencontrant des difficultés particulières de recrutement

Ministère de la Justice/

Direction des Services Judiciaires

5

Affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination

Décret en Conseil d'Etat de coordination

Arrêté modifiant l'arrêté du 22 décembre 2008 pris pour l'application des articles R. 513-5, R. 513-11 et R. 532-22 du code de l'organisation judiciaire

Ministère de la Justice/

Direction des Services Judiciaires

6

Dialogue social

Ministère de la Justice/

Direction des Services Judiciaires

Ministère de la Justice/

Direction des Services Judiciaires

Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques/

Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publiques

I. Rénovation de la commission d'avancement

Décret en Conseil d'Etat organisant les élections

II. Participation des magistrats aux Comités sociaux d'administration

Néant

III. Négociation collective

Décret en Conseil d'État précisant les modalités d'application de l'adhésion des magistrats aux accords conclus en commun pour les trois fonctions publiques ou pour la fonction publique d'État

7

Dispositions relatives à l'intégration provisoire à temps partiel

Ministère de la Justice /

Direction des Services Judiciaires

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique /

Direction du Budget

I. Magistrats à titre temporaire

Décret en Conseil d'Etat et arrêté tenant compte de la nouvelle compétence des MTT et adaptant le régime de leur formation

II. Magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

Arrêté fixant l'indemnisation des nouvelles compétences

8

Amélioration du traitement des plaintes des justiciables, renforcement de la protection et de la responsabilité des magistrats

Ministère de la Justice /

Direction des Services Judicaires

I. Commission d'admission des requêtes

Néant

II. Renforcement de la responsabilité des magistrats

Néant

III. Renforcement de la protection fonctionnelle des magistrats et création d'une protection des lanceurs d'alerte

Arrêté précisant et déclinant la procédure de recueil et de traitement des signalements émis par les magistrats lanceurs d'alerte

IV. Egalité professionnelle

Néant

9

Modification du mode de scrutin des élections au Conseil supérieur de la magistrature

Décret en Conseil d'Etat précisant les conditions d'application du nouvel article 3 de la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature

Ministère de la Justice/

Direction des Services Judiciaires

10

Dispositions diverses

I. Déclaration d'intérêts

II. Gestion dématérialisée du dossier administratif

III. Modifications diverses

Néant

Ministère de la Justice/

Direction des Services Judiciaires

11

Expérimentation d'un premier concours spécial

Décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités du recrutement de magistrats par le biais du premier concours spécial

Ministère de la Justice/ Direction des Services Judiciaires

Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques / Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publiques

Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique /

Direction du Budget

12

Dispositions relatives à l'entrée en vigueur et transitoires

Néant

Sans objet

TABLEAU D'INDICATEURS

Indicateur

Objectif et modalités de l'indicateur

Objectif visé (en valeur et/ou en tendance)

Horizon temporel de l'évaluation (période ou année)

Identification et objectif des dispositions concernées

Nombre de candidatures au recrutement

Mesurer l'évolution des candidatures au recrutement avant et après l'entrée en vigueur de la présente loi, qu'il s'agisse des magistrats de carrière et des magistrats intégrés à titre provisoire

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Hausse

3 ans après l'entrée en vigueur de l'article

Simplification des voies d'accès

Suppression des limites d'âge

Création des concours professionnels

Recrutement de magistrats en service extraordinaire

Article 1

Taux de réussite à l'issue des formations à l'Ecole Nationale de la Magistrature

Evolution des taux d'avis d'inaptitude au terme de la formation dispensée par l'Ecole Nationale de la Magistrature

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Baisse

3 ans après l'entrée en vigueur de l'article

Simplification des parcours de formation

Extension du champ de la formation probatoire

Adaptation de la formation aux besoins

Article 1

Attractivité des fonctions de chefs de cour et de juridiction

Evolution du nombre de candidatures à ces emplois

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Hausse

3 ans après l'entrée en vigueur de l'article

Création d'un troisième grade visant à valoriser les fonctions d'encadrement

Article 3

Déroulement de carrière

Evolution du nombre de magistrats à l'échelon sommital du deuxième grade depuis plus de trois ans

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Baisse

5 ans après l'entrée en vigueur de l'article

Création d'un troisième grade visant à offrir des perspectives de déroulement de carrière

Article 3

Attractivité des juridictions

Evolution du nombre de postes offerts en sortie d'école dans les ressorts peu attractifs

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Baisse

3 ans

Article 4

Nombre de nominations dans le cadre de la priorité d'affectation de l'article 27-2

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Hausse

Renfort aux juridictions

Evolution du nombre de nominations de magistrats exerçant à titre temporaire (MTT) et magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles (MHFJ)

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Hausse

3 ans

Assouplissement des conditions de recrutement des MTT

Renouvellement des mandats des MTT et MHFJ

Recul de la limite d'âge des MHFJ

Extension des compétences

Article 7

Recevabilité des plaintes adressées aux commissions d'admission des requêtes (CAR)

Evolution du nombre de plaintes déclarées recevables

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Hausse

3 ans

Assouplissement des conditions de recevabilité des plaintes CAR

Accroissement des pouvoirs d'investigations de la CAR

Article 8

Part des femmes dans les effectifs de chefs de juridiction

Evolution du nombre de femmes dans les emplois de direction

L'évaluation sera réalisée par la direction des services judiciaires

Hausse

> 50 %

3 ans

Consécration d'un principe tendant à favoriser l'égalité femmes hommes

Article 8

Diversification du corps de la magistrature

Mesurer la diversification du corps de la magistrature relativement aux origines sociales et professionnelles des magistrats recrutés

Mesurer la valorisation des compétences particulières des professionnels recrutés

L'évaluation sera effectuée par la direction des services judiciaires

Renforcement

3 ans après l'entrée en vigueur des dispositions concernées

Création des concours professionnels

Intégration des magistrats en service extraordinaire

Abaissement de la durée d'activité professionnelle antérieure des candidats au troisième concours

Suppression des voies d'intégration directes

Article 1

Expérimentation d'un premier concours spécial

Article 11

Article 1er - Réforme des voies d'accès au corps de la magistrature et de l'intégration provisoire à temps plein

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les diverses voies de recrutement et les principes régissant la formation des magistrats de l'ordre judiciaire sont prévus par des dispositions de l'ordonnance n° 58-1270 du
22 décembre 1958.

1.1.1. Le recrutement sur concours

A - Le recrutement des auditeurs de justice

Actuellement, trois concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) constituent la voie principale de recrutement des magistrats. La liste de ces concours ouverts pour le recrutement d'auditeurs de justice ainsi que les conditions de candidature sont prévues par l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des modalités propres à chacun des trois concours.

Le premier concours est le concours dit « concours étudiants » pour lequel les candidats doivent être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; la limite d'âge supérieur est fixée à 31 ans.

Le deuxième concours s'adresse aux fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, aux militaires et aux autres agents de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, en activité, en détachement, en congé parental ou accomplissant leur service national, justifiant, au 1er janvier de l'année du concours, de quatre ans de services en cette qualité ; la limite d'âge supérieur est fixée à 48 ans et 5 mois.

Au titre de l'année 2022 sur 35 auditeurs issus du deuxième concours, 10 étaient greffiers des services judiciaires, 6 étaient juristes assistants, 4 étaient enseignants, les autres étant issus d'autres secteurs de la fonction publique (administration pénitentiaire, police, gendarmerie, protection judiciaire de la jeunesse, cour nationale du droit d'asile).

Le troisième concours intéresse enfin les candidats qui justifient de l'exercice de huit années au total d'une ou plusieurs activités professionnelles, d'un ou plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale ou de fonctions juridictionnelles à titre non professionnel ; la limite d'âge supérieur est fixée à 40 ans.

En 2022 sur 10 auditeurs issus du troisième concours, 3 étaient avocats, 5 étaient juristes ou responsables juridiques, outre 1 chargé de clientèle et 1 journaliste.

Les lauréats de ces trois concours sont nommés auditeurs de la justice au sein de la même promotion. Ils suivent une formation probatoire d'une durée de 31 mois à l'issue de laquelle un jury se prononce sur leur aptitude à l'exercice des fonctions judiciaires.

Ces concours sont ouverts chaque année par arrêté du garde des sceaux en application de l'article 16 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature. Aux termes de cet article, 65 à 77 % des postes doivent être attribués aux candidats au premier concours, 18 à 25 % aux candidats au deuxième concours et 5 à 10 % aux candidats au troisième concours. Ces concours constituent la principale voie d'accès à la magistrature.

B - Le recrutement sur concours complémentaires

Des concours complémentaires sont également ouverts pour accéder aux premier et second grades de la hiérarchie judiciaire, à des personnes justifiant d'une expérience professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires, de 15 ans et âgés de cinquante ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours (pour le 1er grade), et de 7 ans et âgés de 35 ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours (pour le 2nd grade). Ces concours complémentaires sont prévus à l'article 21-1 de l'ordonnance statutaire avec renvoi à des dispositions réglementaires.

Les candidats ayant réussi ces concours sont soumis à une formation probatoire d'une durée de cinq mois suivie d'une décision sur l'aptitude par le jury qui se prononce également sur l'aptitude des auditeurs de justice. Les candidats déclarés aptes suivent ensuite une formation complémentaire dont la durée de deux à quatre mois est fixée par le jury, comportant notamment un stage en juridiction dans la fonction qu'ils sont appelés à exercer.

Après avoir été mis en oeuvre pour les années 2002 à 2005, ce recrutement, qui n'avait pas été organisé pour les années 2006 à 2010, a été de nouveau mis en oeuvre sans interruption entre 2011 et 2019 (aucun concours pour le 1er grade n'a été toutefois ouvert depuis 2016). Aucun concours n'a été organisé en 2020 afin de permettre une réforme du calendrier prenant mieux en compte les contraintes des professionnels en reconversion. Les épreuves d'admissibilité de la session 2021 se sont déroulées à la fin du mois de mars et les épreuves d'admission au mois de juin pour un début de formation en janvier de l'année suivante. La même organisation a été retenue pour les épreuves d'admissibilité et d'admission de la session 2022. Les résultats ont été publiés le 29 juin 2022.

Le nombre de postes offerts au concours pour une année déterminée ne peut excéder 20 % des premières nominations au second grade de l'année précédente pour le concours de recrutement au second grade et 10 % des premières nominations en avancement au premier grade prononcée au cours de l'année précédente pour le concours de recrutement au premier grade.

En moyenne depuis 2019, les admis aux concours complémentaires proviennent pour 42,5% du secteur public et pour 57,5 % du secteur privé (avec une forte représentation d'avocats).

1.1.2. Les recrutements hors concours

L'ordonnance statutaire permet par ailleurs des recrutements hors concours, dits aussi recrutement sur titres, opérés via la commission d'avancement instituée à l'article 34 de l'ordonnance statutaire.

A - Le recrutement direct en qualité d'auditeur de justice

Sur le fondement de l'article 18-1 de l'ordonnance statutaire, peuvent être nommés auditeurs de justice :

- Les personnes que quatre années d'activités dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires et titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente ;

- Les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d'études supérieures ;

- Les docteurs en droit justifiant de trois années au moins d'exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;

- Les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à cinq années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat qui justifient de trois années au moins d'exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;

- Les personnes ayant exercé des fonctions d'enseignement ou de recherche en droit dans un établissement public d'enseignement supérieur pendant trois ans après l'obtention d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à cinq années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Une fois nommées auditeurs de justice sur avis conforme de la commission d'avancement, les personnes recrutées sur le fondement de l'article 18-1 sont soumises à la même formation probatoire, d'une durée de 31 mois, que les auditeurs recrutés au titre des trois premiers concours d'entrée (à l'exception des docteurs en droit justifiant de trois années en qualité de juristes assistants dont la formation est écourtée). A l'issue de cette formation, un jury se prononce sur leur aptitude à l'exercice des fonctions judiciaires.

Le nombre d'auditeurs de justice nommés au titre de l'article 18-1 ne peut excéder le tiers du nombre de places offertes aux concours d'accès. En 2022, sur 62 auditeurs de justice recrutés selon cette voie, 27 étaient juristes assistants, 13 avocats, 4 greffiers, les 22 autres exerçant majoritairement dans divers secteurs de la fonction publique.

B - L'intégration directe

Sur le fondement de l'article 22 de l'ordonnance statutaire, peuvent être intégrées directement dans le corps judiciaire au second grade à condition d'être âgées de 35 ans au moins les personnes justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions judiciaires et titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique, ainsi que les directeurs de greffes judiciaires justifiant de sept années de services effectifs dans leurs corps, et les fonctionnaires de catégorie A du ministère de la justice justifiant de sept années de services effectifs.

Sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance statutaire, peuvent être intégrées directement dans le corps judiciaire au premier grade à condition d'être âgées de 35 ans au moins les personnes justifiant de quinze années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions judiciaires et titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique, ainsi que les directeurs de greffes judiciaires qui remplissent des conditions de grade et d'emploi définies par décret en Conseil d'Etat et que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires du premier grade.

Les candidats admis par la commission suivent une formation probatoire organisée par l'ENM d'une durée maximum de sept mois, comportant un stage en juridiction, sauf possibilité pour la commission prévue à l'article 34 à titre exceptionnel et au vu de l'expérience professionnelle du candidat de l'en dispenser.

A l'issue de cette formation le jury prévu pour statuer sur l'aptitude des auditeurs de justice transmet son avis à la commission d'avancement sur l'aptitude du candidat à exercer les fonctions judiciaires. La commission fixe le grade, le groupe l'échelon et les fonctions auxquels le candidat peut être nommé. Le cas échéant elle peut soumettre l'intéressé à l'accomplissement d'une période de formation préalable à l'installation dans ses fonctions, pour une période qui ne peut excéder 5 mois.

Au cours d'une année déterminée, les nominations au titre de l'article 22 ne peuvent excéder 25 % des premières nominations intervenues au second grade au cours de l'année civile précédente et celles au titre de l'article 23 ne peuvent excéder 10 % des promotions au premier grade intervenues au cours de l'année civile précédente.

Avis de la commission d'avancement

sur les candidatures à l'intégration directe depuis 2017

 

1er juillet 2017 au 30 juin 2018

1er juillet 2018 au 30 juin 2019

1er juillet 2019 au 2 juillet 2020

3 juillet 2020 au 30 juin 2021

1er juillet 2021 au 30 juin 2022

Nombre total de candidatures

217

260

197

243

266

Nombre d'avis favorables

50

51

25

34

40

Dont 1er grade

10

8

5

7

14

Dont 2d grade

40

43

20

27

26

Part des avis favorables

23 %

19 %

13 %

14 %

15 %

C - L'intégration directe aux fonctions placées hors hiérarchie

Sur le fondement de l'article 40 de l'ordonnance statutaire, peuvent être nommés directement aux fonctions hors hiérarchie s'ils sont notamment titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou d'une qualification reconnue au moins équivalente : les conseillers d'Etat en service ordinaire, les magistrats de l'ordre judiciaire détachés dans les emplois de directeur ou de chef de service au ministère de la justice ou de directeur de l'école nationale de la magistrature, les maîtres des requêtes au Conseil d'Etat ayant au moins dix ans de fonctions en cette qualité, les professeurs des facultés de droit de l'Etat ayant enseigné au moins dix ans en qualité de professeur ou d'agrégé, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, membres ou anciens membres du Conseil de l'ordre, ayant au moins vingt ans d'exercice dans leur profession, les avocats inscrits à un barreau français justifiant de vingt-cinq années au moins d'exercice de leur profession.

A l'exception des magistrats de l'ordre judiciaire et des conseillers d'Etat en service extraordinaire, les candidats à l'intégration directe aux fonctions hors hiérarchie sont nommés après avis de la commission d'avancement.

Ils ne suivent pas de formation probatoire.

Cette voie d'accès est marginale. Depuis 2018, seuls trois magistrats ont été intégrés sur ce fondement.

D - L'intégration directe des juges du livre foncier

Sur le fondement de l'article 33 de l'ordonnance statutaire les fonctionnaires des greffes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent être nommés juges du livre foncier dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Après trois ans d'exercice en cette qualité, ils peuvent accéder aux autres fonctions du second grade, sous réserve, pour ceux qui ne sont pas licenciés en droit, de l'avis conforme de la commission d'avancement, lequel peut être subordonné à l'obligation d'accomplir un stage probatoire en juridiction.

Entre 2017 et 2022, 21 directeurs des services de greffe des cours d'appel de Colmar et Metz ont été nommés juges du livre foncier, soit en moyenne 3,5 par an. Ils ont été nommés dans le cadre d'une mutation sur des fonctions de plein exercice, généralement dans des fonctions de juge non spécialisé ou de juge des contentieux de la protection compte tenu de leurs compétences techniques pointues mais restreintes.

Par ailleurs, d'autres dispositions de l'ordonnance statutaire prévoient diverses voies d'intégration à titre provisoire dans le corps judiciaire.

1.1.3. L'intégration provisoire à temps complet

A - Le détachement judiciaire

Sur le fondement des articles 41 et suivants de l'ordonnance statutaire, peuvent faire l'objet d'un détachement dans le corps judiciaire pour exercer les fonctions des premier et second grades, les membres des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, devenue l'Institut national du service public18(*), les professeurs et les maîtres de conférences des universités, et dans les conditions prévues par leur statut pour les fonctionnaires de l'Etat, territoriaux et hospitaliers, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires appartenant à des corps et cadre d'emploi de même niveau de recrutement.

Le détachement est prononcé après avis conforme de la commission prévue à l'article 34 de l'ordonnance statutaire, qui détermine les fonctions auxquelles peut être nommée la personne détachée. Préalablement à l'exercice des fonctions judiciaires la personne détachée effectue un stage d'une durée de six mois. Les détachés peuvent intégrer définitivement le corps judiciaire après trois ans de détachement, dont la durée maximale est de cinq ans. Les nominations intervenant à ce titre s'imputent sur les quotas de nominations fixés à chaque niveau hiérarchique pour les intégrations directes au titre des articles 22 et 23.

Profils des détachés - 2017 à 2021

Catégories professionnelles

Nombre

Magistrat administratif

13

Magistrat financier

1

Maître de conférences - Professeur des universités - Enseignant chercheur

15

Commissaire de police

2

Officier de gendarmerie

12

Sous-Préfet

1

Administrateurs A+

7

Total de candidats ayant eu un avis favorable de la CAV : 51

B - Les conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation

Les articles 40-1 et suivants de l'ordonnance statutaire permettent de recruter des conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation parmi des personnes justifiant, outre d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique, de vingt années au moins d'activité professionnelle et dont les compétences et l'activité qualifient particulièrement pour l'exercice de fonctions judiciaires à la Cour de cassation.

Les conseillers et avocats généraux en service extraordinaire sont nommés pour une durée de dix ans non renouvelable dans les formes prévues pour la nomination des magistrats du siège de la Cour de cassation, soit sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM) et pour la nomination des magistrats du parquet de ladite cour, soit après avis du CSM.

Le nombre des conseillers et des avocats généraux en service extraordinaire ne peut respectivement excéder le dixième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège de la Cour de cassation et le dixième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du parquet de ladite cour.

La commission d'avancement n'est pas concernée par ces recrutements. L'instruction des candidatures est assurée par la direction des services judiciaires qui adresse ensuite au Conseil supérieur de la magistrature les candidatures au poste de conseiller en service extraordinaire, et au ministre de la justice celles relatives au poste d'avocat général en service extraordinaire.

Depuis 2017, six conseillers ou avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation ont été nommés.

Tableaux récapitulatif des recrutements par voie d'accès depuis 2010

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Concours d'accès à l'ENM (admis)

105

153

206

214

205

280

270

280

250

250

25319(*)

195

285

Concours complémentaires

(admis)

Néant

28

55

50

44

79

85

50

80

71

Néant20(*)

40

76

Intégration directe (22-23)

(nombre d'avis favorables de la commission d'avancement après la formation probatoire)

33

23

47

55

38

58

52

56

43

28

29

26

21

Intégration à la hors hiérarchie (article 40)

(nombre d'avis favorables de la commission d'avancement)

0

0

1

0

0

1

1

0

0

0

0

2

0

Recrutement sur titre en qualité d'auditeurs de justice (18-1)

(nombre d'avis favorables de la commission d'avancement)

35

41

51

71

65

91

79

76

60

72

79

65

95

Détachement judiciaire (41)

(nombre d'avis favorables de la commission d'avancement)

9

4

11

4

13

4

16

17

16

9

10

6

12

Conseillers, avocats généraux, Cour de cassation en service extraordinaire (40-1)

0

0

0

4

2

3

1

0

1

1

3

1

0

Total

182

249

371

398

367

516

504

479

450

431

374

335

489

1.1.4. Les limites d'âge actuellement prévues

Pour les différentes voies de recrutement existantes, l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ou le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'École nationale de la magistrature prévoient des limites d'âges, comme rappelé dans le tableau ci-dessous :

Voie d'accès

Limite inférieure

Limite supérieure

Texte

Auditeurs de justice - Formation longue - Engagement de servir de 10 ans

1er concours

 

31 ans

Article 17 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972

2ème concours

 

40 ans

Article 21 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972

3ème concours

 

40 ans

Article 32-1 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972

Nomination directe ADJ (recrutement sur titres)

 

40 ans

Article 18-2 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958 / Article 33 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972

Stagiaires - Formation courte - Pas d'engagement de servir

Concours complémentaire 2nd grade

35 ans

 

Article 21-1 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958

Concours complémentaire 1er grade

50 ans

 

Article 21-1 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958

Intégration directe 2nd grade

35 ans

 

Article 22 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958

1.1.5. La composition actuelle du corps judiciaire

Malgré une telle diversification des voies de recrutement, le corps judiciaire est aujourd'hui composé à hauteur de 68,5 % de magistrats issus du premier concours d'entrée à l'ENM. 85 % des magistrats ont été auditeurs de justice préalablement à l'installation dans leurs fonctions. La part des magistrats recrutés sur titres, issus des 2e et 3e concours d'accès à l'ENM et des concours complémentaires, c'est-à-dire par une voie prenant en considération leur expérience professionnelle antérieure, représente 31,5 % du corps.

La part des professionnels dans le recrutement depuis dix ans est en augmentation constante, passant de 51 % en 2010 à 55 % en 2021.

La part des femmes dans le recrutement se situe toujours à un niveau élevé d'en moyenne 74 % par an depuis 2010.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Ainsi que le précise la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « la loi organique portant statut des magistrats doit [...] déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées »21(*).

S'agissant de l'instauration du troisième concours d'accès à l'ENM et de la nomination sur titre d'auditeurs de justice (article 18-1 et 18-2 de l'ordonnance statutaire) le Conseil a considéré, dans sa décision du 21 février 199222(*), que « si certaines mesures d'application des dispositions qui précèdent sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, il n'en résulte pas que le législateur organique soit, dans les différents cas envisagés, resté en deçà de sa compétence ».

L'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature détermine ainsi les conditions de recrutement des magistrats et leur formation professionnelle (chapitre II) ainsi que les conditions du recrutement de juristes pour une durée limitée et ayant vocation à n'exercer qu'une part limitée des attributions juridictionnelles (chapitre V Bis intitulé « De l'intégration provisoire dans le corps judiciaire », relatif aux conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, au détachement judiciaire, aux magistrats exerçant à titre temporaire et aux magistrats honoraires).

Les différentes voies d'accès à la magistrature étant ainsi fixées par la loi organique, le texte renvoie à des décrets en Conseil d'Etat le soin de déterminer l'organisation et les conditions de fonctionnement de l'Ecole nationale de la magistrature (article 14 de l'ordonnance et décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature), les conditions d'application de l'article 17 relatif aux trois concours pour le recrutement des auditeurs de justice (article 17 de l'ordonnance et décret n° 72-355 du 4 mai 1972), les conditions d'application de l'article 21-1 relatif au concours complémentaire (décret n° 2001-1099 du 22 novembre 2001 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance n° 58-1270 précitée), les conditions de mises en oeuvre des articles 22 et 23 relatifs à l'intégration directe (article 25-3 de l'ordonnance et décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958).

A plusieurs reprises le Conseil constitutionnel a admis le principe de la diversification des voies de recrutements des magistrats de l'ordre judiciaire, tout en rappelant la nécessité pour le législateur de s'assurer que les règles de recrutements concourent à assurer le respect des principes d'égalité devant la justice, d'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions des magistrats ainsi recrutés, et d'égal accès des citoyens aux places et emplois publics tel qu'il est énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Ainsi, dans une décision du 10 janvier 199523(*), relative notamment à la nomination pour une période limitée de conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, le Conseil constitutionnel a rappelé que « les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire ; que la Constitution ne fait cependant pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires ; qu'il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions. » Sur le fondement de ces principes, le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré conforme à la Constitution l'institution de conseillers de cour d'appel en service extraordinaire, recrutés parmi des personnes âgées de 50 à 60 ans justifiant de 15 ans d'activité professionnelle et de compétences les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires, dès lors que la loi organique prévoyait que leurs nominations s'effectuaient dans les formes prévues pour la nomination des magistrats du siège, à l'exception des dispositions de l'article 27-1 de l'ordonnance relative au statut de la magistrature, que la durée d'exercice de leur fonction était limitée à 5 ans non renouvelables, que la commission d'avancement pouvait subordonner leur nomination à une formation complémentaire, et qu'ils étaient soumis au statut de la magistrature et au régime fixé pour les conseillers et avocats généraux en service extraordinaire.

L'insertion dans le présent projet de loi organique d'une nouvelle voie de recrutement de magistrats en service extraordinaire respecte les exigences ci-dessus énoncées.

En outre, à l'occasion de l'examen de la loi organique portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire24(*), via la création d'un concours ouvert à des personnes justifiant d'un parcours professionnel antérieur et de quatre années d'étude après le baccalauréat, le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 février 199825(*), a considéré « qu'il incombe au législateur organique, dans l'exercice de sa compétence relative au statut des magistrats, de se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe de l'égal accès des citoyens aux places et emplois publics, proclamé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, ils "sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leur vertus et de leurs talents" ; qu'il découle de ces dispositions, s'agissant du recrutement des magistrats, en premier lieu, qu'il ne soit tenu compte que des capacités, des vertus et des talents ; en deuxième lieu, que les capacités, vertus et talents ainsi pris en compte soient en relation avec les fonctions de magistrats et garantissent l'égalité des citoyens devant la justice ; qu'enfin, les magistrats soient traités de façon égale dans le déroulement de leur carrière ;

Considérant qu'il résulte de l'article 4 de la loi qu'une formation à l'École nationale de la magistrature est délivrée aux candidats admis à l'issue des différents concours ; que la période de formation comprend notamment des stages en juridiction, accomplis dans les conditions fixées à l'article 19 et au premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958, ce après que les intéressés auront prêté serment devant la cour d'appel ; qu'à l'issue de la période de formation, ils sont nommés aux emplois et, s'agissant des magistrats recrutés au titre des articles 2 et 3, dans les fonctions pour lesquelles ils ont été recrutés, dans les formes prévues à l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée ;

Considérant qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à un mode de recrutement exceptionnel et transitoire de magistrats, motivé par la pénurie de personnel observée dans certaines juridictions ; que, toutefois, les règles de recrutement des magistrats de l'ordre judiciaire fixées par le législateur organique doivent concourir, notamment en posant des exigences précises quant à la capacité des intéressés conformes aux conditions découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à assurer le respect tant du principe d'égalité devant la justice que de l'indépendance, dans l'exercice de leurs fonctions, des magistrats ainsi recrutés ;

Considérant que, dans la mesure où ni les diplômes obtenus par les candidats ni l'exercice professionnel antérieur des intéressés ne font présumer, dans tous les cas, la qualification juridique nécessaire à l'exercice des fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire, les mesures réglementaires d'application de la loi devront prévoir des épreuves de concours de nature à permettre de vérifier, à cet effet, les connaissances juridiques des intéressés ; ».

Dans le même sens, dans sa décision du 19 juin 2001, relative notamment à l'institution des concours complémentaires de recrutement de magistrats, le Conseil constitutionnel a rappelé la possibilité de diversifier les voies de recrutement, considérant « qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à la création, par le législateur organique, de nouveaux modes de recrutement des magistrats de l'ordre judiciaire » tout en veillant à ce que le législateur organique fixe des règles permettant d'assurer le respect, tant du principe d'égalité devant la justice que de l'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions des magistrats ainsi recrutés26(*).

Dans les deux décisions précitées, il a ainsi validé la création de nouvelles voies de recrutement, relevant que la loi prévoyait au profit des candidats admis une formation à l'École nationale de la magistrature comprenant un stage en juridiction, tout en rappelant la nécessité que les mesures réglementaires prévoient « des épreuves de concours de nature à permettre de vérifier les connaissances juridiques des intéressés », afin de satisfaire à l'exigence de capacité formulée à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 (dans la mesure, en l'espèce où les candidats au concours complémentaire devaient justifier d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études après le baccalauréat, toute discipline confondue, et d'une activité professionnelle sans lien nécessaire avec le domaine juridique).

Le Conseil constitutionnel a également rappelé la nécessité de prévoir dans les mesures réglementaires la possibilité pour le jury de concours de ne pas pourvoir tous les postes offerts au concours27(*).

Enfin, le Conseil constitutionnel a considéré « qu'aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à un mode de recrutement exceptionnel et transitoire de magistrats, motivé par la pénurie de personnel observée dans certaines juridictions ; que, toutefois, les règles de recrutement des magistrats de l'ordre judiciaire fixées par le législateur organique doivent concourir, notamment en posant des exigences précises quant à la capacité des intéressés conformes aux conditions découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à assurer le respect tant du principe d'égalité devant la justice que de l'indépendance, dans l'exercice de leurs fonctions, des magistrats ainsi recrutés28(*) ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Comme évoqué en introduction, le statut de la magistrature s'insère dans un cadre européen et international et nombre de textes de l'ordre international ou européen, ont une influence, directe ou indirecte, sur le statut des magistrats.

Ainsi, sur le plan européen, la Charte européenne sur le statut des juges29(*) édictée par le Conseil de l'Europe considère que « Pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de la carrière ou la cessation de fonctions d'un juge, le statut prévoit l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs suivant des modalités garantissant la représentation plus large de ceux-ci. ».

Ladite Charte européenne rappelle que « le statut des juges doit tendre à assurer la compétence, l'indépendance et l'impartialité que toute personne attend légitimement des juridictions et de chacun et chacune des juges auxquels est confiée la protection de ses droits. Il exclut tout dispositif et toute procédure de nature à altérer la confiance en cette compétence, cette indépendance et cette impartialité ; que dans chaque Etat européen, les principes fondamentaux du statut des juges sont énoncés dans les normes internes du niveau le plus élevé et ses règles dans des normes du niveau au moins législatif. » (

S'agissant plus particulièrement de la sélection, du recrutement et de la formation initiale, la charte prévoit, aux articles 2.1 à 2.3 :

« 2.1 Les règles du statut relatives à la sélection et au recrutement des juges fondent le choix, par une instance ou un jury indépendants, des candidats sur leur capacité à apprécier librement de façon impartiale les situations judiciaires qui leur seront soumises et à y faire application du droit dans le respect de la dignité des personnes. Elles excluent qu'un candidat ou une candidate puissent être écartés sur une considération déterminante tenant à leur sexe, à leur origine ethnique ou sociale ainsi qu'à leurs opinions philosophiques et politiques et à leurs convictions religieuses.

2.2. Le statut prévoit les conditions dans lesquelles est garantie, par des exigences liées aux diplômes obtenus ou à une expérience antérieure, l'aptitude à l'exercice spécifique des fonctions judiciaires.

2.3. Le statut assure au moyen de formations appropriées prises en charge par l'Etat la préparation des candidats choisis à l'exercice effectif de ces fonctions. L'instance visée au point 1.3. veille à l'adéquation des programmes de formation et des structures qui les mettent en oeuvre aux exigences d'ouverture, de compétence et d'impartialité liées à l'exercice des fonctions judiciaires. »

Le comité des ministres des États membres du Conseil de l'Europe30(*) a ainsi énoncé, qu'afin d'assurer pleinement le respect de l'indépendance judiciaire, « lorsque la procédure de recrutement prévoit une période probatoire ou une durée déterminée, la décision relative à la confirmation ou à la reconduction de la nomination ne devrait être prise que conformément au paragraphe 44 », soit « reposer sur des critères objectifs préétablis par la loi ou les autorités compétentes. Ces décisions devraient se fonder sur le mérite, eu égard aux qualifications, aux compétences et à la capacité à statuer sur les affaires en appliquant le droit dans le respect de la dignité humaine ».

Le Conseil consultatif des juges européens (ci-après CCJE) « recommande une formation initiale obligatoire avec programmes adaptés à l'expérience professionnelle des candidats retenus », estimant « que la formation des juges doit tenir compte des spécificités des modes de recrutements pour cibler et adapter les programmes de formation de manière appropriée, les juristes expérimentés devant recevoir exclusivement celle requise par leur nouvelle profession ». Constatant que de nombreux pays subordonnent l'accès aux fonctions judiciaires à une expérience professionnelle antérieure, qu'il n'apparait pas possible d'imposer à tous un tel modèle et que l'adoption d'un système mêlant différents types de recrutement peut aussi présenter l'avantage de la diversité de l'origine des juges, le CCJE considère que « il importe que la période de formation initiale comporte, pour les candidats issus de l'université, des stages d'une durée significative dans le milieu professionnel »31(*). (

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Le rapport d'évaluation 2022 de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice32(*)
(ci-après CEPEJ) indique que le concours, mode commun de recrutement des juges est l'option majoritaire choisie par les Etats membres et entités comme voie unique de recrutement ou en combinaison avec d'autres modes de recrutement. Certains États et entités, en particulier les pays de Common law, ont une procédure qui repose uniquement sur l'expérience et l'ancienneté des juristes, sans concours (Autriche, Irlande, Malte, Norvège, Suisse, Irlande du Nord (RU), Écosse (RU) et Israël). D'autres procédures de recrutement sont utilisées dans 15 États membres (Chypre, Islande, Irlande, Lituanie, Pays-Bas, Espagne, Angleterre et Pays de Galles). Comme autres modalités, les États membres ont indiqué la conduite d'entretiens, l'implication d'un Conseil de nomination des juges ou d'un organe similaire, l'accomplissement d'une formation préparatoire ou une évaluation complète des qualifications des candidats.

Ainsi à titre d'exemples, à Chypre les juges sont recrutés sur entretiens tandis que les procureurs sont recrutés par concours.

En Islande les juges sont recrutés par une instance composée de juges et de non juges qui examine les qualifications des candidats, les procureurs étant quant à eux recrutés selon une procédure spécifique pour les professionnels du droit dotés d'une longue expérience dans le domaine juridique et nommés par le ministre de la justice après recommandations faites selon les cas soit par un comité ad hoc indépendant (independent ad hoc committee) (pour les postes élevés) ou par le Director of Public Prosecutions ou le District Prosecutor pour les postes de procureurs.

En Irlande, les juges sont recrutés selon une procédure spécifique pour les professionnels du droit ayant une longue expérience dans le domaine juridique (par exemple des avocats expérimentés) : le Judicial Appointments Advisory Board (JAAB) est l'autorité qui identifie les personnes susceptibles d'être nommées et informe le gouvernement de la pertinence des profils professionnels de ces personnes pour être nommées à un poste de juge. Les procureurs sont recrutés sur entretiens, et doivent avoir une qualification de solicitor/barrister (avocats), avec quelques rares exceptions.

En Lituanie, le recrutement des juges se fait par la combinaison d'un concours et d'une expérience professionnelle, et implique dans le processus un panel de membres (instance composée uniquement de juges) qui va sélectionner les juges à nommer. Le recrutement des procureurs se fait par la combinaison d'un concours et d'une expérience professionnelle, et l'autorité responsable pour le recrutement est une instance composée de procureurs et de non procureurs.

Aux Pays-Bas, le recrutement des juges se fait par la combinaison d'un concours et d'une expérience professionnelle, et comprend dans le processus un comité national de sélection pour le recrutement des juges (LSR) qui est une instance composée de juges et de non-juges (comité composé de divers types de personnalités, des juges et des membres d'autres secteurs professionnels tels que le secteur économique, secteur de l'enseignement, secteur des sciences, des professionnels du droit et des procureurs). Le recrutement des procureurs se fait aussi par la combinaison d'un concours et d'une expérience professionnelle, et l'autorité responsable pour le recrutement est un comité de sélection interne aux services du parquet (Public Prosecution Services), instance composée de procureurs et de non procureurs.

En Espagne, les juges sont principalement recrutés par concours, mais un magistrat sur quatre est recruté parmi des juristes avec une expérience reconnue de plus de dix ans, les candidats étant soumis à une période de formation probatoire dispensée dans une école de formation (Judicial School)

En Angleterre et au Pays de Galles, les juges sont recrutés par une commission indépendante Judicial Appointments Commission, composée de juges et de non juges, laquelle organise des exercices de sélection pour les candidats ayant le niveau de qualification juridique nécessaire. Les procureurs sont recrutés par la combinaison de concours et d'une expérience professionnelle.

Le principe de la nomination à vie des juges s'applique dans presque tous les États membres et entités (Albanie, Allemagne, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, République de Moldavie, Monaco, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Portugal, République tchèque) après une période probatoire de dix mois à cinq ans.

Le CCJE note que dans la pratique européenne, les nominations à plein temps jusqu'à l'âge légal de la retraite sont la règle et qu'il s'agit de l'approche la moins problématique du point de vue de l'indépendance. La situation en Suisse, où les juges peuvent être élus, selon les cantons par le peuple, ou le parlement, ou encore nommés par la cour d'appel, est assez spécifique. Comme l'a également relevé le CCJE33(*), de nombreux systèmes de droit civil prévoient des périodes probatoires pour les nouveaux juges. Il existe une période probatoire dans 16 États membres. Les durées varient de dix mois en Grèce à un maximum de cinq ans en Bulgarie et en Allemagne.

Dans la grande majorité des États et entités membres, une autorité composée de juges et de non-juges est compétente pour le recrutement initial des juges professionnels, telle qu'un jury.

Seuls quelques États et entités prévoient une autorité composée uniquement de juges ou une autorité composée uniquement de non-juges. Dans la plupart des cas, l'organe compétent est le Conseil supérieur de la magistrature (ou un organe similaire). En Allemagne et en Suisse, tous les modèles existent selon les entités fédérées.

Pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire, l'autorité en charge des procédures de recrutement des juges doit être indépendante. Certains États et entités distinguent l'autorité formelle, qui peut être celle qui nomme (par exemple le Président de la République ou le ministre de la Justice), de l'autorité effectivement en charge du processus de recrutement, qui se doit d'être indépendante de l'exécutif pour que soit garantie la pleine indépendance du pouvoir judiciaire.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les voies d'accès à la magistrature sont trop nombreuses et peu lisibles. Actuellement, comme développé ci-dessus, le statut de la magistrature compte dix voies d'accès pour les professionnels qui souhaitent intégrer le corps.

A ces dix voies correspondent des modes de recrutement différents et des formations différentes, plus ou moins longues. Des critiques sont régulièrement formulées par les magistrats, les organisations syndicales et l'association des magistrats recrutés par l'intégration et le concours complémentaire : manque de lisibilité, longueur excessive du processus et taux d'échec élevé après la formation probatoire, s'agissant plus particulièrement de l'intégration directe et des concours complémentaires.

Le rapport du Comité des États généraux34(*) s'est lui aussi prononcé en faveur d'une évolution des voies d'accès au corps judiciaire en constatant que, à côté du recrutement par concours en pied de corps, d'autres voies d'accès à la magistrature ont été prévues dans une volonté affichée d'ouverture vers des profils issus d'horizons variés et que, désormais, un élève magistrat sur deux, recruté et formé à l'ENM, a exercé une activité professionnelle, avant d'intégrer le corps judiciaire.

Le rapport regrette également la lenteur et l'incohérence du processus de recrutement latéral alors que ce mode de recrutement pourrait être un moyen de favoriser l'intégration de profils très spécialisés et la faible valorisation, en termes de rémunération et de déroulement de carrière, des compétences et acquis professionnels des intéressés. Il préconise la définition d'une doctrine de recrutement pour les candidats à l'intégration sur titres en direction de l'ensemble des personnes qui pratiquent le droit à titre professionnel, afin de rendre plus attractives les fonctions judiciaires, et plus divers les profils des personnes ainsi recrutées. Il préconise également un allongement mesuré de leur scolarité pour renforcer l'attractivité de ces voies d'accès et la soumission de tous les magistrats recrutés sur titres, y compris à titre temporaire, à une procédure de recrutement identique.

En tout état de cause, compte tenu des capacités de recrutement actuel à l'ENM et de l'objectif d'assurer l'arrivée au sein des juridictions de 1 500 magistrats entre 2023-2027, en cohérence avec la trajectoire budgétaire fixée dans le projet de loi de programmation et d'orientation de la justice, la réforme des voies de recrutement apparaît indispensable, dans un objectif de simplification.

Par ailleurs, par une décision du 8 septembre 202135(*), le Conseil d'Etat s'est prononcé sur l'article 33 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature en tant qu'il prévoit que les candidats au recrutement sur titres doivent être âgés de trente et un ans au moins au 1er janvier de l'année en cours et a considéré que cette condition d'âge minimal méconnaît l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'âge résultant de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des dispositions de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000.

Bien que cette décision ait une portée limitée à la seule condition d'âge minimal actuellement applicable aux candidats à un recrutement sur titres, elle s'inscrit dans un contexte de remise en cause générale des conditions tenant à l'âge limitant les recrutements dans la fonction publique. En effet, l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique a supprimé les limites d'âge dans tous les recrutements de la fonction publique, sous réserve de deux exceptions s'agissant du recrutement des emplois dits de catégorie active (administration pénitentiaire, police nationale, gendarmerie, aviation civile), ou lorsque la limite d'âge résulte des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi. La persistance des limites d'âge pour l'accès à la magistrature a également été pointée du doigt par le Défenseur des droits. Si ce dernier admet que les limites d'âge permettent d'assurer une harmonie d'ensemble entre les différents modes de recrutements des magistrats judiciaires, il considère néanmoins qu'il n'est pas établi qu'elles soient absolument nécessaires et appropriées.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Compte tenu de constats établis et partagés, le projet de loi organique poursuit divers objectifs.

2.2.1. La mise en cohérence des différentes voies d'accès

Les modes de recrutements à l'ENM tendent à se diversifier et impliquent une réflexion d'ensemble et une mise en cohérence des diverses conditions d'accès, des modalités de recrutement et des formations. Notamment l'officialisation de deux cursus de formation distinct, avec une formation longue, de 31 mois réservée aux jeunes diplômés et à des candidats n'ayant qu'une courte activité professionnelle antérieure, et une formation courte de l'ordre de 12 mois pour les publics justifiant d'une activité professionnelle antérieure plus conséquente et particulièrement qualifiante.

2.2.2. La poursuite des efforts de diversification et d'ouverture

La diversification dans les recrutements des magistrats est une préoccupation ancienne du ministère de la justice et de l'École nationale de la magistrature. Elle est d'ailleurs le premier objectif du contrat de performance et d'objectif de l'ENM.

Ainsi en 2021, les professionnels en reconversion représentaient 55 % des recrutements effectués, qu'ils aient intégré la magistrature par voie de concours ou via les procédures de recrutements sur dossiers.

L'ENM s'est employée, au cours des quinze dernières années, à démocratiser ses concours d'accès pour les rendre plus attractifs et à développer des préparations aux concours performantes.

Ainsi les épreuves des trois concours d'accès à l'École nationale de la magistrature, prévus notamment par l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, ont été réformées en prenant en compte la spécificité de chacun d'eux par le décret n° 2019-99 du 13 février 2019.

Cette réforme a été mise en oeuvre à partir de la session 2020. L'objectif de la réforme était, sans bouleverser l'équilibre général des trois concours, d'actualiser les programmes, de privilégier les épreuves permettant de vérifier les capacités de raisonnement des candidats, de favoriser une certaine diversité des parcours universitaires à travers les options à choisir au moment de l'inscription, mais aussi de prendre davantage en considération le statut de professionnels en exercice des candidats des 2e et 3e concours. En effet, ces derniers, contraints de poursuivre une activité professionnelle pendant la préparation du concours, ont été dispensés de certaines épreuves et notamment de l'épreuve de langue qui est devenue facultative.

S'agissant en particulier du concours externe, réservé aux étudiants titulaires d'un diplôme de niveau bac +4, il compte désormais moins d'épreuves (5 au lieu de 6) dont les coefficients ont été revus et permet aux candidats de choisir entre différentes matières. Les capacités de raisonnement y sont davantage valorisées, au détriment du bachotage.

Surtout l'ENM s'est attachée à développer les classes préparatoires intégrées (CPI) désormais nommées « Prépa Talents ».

Ce dispositif a été créé par le décret n° 2008-483 du 22 mai 200836(*) afin de renforcer l'égalité des chances et la diversité d'origine des auditeurs de justice. Ces classes nommées
« Prépa Talents », depuis l'arrêté du 5 août 2021 fixant la liste des formations dénommées « Prépa Talents » préparant aux concours d'accès à certaines écoles ou organismes assurant la formation de fonctionnaire ou de magistrat de l'ordre judiciaire, sont désormais au nombre de six (Paris, Douai, Bordeaux, Lyon, Orléans, Besançon). Elles accueillent au titre de l'année 2022-2023, 89 candidats remplissant les conditions d'accès au premier concours afin de leur donner les moyens matériels et pédagogiques pour préparer dans de bonnes conditions le concours d'accès à l'ENM. Les candidats, élèves méritants, tous boursiers, issus des quartiers « politique de la ville » ou en « zone de revitalisation rurale », sont sélectionnés par une commission composée de trois membres nommés par arrêté du garde des sceaux, sur proposition du directeur de l'ENM et présidée par le directeur adjoint en charge des recrutements, de la formation initiale et de la recherche de l'ENM.

Au-delà de la gratuité du dispositif, les élèves admis dans l'une des classes Prépas Talents perçoivent une bourse calculée37(*) selon le même barème que celui du CROUS à laquelle s'ajoute une aide découlant du dispositif Prépas Talents de 4 000 €.

Le bilan de ces classes préparatoires depuis leur création est très positif puisqu'en 2021 elles avaient accueilli 629 bénéficiaires et permis de recruter 167 auditeurs de justice, soit environ 26,6 % de la totalité des élèves formés. Ce taux est à rapprocher du taux de sélectivité du 1er concours d'accès qui est d'environ 14 % depuis 2011.

Par ailleurs, si environ 40 % des parents des lauréats du premier concours relèvent de la catégorie des professions et catégories socio-professionnelles supérieures, il convient de relever que les boursiers de l'enseignement supérieur issus du premier concours représentent, de manière constante depuis plusieurs années plus d'un tiers des auditeurs de justice (37,09%) en 2022.

Cependant, l'effort de diversification et d'ouverture du corps des magistrats de carrière doit désormais se poursuivre en direction du vivier de candidats justifiant d'une activité professionnelle antérieure.

Cet effort passe par la clarification des voies de recrutements, la valorisation des parcours professionnels et l'adaptation de la formation aux besoins de ces publics.

2.2.3. Des recrutements quantitativement plus importants garantissant les compétences des futurs magistrats

En outre, compte tenu des capacités de recrutement actuelles, en fonction du nombre de places de stage en juridiction limité sur une même période sur tout le territoire et des capacités d'accueil de l'ENM, l'objectif de permettre le recrutement puis l'arrivée en juridiction de 1 500 magistrats entre 2023 et 2027 se répartit ainsi : + 200 en 2023, + 327 en 2024, + 343 en 2025 et + 315 en 2026 et 2027, en cohérence avec la trajectoire budgétaire fixée dans le projet de loi de programmation et d'orientation de la justice.

Afin d'assurer de tels recrutements, tout en garantissant la qualité de la formation des futurs magistrats de l'ordre judiciaire, une réforme des voies de recrutement est nécessaire.

En définitive, cette réforme permettra de simplifier les voies d'accès, de renforcer l'attractivité du corps tout en garantissant l'adéquation des recrutements aux besoins en termes d'effectifs de magistrats mais également de profils et de compétences.

2.2.4. Une harmonisation avec le droit de la fonction publique

Dans le cadre de la réforme, il est également envisagé de supprimer l'ensemble des limites d'âge, minimales et maximales, encadrant les voies de recrutement, qu'elles soient prévues par la loi organique ou par décret et ce, dans un objectif de mise en conformité avec le droit de l'Union européenne et d'harmonisation avec la fonction publique tout en consacrant une solution permettant aux futurs magistrats de respecter leur engagement de servir.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option non retenue n° 1 : maintien d'une voie d'intégration directe

Une première hypothèse envisagée tendait à conserver et privilégier les actuelles voie d'accès par concours pour les étudiants (1er concours), les fonctionnaires (concours interne) et les professionnels (concours professionnel), et de réserver la voie de l'intégration directe sans concours aux seuls avocats et aux directeurs des services de greffe.

Dans cette perspective, il était prévu d'une part de conserver l'intégration sur titre au second et au premier grades pour les avocats et les directeurs des services de greffe judiciaires
(ci-après DSGJ), et d'autre part d'instaurer un concours professionnel pour les autres candidats en reconversion professionnelle (bac +4 ; 5 années au moins d'exercice professionnel dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires), et notamment les docteurs en droit anciens juristes assistants.

Ainsi, les avocats justifiant de sept années au moins d'expérience professionnelle en cette qualité et les DSGJ justifiant de sept années au moins de service en cette qualité auraient pu accéder au second grade de la magistrature par la voie du recrutement hors concours, à l'instar de l'actuel article 22 de l'ordonnance statutaire ; les avocats justifiant de quinze années d'exercice professionnel ainsi que les DSGJ hors classe et DSGJ occupant ou ayant occupé un emploi de directeur fonctionnel des services de greffe judiciaires auraient pu accéder au premier grade de la magistrature par la voie du recrutement hors concours, à l'instar de l'actuel article 23 de l'ordonnance statutaire.

Ces voies d'intégration auraient impliqué un passage devant un jury d'intégration dans le cadre d'un entretien portant sur l'expérience professionnelle du candidat, ses aptitudes, ses motivations et son parcours ouvert sur l'extérieur. Ce jury, identique au jury du concours professionnel, devait intervenir en remplacement de la commission d'avancement, composée exclusivement de magistrats.

Il était également prévu que, corrélativement à la distinction d'une voie d'accès spécifique, les avocats et les candidats venant des professions judiciaires réglementées n'auraient pas eu accès à la voie du concours professionnel.

Par rapport à l'actuelle voie d'accès via l'article 18-1 de l'ordonnance statutaire, au concours complémentaire et au troisième concours ce projet :

- Exigeait 7 ans d'activité professionnelle au lieu de 4 ans ;

- Permettait une formation courte de 12 à 16 mois au plus au lieu de 31 mois actuellement (durée qui devait être inscrite dans des textes réglementaires) pour les auditeurs et 5 pour les stagiaires du concours complémentaire.

Enfin, dans cette perspective et afin de garantir le respect du droit de l'Union européenne, il était également envisagé de supprimer toutes les limites d'âge et ce, quel que soit la voie d'accès retenue.

Cette option, qui ciblait une voie d'accès dédiée aux professionnels les plus proches de la sphère judiciaire sans toutefois les viser tous, n'a pas été retenue car n'offrant pas une lisibilité suffisante. Elle conduisait en effet à maintenir, à destination des professionnels, un accès par voie de concours et un accès par voie d'intégration pour une part limitée de professionnels, les avocats et directeurs des services de greffe judiciaire. Ces catégories de professionnels auraient ainsi bénéficié de deux voies d'accès à la magistrature, à des stades identiques de leur vie professionnelle compte tenu des durées d'expérience exigées, cinq ans pour le concours professionnel et sept ans pour l'intégration.

3.1.2. Option écartée n° 2 : création d'une seule voie de recrutement sur titre

Plus généralement, il a également été envisagé de créer une seule voie de recrutement sur titres correspondant aux actuels articles 22, 23 et 18-1 de l'ordonnance statutaire en fléchant, malgré tout, une voie pour les avocats et professions réglementées par la distinction des épreuves sans pour autant créer une passerelle automatique.

L'objectif affiché était une simplification du recrutement sur titres, réservé à un public en lien avec le monde judiciaire. Dans cette configuration, le nombre de places disponibles aurait été établi par arrêté du garde des sceaux, offrant ainsi une plus grande transparence pour les candidats à ces voies. Une cellule d'orientation et d'instruction au sein de la Direction des services judiciaires (ci-après DSJ) avait par ailleurs été envisagée afin de centraliser, d'orienter et d'apprécier la recevabilité des candidatures, l'intervention de la commission d'avancement étant alors supprimée et une commission spécifique créée pour le recrutement et composée pour partie de personnalités extérieures.

Quant à la formation de ces candidats recrutés sur titres, il était envisagé de les intégrer au sein d'une même promotion bénéficiant d'une formation commune d'une durée de 13 mois, composée d'une formation théorique de 7 mois, d'un stage en juridiction de 24 semaines puis d'une période de spécialisation de 14 semaines dans la fonction de nomination. La formation théorique aurait été axée sur le positionnement professionnel et la déontologie, qui sont actuellement les premières causes d'échec de ces publics, et complétée par des sessions fondées sur une pédagogie différenciée et contractualisée en fonction des compétences acquises par les candidats. L'aptitude aurait enfin été appréciée par le jury mentionné à l'article 21 de l'ordonnance statutaire et le classement effectué dans les mêmes conditions que pour les auditeurs de justice.

Cette option n'a pas été retenue en ce qu'elle interdisait à ces professionnels l'accès à la formation longue des auditeurs de justice (31 mois). Il a en effet semblé nécessaire de permettre aux professionnels, notamment ceux disposant d'une courte expérience ou d'une expérience plus éloignée du monde judiciaire, d'accéder à une formation longue.

3.1.3. Option écartée n° 3 : création d'un concours professionnel

Dans le cadre des premiers travaux de réforme des voies de recrutement, il a notamment pu être envisagé le schéma suivant tendant à distinguer trois voies principales de recrutement en prévoyant :

- Pour les candidats sortant d'études, le maintien de l'actuel premier concours ouvert aux étudiants titulaires d'un diplôme de niveau bac + 4 ;

- Pour les fonctionnaires, le maintien du concours interne, actuel deuxième concours, ouvert aux fonctionnaires, militaires, autres agents de l'Etat, collectivités territoriales et leurs établissements publics justifiant de 4 années de service ;

- Pour les professionnels du droit, la création d'un concours professionnel unique scindé en deux voies : un concours unique simplifié, ouvert aux avocats et aux autres professions réglementées proches du milieu judiciaire susceptibles d'être soumis à des épreuves simplifiées - prévues par la voie réglementaire -, et un concours unique complet, ouvert aux professionnels du droit éloignés du milieu judiciaire susceptibles d'être soumis à des épreuves juridiques approfondies - prévues par la voie réglementaire.

Dans cette perspective, la sélection devait être confiée à un jury ouvert sur l'extérieur (différent du jury du 1er et 2e concours), ce qui impliquait la suppression de la commission d'avancement composée uniquement de magistrats. Le jury était appelé à examiner le parcours professionnel des candidats devant subir un nombre d'épreuves limité et adapté aux professionnels, à l'aide d'une note d'analyse et de propositions à partir d'un dossier documentaire, sur le modèle du concours externe spécial docteurs d'accès à l'Institut national du service public (INSP). Par la voie réglementaire devaient en outre être prévues deux épreuves juridiques, dont auraient été dispensés les professionnels issus ou proches du monde judiciaire et notamment les avocats, ainsi que les docteurs en droit, et une épreuve orale d'entretien avec le jury sur la base d'un dossier renseigné par le candidat et présentant son expérience professionnelle, ses aptitudes, ses motivations et son parcours.

Le concours professionnel devait être ouvert tous les ans pour un accès au second grade et périodiquement, selon les besoins, pour un accès au premier grade. Notamment, cette nouvelle voie d'accès aurait dû correspondre aux voies de recrutement actuellement définies aux articles 22 et 23 de l'ordonnance statutaire mais également à l'article 18-1 (sauf pour les fonctionnaires) dans le but de rendre plus lisibles les voies de recrutement en distinguant nettement les recrutements par la voie du concours étudiant et du deuxième concours et les reconversions professionnelles.

Il aurait en outre été prévu par la voie réglementaire que les personnes recrutées par la voie de ce concours professionnel bénéficieraient d'une formation courte de 12 à 16 mois, soit au maximum la moitié de la formation des auditeurs de justice et pouvant, le cas échéant, être réduite à un an.

S'agissant des voies de recrutement exceptionnelles et notamment des concours complémentaires (1er et 2nd grade), la question s'était posée de l'opportunité de leur maintien compte tenu de la consécration d'un concours professionnel pouvant permettre de répondre à l'objectif de recrutement rapide.

Dans cette configuration, les autres voies de recrutement exceptionnelles telles que l'intégration directe aux fonctions hors hiérarchie et le détachement judiciaire étaient maintenues.

Enfin, s'il était finalement décidé d'attribuer les compétences actuelles de la Commission d'avancement (ci-après CAV) en matière de voies latérales au jury du concours professionnel, il a un temps été envisagé de prévoir l'intervention du CSM. Cette option a néanmoins été abandonnée dès lors que, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel38(*), toute nouvelle attribution confiée au CSM implique une réforme constitutionnelle.

Bien qu'écartée, cette option a largement inspiré les solutions qui ont finalement été retenues.

3.2. OPTION RETENUE

Afin de fusionner les modes de recrutement et de professionnaliser le processus des voies de recrutement pour les candidats ayant un parcours professionnel antérieur, les évolutions suivantes ont été retenues.

3.2.1. Maintien de trois concours pour le recrutement d'auditeurs de justice (article 17 de l'ordonnance statutaire)

Les deux premiers concours, étudiants et interne, sont maintenus dans leur forme actuel et le troisième concours est rénové (article 17 1° et 2°).

Il est proposé d'ouvrir ce troisième concours aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat, et justifiant d'au moins quatre années d'activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant pour exercer des fonctions judiciaires (article 17 3°).

Cet abaissement de la durée d'expérience professionnelle exigée des candidats au troisième concours à quatre années contre huit précédemment, conjugué à la disparition du recrutement prévu par l'article 18-1 de l'ordonnance statutaire devrait permettre d'augmenter le nombre des candidatures des professionnels souhaitant bénéficier de la formation actuellement prévue pour les auditeurs de justice, pour laquelle aucun changement quant aux modalités ou à la durée n'est envisagé.

Compte tenu de la coexistence de ces trois concours, il est également prévu que le nombre des auditeurs recrutés au titre du 3e concours ne peut dépasser le tiers des places offertes aux 1er et 2e concours pour le recrutement des auditeurs de justice de la même promotion (article 17 alinéa 6).

3.2.2. Création d'un nouveau concours professionnel (article 22) ouvert pour le recrutement de magistrats du second grade (article 23) et du premier grade de la hiérarchie judiciaire (article 24) - premier et deuxième grades à compter de l'entrée en vigueur de l'article 3 du projet de loi organique

Pour l'accès au premier grade, ce concours sera ouvert :

- Aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat et justifiant de sept années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

- Aux juristes assistants et aux attachés de justice justifiant de trois années au moins d'exercice professionnel en cette qualité ;

- Aux directeurs des services de greffe judiciaires justifiant de cinq années de services effectifs dans leur corps

- Aux avocats justifiant de cinq années au moins d'exercice en cette qualité.

Pour l'accès au deuxième grade, le concours professionnel sera ouvert :

- Aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat et justifiant de quinze années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

- Aux directeurs des services de greffe judiciaires qui remplissent des conditions de grade et d'emploi définies par décret en Conseil d'Etat et que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires visées au présent article ;

- Aux avocats justifiant de dix années au moins d'exercice professionnel en cette qualité ;

- Aux magistrats recrutés au titre de l'article 41-10 (magistrats à titre temporaire) justifiant de cinq années d'activité en cette qualité.

Afin de permettre un recrutement adapté aux besoins des services judiciaires, le nombre de postes offerts aux candidats au concours professionnel est défini par arrêté du garde des sceaux, comme pour les trois premiers concours d'accès.

Les règles relatives à l'exigence de diplôme sont unifiées pour l'ensemble de voies d'accès, afin de permettre une meilleure lisibilité pour les candidats, seule l'exigence d'expérience professionnelle est amenée à varier en fonction des voies de recrutement.

Les épreuves, destinées à s'assurer du niveau de connaissance juridique suffisant des candidats, seront déterminées par la voie réglementaire. Le nombre d'épreuves sera limité et leur nature adaptée aux professionnels. Il est envisagé des épreuves du type note d'analyse et de propositions à partir d'un dossier documentaire, entretien avec le jury sur la base d'un dossier renseigné par le candidat et présentant son expérience professionnelle, ses aptitudes, ses motivations et son parcours.

Les candidats admis seront soumis à une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction. Ils prêteront serment devant la cour d'appel et seront astreints au secret professionnel. A l'issue de leur formation probatoire, un jury se prononcera sur leur aptitude à exercer les fonctions judiciaires. Cette déclaration d'aptitude sera assortie d'une recommandation, le cas échéant, d'éventuelles réserves sur les fonctions pouvant être exercées par ce dernier dans le cadre de sa première affectation. Les stagiaires déclarés aptes suivront ensuite une formation complémentaire jusqu'à leur nomination dans les formes prévues à l'article 28 de l'ordonnance statutaire aux emplois pour lesquels ils ont été recrutés.

La durée, le contenu de la formation, les modalités d'affectation des stagiaires déclarés aptes sur leur premier poste, ainsi que l'absence d'obligation pour le jury de pourvoir tous les postes offerts au concours seront fixés par décret en conseil d'Etat.

S'agissant des modalités d'affectation des stagiaires sur leur premier poste, l'hypothèse d'un choix effectué par eux sur la base d'un classement à l'issue de la formation probatoire a été écartée compte tenu de la spécificité de ce vivier de candidats, et de la courte durée de leur formation qui nécessiterait de consacrer du temps pour les soumettre à un nombre suffisant d'épreuves afin de discriminer suffisamment les stagiaires et limiter les cas d'égalité.

Les règles d'affectation des stagiaires, sans recourir à un classement au terme de la formation, seront déterminées par la voie réglementaire, dans le respect des exigences constitutionnelles et notamment du principe d'égalité de traitement.

La création de ce concours s'accompagne naturellement de la suppression des voies de recrutement sur titres (articles 18-1, 22 et 23 de l'ordonnance statutaire) critiquées pour la lenteur dans l'examen des candidatures, l'imprévisibilité du calendrier notamment des voies d'intégration directe, l'absence de visibilité du nombre réel de recrutements opérés chaque année.

Enfin, l'ordonnance statutaire prévoit actuellement des quotas de recrutement pour :

- Les concours complémentaires (article 21-1) :

o 20 % des premières nominations au 2nd grade année N-1 ;

o 10 % des premières nominations intervenues au 1er grade année N-1 ;

- Les auditeurs de justice recrutés au titre de l'article 18-1 : un tiers des places offertes aux concours d'accès ;

- Les intégrations directes au 2nd grade (article 22) : 25 % des premières nominations au 2nd grade année N-1, déduction faite des intégrations directes après détachement judiciaire (article 41-9) ;

- Les intégrations directes au 1er grade (article 23) : 10 % des premières nominations intervenues au 1er grade année N-1, déduction faite des intégrations directes après détachement judiciaire (article 41-9).

Il en résulte que les recrutements au titre du concours complémentaire (article 21-1), de l'intégration directe (articles 22 et 23), et de l'intégration après détachement (article 41-7) ne peuvent à eux trois représenter, pour les recrutements au second grade, plus de 45 % des premières nominations intervenues au second grade au cours de l'année civile précédente, et pour les recrutements au premier grade, plus de 20 % des promotions au premier grade intervenues au cours de l'année civile précédente.

Ces limitations témoignent de la volonté du législateur organique de privilégier l'accès à la magistrature par la voie de l'auditorat, et au-delà même, par la voie du premier concours d'accès réservé aux étudiants, l'article 16 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'ENM précisant que 66 à 77 % des places offertes au trois premiers concours doivent être dédiées au premier concours.

Aussi, afin de préserver un équilibre satisfaisant avec les recrutements d'auditeurs de justice, notamment issus du premier concours, il est prévu d'instituer des quotas pour les recrutements par la voie du concours professionnel.

Ainsi, pour le recrutement au premier grade de la hiérarchie judiciaire, le nombre total des postes offerts ne pourra excéder la moitié du nombre total des premières nominations intervenues au premier grade au cours de l'année civile précédente, et pour le recrutement au deuxième grade de la hiérarchie judiciaire, le quart du nombre total des premières nominations intervenues au deuxième grade prononcées au cours de l'année précédente, les nominations prononcées en application de l'article 40-12 (magistrats en service extraordinaire) et 41-9 (intégration après détachement judiciaire) s'imputant sur ces quotas.

Toutefois, et en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel39(*), afin de permettre des recrutements suffisamment importants dans les années à venir et notamment d'atteindre l'objectif de 1 500 magistrats supplémentaires en juridiction à l'échéance de l'année 2027, une disposition transitoire prévoit que ces dispositions ne s'appliqueront pas aux concours professionnels ouverts pour les années 2025, 2026, 2027 et 2028.

3.2.3. Suppression des recrutements d'auditeurs de justice au titre de l'article 18-1 de l'ordonnance statutaire, des concours complémentaires de l'article 21-1 de l'ordonnance statutaire, de la voie d'intégration directe au premier et au second grade prévue aux articles 22 et 23 de l'ordonnance statutaire

Ces procédures sont en effet trop longues, sans délai butoir et n'apportent aucune lisibilité aux candidats en terme de calendrier. Il n'est notamment pas rare qu'un dossier d'intégration prenne plus d'une année avant d'être examiné par la commission d'avancement qui se réunit pourtant deux fois par an et ces délais découragent nombre de candidats.

3.2.4. Maintien de la voie d'accès aux fonctions hors hiérarchie - 3ème grade à compter de l'entrée en vigueur de l'article 3 du projet de loi organique (article 40 de l'ordonnance statutaire)

Il est prévu le maintien de l'intégration directe aux fonctions hors hiérarchie et d'ouvrir cette voie d'intégration aux personnes justifiant de 6 années d'exercice en qualité de conseillers ou avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire. En effet, alors qu'ils ont fait leur preuve dans l'exercice de fonctions temporaires, certains d'entre eux ne remplissent pas les conditions exigées pour une intégration directe et définitive à des fonctions hors hiérarchie qu'ils ont pourtant exercées.

S'il n'est pas apparu opportun de soumettre les candidats à un concours, compte tenu de leur très haut niveau de compétences et de qualifications requis, et du nombre relativement limité de recrutement sur ce fondement, il est cependant prévu qu'à l'exception des conseillers d'Etat en service ordinaire, en raison de leur qualité de magistrat, les candidats à la hors hiérarchie seront nommés sur avis conforme du jury d'aptitude du concours professionnel, et selon les formes respectivement prévues pour la nomination des magistrats du siège et pour la nomination des magistrats du parquet.

La commission d'avancement étant déchargée de ses fonctions de recrutement, un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions de recueil et d'instruction des dossiers de candidature à l'intégration aux fonctions hors hiérarchie.

3.2.5. Création d'une nouvelle voie d'intégration provisoire à temps plein : magistrats en service extraordinaire (40-8 et suivants de l'ordonnance statutaire)

A l'image des conseillers et avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation, voie d'accès maintenue, il est proposé de créer une nouvelle voie d'intégration provisoire à temps plein pour exercer, en service extraordinaire, les fonctions des second et premier grade (qui deviendront premier et deuxième grade au plus tard le 31 décembre 2025) des cours d'appel et des tribunaux de première instance, à l'exception des fonctions spécialisées mentionnées à l'article 28-3 de l'ordonnance statutaire, au profit de personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'étude après le baccalauréat, justifiant de quinze ans au moins d'activité professionnelle, que leur compétence et leur activité qualifient particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires.

Cette voie d'intégration a été inspirée par la préconisation du rapport du comité des États généraux de la justice40(*) consistant à créer un statut de juge en service extraordinaire. Le rapport envisageait cette voie d'accès au profit des professeurs de droit et maîtres de conférence considérant qu'elle permettrait aux juridictions de recevoir l'expertise de juristes aguerris disposant d'une culture différente et complémentaire des magistrats et à l'Université de disposer d'enseignants dotés d'une compétence non seulement académique mais aussi appliquée.

Cette voie d'intégration a été conçue dans le présent projet de loi plus largement qu'envisagée par le rapport, les professeurs de droit et maîtres de conférence disposant d'ores et déjà de larges possibilités d'accès à la magistrature (intégration directe à la hors hiérarchie prévue à l'article 40 de l'ordonnance statutaire, détachement judiciaire prévu à l'article 41). Elle vise notamment à permettre le recrutement, à titre temporaire, de personnes possédant une expertise technique particulièrement recherchée par le corps judicaire, ainsi que le préconisait notamment un rapport de l'Institut des Hautes Etudes sur la Justice en 201341(*).

Les candidats seront nommés sur avis conforme du jury d'aptitude du concours professionnel, pour une durée de trois ans renouvelable une fois, et selon les formes respectivement prévues pour la nomination des magistrats du siège et pour la nomination des magistrats du parquet.

Les personnes nommées suivront une formation préalable organisée par l'Ecole nationale de la magistrature, comportant un stage en juridiction, le jury prévu à l'article 25-2 de l'ordonnance statutaire étant toutefois compétent, à titre exceptionnel et au vu de l'expérience professionnelle du candidat, pour octroyer des dispenses de formation.

Les conditions de recueil et d'instruction des dossiers de candidature à l'exercice des fonctions de magistrat en service extraordinaire seront fixées par un décret en Conseil d'Etat.

Le nombre de magistrats en service extraordinaire ne pourra excéder respectivement le dixième de l'effectif des magistrats du siège de la juridiction à laquelle ils sont nommés et le dixième de l'effectif des magistrats du parquet près ladite juridiction. Les magistrats en service extraordinaire sont soumis au statut de la magistrature mais, compte tenu du caractère temporaire de leur intégration, ne peuvent ni être membres du Conseil supérieur de la magistrature, ni de la commission d'avancement, ni participer à la désignation des membres de ces instances.

En outre, le nouvel article 40-12 de l'ordonnance statutaire prévoit que les magistrats en service extraordinaire ayant la qualité de fonctionnaires sont placés en position de détachement et fixe les conditions de leur réintégration dans leur corps d'origine dans des termes similaires à celle des conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire. Cet article prévoit également que le contrat de travail bénéficiant précédemment à sa nomination à des fonctions de magistrat en service extraordinaire est, sur sa demande, suspendu jusqu'à l'expiration de ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 40-6 de l'ordonnance, relatif aux conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, lequel subordonne en particulier cette suspension à la justification d'une ancienneté minimale d'un an dans l'emploi précédent.

Enfin, le nouvel article 40-13 de l'ordonnance statutaire prévoit la possibilité, pour les magistrats en service extraordinaire justifiant d'au moins trois années d'exercice en cette qualité, et sous réserve d'un avis conforme du jury d'aptitude du concours professionnel, d'être nommés au premier grade de la hiérarchie judiciaire.

3.2.6. Rénovation du détachement judiciaire (articles 41 et suivants de l'ordonnance statutaire)

Le détachement judiciaire est maintenu pour exercer les fonctions des premier et second grades (futurs premier et deuxième grades), pour les membres des corps recrutés par la voie de l'Institut national du service public, les professeurs et maître de conférences titulaires des universités, les administrateurs des assemblées parlementaires, les fonctionnaires civils ou militaires de l'Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d'emplois de niveau comparable. Il est étendu aux fonctionnaires, de nationalité française, de l'Union européenne de niveau comparable.

La commission d'avancement étant déchargée de ses attributions en matière de recrutement, l'avis est confié au jury d'aptitude du concours professionnel.

Les personnes admises à effectuer un détachement judiciaire suivent une formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction, sauf possibilité pour le jury, à titre exceptionnel et au vu de l'expérience professionnel d'un candidat de l'en dispenser.

Il sera, en outre, possible d'être détaché, à deux reprises, pour une durée de cinq ans, après nouvel avis conforme du jury.

Enfin, l'avis sur l'intégration du corps judiciaire après trois années de détachement, prévu à l'article 41-9, est confié au jury d'aptitude du concours professionnel.

3.2.7. Encadrement des possibilités d'accès aux autres fonctions judiciaires des juges du livre foncier (article 33 de l'ordonnance statutaire)

L'article 33 de l'ordonnance statutaire permet aux fonctionnaires des greffes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle d'être nommés juges du livre foncier dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Après trois ans d'exercice, ils peuvent accéder aux autres fonctions du second grade (futur premier grade), sous réserve, pour ceux qui ne sont pas licenciés en droit, de l'avis conforme de l'ancienne commission d'avancement, lequel peut être subordonné à l'obligation d'accomplir un stage probatoire en juridiction.

Ce régime dérogatoire des juges du livre foncier entraine néanmoins des difficultés récurrentes du fait de l'évolution de leurs profils. Les juges du livre foncier sont désormais plus jeunes et plus diplômés, et aspirent souvent à accéder à un poste de magistrat : l'emploi de juge du livre foncier est ainsi conçu en pratique comme une passerelle leur permettant d'accéder à une carrière classique de magistrat du siège ou du parquet.

Les dispositions dérogatoires existantes pour les juges du livre foncier ne permettent pas d'apprécier la qualité professionnelle des candidats susceptibles d'être ainsi intégrés, seuls les non diplômés en droit étant soumis à un avis préalable de la commission d'avancement et à une éventuelle formation probatoire.

Tous les juges du livre foncier candidats à d'autres fonctions judiciaires seront soumis à une formation probatoire obligatoire, d'une durée de six mois comprenant un stage en juridiction.

Il est également prévu que le jury d'aptitude du concours professionnel se prononce sur leur aptitude à exercer d'autres fonctions du premier grade au terme de leur formation probatoire. Le jury pourra également, assortir la déclaration d'aptitude d'une recommandation et le cas échéant de réserve, ou écarter un candidat ou lui imposer le renouvellement de tout ou partie de la formation.

Cette solution a pour avantage d'harmoniser l'accès aux fonctions de second grade pour les juge du livre foncier, avec les dispositions pour les stagiaires issus du concours professionnel, de permettre de s'assurer des compétences requises pour l'exercice de l'ensemble des fonctions de magistrat du second grade, tout en maintenant une voie d'accès privilégiée, dès lors qu'il s'agit d'un accès automatique à une formation probatoire. Les juges du livre foncier seront ainsi mieux préparés techniquement aux fonctions de la magistrature de plein exercice et acculturés aux obligations déontologiques qui seront les leurs.

3.2.8. Simplification et amélioration de la lisibilité des parcours de formation

Le dispositif mis en place au niveau organique devra être complété par des dispositions déclinées au niveau réglementaire tendant à adapter les parcours de formation aux nouveaux profils. Cette adaptation impliquera :

- Le maintien d'une formation longue pour les auditeurs de justice, avec cependant une adaptation du régime des stages et d'études à leur formation d'origine.

- La mise en place d'une formation courte commune aux stagiaires issus du concours professionnel premier et second grade (articles 23 et 24 de l'ordonnance statutaire), d'une durée de l'ordre de 12 mois organisée par l'Ecole nationale de la magistrature : les candidats admis suivront, en qualité de stagiaires, une formation probatoire rémunérée comportant un stage en juridiction. A l'issue de leur formation un jury se prononcera sur l'aptitude des stagiaires à exercer les fonctions judiciaires, la déclaration d'aptitude pouvant être assortie de recommandation et le cas échéant de réserves sur les fonctions pouvant être exercées lors de la première nomination. Le jury pourra également écarter un stagiaire de l'accès aux fonctions judiciaires ou lui imposer le renouvellement de tout ou partie de la formation. Une fois déclarés aptes les stagiaires suivront une formation complémentaire jusqu'à leur nomination.

- La mise en place d'une formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction pour les magistrats recrutés selon les modalités de l'article 33 de l'ordonnance statutaire relatif aux juges du livre foncier, les magistrats en service extraordinaire recrutés selon les modalités prévues à l'article 40-8 de la même ordonnance, et pour les magistrats en détachement judiciaire recrutés selon les modalités prévues à l'article 41 de ladite ordonnance, sauf dispense accordée par le jury.

- Une absence de formation maintenue pour les intégrations directes en qualité de conseillers et avocats généraux en services extraordinaires et pour les intégrations directes aux fonctions hors hiérarchie.

3.2.9. Mise en place d'un jury unique pour se prononcer sur l'aptitude aux fonctions judiciaires des stagiaires recrutés au titre des articles 23, 24, 33, 40, 41, 40-8, 40-12 de l'ordonnance statutaire

L'option retenue tend à confier à un seul jury les décisions relatives à l'aptitude, et au recrutement des candidats ayant connu une carrière professionnelle antérieure en vue d'assurer une simplification, en même temps qu'un recrutement par une instance ayant une vision d'ensemble favorable à une plus juste harmonisation des appréciations.

Ce jury assortit la déclaration d'aptitude de chaque stagiaire d'une recommandation et, le cas échéant, de réserves sur les fonctions pouvant être exercées lors de la nomination à son premier poste.

Ce jury dont la composition sera déterminée par un décret en Conseil d'Etat comprendra des magistrats mais également des non magistrats, notamment avocat, psychologue et professionnel du recrutement.

3.2.10. Dédoublement du jury des concours et des jurys d'aptitude (article 25-5 de l'ordonnance statutaire)

Afin de pouvoir répondre à l'augmentation des recrutements au cours du quinquennat, il est prévu la possibilité, si nécessaire, pour les jurys de concours comme pour les jurys se prononçant sur l'aptitude de se constituer en groupes d'examinateur, l'égalité de notation des candidats étant préservée par la péréquation des notes attribuées par chaque groupe d'examinateur et une délibération finale des jurys.

3.2.11. Suppression de l'ensemble des limites d'âge (minimale et maximale) encadrant les voies de recrutement dans un objectif de mise en conformité avec le droit de l'Union européenne et d'harmonisation avec la fonction publique (articles 18-2, 21-1 et 22 de l'ordonnance statutaire).

Dans l'objectif de mise en conformité avec le droit de l'Union européenne et d'harmonisation avec la fonction publique, toutes les limites d'âge sont supprimées. Il est toutefois proposé de maintenir une limite d'âge s'agissant des candidats soumis à une période de scolarité et tenus, une fois magistrat, à un engagement de servir. Le projet introduit un nouvel article 17-1 de l'ordonnance statutaire afin d'exiger que l'âge du candidat lui permette de satisfaire à cet engagement de servir à la date d'entrée en jouissance immédiate de la pension.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées impliquent les modifications suivantes de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature :

- Modification des articles 14, 15, 16, 17, 17-1, 19, 22, 23, 25, 25-1, 25-2, 26, 33, 40,
40-1, 40-10, 40-11, 40-12, 40-13, 41, 41-2, 41-3, 41-5, 41-9 et 41-12 ;

- Abrogation des articles 18-1, 18-2, 21-1, 25-3, 25-4 ;

- Création de nouveaux articles : 24, 25-5, 40-8 à 40-13, 41-9-1 ;

- Modification du titre de la Section I du Chapitre II par le titre suivant : « Du recrutement des auditeurs de justice »,

- Modification de l'intitulé de la Section II du Chapitre II par l'intitulé suivant : « Du recrutement des stagiaires » ;

- Ajout après l'article 40-7 d'une sous-section I Bis intitulée : « Des magistrats des cours d'appel et tribunaux en service extraordinaire ».

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Cette réforme des voies d'accès est en cohérence avec les principes européens mentionnés supra en matière de recrutement des juges : les voies d'accès rénovées font intervenir un jury de recrutement. Elles prévoient des conditions de diplôme et d'expérience professionnelle de nature à s'assurer de la capacité des candidats, des formations diverses adaptées au profil des candidats et financées par l'État. Elles confient la décision sur l'aptitude au terme de la formation probatoire à un jury.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La réforme supprime des voies d'accès et en crée de nouvelles permettant de regrouper les voies d'intégration antérieures (7 voies d'accès au lieu de 11).

Les deux concours d'accès à l'École nationale de la magistrature sont maintenus dans leur forme actuelle. Le troisième concours est rénové dans ses conditions d'accès mais également dans sa nature qui sera fixée par voie réglementaire. Il est en effet envisagé de supprimer la plupart des épreuves écrites d'admissibilité et de limiter le nombre d'épreuves orales d'admission à une seule. En conséquence, les coûts de correction de copie et liés à l'indemnisation, aux frais de déplacement, d'hébergement et de repas des membres du jury seront réduits.

Les concours complémentaires, dont le coût est évalué à 0,24 M€, sont supprimés.

Le recrutement sur titre est actuellement confié à la commission d'avancement, qui se réunit à Paris deux fois par an pendant deux semaines, outre 5 jours de présence également à Paris, en amont de ces réunions pour procéder à l'audition des candidats. Composée de 36 membres, les coûts liés au fonctionnement de la commission (hébergement, repas, déplacement) sont évalués à 0,12 M€. Ce mode de recrutement est supprimé. Il permet en outre de rétablir 2,6 ETP compte tenu du temps de décharge accordé aux magistrats élus à la commission d'avancement pour la préparation et la tenue des travaux liés au recrutement.

Le vivier de candidats à l'intégration directe et aux concours complémentaires est orienté vers des concours professionnels, dont les épreuves, définies au niveau réglementaire, seront allégées. Le coût de l'organisation de ces concours ne peut à ce stade être défini avec précision dans l'attente des textes réglementaires qui préciseront notamment la composition du jury. Il ne sera en tout état de cause pas supérieur aux coûts cumulés de l'organisation des concours complémentaires et de fonctionnement de la commission d'avancement.

L'impact budgétaire de cette mesure, dont l'entrée en vigueur est prévue au plus tard le
31 décembre 2024, peut être considéré comme nul, voire positif.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

La refonte des voies d'accès permet de préserver l'ensemble des viviers de candidats, lesquels sont en augmentation depuis plusieurs années42(*), qui peuvent être orientés vers une ou plusieurs d'entre elles ainsi que tel est actuellement le cas. C'est ainsi que, si les candidats des concours étudiants et fonctionnaires ne seront pas impactés par la réforme, les autres candidats se répartiront entre le 3e concours et le concours professionnel, avec possibilité de candidatures multiples43(*).

1er concours

(Etudiants)

(art. 17 OS)

Vivier identique (2022 : 218 postes offerts , 2770 inscrits , 231 admis - 13 reports des autres concours)

2e concours

(Fonctionnaires)

(art. 17 OS)

Vivier identique (2022 : postes offerts 52 , 630 inscrits , 47 admis)

3e concours

(Professionnel)

(art. 17 OS)

Vivier des candidats du concours complémentaires (2022 : 80 postes offerts, 722 inscrits, 76 admis)

Vivier des candidats art. 18-1, à l'exception des juristes assistants (182 candidats 45 lauréats)

Vivier de l'actuel 3ème concours (2022 : 15 postes offerts, 214 inscrits, 7 admis)

Vivier des actuels candidats à l'intégration directe (art. 22 -194 candidats (2021) 21 lauréats (2022))

Concours professionnel

2nd grade

(art. 23 OS)

Vivier des candidats art. 18-1 juriste assistants (2022 : 95 candidats, 50 lauréats)

Vivier des candidats art. 18-1 (182 candidats 45 lauréats)

Vivier des candidats du concours complémentaire (2022 : 80 postes offerts, 722 inscrits, 76 admis)

Vivier des actuels candidats à l'intégration (art. 22/23 : 194 candidats (2021), 21 lauréats)

Concours professionnel

1er grade

(art. 24 OS)

Vivier des actuels candidats à l'intégration (art 23 : 18 candidats 2021, 7 lauréats (2022))

L'abaissement des conditions d'ancienneté requises pour présenter le troisième concours, de huit ans actuellement à quatre ans, associé à la modification de la nature des épreuves devraient permettre d'augmenter le nombre de candidatures, sans qu'il ne soit possible de le quantifier en l'état. Cet abaissement conjugué à la disparition du recrutement direct en qualité d'auditeur de justice permettra ainsi aux professionnels souhaitant bénéficier de la formation longue de présenter leur candidature à l'ENM, le 3ème concours devrait donc bénéficier d'une partie des candidats se présentant actuellement au titre de l'article 18-1. Ce vivier étant susceptible de se répartir entre le concours professionnel et le 3ème concours.

S'agissant du concours professionnel, la suppression de la condition de diplôme juridique, qui figure actuellement à l'article 18-1 de l'ordonnance statutaire permettra de déclarer recevable plus largement certaines candidatures, notamment celles émanant de personnes ayant étudié dans les Instituts d'Études Politiques sans majeure juridique. C'est ainsi que la suppression de la condition de diplôme entrainerait, en moyenne sur cinq années (2017 à 2022), une augmentation estimée entre 25 et 35 % du nombre de candidats autorisés à concourir à l'actuel concours complémentaire.

Actuellement, les juristes assistants représentent une part importante des recrutements. Depuis la création du statut, 369 candidatures au recrutement hors concours et 172 avis favorables, soit 46,6 % des candidats ont été intégrés à la magistrature par la voie du recrutement hors concours.

Le nombre de candidatures a été croissant au fil des ans :

- 2017 : 11 candidatures ; 5 avis favorables, soit 45,5 % ;

- 2018 : 29 candidatures ; 8 avis favorables, soit 27,6 % ;

- 2019 : 71 candidatures ; 37 avis favorables, soit 52 % ;

- 2020 : 85 candidatures ; 36 avis favorables, soit 42 % ;

- 2021 : 71 candidatures ; 33 avis favorables soit 46,5 % ;

- 2022 : 102 candidatures ; 53 avis favorables, soit 52 %.

S'agissant plus spécifiquement de l'intégration directe en qualité d'auditeur de justice (art. 18-1 de l'ordonnance statutaire) :

- 2017 : 5 candidatures ; 3 avis favorables, soit 60 % ;

- 2018 : 24 candidatures ; 8 avis favorables, soit 33 % ;

- 2019 : 63 candidatures ; 36 avis favorables, soit 57 % ;

- 2020 : 74 candidatures ; 33 avis favorables, soit 44 % ;

- 2021 : 70 candidatures ; 32 avis favorables, soit 46 % ;

- 2022 : 95 candidatures ; 50 avis favorables, soit 52 %.

L'orientation de ces candidats vers le concours professionnel aura pour effet mécanique de permettre une formation plus courte de ce public au plus proche de l'activité judiciaire, et par conséquent une affectation au terme d'une année de scolarité au lieu des 31 mois actuels.

Les anciens candidats à l'intégration directe ainsi qu'aux concours complémentaires pourront candidater naturellement au concours professionnel. Cette voie d'accès leur permettra de bénéficier d'une formation plus longue et plus complète que celle dont ils bénéficient actuellement. Ils pourront aussi dès leur premier poste se voir proposer d'exercer l'ensemble des fonctions ouvertes aux magistrats issus de la formation longue et non seulement l'exercice de fonctions non spécialisées (les lauréats du concours complémentaire ne peuvent prétendre qu'aux fonctions de juge non spécialisé ou substitut placé).

De la même façon, l'ouverture d'une voie d'accès aux fonctions hors hiérarchie aux conseillers ou avocats généraux en service extraordinaire à la Cour de cassation, permettra, là aussi, d'augmenter le vivier de recrutement et de l'ouvrir à des personnes déjà formées. C'est ainsi que la quasi-totalité de ces magistrats intégrés à titre provisoire actuellement en service seraient éligibles à ce recrutement, soit huit des neuf avocats généraux et conseillers en service extraordinaires.

L'impact est positif pour l'ENM, comme pour les juridictions accueillant en stage les futurs magistrats, compte tenu de l'identification de deux parcours de formation probatoire alors qu'il en existe actuellement trois, formation longue pour les auditeurs de justice et formation courte commune aux stagiaires issus du concours professionnel.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Comme indiqué supra, la réforme envisagée permettra des recrutements plus lisibles et plus attractifs pour des professionnels dotées d'expériences diverses en vue d'une magistrature plus ouverte.

En effet, au-delà du premier concours qui permet de recruter principalement des étudiants pour devenir magistrat, la politique de recrutement du ministère de la justice vise non seulement à renforcer les effectifs de la magistrature mais aussi à en élargir l'accès au profit de candidats présentant déjà une expérience professionnelle. Ainsi, la moitié des personnes formées par l'Ecole nationale de la magistrature ont une carrière antérieure. En outre, l'expérimentation d'un concours externe spécial (article 11 du présent projet de loi organique) renforcera l'ambition de faciliter l'accès des jeunes de condition modeste au corps de la magistrature.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

L'augmentation des recrutements dans le cadre du plan quinquennal ouvrira de nouvelles opportunités professionnelles aux jeunes diplômés, dont les voies d'accès à la magistrature sont préservées via le concours étudiant mais également celles ouvertes aux jeunes professionnels, notamment le troisième concours, comme précisé supra (4.4.).

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Les possibilités d'accès à la magistrature des professions réglementées sont préservées, via des procédures plus lisibles aux épreuves adaptées à leur profil, et, pour certaines, facilitées. À titre d'illustration, un avocat pourra envisager une reconversion professionnelle à différents stades de sa carrière :

- Après quatre années d'activité avec le troisième concours ;

- Après cinq ou dix années d'activité avec le concours professionnel second ou premier grade ;

- Après quinze années en qualité de magistrat en service extraordinaire ;

- Après vingt années d'activité en qualité de magistrat en service extraordinaire à la Cour de cassation ;

- Après 25 années d'activité dans le cadre d'une intégration directe hors hiérarchie.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et de procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, l'École nationale de la magistrature ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Compte tenu de la nécessité de permettre la poursuite des recrutements d'auditeurs de justice et de magistrats stagiaires avant l'adoption définitive des textes réglementaires nécessaires à la mise en place des nouvelles voies d'accès, l'article 1er du projet de loi ne peut entrer en vigueur immédiatement.

Il est dès lors prévu, à l'article 12 du présent projet de loi, une entrée en vigueur différée de l'article 1, à la date fixée par le décret pris pour son application, et au plus tard le 31 décembre 2024, à l'exception des dispositions prévoyant la possibilité pour le jury de se constituer en groupe d'examinateur (18°), de la suppression des limites d'âge pour les concours (6°), de l'ouverture du détachement aux fonctionnaires européens (24°), et de la possibilité de renouvellement du détachement (27°), qui entreront en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi.

Le b) du 1° de l'article 12 prévoit que les quotas applicables aux recrutements par la voie du concours professionnel (article 1 14°) ne s'appliquent pas aux concours ouverts pour les années 2025, 2026, 2027 et 2028.

Le c) du 1° de l'article 12 prévoit également à titre transitoire que l'avis conforme préalable à la nomination en qualité de magistrat en service extraordinaire des cours d'appel et tribunaux en service extraordinaire prévus à la sous-section I bis de la section I du chapitre V de la l'ordonnance statutaire sera rendu par la commission d'avancement prévue à l'article 34 de la même ordonnance jusqu'à la première nomination du jury.

Enfin, le d) de l'article 12 prévoit que les procédures de recrutement ouvertes au titre de l'article 21-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction antérieure à la présente loi organique, se poursuivent jusqu'à leur terme selon les modalités fixées par cet article, et que la procédure de nomination des personnes ainsi recrutées se poursuit conformément aux mêmes dispositions.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les dispositions envisagées impliquent l'adoption, la modification et l'abrogation de plusieurs textes réglementaires :

- Modification du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance statutaire afin notamment :

o D'insérer au sein du chapitre VI « Des fonctions en service extraordinaire à la Cour de cassation, du détachement judiciaire, de l'intégration directe dans le corps judiciaire et des magistrats exerçant à titre temporaire. » (Articles 31 à 35-6-1) les dispositions relatives à l'examen des candidatures, à la durée et aux modalités de la formation préalable, et à la rémunération des magistrats des cours et tribunaux en service extraordinaire ;

o D'insérer les dispositions relatives à l'intégration des juges du livre foncier au premier grade de la hiérarchie judiciaire, et notamment la durée et les modalités de la formation probatoire, l'intervention du jury d'aptitude ;

o De supprimer les dispositions relatives à l'intégration au titre des articles 18-1, 22 et 23 ;

o De modifier les dispositions relatives au détachement judiciaire (examen des candidatures, formation, examen de la demande d'intégration) ;

- Modification du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature afin de :

o Supprimer les dispositions relatives aux limites d'âge (articles 17, 21, 32-1, 34, 68, 68-1) ;

o Modifier l'article 19 relatif à la composition du jury des trois concours afin de permettre en cas de nécessité la constitution du jury en groupes d'examinateur ;

o Modifier l'article 32-5 afin d'adapter les épreuves du troisième concours au parcours professionnel antérieur ;

o Supprimer le chapitre IV relatif au recrutement d'auditeurs de justice sur titre, ainsi que les articles 40 et 46 du décret ;

o Insérer des dispositions relatives au concours professionnel (contenu des épreuves, composition du jury, possibilité de ne pas pourvoir tous les postes offerts, formation probatoire et complémentaire des stagiaires, rémunération des stagiaires, aptitude, affectation, reclassement indiciaire) ;

o Supprimer le chapitre VI relatif aux stages en juridiction des candidats à l'intégration directe et des candidats admis au concours complémentaires ;

- Modification du décret n° 2012-683 du 7 mai 2012 fixant le régime indemnitaire des auditeurs de justice et des candidats admis aux concours de recrutement de magistrats prévus par l'article 21-1 de l'ordonnance statutaire ;

- Modification du décret n° 97-874 du 24 septembre 1997 relatif à l'application des articles 25-4 et 40 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature afin d'adapter aux nouveaux publics les dispositions relatives à la prise en compte des années d'activité professionnelle accomplies avant la nomination en qualité de magistrat pour le calcul de la pension de retraite ;

- Abrogation du décret n° 2001-1099 du 22 novembre 2001 relatif aux modalités du recrutement de magistrats prévu par l'article 21-1 de l'ordonnance statutaire ;

- Abrogation du décret n° 2017-1285 du 21 aout 2017 fixant le régime indemnitaire au cours de la formation probatoire des candidats à l'intégration au titre des articles 22 et 23 de l'ordonnance statutaire.

Enfin, elles nécessitent la modification ou l'abrogation de plusieurs arrêtés, fixant les modalités d'inscription, d'organisation des concours d'accès, les indemnités de formation et de stages des auditeurs et stagiaires magistrats, ainsi que du règlement intérieur de l'ENM :

- Abrogation de l'arrêté du 22 novembre 2001 relatif aux concours de recrutement prévus par l'article 21-1 de l'ordonnance statutaire,

- Création d'un nouvel arrêté relatif au nouveau concours de recrutement, dit concours professionnel (modalité d'inscription, organisation du concours, discipline, programme des épreuves, déroulement et correction des épreuves)

- Modification de l'arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux modalités d'organisation, règles de discipline, programme, déroulement et correction des épreuves des trois concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, pour adapter les épreuves du troisième concours.

Article 2 - Evaluation des chefs de cour d'appel et de tribunal

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit actuellement que l'activité professionnelle de chaque magistrat fait l'objet d'une évaluation tous les deux ans et qu'une évaluation est effectuée au cas d'une présentation à l'avancement et à l'occasion d'une candidature au renouvellement des fonctions.

Cette évaluation est précédée de la rédaction par le magistrat d'un bilan de son activité et d'un entretien avec le chef de la juridiction où il est nommé ou rattaché ou avec le chef du service dans lequel il exerce ses fonctions. L'évaluation des magistrats exerçant à titre temporaire est précédée quant à elle d'un entretien avec le président du tribunal judiciaire auprès duquel ils sont affectés. L'évaluation est intégralement communiquée au magistrat qu'elle concerne.

Ce même article prévoit d'une part que l'autorité qui procède à l'évaluation prend en compte les conditions d'organisation et de fonctionnement du service dans lequel le magistrat exerce ses fonctions et d'autre part, s'agissant des chefs de juridiction, que l'évaluation apprécie, outre leurs qualités juridictionnelles, leur capacité à gérer et à animer une juridiction.

Un décret en Conseil d'Etat, et plus particulièrement les articles 18 et suivants du décret n° 93-21 du 7 janvier 199344(*), fixent les conditions d'application de l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire.

Les chefs de cour d'appel échappent aujourd'hui à toute évaluation de leur activité professionnelle.

Par ailleurs, les articles 15 et 16 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM) prévoient actuellement que les candidatures aux emplois pourvus sur proposition du CSM sont adressées simultanément au Conseil ainsi qu'au ministre de la Justice. Pour chaque nomination de magistrat du siège à la Cour de cassation, de premier président de cour d'appel ou de président de tribunal judiciaire, la formation compétente du CSM arrête, après examen des dossiers des candidats et sur le rapport d'un de ses membres, la proposition qu'elle soumet au Président de la République.

Pour les nominations de magistrats aux autres fonctions du siège, l'avis de la formation du Conseil supérieur compétente à l'égard des magistrats du siège est donné sur les propositions du ministre de la justice et après un rapport fait par un membre de cette formation.

Pour les nominations de magistrats aux fonctions du parquet, l'avis de la formation compétente du Conseil supérieur est donné sur les propositions du ministre de la justice et après un rapport fait par un membre de cette formation.

Or, dans ces articles, il n'est pas fait référence aux compétences desdits candidats dont il est tenu compte pour chaque proposition de nomination.

1.1.1. Le cadre d'évaluation au sein de la fonction publique française

La circulaire du Premier ministre du 10 juin 2015 relative à la gestion des cadres et au management dans la fonction publique de l'État, a marqué une forte volonté politique de changer les méthodes actuelles de gestion des ressources humaines en promouvant la nécessité de diffuser une culture managériale dans les ministères, confiant à la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (ci-après DGAFP) une nouvelle mission d'animation des politiques de ressources humaines au sein des ministères. L'évaluation à 360 degrés, faisant intervenir l'ensemble des personnes qui entretiennent des relations avec les « managers » de la fonction publique45(*), y est présentée comme un outil très puissant et de nature à faire progresser les organisations dans le management. Il est néanmoins constaté une appropriation différenciée selon les ministères étant précisé que les ministères ayant une gestion intégrée des corps, tels que le ministère de l'intérieur pour le corps préfectoral, et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour les ambassadeurs, ont développé des outils et des méthodes beaucoup plus performants pour parvenir aux résultats attendus.

Aux termes des lignes directrices de gestion interministérielle pour l'encadrement supérieur de l'Etat du 20 avril 202246(*) et du décret n° 2022-720 du 27 avril 2022 relatif aux évaluations prévues par l'article L. 412-2 du code général de la fonction publique, une nouvelle modalité d'évaluation collégiale des agents relevant de l'encadrement supérieur de l'Etat par les employeurs publics a été mise en place. Cette évaluation collégiale s'effectuera au moins tous les six ans.

Au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, l'évaluation à 360 degrés des ambassadeurs, d'abord mise en place dès 2006, à titre expérimental sur la base du volontariat, a été institutionnalisée en 2011. Si l'objectif premier était d'évaluer les ambassadeurs qui échappaient à la notation hiérarchique et de détecter les éventuelles difficultés qui pouvaient légitimer une inspection, ce mode d'évaluation sert à ce jour aussi à la création d'un vivier de très hauts potentiels, composé de professionnels qui se démarquent particulièrement pour leur capacité à exercer des emplois à haute responsabilité à l'administration centrale du ministère, dans les missions diplomatiques ou les postes consulaires. En complément des autres outils permettant de juger des qualités attendues d'un diplomate, elle vise en particulier à apprécier les capacités de celui-ci à animer et diriger une équipe, à coordonner l'ensemble des services placés sous son autorité, à assurer la bonne gestion des moyens de l'État, à faire preuve de dynamisme et de sens de l'initiative. Le système concerne les ambassadeurs, les consuls généraux et les cadres de l'administration centrale. Les questionnaires utilisés sont conçus en interne. L'hypothèse d'une externalisation de l'exercice a été écartée en raison des spécificités des métiers de la diplomatie. La restitution vise à faire prendre conscience à l'évalué de ses marges de progression. Des sessions de formation et/ou de coaching peuvent être proposées.

Au ministère de l'intérieur, un dispositif sui generis a été mis en place pour l'évaluation des préfets, conduite par des préfets, président ou vice-président du Conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation. L'évaluation se distingue de l'entretien professionnel assuré chaque année par le supérieur hiérarchique. Elle n'est ni une inspection, ni une démarche d'appréciation de l'atteinte des objectifs et de la performance. Elle vise à appréhender la manière de travailler de l'intéressé dans son poste, son intégration dans son environnement, son potentiel global, son aptitude à exercer des responsabilités supérieures, ses points forts, ses axes de progrès ainsi que son profil. Pour la personne évaluée, l'évaluation répond à un objectif d'orientation et de développement professionnel ; pour le ministère, elle répond à un objectif de gestion prévisionnelle des compétences et des carrières et de recherche d'une adéquation optimale profil/poste. La méthode consiste en un entretien approfondi avec le préfet suivi d'une évaluation à 360 degrés, qui prend la forme d'entretiens individuels auprès d'un échantillon représentatif de l'ensemble des interlocuteurs du préfet : supérieur hiérarchique, collaborateurs, collègues, élus, chefs de service de l'État, autres partenaires (chefs d'entreprise, responsables d'associations).

Au sein du même ministère, la finalité poursuivie par l'évaluation à 360° des officiers de gendarmerie est très différente. Il s'agit uniquement de détecter les futurs dirigeants présentant le meilleur équilibre pour occuper les fonctions les plus importantes. Le public cible des officiers soumis à une évaluation à 360 degrés est une population dont les profils et la réputation sont déjà jugés irréprochables.

Au sein du ministère de l'économie et des finances et du ministère des armées, l'évaluation à 360 degrés n'est utilisée qu'à des fins de développement personnel.

1.1.2. Le cadre d'évaluation au sein des autres corps juridictionnels

Dans l'ordre juridictionnel administratif, le rôle central en matière de gestion des juridictions est attribué au Conseil d'État, qui dispose de compétences majeures en matière de ressources humaines. La Mission d'inspection des juridictions administratives (ci-après MIJA), instance au sein du Conseil d'État a vu ses pouvoirs progressivement renforcés dans une volonté d'accompagnement et d'évaluation des juridictions. Outre ses attributions classiques d'inspection, la MIJA intervient sur le plan managérial puisque son chef préside le jury de recrutement des membres des juridictions administratives, pour le corps des magistrats de tribunaux et de cours administratives d'appel. C'est également lui qui réalise l'entretien professionnel des chefs de juridiction prenant en compte les aptitudes à la constitution et à l'animation d'une équipe, les capacités d'écoute et de dialogue, le sens de l'organisation et de la gestion, l'attention portée à la cohésion magistrats/greffe, l'exercice de l'autorité, les qualités d'évaluateur, l'attention portée aux questions de formation, aux décisions rendues par la juridiction, les capacités d'anticipation et de proposition, les relations publiques, les études et publications, l'objectif étant avant tout de déterminer des voies d'amélioration.

Le Conseil d'État a souhaité s'inscrire dans une véritable professionnalisation des fonctions managériales des chefs de juridiction, par la mise en oeuvre de deux outils intervenant à différents stades :

- En amont de la nomination, par la création d'un vivier de cadres potentiels ;

- En cours du processus de nomination, tous les candidats aux fonctions de chefs de juridiction, à la suite d'un appel à candidatures, sont reçus par un prestataire extérieur, pour réaliser une évaluation, soit un entretien d`une heure destiné à cerner leur personnalité et leur aptitude au management selon une grille d'analyse prédéfinie.

En revanche, les chefs des cours administratives d'appel ne sont pas évalués. Ils ont des entretiens professionnels avec le vice-président du Conseil d'État, sur la base d'un dossier préparé avec l'avis de la MIJA, et compte tenu de la lettre de mission qui leur est préalablement adressée par le vice-président lors de leur prise de fonction.

Au sein des juridictions financières, un cadre réglementaire organise le dispositif d'évaluation professionnelle annuelle des magistrats présidents des chambres régionales et territoriales des comptes. Les finalités de l'évaluation sont doubles :

- Si des difficultés émergent, la Cour des comptes propose aux présidents de chambre de recourir à de l'accompagnement individuel, par les moyens mis à sa disposition par les services du Premier ministre ;

- Les évaluations servent pour les nominations à d'autres fonctions, puisque la reconduction à une autre présidence n'est pas automatique. C'est en effet le Premier président qui fait une proposition de nomination au Conseil supérieur de la Cour des comptes et au Conseil supérieur des chambres régionales et territoriales des comptes après appel à candidatures.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision du 21 février 199247(*), le Conseil constitutionnel rappelle « qu'en spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique, une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le constituant a entendu par ce moyen accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire ; que la loi organique portant statut des magistrats doit par suite déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées ».

Il a, en outre, considéré que « dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principe de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés, non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ».

Dans cette même décision, le Conseil s'est prononcé sur l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire introduisant l'évaluation de l'activité professionnelle des magistrats. Considérant que cette évaluation était effectuée dans le cadre d'une procédure dont les caractéristiques essentielles étaient déterminées, la loi organique pouvait renvoyer à un décret en Conseil d'État pour fixer les conditions d'application. Il a également estimé que le principe d'égalité était respecté dans la mesure où l'évaluation était applicable tant au magistrat en service dans le corps judiciaire qu'à celui en service détaché48(*).

Dans sa décision du 27 janvier 199449(*), le Conseil constitutionnel a admis des exceptions au principe de l'évaluation s'agissant des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, des premiers présidents et procureurs généraux des cours d'appel dans la mesure où ces exceptions trouvaient leur justification dans la spécificité des fonctions exercées.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs affirmé la valeur constitutionnelle de l'exigence d'une bonne administration de la justice, objectif à valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 4 août 197950(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le statut de la magistrature s'insère dans un cadre juridique européen et international dont nombre de textes ont une influence, directe ou indirecte, sur le statut des magistrats eu égard au droit de toute personne à un tribunal indépendant.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme (ci-après CEDH) que l'administration des tribunaux doit être confiée à des juges capables de mettre en place une organisation juridictionnelle satisfaisant aux garanties des articles 6§1 et 13 de la Convention européenne des Droits de l'Homme51(*). Si un dispositif d'évaluation visant à s'assurer du respect de cette exigence peut être instauré, celui-ci ne doit pas porter atteinte à l'indépendance tant externe qu'interne des juges. De l'extérieur, il doit les préserver de toute pression ou influence de la part du pouvoir exécutif ou législatif et ne pas porter atteinte à l'exercice de leur activité juridictionnelle52(*). De l'intérieur, le dispositif d'évaluation doit les prémunir de toutes instructions ou de toutes pressions émanant d'autres juges ou de la hiérarchie53(*).

S'agissant des juges, le Conseil consultatif des juges européens (ci-après CCJE) souligne qu'une « certaine façon d'évaluer individuellement les juges est nécessaire pour faire face à deux exigences essentielles de tout système judiciaire, à savoir rendre une justice de la plus haute qualité et rendre compte à la collectivité dans une société démocratique » et que « la règle fondamentale pour toute évaluation individuelle des juges doit être le respect total de l'indépendance judiciaire [qui] suppose non seulement d'être à l'abri d'une influence extérieure indue, mais aussi d'être soustrait à l'influence indue qui peut découler dans certaines situations de l'attitude d'autres juges »54(*). L'évaluation, qui peut être informelle ou formelle, doit viser à améliorer le travail des juges et plus largement, le système judiciaire dans son ensemble. La base et les principaux éléments d'une évaluation formelle doivent être clairement définis de manière exhaustive par la loi et être fondés sur des critères objectifs qui ne sauraient être seulement quantitatifs, tels que les compétences professionnelles (connaissance du droit, capacité à mener une procédure judiciaire, capacité à rédiger des décisions motivées), les compétences personnelles (capacité à assumer la charge de travail et à décider, ouverture aux nouvelles technologies), les compétences sociales (capacité à jouer un rôle de médiateur, respect des parties, capacité à diriger pour les postes qui l'exigent).

S'agissant des modalités d'évaluation des présidents de tribunaux, compte tenu de leur rôle spécifique pour assurer le fonctionnement efficace du tribunal et améliorer le service rendu à la justice, le Conseil consultatif des juges européens considère55(*) que si la gestion des tribunaux est confiée à des juges, ceux-ci doivent disposer de qualités managériales, outre leur aptitude à une fonction de juge, et qu'il est possible d'apprécier globalement le travail accompli, y compris les tâches de gestion pour envisager d'éventuelles améliorations et tirer les enseignements de l'expérience.

S'agissant des magistrats du parquet, la Cour relève qu'au regard de l'article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, le ministère public ne saurait être astreint aux obligations d'indépendance et d'impartialité que l'article 6 impose à un « tribunal »56(*) . Le Conseil consultatif de procureurs européens (ci-après CCPE) en déduit, a contrario, que dans les États où les magistrats du parquet sont investis de prérogatives entrant dans le champ d'application de l'article 6§1 de la Convention, ils doivent satisfaire aux exigences d'indépendance et d'impartialité imposées par cette disposition, y compris dans la gestion de leur carrière57(*). Il formule des recommandations similaires à celles du Conseil consultatif des juges en matière d'évaluation58(*).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

D'après plusieurs études comparatives réalisées dans le cadre des recherches sur la mise en oeuvre d'une évaluation élargie, il ressort que ce système n'a été véritablement éprouvé qu'aux Pays-Bas et en Belgique.

Aux Pays-Bas, la performance des présidents de tribunal est évaluée chaque année par le président du Conseil de la justice. Le système d'évaluation à 360 degrés utilisé se fonde sur l'intervention de plusieurs personnes, parmi lesquelles au moins une externe, comme le procureur ou le doyen du barreau. Les autres informateurs (au nombre de quatre) sont des collègues directeurs (présidents), des responsables d'équipes (chefs de secteurs) et d'autres collègues avec lesquels le président est en contact régulier comme par exemple le contrôleur (membre non judiciaire du conseil d'administration du tribunal). En revanche, il n'existe pas d'évaluation élargie organisée de façon systématique pour les magistrats du parquet.

Il peut cependant arriver que l'entourage professionnel des « leidiggevende », personnes en charge de direction ou de haut encadrement, soit interrogé lorsque des audits externes sont demandés. Par ailleurs, à l'occasion des entretiens d'évaluation, les magistrats et employés du parquet ont la possibilité de formuler des appréciations sur la performance de leur encadrement en terme de qualités des instructions reçues et d'animation d'équipe.

En outre, indépendamment de la procédure d'évaluation individuelle classique pratiquée localement par la hiérarchie, un mode d'évaluation original a été mis en oeuvre sous l'égide du Conseil de la Magistrature (ou « Conseil de la Justice). Cette pratique dite de l'« intervision » s'est développée dans les juridictions néerlandaises à partir de 2002 avec pour objectif de promouvoir la qualité de la justice. Pratiquée en groupe dans la plupart des juridictions, elle aboutit à une forme d'évaluation « par les pairs ». Chaque magistrat est à tour de rôle « observateur » et « observé » et les échanges doivent permettre aux magistrats de s'interroger sur leurs pratiques et comportements à l'audience, afin de les améliorer au besoin. Le Conseil a souhaité diffusé cette bonne pratique expérimentée d'abord dans quelques tribunaux de districts (équivalents des tribunaux judiciaires en France). En 2019, chacun des 19 tribunaux de district a mis en oeuvre l'intervision. Un programme unique baptisé « RechtspraaQ » permet de mesurer les performances des juridictions et la satisfaction des utilisateurs c'est-à-dire des justiciables. L'intervision s'inscrit moins dans une démarche d'évaluation individuelle des magistrats que dans une recherche d'amélioration du fonctionnement de la juridiction toute entière. Elle repose sur le volontariat des magistrats concernés et n'empiète jamais sur le contenu des réquisitions ou des décisions. Concrètement le programme d'intervision s'applique tant aux magistrats du siège qu'à ceux du parquet. Il est co-financé par le Conseil de la Magistrature et le Ministère public et confié à un organe baptisé « Prisma » composé de 11 personnes pour partie consultants extérieurs et pour partie juges et procureurs délivrant des prestations équivalentes à celles d'un cabinet de conseil.

En, 2006, le législateur belge souhaitait instaurer un système spécifique d'évaluation pour l'ensemble des chefs de corps, mais par un arrêt du 1er septembre 2008, la Cour constitutionnelle belge a censuré ces dispositions concernant les magistrats du siège considérant qu'elles constituaient une atteinte à l'indépendance de ces derniers (atteinte à l'article 151-1 de la Constitution59(*)). Seuls les chefs de corps, magistrats du ministère public, font donc à ce jour l'objet d'une évaluation par le collège d'évaluation du Conseil supérieur de justice, 18 mois après leur prise de fonction puis au moment de leur renouvellement (mandat de 5 années renouvelable une fois) sur « la manière dont les fonctions sont exercées, à l'exception du contenu des décisions judiciaires ». L'évaluation est effectuée sur la base de critères portant sur la personnalité ainsi que sur les capacités intellectuelles, professionnelles et organisationnelles ainsi que sur les capacités de management notamment sur la gestion du personnel et les initiatives prises en vue de résorber les stocks.

Le Conseil supérieur de justice belge met parallèlement en oeuvre un système d'évaluation spécifique des compétences managériales des chefs de corps au stade de leur recrutement, puisque l'ensemble des candidats aux fonctions de chefs de corps sont soumis à des tests psychologiques, d'évaluation de leurs aptitudes au management et de leur capacité de gestion, notamment en situation de stress ou de crise.

Ce système est identique en Espagne, pour les chefs de juridictions exclusivement et uniquement ab initio lors de leur nomination. Cette évaluation relève du seul pouvoir discrétionnaire du Conseil général du pouvoir judiciaire (ci-après CGPJ), dont les décisions peuvent être contestées devant le Tribunal Suprême. Aucune intervention extérieure à celle du CGPJ n'est possible dans l'évaluation des qualités professionnelles des magistrats candidats à un poste de chef de juridiction.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le déficit concernant la gouvernance et le pilotage des moyens des services judiciaires a été souligné à plusieurs reprises par la Cour des comptes60(*).

Le rapport sur l'évaluation des chefs de cour d'appel et de tribunal remis le 15 juillet 2019 à Madame la garde des sceaux par Monsieur Guy Canivet, premier président honoraire de la Cour de cassation, a démontré tout d'abord la nécessité d'une évaluation élargie des aptitudes managériales des chefs des cours d'appel et de tribunaux, magistrats investis de fonctions d'autorité, de représentation et de responsabilités administratives importantes.

Il a ensuite rappelé que l'évaluation élargie, dite aussi à « 360 degrés », est non seulement conciliable avec le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, mais qu'elle est surtout nécessaire pour répondre à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice dont les fonctions d'administration et de gestion des moyens humains et matériels dévolues aux chefs de cour et de juridiction font partie intégrante.

Le rapport du comité des Etats généraux de la justice a également préconisé la mise en place d'un dispositif d'évaluation ambitieux « compte tenu du rôle éminent d'encadrement et d'impulsion des chefs de juridiction » pour permettre à l'autorité de nomination d'apprécier ou de mieux apprécier les aptitudes des chefs de cour et de juridiction61(*).

En effet, les attentes vis-à-vis des chefs de cour et de juridiction ont évolué dans le sens d'une plus grande importance des missions de pilotage de l'activité y compris budgétaire, de concertation avec les différents interlocuteurs institutionnels et de management des juridictions, à savoir l'animation, l'administration et la gestion des moyens humains et matériels de l'activité judiciaire, l'animation et gestion des politiques publiques et des projets de juridiction.

Les chefs de cour échappant à toute évaluation, leurs aptitudes en matière d'administration et de gestion des juridictions ne peuvent être objectivées.

Or, la jurisprudence du Conseil constitutionnel62(*) exige que la loi organique portant statut des magistrats détermine elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats. Ainsi, l'introduction d'une évaluation élargie des chefs de cour et de juridiction portant plus particulièrement sur leurs aptitudes managériales implique nécessairement une modification des dispositions de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 qui prévoient aujourd'hui le principe et la portée de l'évaluation des magistrats de l'ordre judiciaire.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les chefs de cour et de tribunal disposent de responsabilités en termes de schémas d'organisation et de pilotage stratégique et budgétaire. Ils sont amenés à renforcer leurs capacités de diagnostic et de concertation avec les magistrats et fonctionnaires des juridictions et avec les interlocuteurs institutionnels de la justice.

Aussi, afin de renforcer la gouvernance et le pilotage des moyens des services judiciaires, la mesure vise à soumettre les magistrats exerçant les plus hautes responsabilités (les chefs des cours d'appel, qui jusqu'à présent échappent à toute évaluation, mais également les chefs des tribunaux judiciaires) à une évaluation élargie de leurs aptitudes à l'administration, la gestion et la mise en oeuvre des orientations des politiques publiques qui les concernent. Les autorités de nomination disposeront ainsi d'éléments objectifs quant aux qualités professionnelles des chefs de cour d'appel et de tribunal, particulièrement ceux candidats à un nouveau poste.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée n° 1

Une première option envisagée tendait non seulement à introduire dans l'ordonnance statutaire l'ensemble des dispositions relatives à l'évaluation élargie, mais également à ne prévoir cette dernière qu'à titre expérimental pour une durée de trois ans.

Il a, par ailleurs, été envisagé que l'activité professionnelle des chefs de cour et des chefs de tribunal du ressort de quatre cours d'appel définies par arrêté du garde des sceaux fasse l'objet d'une évaluation par un collège d'évaluation dont la composition devait être détaillée dans la loi organique.

En conséquence, il était prévu qu'un rapport d'évaluation confidentiel non versé au dossier administratif soit remis au seul magistrat intéressé lors d'un entretien de restitution établi par le collège d'évaluation à partir de l'autoévaluation de l'intéressé, de la consultation d'un panel de contributeurs internes, par exemple des magistrats, ou extérieurs, tel que le bâtonnier, à la juridiction choisie.

Une expérimentation sera prochainement menée à droit constant, n'ayant pas vocation à figurer au dossier administratif des magistrats volontaires et à impacter le déroulement de sa carrière.

Cette expérimentation aura vocation à se dérouler à droit statutaire constant dès lors que les conditions suivantes seront réunies : volontariat des chefs de cour d'appel et de tribunal, finalité formative des évaluations réalisées sans incidence sur la carrière des magistrats volontaires, absence d'accès au dossier administratif du magistrat volontaire par les évaluateurs, non versement au dossier administratif des magistrats volontaires (absence d'incidence sur la carrière des magistrats volontaires), processus respectant la confidentialité et l'impartialité des évaluations, respect de la séparation de l'autorité chargée de proposer les nominations de celle qui procède à l'évaluation, définition d'un périmètre minimal de personnalités susceptibles d'être consultées dans le cadre de cette évaluation : bâtonnier, préfet, forces de sécurité intérieures, élus locaux.

Compte tenu de cette expérimentation, il n'est en conséquence plus apparu nécessaire de prévoir une expérimentation législative.

Il était enfin envisagé de faire figurer dans les dispositions de la loi organique une liste détaillée des aptitudes requises des chefs de cour d'appel et de tribunal. Or, un tel degré de précision ne relève pas du domaine de la loi.

3.1.2. Option écartée n° 2

Il a été envisagé comme seconde option de restreindre l'évaluation élargie aux seuls chefs de cour d'appel dans la mesure où les présidents de tribunal judiciaire et les procureurs de la République sont d'ores et déjà soumis à une évaluation hiérarchique qui est prise en considération dans le processus de nomination à d'autres fonctions.

La question s'est en effet posée des rapports entre une éventuelle nouvelle évaluation élargie et l'évaluation traditionnelle, fondée sur les dispositions actuelles de l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire, qui a lieu tous les deux ans.

Il a finalement été considéré que l'un et l'autre des dispositifs étaient complémentaires et poursuivaient des objectifs distincts, l'un ne pouvant se substituer à l'autre. L'option tendant à limiter l'introduction de l'évaluation élargie pour les seuls chefs de cour a donc été abandonnée.

3.2. OPTION RETENUE

Dans la perspective d'introduire le principe d'une évaluation élargie pour les chefs de cour et de juridiction, le choix a été fait de créer un nouvel article 12-1-1 au sein de l'ordonnance statutaire. Ce choix s'explique par la volonté de ne pas alourdir le texte de l'article 12-1 qui concerne l'évaluation du magistrat de manière générale et de distinguer clairement les deux types d'évaluation.

Le texte de l'article 12-1-1 pose donc le principe de l'évaluation des chefs de cour et de tribunal par un collège d'évaluation, dont les membres exercent leurs fonctions en toute indépendance, sans pouvoir recevoir d'instruction d'aucune autorité.

S'agissant du choix de l'autorité chargée de cette évaluation, le rapport Canivet évoqué supra a préconisé la mise en place d'une seule entité ad hoc, composée majoritairement de magistrats afin de respecter le principe de l'évaluation par les pairs, qui prendra en compte les spécificités liées à l'appartenance au siège et au parquet dans la mise en oeuvre des procédures d'évaluation élargie.

Cette préconisation n'a fait l'objet d'aucune remise en question, tant par les instances que les acteurs consultés. A l'instar du rapport Canivet, le rapport des Etats généraux de la justice63(*) considère qu'il est indispensable de dissocier l'autorité chargée de proposer les nominations de celle qui procède à l'évaluation y compris pendant la phase expérimentale. Dès lors, il est apparu incontournable d'écarter le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM) et la Chancellerie de la réalisation de ces évaluations.

Il a également été constaté, d'une part, que l'évaluation ne fait pas partie des missions confiées par l'article 65 de la Constitution au CSM et, d'autre part, qu'il peut se déduire de cette exigence d'indépendance qu'un membre du CSM ne peut à la fois participer au processus de nomination et à l'évaluation d'un magistrat. À cet égard, le CSM lui-même a d'ailleurs proposé, aux termes de l'avis remis au Président de la République le 24 septembre 202164(*), la mise en place de l'évaluation à 360 degrés confiée à un collège extérieur aux formations du CSM qui statuent sur les nominations dont les membres seraient soit choisis par le CSM, soit nommés sur avis conforme. C'est également dans ces conditions que l'expérimentation mentionnée supra doit être conduite.

Compte tenu de tous ces éléments, la rédaction proposée prévoit que le collège est composé de magistrats, en activité ou honoraires, exerçant ou ayant exercé les fonctions évaluées, et de personnalités qualifiées nommés par le garde des sceaux.. Les membres ne pourront être en même temps membres du CSM, ni appartenir ou avoir appartenu, au Parlement ou au Gouvernement dans les dix années précédentes. Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de leur désignation.

Le texte énonce la périodicité de cette évaluation, qui aura lieu au moins une fois durant l'exercice des fonctions de chef de cour ou de juridiction, dont la durée est limitée à sept ans et en moyenne de quatre années, et après au moins deux années d'exercice, ainsi que le versement au dossier administratif de l'évaluation.

Le texte s'attache par ailleurs, conformément au principe d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière, à accorder au magistrat évalué des garanties équivalentes à celles prévues par l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire relatif à l'évaluation de l'ensemble des magistrats. Il précise ainsi que l'évaluation est communiquée au magistrat qu'elle concerne, lequel peut exercer un recours devant le collège pour la contester.

Enfin, le texte renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation de la composition du collège d'évaluation, les modalités de son intervention et de la participation du magistrat évalué, les critères de l'évaluation et les modalités du recours, un tel niveau de précision ne relevant pas du niveau de la loi organique.

Le décret, qui pourra se nourrir de l'expérimentation menée à droit constant évoquée supra, comportera par conséquent les modalités concrètes de l'évaluation et précisera notamment si celle-ci sera ou non précédée de la rédaction par le magistrat d'un bilan de son activité ou simplement d'une autoévaluation du magistrat concerné suivie d'un entretien de restitution.

Cette évaluation sera établie en référence aux aptitudes desdits chefs de cour et de tribunal à l'administration et à la gestion, y compris dans la mise en oeuvre des politiques publiques dont les orientations leur auront été communiquées, à l'exclusion des aptitudes à l'exercice des fonctions juridictionnelles.

Dans la suite logique et afin de donner pleine effectivité à la future évaluation élargie, les aptitudes à l'administration et à la gestion devront être prises en compte, outre la compétence juridictionnelle, l'expérience antérieure d'une ou plusieurs fonctions d'animation et de gestion d'une juridiction ou d'un service, dans les projets et propositions de nomination aux fonctions de premier président de cour d'appel, de président de tribunal judiciaire, de tribunal de première instance ou de président de tribunal supérieur d'appel, aux fonctions de procureur général près une cour d'appel ou de procureur de la République près un tribunal judiciaire, un tribunal de première instance ou un tribunal supérieur d'appel.

En conséquence, le nouvel article 35 de l'ordonnance statutaire relatif aux nominations des magistrats du troisième grade introduit par l'article 3 du présent projet de loi, les articles 15 et 16 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature visent à poser le principe de la nécessité de prendre en compte ces aptitudes par les autorités de nomination à ces fonctions.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée nécessite :

- d'insérer un article 12-1-1 après l'article 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du
22 décembre 1958, un troisième alinéa à l'article 15 et un deuxième alinéa à l'article 16 de la Section 1 du Titre II de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

- de modifier les dispositions du Chapitre III du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature et, plus particulièrement, afin d'introduire des dispositions relatives au collège d'évaluation et au processus d'évaluation.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure envisagée apparait en cohérence avec les principes européens évoqués supra qui envisagent l'évaluation des chefs de juridiction dès lors que la gestion du tribunal leur est confiée.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La composition du collège sera déterminée par voie réglementaire. Le coût annuel lié au fonctionnement, détaillé ci-après, du collège d'évaluation est estimé à 1 237 903 euros hors coût induit par l'intervention d'un prestataire externe, qui sera a minima chargé de former les membres du collège d'évaluation et dont la sélection dépendra d'un marché interministériel élaboré dans le cadre des travaux de la Délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État.

Estimation détaillée du coût de fonctionnement annuel du collège d'évaluation dans l'hypothèse d'une composition de 8 membres, dont la rémunération sera équivalente à celle des membres du Conseil supérieur de la magistrature65(*), qui devront réaliser une moyenne de 100 évaluations par an (dont 8 en outre-mer), et où chaque évaluation serait réalisée par trois des membres du collège et nécessitera un déplacement évalué à 4 jours et 3 nuits et que le collège d'évaluation bénéficiera d'un appui de la direction des services judiciaires constitué de 1 ETP magistrat du 1er grade et 1 ETP secrétaire administratif :

- Frais de déplacement : 183 000 euros

- Indemnités : 876 480 euros

- Secrétariat DSJ : 178 423 euros (coût moyen annuel moyen d'un magistrat du premier grade 130 364 € et d'un secrétaire administratif de classe normale 47 789 €).

Cette estimation sera ajustée en fonction des préconisations qui résulteront de l'expérimentation qui sera menée (processus d'évaluation retenu, nombre et qualité des personnalités composant le collège d'évaluation ou encore le nombre d'évaluations à réaliser).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

L'évaluation des chefs de cour d'appel et de tribunal judiciaire est un outil qui leur permettra d'identifier les moyens de faire face aux difficultés qu'ils peuvent rencontrer dans leur exercice professionnel, d'améliorer leurs aptitudes managériales et d'objectiver les résultats de leur action.

Outre l'appui de la direction des services judiciaires au collège d'évaluateurs mentionné supra, compte tenu du nombre d'évaluations qui seront réalisées chaque année, l'impact sur les services administratifs n'est pas significatif puisqu'il s'agira de verser au dossier administratif des magistrats concernés les évaluations réalisées.

En effet, le nombre annuel moyen de nominations de chefs de cour et de juridiction au cours des trois dernières années s'élèvent à 96 (cf tableau infra). Aussi, à échéance N+2, ce seront autant d'évaluations qui seront susceptibles d'être réalisées, soit une centaine par an.

Nombre de nomination chefs de cour et de tribunal

2020-2021-2022

 

2020

2021

2022

PP

8

5

13

PG

6

11

6

P

43

32

40

PR

51

39

35

Total

108

87

94

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Outre la garantie pour les autorités de nomination qui pourront puiser dans les évaluations réalisées des éléments d'appréciation leur permettant de proposer des magistrats aux fonctions les mieux adaptées à leurs aptitudes et compétences, l'évaluation élargie des chefs de cour et de tribunal présente un intérêt plus large à prendre en considération au regard de la gouvernance de la justice.

Les chefs de cour et de tribunal sont, en effet, investis de missions importantes en matière de gestion des ressources humaines ainsi que des moyens matériels et crédits affectés aux juridictions. Cet état actuel de l'organisation administrative de la justice impose que soit vérifiée la capacité de ces magistrats, qui exercent les plus hautes responsabilités au niveau local, à assurer de telles charges.

L'évaluation élargie des chefs de cour et de tribunal est d'autant plus indispensable que, de la qualité de leur management, dépend le bon fonctionnement et la qualité de la justice rendue dans leur ressort dont découlent notamment la satisfaction des usagers et la confiance qu'ils accordent à l'institution judiciaire et l'équilibre des relations sociales et hiérarchiques au sein de la juridiction.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Les déplacements induits par l'évaluation des chefs de cour d'appel et de tribunal judiciaire auront un impact environnemental qui dépendra des modes de transport utilisés et des distances parcourues. Le recours à la visio-conférence pourra toutefois être envisagé avec l'accord de tous pour certains entretiens.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Cette mesure étant relative au statut de la magistrature, elle s'applique par nature sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'État devra modifier les dispositions du Chapitre III du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de prévoir des dispositions relatives :

- à la composition et aux modalités de désignation du collège d'évaluation ;

- aux modalités de participation du magistrat évalué ;

- aux critères de l'évaluation ;

- à la communication au magistrat concerné de son évaluation et aux modalités du recours.

Article 3 - Structure du corps judiciaire

I. Création d'un troisième grade de la hiérarchie judiciaire

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le corps judiciaire institué en 1958 a été articulé autour de deux grades. Les magistrats ont vocation à évoluer à l'intérieur de chaque grade à l'ancienneté ; le passage au premier grade est subordonné à l'inscription à un tableau d'avancement, ce dernier étant arrêté par la commission d'avancement66(*).

Par ailleurs, un certain nombre de magistrats était placé hors hiérarchie : « les magistrats de la cour de cassation, les premiers présidents des cours d'appel et les procureurs généraux près lesdites cours, les présidents de chambre à la cour d'appel de Paris et les avocats généraux près ladite cour, le président du tribunal de la Seine, le procureur de la République et les procureurs adjoints près ce tribunal ».

A l'origine, chacun des deux grades était divisé en deux groupes ; les fonctions de chaque groupe étant énumérées dans le décret n° 58-1277 du 22 décembre 1958 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

Deux réformes ont successivement supprimé les deux groupes existant à l'intérieur de chaque grade :

- La loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance du 22 décembre 1958 a procédé à la suppression des deux groupes existant à l'intérieur du second grade ;

- La loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature a supprimé les deux groupes existant au sein du premier grade.

Au gré de réformes, la liste des emplois placés hors hiérarchie a été étoffée. La loi organique du 25 juin 2001 a en effet renvoyé au pouvoir réglementaire la possibilité de fixer la liste des emplois pouvant être placés hors hiérarchie en fonction de l'importance de l'activité juridictionnelle, des effectifs de magistrats et fonctionnaires des services judiciaires et de la population du ressort (article 3 dernier alinéa). La dernière extension de cette liste, sur le fondement de ce texte, a eu lieu avec le décret n° 2022-1469 du 24 novembre 2022 qui a placé hors hiérarchie les emplois de président et procureur de la République des tribunaux judiciaires et de première instance de Beauvais, Béziers, Mamoudzou et Nouméa.

Ainsi, au 1er janvier 2023, sur 9271 emplois, 1 248 emplois étaient placés hors hiérarchie.

Par ailleurs, en application de l'article 12 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, le premier grade de la hiérarchie judiciaire comporte un huitième échelon qui n'est accessible qu'aux magistrats exerçant les fonctions dont la liste est fixée par l'arrêté du 12 novembre 201067(*). Cette liste évolue régulièrement puisque la dernière modification est intervenue avec l'arrêté du 10 octobre 202268(*).

Au 1er janvier 2023, cette liste d'emplois, dits Bbis, en référence à ce huitième échelon, comptait 619 emplois, emplois de chef de tribunal ou d'encadrement intermédiaire dans les juridictions.

A la même date, le corps judiciaire comptait 9 271 magistrats dont 9 126 magistrats étaient en exercice : 8 524 en juridiction, 298 en administration centrale et 304 en position de détachement, et 145 sans affectation budgétaire (103 en position de disponibilité, 10 en congé parental et 32 en congé de longue durée).

32,46 % des magistrats étaient au second grade de la hiérarchie judiciaire, 54,08 % au premier grade et 13,46 % occupaient un emploi placé hors hiérarchie.

Répartition par grades

Ensemble du corps

01/01/2023

HH

1248

13,46%

I B bis

619

6,68%

I

4395

47,41%

II

3009

32,46%

Total général

9271

100,00%

A titre comparatif, les exemples tirés d'autres corps, pour lesquels, les exigences et les garanties d'indépendance peuvent être comparées à celles de la magistrature, montrent que, si elle peut intervenir sur proposition de l'administration, l'inscription au tableau d'avancement relève d'une instance indépendante, composée de membres élus par les pairs, de membres de droit et d'une minorité de membres nommés.

Le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel comprend trois grades : conseiller, premier conseiller, président. Ils sont promus de grade à grade par décret du Président de la République après inscription sur un tableau d'avancement.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (CSTACAA), chargé de l'inscription au tableau d'avancement et sur les listes d'aptitude aux emplois à échelon fonctionnel, est composé d'un conseiller d'Etat, du directeur général de la fonction publique, du secrétaire général du Conseil d'Etat, du directeur des services judiciaires, de cinq représentants des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de trois personnalités nommées respectivement par les présidents de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat.

L'inscription au tableau d'avancement est soumise à l'accomplissement d'une période de mobilité statutaire ainsi qu'à une condition d'ancienneté (code de justice administrative, Livre II, titre III, art. L 231-1 à L. 236-7).

Le corps des membres des chambres régionales des comptes comprend également trois grades : conseiller, premier conseiller et président de section.

Le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes établit le tableau d'avancement de grade et la liste d'aptitude des membres du corps des chambres régionales des comptes à l'emploi de président de chambre régionale des comptes et de vice-président de chambre régionale des comptes. Il est composé du premier président de la Cour des comptes, de trois personnalités qualifiées désignées par le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat, du procureur général près la Cour des comptes, du président de la mission permanente d'inspection des chambres régionales et territoriales des comptes, d'un conseiller maître à la Cour des comptes, de deux magistrats exerçant les fonctions de président de chambre régionale des comptes ou de vice-président de chambre régionale des comptes, dont un conseiller maître et un conseiller référendaire, et de six représentants des magistrats de chambre régionale des comptes.

L'inscription au tableau d'avancement est soumise à l'accomplissement d'une période de mobilité statutaire ainsi qu'à une condition d'ancienneté (code des juridictions financières, Livre II, titre II, art. L. 220-1 à L. 223-11).

Le corps des professeurs des universités comprend trois classes : une deuxième classe, une première classe et une classe exceptionnelle. L'avancement de classe ne donne pas lieu à l'établissement de tableaux d'avancement. Il a lieu au choix sur proposition de la section compétente du Conseil national des universités (ci-après CNU) ou du conseil académique sur la base de critères rendus publics (décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maitres de conférences).

Le CNU est composé de plusieurs sections en fonction de la matière concernée, chacune composée de deux collèges où siègent en nombre égal d'une part des représentants des professeurs d'université et d'autre part des représentants des maitres de conférences. Les deux tiers au moins des membres de chaque section sont élus. Dans la limite du tiers de chaque section, des membres sont nommés par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur parmi des professeurs et des maîtres de conférences ayant fait acte de candidature (décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Lors de la réforme de 199269(*), le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant de la nouvelle rédaction de l'article 2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, « (...) que les trois premiers alinéas de cet article déterminent les composantes de la hiérarchie du corps judiciaire et les principes qui gouvernent le passage du second au premier grade ainsi qu'à l'intérieur du premier grade, l'accès du premier au second groupe ; qu'eu égard à ces principes, le renvoi à un décret en Conseil d'État de la définition des "fonctions exercées par les magistrats de chaque grade et, au sein du premier grade de chaque groupe", ne constitue pas une méconnaissance par la loi organique de l'étendue de sa compétence »70(*).

Il en résulte que relève de la compétence du législateur organique la détermination des composantes de la hiérarchie du corps judiciaire, c'est-à-dire le nombre de grades ainsi que, le cas échéant, le nombre de groupes existant à l'intérieur de ces derniers, et que seuls les principes gouvernant le passage au groupe ou au grade supérieur relèvent du niveau organique.

Le Conseil constitutionnel veille, par ailleurs, au respect du principe à valeur constitutionnelle d'égalité de traitement71(*) dans le déroulement de la carrière des magistrats.

Dans un considérant de principe, il rappelle régulièrement « que dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés, non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen »72(*) et que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité de traitement pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit73(*) ».

Le Conseil constitutionnel admet des exceptions au respect de certaines règles statutaires dès lors qu'elles trouvent « leur justification dans la spécificité des fonctions des personnes en cause », ou qu'elles s'appliquent « à une catégorie de magistrats définie en fonction de critères objectifs », considérant qu'elles ne portent pas atteinte au principe d'égalité74(*).

Il a ainsi considéré que la majoration d'ancienneté introduite par la réforme au profit des magistrats nommés à une fonction qui ne peut être conférée qu'après inscription sur une liste d'aptitude spéciale, s'appliquant « à une catégorie de magistrats définie en fonction de critères objectifs, la différence de traitement qui en résulte ne porte pas atteinte au principe d'égalité »75(*).

Le Conseil constitutionnel a également admis que le fait qu'échappent à la procédure de diffusion76(*) des projets et propositions de nominations aux fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation, de substitut chargé du secrétariat général d'une juridiction, d'inspecteur général et d'inspecteur général adjoint des services judiciaires ainsi que celle des magistrats du siège placés hors hiérarchie relevant du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature, de magistrat du parquet de la Cour de cassation et de procureur général près une cour d'appel, trouve « une justification dans la spécificité des fonctions en cause par rapport aux autres fonctions judiciaires ; qu'en prenant en compte ces spécificités, la loi organique n'a pas méconnu le principe d'égalité »77(*). Cette position a été confirmée concernant les exceptions à l'application de cette procédure à d'autres fonctions ou situation78(*).

Il a par ailleurs admis des exceptions au principe de l'évaluation de l'activité professionnelle de certains magistrats en ce qu'elles trouvaient « leur justification dans la spécificité des fonctions des personnes en cause »79(*).

Il a revanche censuré une disposition relative aux incompatibilités entre les fonctions de magistrats et l'exercice de certains mandats électifs en ce qu'elle n'avait pas pris en compte la situation des magistrats qui seraient élus au Conseil de Paris ni celle des magistrats en service dans les territoires d'outre-mer et que « cette double omission, qui est dépourvue de toute justification, méconnait le principe d'égalité »80(*) . Il en a été de même s'agissant de la disposition tendant à exclure de l'application d'une procédure de réintégration certains magistrats détachés ou soumettant certains magistrats à une obligation de déclaration de situation patrimoniale considérant que la différence de traitement instituée « ne repose pas sur une différence de situation en rapport avec l'objet de la loi et n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général »81(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le statut de la magistrature s'insère dans un cadre juridique européen et international dont nombre de textes ont une influence, directe ou indirecte, sur le statut des magistrats eu égard au droit de toute personne à un tribunal indépendant.

Dans ses principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature82(*), les Nations unies estiment que « La promotion des juges, lorsqu'un tel système existe, doit être fondée sur des facteurs objectifs, notamment leur compétence, leur intégrité et leur expérience. »

Sur le plan européen, la Charte européenne sur le statut des juges énonce que « Lorsqu'il n'est pas basé sur l'ancienneté, un système de promotion est exclusivement fondé sur les qualités et les mérites constatés dans l'exercice des fonctions confiées au juge ou à la juge au moyen d'évaluations objectives effectuées par un ou plusieurs juges et discutées avec le ou la juge intéressés. Les décisions de promotion sont alors prononcées par l'instance visée au point 1.3 [conseil de justice] ou sur sa proposition, ou avec son accord. Le ou la juge qui ne sont pas proposés en vue d'une promotion doivent pouvoir former une réclamation devant cette instance. »83(*).

Le comité des ministres du Conseil de l'Europe estime que « toute décision concernant la carrière professionnelle des juges devrait reposer sur des critères objectifs, et la sélection et la carrière des juges devraient se fonder sur le mérite, eu égard à leurs qualifications, leur intégrité, leur compétence et leur efficacité »84(*).

Le Conseil consultatif des juges européens (ci-après CCJE) dans sa Magna Carta a énoncé que « L'indépendance du juge doit être garantie dans le cadre de l'activité judiciaire, en particulier pour le recrutement, la nomination jusqu'à l'âge de la retraite, la promotion, l'inamovibilité, la formation, l'immunité judiciaire, la discipline, la rémunération et le financement du système judiciaire. » et que « Les décisions sur la sélection, la nomination et la carrière doivent être fondées sur des critères objectifs et prises par l'instance chargée de garantir l'indépendance »85(*). Dans son avis n° 186(*), il considère que « Dans chaque Etat membre, les autorités responsables des nominations et des promotions, ou chargées de formuler des recommandations en la matière, devraient adopter, rendre publics et mettre en oeuvre des critères objectifs afin que la sélection et la carrière des juges soient fondées sur le mérite, eu égard à leurs qualifications, leur intégrité, leur compétence et leur efficacité », que « L'ancienneté ne devrait pas constituer le principe essentiel de promotion. Une expérience professionnelle adéquate est néanmoins pertinente ; les conditions préalables liées au nombre d'années d'expérience peuvent contribuer à renforcer l'indépendance » et que « La rémunération des juges devrait être à la mesure de leur rôle et des responsabilités qu'ils assument, de même ils devraient bénéficier d'une assurance-maladie et d'une pension de retraite suffisantes. Les salaires devraient être garantis par les dispositions légales spécifiques les protégeant contre les réductions et assurant leur augmentation en fonction du coût de la vie ».

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Il résulte du rapport d'évaluation de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (ci-après CEPEJ)87(*) que, dans 28 Etats et entités membres du Conseil de l'Europe et deux Etats observateurs, la même autorité compétente pour le recrutement initial est également compétente pour la promotion des juges. Dans cinq de ces pays, il s'agit d'une autorité composée uniquement de juges, dans un pays, d'une autorité composée uniquement de non-juges, et dans 24 pays, d'une autorité composée de juges et de non-juges. En Allemagne, tous les modèles existent, selon les Länder. Dans de nombreux pays, l'organe compétent est le Conseil supérieur de la magistrature.

Dans la plupart des pays, les décisions de promotion se fondent sur des évaluations. Des entretiens sont également menés dans certains cas, et l'ancienneté est parfois exigée. Dans de nombreux pays, les décisions de promotion sont prises par le Conseil supérieur de la magistrature ou un organe similaire, ou du moins ce dernier est impliqué dans la décision.

Seuls quelques États prévoient un concours ou un examen pour les promotions. Dans la plupart des États et entités, une autre procédure est utilisée où il n'y a pas de procédure particulière. Toutefois, certains États ont choisi l'option « aucune procédure spéciale » parce que la procédure normale de candidature s'applique (Danemark, Estonie, Irlande, Islande, Norvège et Suisse). Parmi les Etats et entités qui ont choisi l'option « concours / examen », il y a une différence entre le concours interne (Andorre) et le concours ouvert comme pour la nomination initiale (Irlande du Nord (RU)). La différence entre une procédure de sélection et aucune procédure spéciale est donc délicate et les critères de promotion permettent de mieux nuancer les procédures de promotion lorsqu'elles impliquent une sélection.

La plupart des Etats utilisent un large éventail de critères pour la promotion des juges professionnels. Les plus courants sont les compétences professionnelles (et/ou la performance qualitative) et les années d'expérience, utilisés respectivement par 40 et 38 Etats membres et entités, et deux Etats observateurs pour chacune desdites options. Il n'y a pas un seul Etat qui utilise uniquement des critères subjectifs (intégrité, réputation, etc.), mais 29 Etats et entités membres et deux Etats observateurs les utilisent parmi d'autres. Lorsque d'« autres » critères sont utilisés, il s'agit principalement de résultats d'évaluation. L'option « aucun critère » a été retenue par les pays où la procédure régulière de recrutement est suivie (Estonie, Islande, Irlande, Norvège et Suisse).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Comme exposé dans l'introduction, la dernière réforme statutaire d'ampleur des magistrats judiciaires remonte à la loi organique du 25 juin 200188(*). Cette réforme, ancienne de vingt ans, tendait à résoudre certaines difficultés dans le déroulement de la carrière des magistrats de l'ordre judiciaire. D'autres écueils sont, depuis lors, apparus notamment plusieurs points de blocage dans les possibilités d'évolution des carrières.

L'échelon sommital du premier grade est atteint, en cas de déroulement optimal de carrière après 19 années au sein du corps judiciaire. Au 1er janvier 2023, 40 % des magistrats du premier grade ont atteint l'échelon sommital, dont 17 % depuis plus de cinq ans et 22 % depuis plus de trois ans, à défaut de pouvoir être nommés sur un emploi placé hors hiérarchie ou comportant un huitième échelon.

Parallèlement, 44 % des magistrats occupant un emploi comportant un huitième échelon ne perçoivent pas la rémunération correspondante, à défaut de justifier de l'ancienneté suffisante, alors qu'il s'agit d'emplois comportant des responsabilités supérieures, notamment de chefs de juridiction ou d'encadrement intermédiaire dans les juridictions.

Cette situation a pour corollaire que de nombreux magistrats sollicitent leur nomination sur des postes placés hors hiérarchie alors qu'ils n'ont que peu d'appétence pour l'exercice de fonctions d'encadrement induit par la cartographie des emplois du premier grade comportant un huitième échelon et placés hors hiérarchie.

De la même façon, cette cartographie limite la mobilité entre ces emplois et ceux purement juridictionnels. Un magistrat, une fois nommé sur un emploi hors hiérarchie, ne sollicite pas ensuite sa nomination sur des fonctions purement juridictionnelles relevant du premier grade, y compris en cas de difficultés dans l'exercice de fonctions d'encadrement.

Ces différents points de blocage résultant de la réforme de 2001 sont sources d'insatisfaction et problématiques pour la gestion du corps. À titre d'illustration, le Conseil supérieur de la magistrature dans un rapport de février 202189(*) s'est questionné sur l'attractivité des postes de premier président de cour d'appel et de président de tribunal judiciaire, emplois qui relèvent de son pouvoir de proposition, constatant un déficit de candidatures.

Ces difficultés vont s'accroitre avec l'augmentation des effectifs de magistrats, le nombre d'emplois placés hors hiérarchie ou de premier grade comportant un huitième échelon n'ayant pas vocation à augmenter dans les mêmes proportions. En conséquence, le nombre de magistrats qui auront atteint l'échelon sommital du premier grade, et sans perspective d'évolution indiciaire, va s'accroitre.

À ceci s'ajoutent les réformes intervenues récemment au sein de la haute fonction publique de l'Etat, notamment la fusion de différents corps au sein de celui des administrateurs de l'Etat et la refonte de l'échelonnement indiciaire. Ainsi, sept textes ont été publiés au Journal officiel du 24 novembre 2022, mettant en place les éléments structurants de la réforme de la haute fonction publique de l'Etat applicable à compter du 1er janvier 2023. En particulier, le statut du corps généraliste de référence de l'Etat (celui des administrateurs de l'Etat) a été substantiellement modifié90(*). Il accueille les membres d'un corps supprimé (conseiller des affaires économiques) et de treize corps mis en extinction dont les titulaires peuvent choisir, soit de demeurer dans leur corps, soit de rejoindre celui des administrateurs de l'Etat (corps préfectoral, corps diplomatique, corps d'inspection générale, corps des administrateurs des finances publiques, corps des administrateurs du CESE). Ce nouveau statut prévoit trois grades ainsi qu'un grade transitoire accueillant, sur 37 échelons, des administrateurs de l'Etat reclassés. L'échelonnement indiciaire applicable au corps des administrateurs de l'Etat et aux nouveaux emplois supérieurs de l'Etat a par ailleurs été revu : le premier grade comporte désormais 30 échelons, le deuxième grade 32 échelons, le troisième grade comporte 30 échelons91(*).

Enfin, les magistrats recrutés au second grade de la hiérarchie judiciaire après une carrière antérieure bénéficient d'un reclassement indiciaire, pour certains immédiatement au dernier échelon du second grade ou l'atteignent rapidement. Actuellement, environ 20 % des magistrats du second grade ont atteint cet échelon depuis plus de deux ans. Rapidement inscrits au tableau d'avancement, ces magistrats sollicitent une mobilité afin de réaliser leur avancement dans le seul but d'obtenir une progression indiciaire. Or la mobilité peut, si elle atteint un volume et une fréquence trop importants, s'avérer extrêmement problématique pour la gestion du corps et nuire au bon fonctionnement des juridictions.

Ces éléments nécessitent de revoir la structure du corps judiciaire afin de renforcer son attractivité et de favoriser l'adéquation entre les compétences des magistrats et les postes sur lesquels ils sont susceptibles d'être nommés.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La réforme poursuit l'objectif de dynamiser la carrière des magistrats par une modification de la structure du corps judiciaire qui permettra à une partie des magistrats de continuer à dérouler leur carrière au sein d'un troisième grade, dans des fonctions d'encadrement mais également des fonctions exclusivement juridictionnelles.

La réforme renforcera ainsi l'attractivité de la fonction judiciaire compte tenu des évolutions intervenues au sein de la haute fonction publique (Cf. supra), plus particulièrement de certaines d'entre elles notamment celles de chef de juridiction, et du défi lié au plan de recrutement massif de magistrats initié par le Gouvernement. Elle permettra, à terme, de dynamiser les parcours professionnels des magistrats de l'ordre judiciaire en favorisant les mobilités au sein du corps mais également hors du corps, d'offrir de nouvelles perspectives quant au déroulement de la carrière et d'améliorer la gestion des ressources humaines.

La réforme va en effet améliorer la gestion des ressources humaines par l'identification de deux viviers différents, distinguant les fonctions d'encadrant des fonctions juridictionnelles, avec une possibilité de passer de l'un à l'autre selon les aspirations et les temps de vie des magistrats, mais aussi des éventuelles difficultés dans l'exercice des fonctions. Cette évolution permettra la construction de parcours professionnels, la valorisation des expériences diverses et un meilleur pilotage des juridictions en mettant en conformité les profils des magistrats avec les besoins des juridictions.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option envisagée n° 1 : modification de la liste des emplois placés hors hiérarchie

Une première option consistait à augmenter le nombre d'emplois placés hors hiérarchie.

C'est la pratique observée depuis plusieurs années qui a entraîné de nombreuses modifications de la liste de ces emplois. Elle a démontré qu'elle n'était pas de nature à répondre à l'objectif de donner de nouvelles perspectives de carrière à l'ensemble du corps, la « hors hiérarchie » ne reposant pas sur une logique de grade, ni à favoriser la mobilité entre les fonctions d'encadrement et les fonctions juridictionnelles.

Cette structuration de la hiérarchie judiciaire n'encourage pas les mobilités horizontales qui permettent d'enrichir les parcours professionnels et conduit à des mobilités verticales pour des raisons parfois purement indiciaires alors que certains magistrats n'ont pas démontré avoir soit les compétences, soit l'appétence pour occuper les fonctions d'encadrement inhérentes aux emplois placés hors hiérarchie.

Elle favorise par ailleurs la surreprésentation des hommes dans les emplois placés hors hiérarchie : 22 % des hommes occupent actuellement un emploi placé hors hiérarchie contre 10 % des femmes.

Si les femmes représentent 70,08 % du corps au 1er janvier 2023, elles occupent 52,34 % des fonctions placées hors hiérarchie.

Ce déséquilibre dans la représentation des femmes et des hommes au sein de la hors hiérarchie est accentué s'agissant des postes spécifiques de chef de cour d'appel ou de juridiction puisqu'au 1er janvier 2023, 38,9 % des postes de premier président de cour d'appel et 39,3 % des postes de président de tribunal judiciaire placés hors hiérarchie sont occupés par des femmes. L'écart est majoré au parquet, 27 % des postes de procureur général et 27,8 % des postes de procureur de la République placés hors hiérarchie étant occupés par des femmes à la même date, ce en dépit de la politique volontariste conduite par le ministère de la Justice en matière de constitution de viviers féminins.

Cette option a donc été écartée.

3.1.2. Option envisagée n° 2 : refonte des grilles indiciaires des second et premier grades

La durée du second grade de la hiérarchie judiciaire - grade actuel d'entrée dans le corps - est de sept années. Ce grade comporte actuellement cinq échelons, le dernier échelon étant atteint après six années. Cette brève durée résulte de la réforme de 2001 et est à rebours de ce qui est pratiqué par les corps de niveau comparable.

A titre d'exemple, lorsqu'a été créé le nouveau corps des administrateurs de l'État au 1er janvier 2022, l'équivalent du second grade comportait 10 échelons, le dernier échelon étant atteint après une durée de quinze années (auparavant douze ans). À la suite du décret n° 2022-1452 du 23 novembre 202292(*), l'équivalent du second grade comporte désormais 30 échelons.

Pour les magistrats administratifs, le grade de conseiller comporte sept échelons et l'échelon sommital est atteint après huit années. Toutefois, une réforme visant à augmenter le nombre d'échelons et la durée de ce grade est également envisagée dans le cadre de la transposition de la réforme du corps des administrateurs de l'État.

Dès lors, en cohérence avec les réformes récentes ou annoncées concernant les autres corps de la haute fonction publique, un allongement significatif du nombre d'échelons du second grade de la hiérarchie judiciaire, de sorte qu'il se déroule sur une durée de l'ordre de 13 à 15 ans, peut être envisagé. Une telle évolution, en ce qu'elle permettra une progression indiciaire régulière et durable, serait de nature à limiter les mobilités rapides en avancement des magistrats, notamment de ceux ayant eu une carrière antérieurement à leur entrée dans la magistrature, pour le seul motif qu'ils n'ont bénéficié d'aucune progression indiciaire depuis plusieurs années.

Le premier grade est le grade sommital de la hiérarchie judiciaire. Il comporte actuellement huit échelons :

- Les sept premiers échelons, qui se déroulent pendant une durée de 14 années ;

- Le huitième échelon (échelon Bbis) qui est un échelon à accès fonctionnel et n'est donc pas ouvert à l'ensemble des magistrats du premier grade.

Afin de donner des perspectives en termes indiciaires, la linéarisation de ce huitième échelon permettrait de maintenir la progression indiciaire des magistrats du premier grade, comme c'est le cas pour les magistrats administratifs depuis le décret n° 2022-552 du 14 avril 202293(*). Elle soulève néanmoins la difficulté des emplois comportant actuellement un huitième échelon, notamment ceux de chefs de certains tribunaux judiciaires, dont les contraintes particulières ne pourraient plus être valorisées par ce biais.

Cette option n'est pas abandonnée et sera mise en oeuvre au niveau réglementaire, par une refonte de la grille indiciaire impliquant une augmentation du nombre d'échelons des second et premier grades.

Toutefois, si elle est de nature à renforcer l'attractivité des fonctions judiciaires, elle apparait insuffisante pour résoudre toutes les difficultés précédemment décrites.

3.2. OPTION RETENUE : CRÉATION D'UN TROISIÈME GRADE

L'option retenue consiste à prévoir que la hiérarchie judiciaire comporte trois grades :

- Le premier grade ;

- Le deuxième grade ;

- Le troisième grade.

La liste des fonctions exercées par les magistrats de chaque grade sera déterminée par le décret statutaire du 7 janvier 199394(*).

Il est envisagé un double accès au troisième grade : par principe, il est subordonné à l'inscription à un tableau d'avancement ; par dérogation, il est acquis par voie de nomination par décret du Président de la République sur proposition du CSM pour les magistrats du siège et après avis du CSM pour les magistrats du parquet, sous réserve de satisfaire aux autres conditions d'accès, soit pour exercer les fonctions de chef de cour d'appel ou de tribunal judiciaire, de tribunal de première instance ou supérieur d'appel, soit pour exercer les fonctions de conseiller ou d'avocat général à la Cour de cassation après avoir exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire à ladite cour.

Cette dérogation au principe du tableau d'avancement ne se heurte pas au principe d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière, qui suppose que des personnes placées dans une situation identique soient traitées de façon identique, au vu du caractère spécifique des fonctions en cause par rapport aux autres fonctions judiciaires, pour lesquelles des dérogations ont déjà été admises. Comme indiqué précédemment, le Conseil constitutionnel a en effet précisé que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité de traitement pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit95(*) ».

Or, l'exercice des fonctions de chef d'une juridiction ne relève pas de la sphère exclusivement juridictionnelle et nécessite d'autres compétences notamment en matière de gestion des ressources humaines, de gestion financière, budgétaire et logistique et des actions partenariales.

Quant aux conseillers et avocats généraux référendaires, ils bénéficient d'ores et déjà d'un régime dérogatoire pour l'accès aux actuels emplois placés hors hiérarchie de la Cour de cassation auxquels ils peuvent être nommés après avoir exercé une autre fonction au premier grade actuel (en vertu de l'article 39 de l'ordonnance du 22décembre1958). Ce régime dérogatoire trouve sa justification dans la spécificité des besoins de la Cour de cassation. Aussi, pour ne pas assécher le vivier des magistrats possédant des compétences rapidement mobilisables en technique de cassation par exemple, il convient d'ouvrir aux conseillers et avocats généraux référendaires un accès direct aux fonctions de conseiller et d'avocat général sans inscription préalable à un tableau d'avancement ni condition d'exercice d'une première fonction au troisième grade pendant au moins trois ans.

S'agissant de l'inscription au tableau d'avancement permettant, par principe, l'accès au troisième grade, elle est confiée à une commission d'avancement à la composition et aux missions rénovées. Elle sera ainsi composée de représentants élus des magistrats des trois grades, des premiers présidents et procureurs généraux de cour d'appel, des présidents et procureurs de la République des tribunaux de première instance ou supérieur d'appel, d'un magistrat du siège et du parquet du troisième grade de la Cour de cassation, ainsi que du directeur des services judiciaires ou son représentant.

L'inscription au tableau d'avancement, comme la nomination sur des fonctions donnant directement accès au troisième grade, sont soumises à une condition de mobilité interne : les magistrats du deuxième grade doivent, pour y prétendre, avoir occupé deux emplois, en position d'activité ou de détachement. Si ces emplois présentent un caractère juridictionnel, ils doivent avoir été occupés auprès de deux juridictions différentes sauf lorsqu'ils ont été occupés auprès de deux parquets près le tribunal judiciaire de Paris. Cette dérogation se justifie par la spécificité du tribunal judiciaire de Paris qui compte trois parquets différents dont deux aux missions très spécifiques, le parquet national financier et le parquet national antiterroriste.

Le décret statutaire du 7 janvier 1993 viendra, quant à lui, préciser les conditions d'ancienneté et de mérites professionnels requises pour bénéficier d'une promotion ou d'une nomination au troisième grade ainsi que la durée de l'inscription à ce tableau d'avancement puisqu'à l'inverse du tableau d'avancement au deuxième grade, il n'est pas prévu de renouvellement automatique de l'inscription sur proposition de l'autorité hiérarchique.

Ce même décret précisera, en outre, les fonctions qui seront exercées par les magistrats du troisième grade. Il s'agira des fonctions d'encadrement supérieur et intermédiaire, soit les emplois actuellement placés hors hiérarchie96(*) (premier président, procureur général, premier président de chambre et premier avocat général des cours d'appel, président, procureur, premier vice-président et procureur de la République adjoint des tribunaux les plus importants), mais également de fonctions juridictionnelles (celles de conseiller et avocat général de la Cour de cassation, outre des fonctions du nouveau deuxième grade).

Le troisième grade ainsi conçu permet d'identifier différents viviers : celui des chefs de cour d'appel ou de tribunal, celui des magistrats exerçant des fonctions d'encadrement intermédiaire et celui des magistrats exerçant des fonctions exclusivement juridictionnelles. Il comprendra en conséquence, un nombre de postes localisés en raison des fonctions exercées et une part de magistrats promus en raison de leur valeur professionnelle exceptionnelle.

Compte tenu de la configuration envisagée de ce grade, il est apparu nécessaire de prévoir un contingentement afin de ne pas reproduire les difficultés observées actuellement pour les magistrats du premier grade puisque tous les magistrats de l'ordre judiciaire n'ont pas vocation à y accéder. Ainsi, le décret statutaire déterminera les modalités permettant de fixer le nombre de magistrats pouvant être promus au troisième grade afin de s'assurer d'une répartition équilibrée des magistrats au sein des trois grades.

Il est ainsi acquis que l'ensemble des magistrats n'aura pas vocation à être promu au troisième grade et donc à être inscrit au tableau d'avancement. Dès lors, une réelle sélection des magistrats pouvant figurer au tableau d'avancement devra être opérée, de telle sorte que seuls les magistrats présentant les aptitudes nécessaires à l'exercice de fonctions d'encadrement ainsi que les magistrats d'une valeur professionnelle particulière accèdent au nouveau troisième grade.

Ces deux viviers répondent à des logiques différentes : le vivier des encadrants doit être suffisamment large afin de pourvoir les emplois correspondants, tandis que celui des magistrats du troisième grade exerçant des fonctions exclusivement juridictionnelles devra respecter le contingent qui sera fixé.

L'introduction de rubriques au sein du tableau d'avancement, associée à un contingentement qui s'imposera à la commission d'avancement s'agissant des fonctions exclusivement juridictionnelles, permet de concilier les deux logiques.

Des tableaux d'avancement supplémentaires pourront, en outre, être établis en fonction de besoins particuliers d'encadrants.

L'accès à certains emplois du troisième grade sera, par ailleurs, soumis à une double condition : avoir été promu au troisième grade depuis au moins trois ans et avoir accompli une période de mobilité statutaire d'une durée d'au moins deux ans. Il s'agit des fonctions impliquant l'animation et la coordination de services de taille supérieure qui induisent l'exercice effectif d'un pouvoir d'encadrement hiérarchique, outre les fonctions de magistrat à la Cour de cassation, soit les emplois actuellement placés hors hiérarchie tant au niveau de l'ordonnance que du décret statutaires. La restriction de l'accès à ces fonctions par l'institution de conditions statutaires spécifiques justifie qu'elles soient expressément mentionnées dans l'ordonnance du 22 décembre 1958. Les magistrats justifiant d'une expérience professionnelle antérieure, ceux ayant exercé des fonctions à l'administration centrale du ministère de la justice ou d'inspecteur de la justice sont réputés avoir satisfaits à cette obligation de mobilité.

Une dérogation au respect de ces conditions a, en outre, été maintenue97(*) pour les magistrats détachés dans les emplois de directeur ou de chef de service au ministère de la justice ou de directeur de l'Ecole nationale de la magistrature. Cette dérogation se justifie par le caractère spécifique des fonctions en cause par rapport aux autres fonctions judiciaires, ces emplois impliquent un très haut niveau de responsabilités en ce qu'ils constituent des emplois de direction de l'Etat nécessitant notamment de répondre à des orientations stratégiques ou politiques, des gérer des moyens humains et budgétaires ainsi que de remplir une mission de représentation. Les personnes les ayant occupés doivent, à l'issue, pouvoir accéder aux plus hautes fonctions judiciaires.

Par ailleurs, les conseillers et avocats généraux référendaires bénéficient actuellement d'un régime dérogatoire prévu à l'article 39 pour l'accès aux emplois placés hors hiérarchie : ils sont dispensés de l'obligation de mobilité interne et externe pour l'accès aux emplois hors hiérarchie, hors Cour de cassation, et de l'obligation de mobilité externe pour accéder à un emploi hors hiérarchie de la Cour de cassation. Dès lors, pour accéder aux fonctions de conseiller ou avocat général à la Cour de cassation, une dérogation au respect de la condition d'avoir exercé une première fonction au troisième grade est prévue pour les magistrats qui, après avoir exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire à la Cour de cassation, ont exercé une autre fonction du deuxième grade. Une telle dérogation étant justifiée par le risque, en cas de soumission à toutes les conditions prévues à l'article 39-1 de l'ordonnance statutaire, d'augmenter la mobilité des conseillers et avocats généraux référendaires qui chercheraient alors à accéder rapidement au troisième grade et donc d'assécher le vivier de magistrats possédant les compétences nécessaires à l'exercice des fonctions de conseiller ou avocat général, et en conséquence de nuire au bon fonctionnement de la Cour et par suite, à la qualité de sa jurisprudence.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

De nombreuses dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958 doivent être modifiées dès lors que l'article 3 du projet de loi organique touche à la structure même du corps judiciaire.

En particulier, la création du troisième grade nécessite :

- La modification des articles : 2, 28, 28-1, 31, 34, 35, 35-1, 35-2 et 36 (remplacés par 34, 35, 36 nouveaux), 37, 38, 38-1, 38-2, 39 ; ainsi que la modification de l'intitulé du chapitre IV ;

- La création des articles 39-1 et 39-2 ;

- L'abrogation des articles 3, 28-2, 37-1, 76-4 et 76-5 ; par coordination, à l'article 20-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, les mots « l'article 76-4 » sont remplacés par les mots : « l'article 71 » ;

- La suppression de l'intitulé du chapitre V ; le chapitre V bis devenant le chapitre V ;

- le remplacement des occurrences des mots second grade, premier grade et hors hiérarchie compte tenu de la dénomination retenue (aux articles 10-2, 37, 38-1, 40, 40-1, 40-5 et 76-1-1 s'agissant des mots « hors hiérarchie » remplacés par les mots « du troisième grade » ; à l'article 26 s'agissant des mots « second degré » remplacés par les mots « premier grade » ; au premier alinéa de l'article 28-3 s'agissant des mots « premier grade ou hors hiérarchie » remplacés par les mots « deuxième ou du troisième grade » ; dans l'intitulé du chapitre III, à l'article 27-1 et au premier alinéa de l'article 41-9 s'agissant du mot « second » remplacé par le mot « deuxième » ; au troisième alinéa de l'article 3-1 et au deuxième alinéa de l'article 41-9 s'agissant du mot « premier » remplacé par le mot « deuxième »).

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure proposée apparait en cohérence avec les principes européens mentionnés supra en ce que les promotions de grade interviendront sur la base de critères objectifs (ancienneté et mérites professionnels) et fera intervenir le Conseil supérieur de la magistrature avant signature des décrets de promotion de grade.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Deux hypothèses sont envisagées concernant la cartographie du troisième grade qui, selon celle qui sera retenue, accueillera 20 à 25 % du corps, soit 1 855 à 2 318 magistrats.

L'hypothèse restrictive vise à localiser au troisième grade les emplois actuellement placés hors hiérarchie ainsi que les emplois de chefs de tribunal de première instance ou supérieur d'appel qui sont actuellement classés au premier grade de la hiérarchie judiciaire, soit 1 474 emplois (1 248 emplois placés hors hiérarchie et 226 emplois de chefs de tribunal), représentant près de 16 % du corps judiciaire.

L'hypothèse maximaliste vise à localiser au troisième grade l'ensemble des emplois actuellement placés hors hiérarchie ainsi que tous les emplois du premier grade comportant un huitième échelon, soit 1 867 emplois (1 248 emplois hors hiérarchie et 619 emplois du premier grade), représentant un peu plus de 20 % du corps.

Dans les deux hypothèses, la part des magistrats d'une valeur exceptionnelle promus au troisième grade ne pourrait excéder 5 % de l'ensemble du corps, soit 464 emplois maximum et un total de 1 855 à 2 318 emplois du troisième grade sur 9 271 emplois au 1er janvier 2023.

La grille indiciaire du corps de la magistrature, de niveau réglementaire, sera en conséquence revue à compter de 2024. Sa construction devra tenir compte de plusieurs facteurs :

- D'une part, de la diversité des emplois composant ce troisième grade : fonctions d'encadrement supérieur, fonctions d'encadrement intermédiaire, fonctions exclusivement juridictionnelles ;

- D'autre part, de la diversité des parcours : celui des magistrats accédant au troisième grade par voie de nomination sur un emploi de chef de juridiction et donc possiblement à un stade relativement précoce de la carrière, celui des magistrats promus à un stade plus avancé de la carrière pour ceux n'occupant pas des fonctions d'encadrement mais justifiant d'une valeur professionnelle exceptionnelle ;

- Enfin, de la déclinaison qui sera faite de la réforme du corps des administrateurs de l'État dans les autres corps, notamment juridictionnels (magistrats administratifs et financiers), actuellement en cours de négociation, afin de favoriser les mobilités.

Le coût de cette mesure ne peut donc être précisément chiffré à l'heure actuelle mais il est estimé entre 23,4 millions d'euros et 29,4 millions d'euros sur la base des éléments suivants :

- La grille des administrateurs de l'Etat résultant du décret n° 2022-145498(*), soit une revalorisation en moyenne de 29 points d'indice par échelon, soit un impact éventuel macroéconomique de 15 millions d'euros ;

- La linéarisation du huitième échelon du premier grade dont ont bénéficié les autres corps de niveau comparable, dont le coût est de l'ordre de 8,4 millions d'euros à 14,3 millions d'euros selon le temps à passer dans chaque échelon qui sera retenu.

Il s'agit d'une approche globale qui est fondée sur l'application de manière uniforme d'un gain de 29 points d'indice aux effectifs actuels des magistrats. En se fondant sur un nombre de magistrats de 8 700 (source : paye janvier 2023) et d'un indice moyen de paye à 1062, l'impact macro est de 14,6 millions d'euros.

Pour la linéarisation, plusieurs hypothèses ont été envisagées, reposant sur une ancienneté au 7ème échelon variant de 3 à 5 ans : l'estimation a été réalisée à partir des effectifs de magistrats réunissant ces conditions, le passage du 7ème au 8ème échelon représentant une variation de 8 088 euros, conduit à une estimation comprise entre 8,6 et 11,2 millions d'euros. La troisième hypothèse est établie à partir de la deuxième hypothèse conjuguée à la prise en compte des magistrats depuis + 8 ans au 3ème chevron de la HE lettre C : l'impact en résultant est évalué à près de 17 millions d'euros.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES RESSOURCES HUMAINES

La création d'un troisième grade apporte une solution aux différentes problématiques identifiées.

Elle offre d'abord une perspective de déroulement de carrière plus importante aux magistrats qui n'aspirent pas à des fonctions d'encadrement intermédiaire ou supérieur. Elle s'inscrit ainsi dans les réflexions en cours sur la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des carrières de la magistrature judiciaire qui résultent tant des conclusions des Etats généraux de la justice99(*), que des aspirations réitérées des chefs de cour afin de faciliter le pilotage des juridictions en mettant en conformité les profils de magistrats avec les besoins des juridictions mais également des magistrats qui souhaitent voir leur expertise valorisée dans le contexte d'une complexification croissante des contentieux, particulièrement dans certaines juridictions. Certains magistrats développent en effet une expertise technique spécifique, par exemple en matière de propriété intellectuelle, compte tenu du volume du contentieux traité par les juridictions spécialisées en cette matière100(*).

La création d'un troisième grade permet ensuite de valoriser et rendre plus attractives les fonctions d'encadrement supérieur et intermédiaire. L'intégration de l'ensemble des postes de chefs de juridiction au troisième grade a été questionnée, notamment s'agissant des plus petites d'entre elles compte tenu des conditions qui seront dorénavant exigées, soit avoir occupé deux emplois du deuxième grade et donc justifier d'une ancienneté minimale dans le corps de l'ordre de 11 à 13 années, dont quatre à six ans au deuxième grade. Cette évolution mettra un terme à la pratique résiduelle consistant actuellement à positionner des magistrats en avancement au premier grade sur des postes de chef de juridiction faiblement attractifs, notamment au parquet. Au 1er mars 2023, six chefs de juridiction actuellement en poste, dont un président de tribunal judiciaire et cinq procureurs de la République, ont en effet accédé à leur premier poste de chef de juridiction en avancement. En d'autres termes, ils ont accédé au premier grade en qualité de chef de juridiction, à l'issue d'un exercice de sept années seulement dans la magistrature. Nonobstant les compétences de ces chefs de juridiction, cette pratique résiduelle s'est imposée à la direction des services judiciaires en raison du faible nombre de candidatures exprimées sur ces postes, liée notamment à leur localisation géographique (Verdun, Roanne, Aurillac, Saint-Omer) mais elle a aussi permis de valoriser l'expérience de candidats justifiant de carrières antérieures puisque les deux tiers (quatre sur six) de ces chefs de juridiction étaient issus d'une intégration alternative au premier concours. L'exigence de l'exercice de deux emplois au futur deuxième grade mettra un terme à cette pratique mais ne remettra pas en cause la valorisation des magistrats qui ont accédé au corps après une carrière antérieure puisqu'ils bénéficieront d'une reprise d'ancienneté favorable. En outre, le positionnement de ces emplois au grade sommital de la hiérarchie judiciaire est de nature à renforcer leur attractivité pour des magistrats aguerris.

Par ailleurs, cette évolution sera conforme à la pratique majoritaire puisque les présidents des plus petits tribunaux judiciaires ont en moyenne 50,1 ans et disposaient d'une ancienneté au premier grade d'environ huit ans lors de leur accession à leur poste. S'agissant des procureurs de la République des juridictions de même taille, ils sont en moyenne âgés de 46,4 ans et bénéficiaient en moyenne d'une ancienneté de six années dans le grade lorsqu'ils ont rejoint leur poste. Cette évolution est également de nature à valoriser les magistrats qui accèdent au corps après une carrière antérieure qui bénéficieront d'une reprise d'ancienneté.

Une projection permet de constater que l'âge d'accès aux fonctions de chef de juridiction ne sera pas reculé. Cette projection est calculée :

- Sur la base de la réalisation de sept années d'exercice effectif au second grade (futur premier grade) pour les magistrats sans reprise d'ancienneté et de cinq années au moins pour les magistrats disposant d'une reprise d'ancienneté, conformément au texte actuel ;

- Sur la base de deux postes au premier grade (futur deuxième grade) à raison de trois années par poste soit six années au premier grade.

En conséquence, les magistrats ne disposant d'aucune reprise d'ancienneté pourront accéder au troisième grade à l'issue de 13 années d'exercice effectif en moyenne (7 + 6) et les magistrats disposant d'une reprise d'ancienneté à l'issue de 11 années (5 + 6).

Les magistrats issus de la promotion 2023 de l'Ecole nationale de la magistrature, issus du premier concours (étudiants) et intégrés sur le fondement de l'article 18-1 (expérience professionnelle courte) seront en moyenne âgés de 32 ans lors de leur prise de fonctions. Les auditeurs de justice issus du premier concours ne peuvent pas bénéficier d'une reprise d'ancienneté et les auditeurs intégrés sur le fondement de l'article 18-1 n'en bénéficient généralement pas compte tenu de la durée de leur expérience antérieure. Sur cette base, il est possible d'évaluer en moyenne l'âge minimal auquel ils accèderaient au troisième grade à 45 ans en moyenne (32 + 13).

S'agissant des magistrats issus de l'intégration directe ou du concours complémentaire en 2022, ils seront en moyenne âgés de 47 ans environ lors de leur prise de fonction et bénéficieront d'une reprise d'ancienneté. Sur cette base et en appliquant le délai minimal de cinq années de fonctions au second grade (futur premier grade) évoqué précédemment, il est possible d'évaluer qu'ils seraient en moyenne âgés de 57 ans environ lors de leur accession au troisième grade (47 + 10).

 

Auditeurs de justice

Autres recrutements

 

Date

Age moyen

Date

Age moyen

Prise de fonction

01/09/2024

32 ans

01/09/2024

47 ans

Passage du 1er au 2e grade

01/01/2032

39 ans

01/01/2030

52 ans

Deuxième poste 2e grade

01/01/2035

42 ans

01/01/2033

55 ans

Éligible au 3ème grade

01/01/2038

45 ans

01/01/2036

58 ans

Il est envisagé de réduire au niveau réglementaire la durée minimale de services effectifs pour bénéficier d'un avancement du futur premier au futur deuxième grade à quatre années au lieu de cinq afin de valoriser les magistrats justifiant d'une carrière antérieure, l'âge moyen d'accès au troisième pour les magistrats susceptibles de bénéficier d'une reprise d'ancienneté serait abaissée à 57 ans au lieu de 58.

Le positionnement de l'ensemble des postes de chefs de juridiction au troisième grade apparait dès lors comme un puissant vecteur d'attractivité pour ces emplois qui en souffrent.

La création d'un troisième grade favorise, en outre, les mobilités entre l'exercice de fonctions d'encadrement et de fonctions exclusivement juridictionnelles, selon les aspirations et les temps de vie des magistrats mais également en cas de difficultés dans l'exercice des premières.

L'inscription au tableau d'avancement permet enfin de s'assurer de la capacité des magistrats à l'exercice des fonctions du troisième grade en ce qu'elle suppose l'intervention non seulement du Conseil supérieur de la magistrature tant pour les nominations que les promotions de grade, mais également de la commission d'avancement et impliquera les supérieurs hiérarchiques dans la détection des magistrats présentant le potentiel pour accéder à ces emplois ou particulièrement méritants. Cette responsabilisation sera encore accrue par la création des rubriques au tableau d'avancement. En effet, les chefs de cour devront, pour le tableau d'avancement au troisième grade, outre une liste, adresser un mémoire de proposition exposant les mérites professionnels du magistrat présenté ou ses aptitudes à l'exercice de fonctions d'encadrement, afin de le proposer sur l'une des rubriques. Il reviendra ensuite à la commission d'avancement d'opérer une sélection parmi les propositions des chefs de cour, au regard des mémoires de présentation et du dossier des magistrats.

4.5. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La réforme impliquera des opérations de reclassement de l'ensemble des magistrats dans leur nouveau grade et la mise à jour du système informatique de ressources humaines qui pourra être effectuée en quelques semaines au moyen de ressources internes au ministère de la Justice.

4.6. IMPACTS SOCIAUX

4.6.1. Impacts sur la société

Néant.

4.6.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Actuellement, accéder à un emploi hors hiérarchie implique à la fois une dimension d'encadrement et une mobilité géographique, mobilité qui n'est pas toujours compatible avec un handicap. Le troisième grade accueillera tant des magistrats en situation d'encadrement que des magistrats exerçant des fonctions exclusivement juridictionnelles, et ce dans l'ensemble des juridictions du territoire français. La création du troisième grade permettra ainsi de valoriser les magistrats d'une valeur professionnelle exceptionnelle sans exiger une mobilité spécifique après inscription au tableau d'avancement. Les mérites professionnels des magistrats en situation de handicap pourront ainsi être plus facilement valorisés.

4.6.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Il résulte du dernier baromètre égalité femmes-hommes du ministère de la justice publié en 2021 que les femmes sont sous représentées au somment de la hiérarchie judicaire. Au 1er janvier 2023, les femmes représentaient 70,08 % du corps mais elles n'occupent que 52,14 % (633 sur 1 214) des postes hors hiérarchie et 52,34 % (324 sur 619) des postes du premier grade comportant un huitième échelon.

Ce déséquilibre dans la représentation des femmes et des hommes au sein de la hors hiérarchie est accentué s'agissant des postes spécifiques de chef de cour d'appel ou de juridiction puisqu'au 1er janvier 2023, 38,9 % des postes de premier président de cour d'appel et 39,3 % des postes de président de tribunal judiciaire placés hors hiérarchie sont occupés par des femmes. L'écart est majoré au parquet, 27 % des postes de procureur général et 27,8 % des postes de procureur de la République placés hors hiérarchie étant occupés par des femmes à la même date, ce en dépit de la politique volontariste conduite par le ministère de la justice en matière de constitution de viviers féminins.

Cette inversion proportionnelle de la composition des fonctions placées hors hiérarchie par rapport à la composition générale du corps peut être attribuée à deux facteurs principaux.

Le premier réside dans l'évolution de la pyramide des âges. La féminisation du corps étant croissante, le rapport femmes/hommes est plus équilibré au sommet de la pyramide des âges, puisque 47,3 % des magistrats de plus de 60 ans étaient des hommes au 1er janvier 2023. Les hommes sont ainsi moins sous-représentés au sein de la tranche d'âge correspondant statistiquement à l'occupation de fonctions à la hors hiérarchie puisque la moyenne d'âge des magistrats à la hors hiérarchie s'élève à 59,2 années au 1er janvier 2023.

Le second réside dans les motifs culturels et sociologiques communs à l'ensemble des corps dans lesquels s'observe un « plafond de verre » féminin. Au premier rang de ces motifs décrits par de nombreuses magistrates se trouve l'entrave à la mobilité géographique induite par l'inégale répartition des charges domestiques et particulièrement parentales. Or, la mobilité géographique tout au long de la carrière fait partie des critères valorisés aussi bien par la direction des services judiciaires que par le Conseil supérieur de la magistrature dans l'appréciation de la qualité du dossier et du parcours des candidats à des fonctions placées hors hiérarchie. Par ailleurs, les postes placés hors hiérarchie étant concurrentiels, il est fréquent que les candidats consentent à une mobilité géographique importante à destination de secteurs géographiques moins attractifs afin de maximiser leurs perspectives d'accession au grade sommital.

La création d'un troisième grade impliquera d'avoir occupé deux emplois du grade intermédiaire avant l'accès au grade sommital, de ce fait, les magistrats ne disposant d'aucune reprise d'ancienneté pourront par exemple accéder au troisième grade à l'issue de 13 années d'exercice effectif en moyenne (7 ans passés au premier grade et 6 ans passés au deuxième grade). S'agissant de l'accès aux fonctions d'encadrement et principalement de chef de juridiction, cette mesure favorisera les femmes qui aujourd'hui candidatent plus tard en moyenne que les hommes sur ces postes, en raison de choix de vie personnelle. Par ailleurs, elles pourront également voir leur expertise technique valorisée en étant proposée à l'inscription au tableau d'avancement au troisième grade, qui permet d'envisager une élévation de grade dans l'ensemble des juridictions sans exiger une mobilité géographique importante.

4.6.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.6.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.7. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.8. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

S'agissant de la création d'un nouveau grade, au regard de la nécessité de prendre des textes réglementaires, de procéder à l'élection et à l'installation de la nouvelle commission d'avancement ainsi qu'aux opérations de reclassement des magistrats, une entrée en vigueur différée s'impose. Le 2° de l'article 12 du présent projet de loi organique renvoie cette date au décret en Conseil d'Etat qui sera pris pour son application et au plus tard au 31 décembre 2025. Le calendrier envisage une entrée en vigueur dans le courant de l'année 2025, après l'élection des membres de la nouvelle commission d'avancement qui pourrait coïncider avec celle qui aurait dû procéder au renouvellement de la commission actuelle, soit en juin 2025.

Le respect du principe d'égalité dans le déroulement de la carrière implique, par ailleurs, de prévoir que certaines conditions d'accès au troisième grade sont réputées remplies au bénéfice de certains magistrats.

Ainsi, le c) du 2° de l'article 12 prévoit que les magistrats occupant un emploi placé hors hiérarchie au moment de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions ont vocation à être reclassés au troisième grade. Ils seront donc réputés avoir satisfait aux conditions exigées pour l'accès au grade prévues par les articles 39 et 39-1 de l'ordonnance statutaire dans leur rédaction résultant de la présente loi organique.

Au vu du régime dérogatoire, évoqué ci-dessus, prévu actuellement pour les conseillers et avocats généraux référendaires, le d) du 2° de l'article 12 du présent projet de loi prévoit que les magistrats occupant ou ayant occupé à la date d'entrée en vigueur de la réforme un emploi de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire seront réputés avoir satisfait à la condition de mobilité exigée par l'article 39 dans sa rédaction résultant de la réforme.

L'accès aux plus hauts postes de la hiérarchie judiciaire est soumis à l'accomplissement d'une période de mobilité statutaire. Actuellement, l'accès aux emplois placés hors hiérarchie est soumis à l'accomplissement d'une telle période de mobilité en application de l'article 76-4 de l'ordonnance statutaire ; cette obligation est applicable aux seuls magistrats nommés dans leur premier poste depuis le 1er septembre 2020. Dès lors, en application du e) 2° de l'article 12 du présent projet de loi, les magistrats nommés dans leur premier poste antérieurement au 1er septembre 2020 seront réputés avoir satisfait à cette obligation de mobilité pour l'accès aux emplois mentionnés à l'article 39-1 dans sa rédaction résultant de la présente loi organique.

Enfin, le troisième grade comportera l'ensemble des fonctions de chefs de juridiction. En conséquence, la dérogation à l'impossibilité d'être nommé président ou procureur de la République dans la juridiction où un magistrat est affecté en cas d'élévation de l'emploi au niveau hiérarchique n'aura vocation à s'appliquer qu'aux magistrats exerçant lesdites fonctions au moment de l'entrée en vigueur de l'article 3 du présent projet de loi organique. Tel est l'objet du b) de son article 12.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'État devra modifier le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, afin notamment de :

- Fixer la liste des fonctions pouvant être exercées par les magistrats de chaque grade ;

- Préciser les conditions d'inscription au tableau d'avancement pour l'accès au nouveau deuxième grade, ainsi que celles requises pour l'accès au nouveau troisième grade ;

- Préciser les modalités d'établissement des tableaux d'avancement et, en particulier s'agissant du tableau d'avancement pour l'accès au troisième grade, les différentes rubriques de ce tableau ;

- Lister les fonctions pour l'exercice desquelles les magistrats inscrits sous chaque rubrique du tableau d'avancement pour l'accès au troisième grade peuvent être nommés ;

- Préciser la durée d'inscription au tableau d'avancement pour l'accès au troisième grade ;

- Fixer les modalités déterminant le contingent de magistrats pouvant être promus au troisième grade et redéfinir l'échelonnement indiciaire au sein de chaque grade.

Un décret en Conseil des ministres devra modifier le décret n° 69-469 du 27 mai 1969 fixant le classement hiérarchique des magistrats de l'ordre judiciaire.

Un décret simple devra modifier le décret n° 2017-661 du 27 avril 2017 fixant l'échelonnement indiciaire des magistrats de l'ordre judiciaire.

Devra, en outre, être abrogé l'arrêté du 12 novembre 2010 fixant la liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un huitième échelon.

II. Modification du ratio de magistrats placés

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Le statut de magistrat placé a été créé par la loi organique n° 80-844 du 30 octobre 1980 relative au statut de la magistrature afin de donner aux chefs de cour une plus grande latitude dans la gestion des effectifs de magistrats pour répondre efficacement aux besoins du service public de la justice.

Aux termes de l'article 3-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, l'affectation des magistrats placés est prononcée pour les magistrats du siège par ordonnance du premier président de la cour d'appel ou par décision du procureur général qui précise notamment le motif du remplacement à effectuer ou de l'affectation temporaire. Les missions que les magistrats placés peuvent être appelés à exercer à la cour d'appel à laquelle ils sont rattachés et dans l'ensemble des tribunaux de première instance du ressort de ladite cour sont précisément détaillées :

- Remplacement temporaire des magistrats de leur grade des tribunaux de première instance et de la cour d'appel qui se trouvent empêchés d'exercer leurs fonctions du fait de congés de maladie, de longue maladie, pour maternité ou adoption ou du fait de leur participation à des stages de formation, ou admis à prendre leur congé annuel ;

- Affectation temporaire dans ces juridictions pour exercer, pour une durée qui n'est pas renouvelable et qui ne peut excéder huit mois, les fonctions afférentes à un emploi vacant de leur grade ;

- Affectation temporaire dans un tribunal de première instance, ainsi qu'à la cour d'appel pour les magistrats du premier grade, pour renforcer l'effectif d'une juridiction afin d'assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, pour une durée qui n'est pas renouvelable et qui ne peut excéder huit mois.

A l'origine, le dispositif ne concernait que les seuls magistrats du second grade, la loi prévoyant que leur nombre ne pouvait excéder, pour chaque cour d'appel, le vingtième du nombre des emplois de magistrats du second grade de ladite cour.

La loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 a porté au quinzième des emplois de magistrat des tribunaux de première instance du ressort le nombre maximum de magistrats placés du second grade.

Puis la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 a porté leur nombre au quinzième des emplois de magistrat de la cour d'appel et des tribunaux de première instance du ressort, et étendu la fonction de magistrat placé aux remplacements temporaires des magistrats du premier grade.

Actuellement, le nombre de magistrats placés ne peut excéder, pour chaque cour d'appel, le quinzième des emplois de magistrat de la cour d'appel et des tribunaux de première instance du ressort. Toutefois, leur nomination peut, le cas échéant, être prononcée en surnombre de l'effectif de la cour d'appel de rattachement dans la limite de l'effectif budgétaire global des emplois de leur grade. Au plan national, 461 emplois de magistrats placés sont localisés pour un maximum autorisé de 569 et un nombre de magistrats placés en poste en juridiction de 386. Le delta entre les postes localisés et les postes pourvus correspond à la vacance, qui s'élève à 16 % environ au 1er mars 2023 pour les postes de magistrats placés. S'il est possible de localiser une centaine d'emplois supplémentaires, le ratio prévu par l'ordonnance statutaire est atteint dans 22 cours d'appels sur 36.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

A l'occasion de l'examen des différentes lois organiques ayant créé le statut de magistrats placés puis modifié le nombre maximum de magistrats pouvant avoir un tel statut, le Conseil constitutionnel a considéré que le statut des magistrats placés ne portait pas atteinte aux principes d'inamovibilité des magistrats du siège, d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière et d'indépendance de la justice, compte tenu des garanties statutaires mises en place101(*).

Dans sa décision du 24 octobre 1980, le Conseil constitutionnel a considéré « qu'en déterminant limitativement les cas dans lesquels, à l'intérieur du ressort d'une cour d'appel, des magistrats du siège peuvent être appelés à effectuer un remplacement, qu'en subordonnant celui-ci à une ordonnance du premier président précisant le motif et la durée du remplacement et en en fixant le terme, la loi organique a institué des garanties de nature à satisfaire aux exigences de la Constitution »102(*) .

Il ressort plus précisément de la motivation de la décision du 10 janvier 1995, que s'agissant des magistrats placés, le législateur organique doit prévoir une durée limitée de délégation, la nature de l'acte portant désignation, le consentement - pour les magistrats du siège - en cas de changement d'affectation anticipé, ainsi qu'un taux limité de magistrats pouvant être affectés à ces emplois.

Le Conseil constitutionnel précise en effet dans cette décision que « Considérant que l'article 7 modifie l'article 3-1 de ladite ordonnance relatif aux magistrats "ayant qualité pour exercer les fonctions du grade auquel ils appartiennent dans l'ensemble des tribunaux de première instance du ressort de la cour d'appel à laquelle ils sont rattachés" ; que le I de l'article 3-1 modifie les cas et conditions dans lesquels ces magistrats sont appelés à remplacer temporairement ceux qui seraient empêchés d'exercer leurs fonctions ; qu'il prévoit que ces magistrats peuvent, à condition que ce soit pour une durée maximum de quatre mois non renouvelable, venir renforcer des juridictions afin d'assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable ; que le II de l'article 7 énonce que ces magistrats restent en fonction jusqu'au terme fixé par l'ordonnance du premier président sauf s'ils acceptent de changer d'affectation ; que cette disposition est conforme au principe de l'inamovibilité des magistrats ; (...) que le V de ce même article énonce que le nombre de ces magistrats ne peut excéder pour chaque cour d'appel, le quinzième des emplois de magistrat des tribunaux de première instance ; que l'ensemble de ces dispositions comportent des garanties de nature à satisfaire aux principe d'égalité et d'indépendance de l'autorité judiciaire »103(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme proclame le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, tant sur le plan civil que pénal.

Dans de nombreuses décisions, la Cour européenne des droits de l'homme est venue en préciser les implications concrètes, en énonçant notamment que l'indépendance du tribunal s'apprécie au regard du mode de désignation et de la durée du mandat de ses membres104(*), en posant le principe d'inamovibilité des juges au cours de leur mandat comme un corollaire de leur indépendance105(*).

Il résulte également de ce texte une obligation pour les Etats d'assurer un fonctionnement normal du service public de la justice. Les Etats sont donc tenus d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d'obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable, et au pénal que les accusés ne demeurent pas pendant un temps trop long sous le coup d'une accusation sans qu'il soit décidé de son bien-fondé.

A cet égard, la Cour européenne des droits de l'homme considère que les états membres doivent organiser leur système judiciaire de manière à garantir le droit à une décision de justice dans un délai raisonnable, la surcharge de travail ne pouvant entrer en ligne de compte106(*). L'article 6 consacre ainsi le principe plus général d'une bonne administration de la justice107(*).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE

En Belgique, les articles 98 à 99 quater du code judiciaire réglementent les « délégations de juges ». Lorsque les nécessités du service le justifient, un juge peut être délégué par ordonnance, de manière temporaire, auprès du ressort d'un autre tribunal. Plusieurs hypothèses sont possibles, justifiées par les nécessités du service au sein d'un tribunal de première instance. Par exemple, le premier président peut charger par ordonnance un juge du ressort de la cour d'appel qui accepte cette délégation, d'exercer ses fonctions, à titre complémentaire et pour un délai déterminé, dans un tribunal de première instance ou un tribunal de l'entreprise situé dans ce ressort. L'ordonnance indique les motifs pour lesquels il est nécessaire de faire appel à un juge d'une autre juridiction du ressort et précise les modalités de la délégation. La délégation prend fin avec la cessation de la cause qui l'a motivée (ou à l'expiration du délai mentionné dans l'ordonnance de délégation) ; toutefois pour les affaires en cours de débat ou en délibéré, la délégation produit ses effets jusqu'au jugement. Un dispositif similaire existe pour les magistrats du parquet (article 326).

L'article 100 de code judiciaire prévoit plus largement que les juges nommés dans un tribunal de première instance sont, dans le respect de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, nommés à titre subsidiaire dans les autres tribunaux de première instance du ressort de la cour d'appel. Il en est de même pour les substituts nommés dans un parquet du procureur du Roi. La désignation d'un magistrat en dehors de la juridiction ou du parquet dans le cadre du personnel duquel il est nommé à titre principal, est réglée de commun accord entre les chefs de corps concernés, après avoir entendu l'intéressé. La décision commune précise les modalités de la désignation. L'ordonnance de désignation indique les motifs pour lesquels il est nécessaire de faire appel à un magistrat nommé à titre principal dans le cadre du personnel d'un autre tribunal ou parquet et précise les modalités de la désignation. La désignation vaut pour une période maximale d'un an renouvelable. Le consentement du magistrat désigné n'est pas requis.

En cas de refus des chefs de corps ou en l'absence d'accord sur les modalités de la désignation, le premier président de la cour d'appel ou le procureur général près la cour d'appel, selon le cas, décide sur avis motivé des chefs de corps du ressort concernés par la désignation.

En Italie, un système inspiré en partie par celui des magistrats placés français a été mis en place par une réforme de 2019. Des « magistrats de district », c'est-à-dire des magistrats affectés au ressort de chaque cour d'appel (pour le siège et le parquet) pouvaient déjà permettre de faire face à des situations d'absence temporaire des magistrats de leur poste, depuis la loi du 13 février 2001 n° 48. Pour plus de flexibilité, il existe désormais des « plans de personnel de district flexible » (piante organiche flessibili distrettuali), c'est-à-dire un quota de magistrats destiné à remplacer les magistrats absents ou à être affectés aux offices judiciaires du district qui se trouvent dans un état critique de performance (articles 4 à 8). Ces quotas sont déterminés par décret du ministre de la justice et sont révisés au moins tous les deux ans. Ces magistrats sont affectés aux tribunaux du district pour faire face aux manques d'effectifs et notamment, en cas de maladie, congés de maternité, suspension et exonération des fonctions juridictionnelles des magistrats. Les affectations ont lieu par décret du président de la cour d'appel ou du procureur général de la cour d'appel, communiqué au ministre. L'affectation ne peut avoir une durée inférieure à un an, auquel il est possible de déroger en cas de nécessités particulières.

L'article 8 de la loi n° 48/2001 prévoit des avantages pour les magistrats faisant partie des plans de personnel, à savoir une incitation économique et une priorité pour les futurs changements de poste.

Les suppléances et affectations font l'objet d'une circulaire du CSM du 20 juin 2018, mise à jour en mai 2022, qui en détaille les modes de fonctionnement.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Comme indiqué supra, dès lors que le statut de magistrat placé constitue une entorse au principe d'inamovibilité des magistrats du siège, la fixation du quota de magistrats placés relève de l'ordonnance statutaire et du contrôle du Conseil constitutionnel.

Les dispositions actuelles de l'article 3-1 de l'ordonnance statutaire ne permettent pas de pallier les besoins actuels des juridictions.

En effet, si au niveau national, le nombre actuel de magistrat placés en poste (386) est inférieur au nombre maximum autorisé par l'ordonnance statutaire (560) ou encore au nombre de magistrats placés localisés (461 postes localisés, dont 291 au siège et 170 au parquet), il n'en reste pas moins que le ratio du quinzième des emplois de magistrats de la cour d'appel et des tribunaux de première instance du ressort est atteint dans 22 cours d'appel sur 36.

S'agissant des postes vacants, à ce jour, on dénombre 321 postes vacants dans les juridictions de première instance et d'appel, hors magistrats placés (7 854 magistrats pour 8 175 postes localisés, hors magistrats placés), soit un taux de vacance de 3,92 %.

La vacance globale (incluant les vacances de postes de magistrats placés) est actuellement de 4,67 % (8 233 effectifs réels pour 8 636 postes soit 403 postes vacants).

Le taux d'absentéisme des magistrats est calculé depuis peu à la suite du déploiement progressif des différentes fonctionnalités du système d'information des ressources humaines. Le taux moyen d'absentéisme, incluant les magistrats placés, pour les deux dernières années est de 6,08 %. Rapporté aux 8 233 magistrats en fonction en juridiction, l'absentéisme équivaudrait approximativement à un déficit de 500 ETPT.

Hormis l'insuffisance numérique des magistrats placés pour répondre aux besoins sus mentionnés, leur répartition, telle qu'elle est imposée par la rédaction actuelle de l'ordonnance statutaire, s'avère pénalisante pour les très petits ressorts, dont le fonctionnement peut être rapidement lourdement affecté par les absences de magistrats, alors que les ressorts les plus importants disposent de marges de manoeuvre interne plus importantes.

Il convient en conséquence de réviser le ratio de magistrats placés, ce qui implique une modification de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le renfort de magistrats placés notamment dans les juridictions de petites et moyennes tailles pour remplacer les absences, faire face à un surcroît temporaire d'activité, voire compléter une vacance de poste est nécessaire afin de permettre de respecter des délais raisonnables de jugement et éviter la constitution de stocks d'affaires en attente de jugement trop importants.

La mesure envisagée vise à permettre la localisation de magistrats placés en nombre suffisant pour assurer des remplacements liés à l'absentéisme des magistrats, et dans une moindre mesure, les vacances de poste compte tenu des perspectives en matière de recrutement.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option non retenue n° 1 : mise en place d'un ratio différencié à partir d'un seuil fixé en fonction de la taille des cours

La première option envisagée consistait à maintenir un ratio d'un quinzième des effectifs pour les six principales cours d'appel : Paris, Aix-en-Provence, Douai, Versailles, Rennes et Lyon, qui correspondent à l'ensemble des cours dont le nombre théorique de magistrats est supérieur à 300 au total, tout en introduisant une distinction avec un ratio d'un dixième des effectifs du ressort pour l'ensemble des autres cours. Le critère du seuil pourrait correspondre au nombre de magistrats par ressort.

Cette solution s'avérerait favorable à l'ensemble des cours.

Cette option n'a pas été retenue car elle engendrerait un effet de seuil problématique : les cours d'appel qui verraient leurs effectifs numériques passer au-dessous du seuil, ce qui pourrait impliquer de supprimer des postes de placés à terme.

3.1.2. Option non retenue n° 2 : maintien du ratio actuel et ajout d'un critère alternatif

La deuxième option envisagée visait à introduire un double critère, celui du quinzième des effectifs du ressort associé à la possibilité de localiser au moins deux magistrats placés par juridiction afin que puissent être délégué au moins un magistrat au siège et un magistrat au parquet dans chaque juridiction.

Cette option porterait le nouveau total maximal de placés à 730, avec 269 localisations supplémentaires possibles. Elle s'avère favorable à 17 cours d'appel dont 16 qui ne pouvaient créer aucun poste supplémentaire sous le régime actuel : Agen, Amiens, Basse-Terre, Bastia, Besançon, Bourges, Caen, Cayenne, Chambéry, Dijon, Limoges, Nouméa, Papeete, Pau, Poitiers, Reims, Riom.

Elle est la plus favorable aux cours d'appel de Limoges et Nouméa qui atteindraient des ratios avoisinant un huitième ou un neuvième, ce qui s'explique par le faible nombre de magistrats par juridiction sur leur ressort.

Toutefois, dans trois cours d'appel, Amiens, Caen et Reims, l'augmentation induite ne permet pas de garantir la disposition d'au moins un magistrat placé au parquet et un magistrat placé au siège par juridiction compte tenu de la répartition actuelle des postes de magistrats placés entre le siège et le parquet d'une part, du nombre de postes supplémentaires susceptibles d'être créés d'autre part.

Cette option, n'apparaissant pas satisfaisante, a été écartée.

3.1.3. Option non retenue n° 3 : augmentation du ratio à un dixième

Cette option serait par définition favorable à l'ensemble des cours d'appel car chacune pourrait créer au moins un poste supplémentaire.

Elle favorise de manière exponentielle les cours d'appel les plus importantes, particulièrement celle de Paris, qui passerait de 55 à 113 localisations supplémentaires possibles. Inversement, deux cours, celles de Nouméa et Papeete, n'auraient un gain que d'un poste localisable supplémentaire.

Elle porte à un niveau important le nombre total de magistrats placés localisables. Nonobstant la tendance globale à la hausse des effectifs localisés, cette augmentation entraînerait une modification sensible de la composition du corps et particulièrement du contenu des listes de postes offerts aux auditeurs de justice compte tenu de la faible attractivité des fonctions de magistrat placé. La surreprésentation des postes de magistrats placés est susceptible de porter atteinte, de fait, au principe constitutionnel d'inamovibilité des magistrats du siège, mais aussi de précariser l'exercice des fonctions de cabinet impliquant le suivi de dossiers. Or, les fonctions de magistrat placé ont vocation à constituer un outil de soutien conjoncturel aux juridictions pour pallier l'absentéisme et un non une modalité de gestion structurelle de la vacance.

En particulier, ces fonctions risqueraient d'être représentées de manière exorbitante sur la liste des postes offerts aux auditeurs de justice, auxquels sont offerts les emplois vacants qui n'ont pas été demandés par des magistrats en fonction. Le nombre de candidatures exprimées par des magistrats en exercice est relativement faible compte tenu des contraintes professionnelles et logistiques que leur exercice implique, particulièrement sur le ressort des cours d'appel les plus étendues géographiquement. C'est ainsi que le taux de vacances des postes de magistrats placés (16,27% au 1er mars 2023) est environ trois fois supérieur au taux de vacances national (4,92% à la même date).

En conséquence, cette option n'a pas été retenue.

3.2. OPTION RETENUE

L'option retenue consiste à augmenter le ratio de façon uniforme pour toutes les cours d'appel à un douzième des effectifs de la cour d'appel et des tribunaux judiciaires du ressort.

Cette option permet d'augmenter le nombre de placés dans toutes les cours d'appel à l'exception de celle de Papeete, car compte tenu de ses effectifs actuels, elle ne pourrait pas bénéficier de la localisation d'emplois supplémentaires de magistrats placés. Au niveau national, le nombre total de magistrats placés susceptibles d'être localisés s'élève à 725.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure nécessite une modification du septième alinéa de l'article 3-1 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure envisagée apparait conforme aux exigences européennes relatives à l'inamovibilité des juges et au délai raisonnable de jugement.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La modification de la limite du nombre de magistrats placés, passant de 1/15ème des effectifs du ressort à 1/12ème, aboutit à un nombre supplémentaire de 165 emplois de magistrats placés si l'on raisonne sur les quotas théoriques (passage de 560 à 725). Si le rapport actuellement existant entre le maximum théorique, les effectifs localisés et les effectifs réels est reproduit, cela aboutit à la localisation de 135 emplois supplémentaires et 113 emplois supplémentaires effectivement pourvus.

Cette augmentation induit un double impact :

- Sur les dépenses de personnels (T2) : au regard des sujétions inhérentes aux missions, la prime forfaitaire des magistrats placés est augmentée de 2 points (39 % contre 37 %) par rapport aux autres magistrats. Ainsi, l'impact budgétaire correspondant à la création de 165 postes possibles de placés représente un montant de 112 000 € en partant d'un indice moyen majoré (moyenne à date) de 583 et de 76 672 € pour 113 emplois supplémentaires effectivement pourvus ;

- Sur les frais de déplacement (T3) : en se fondant sur le montant moyen des frais de déplacement alloués en 2022 aux effectifs placés, soit 11 316 €, l'impact s'établit à 1 870 000 € pour 165 emplois supplémentaires et 1 278 708 € pour 113 emplois supplémentaires effectivement pourvus.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

L'augmentation du ratio de magistrats placés va permettre de renforcer les ressorts qui ont atteint le ratio actuel et d'assurer une meilleure gestion de l'absentéisme et des vacances de postes en juridiction, sans bouleverser l'équilibre du corps. En limitant les vacances de postes, cette mesure est de nature à garantir un meilleur fonctionnement des juridictions et la continuité du service public de la justice.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

L'augmentation du quota de magistrats placés est de nature à permettre un meilleur fonctionnement du service public de la justice en assurant la continuité du traitement du contentieux en cas d'absence ou de vacance de poste.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure envisagée, en favorisant les remplacements temporaires, est de nature à réduire les délais de traitement des affaires et répond au droit de chacun à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La mesure envisagée aura un impact environnemental qui sera variable selon le nombre de magistrats placés, mais également de leur affectation géographique, au sein de leur résidence administrative ou personnelle, de leur lieu de résidence ainsi que du mode de transport utilisé (véhicule personnel ou transports en commun).

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

La présente mesure n'appelle l'édiction d'aucun texte d'application.

III. De certaines fonctions en cour d'appel

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les cours d'appel sont compétentes pour les appels formés contre les décisions, tant civiles que pénales, des juridictions du premier degré de leur ressort géographique108(*) (tribunaux judiciaires, tribunaux de proximité, conseils de prud'hommes, tribunaux de commerce). Elles constituent donc des juridictions du second degré.

Il existe 36 cours d'appel. En pratique, chaque cour d'appel est organisée en chambres spécialisées statuant en formation collégiale composée de trois magistrats du siège : un président et deux assesseurs109(*). Par ailleurs, le ministère public près la cour d'appel est représenté par le procureur général en personne, ou par les avocats généraux et substituts du procureur général.

Les cours d'appel comprennent actuellement soit des magistrats placés hors hiérarchie soit des magistrats du premier grade de la hiérarchie judiciaire (outre, le cas échéant, des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles) :

- Sont placés hors hiérarchie les premiers présidents, premiers présidents de chambre, présidents de chambre des cours d'appel ainsi que les procureurs généraux, premiers avocats généraux et avocats généraux près lesdites cours110(*) ;

- Les fonctions de conseiller et de substitut général sont exercées par des magistrats du premier grade. Elles sont donc mentionnées à l'article 4 du décret du 7 janvier 1993111(*).

1.1.1. S'agissant des fonctions de président de chambre de l'instruction

Comme tous les présidents de chambre, les présidents de chambre de l'instruction sont des magistrats hors hiérarchie. Cette fonction présente toutefois une particularité statutaire : contrairement aux autres présidents de chambre, qui sont désignés pour présider telle ou telle chambre civile ou pénale de la cour d'appel, par le premier président de la cour112(*), les présidents de chambre de l'instruction sont nommés en cette qualité par décret du Président de la République pris après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (ci-après CSM).

L'article 191 du code de procédure pénale dispose ainsi que « Chaque cour d'appel comprend au moins une chambre de l'instruction.

Cette juridiction est composée d'un président de chambre, exclusivement attaché à ce service, et de deux conseillers qui peuvent, en cas de besoin, assurer le service des autres chambres de la cour.

Le président de la chambre de l'instruction est désigné par décret, après avis du Conseil supérieur de la magistrature. En cas d'absence ou d'empêchement du président de la chambre de l'instruction, le premier président désigne pour le remplacer à titre temporaire un autre président de chambre ou un conseiller. / (...) ».

Cette rédaction date de la loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale113(*).

Auparavant, le président de la « chambre d'accusation » (devenue, depuis lors, chambre de l'instruction) et les conseillers la composant étaient « désignés chaque année, pour la durée de l'année judiciaire suivante, par l'assemblée générale de la cour »114(*).

1.1.2. S'agissant des fonctions de conseiller et de substitut général

Si les fonctions de conseiller et de substitut général sont aujourd'hui exercées par des magistrats du premier grade de la hiérarchie judiciaire, cela n'a toutefois pas toujours été le cas. Ainsi, entre le 7 janvier 1994115(*) et le 1er janvier 2002, la fonction de conseiller de cour d'appel a pu être exercée par des magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire. L'accès à cette fonction était, toutefois, réservé aux magistrats justifiant de sept années d'ancienneté, dont cinq ans de services effectifs en qualité de magistrat accomplis dans le corps judiciaire ou en service détaché. En outre, l'accès à la fonction de conseiller de cour d'appel du second grade était subordonné à l'inscription sur une liste d'aptitude spéciale116(*).

La réforme du déroulement de la carrière des magistrats mise en oeuvre au cours des années 2000, 2001 et 2002 a notamment consisté en un repyramidage du corps devant permettre une augmentation significative du nombre d'emplois d'avancement au premier grade et placés hors hiérarchie. En effet, 58 % des magistrats de l'ordre judiciaire étaient alors au second grade, seuls 36,90 % étant au premier grade et 5,10 % placés hors hiérarchie. La réforme du statut devait permettre de porter à 9,88 % les emplois hors hiérarchie (le nombre d'emplois placés hors hiérarchie passant de 349 à 664) et à 61,85 % les emplois du premier grade (soit 4157 emplois, contre 2 480 en 2000). Le volume des emplois du second grade devait ainsi être ramené de 3 892 à 1 900 emplois (soit 28,28 % du corps).

Cette réforme devait donc se traduire par une modification de la structure des emplois au sein des juridictions, ainsi que par des appellations nouvelles.

Par conséquent, des emplois de conseiller référendaire du second grade ont été transformés en emplois du premier grade et les emplois de conseiller du second grade ont été élevés au premier grade, ainsi qu'une partie des emplois de juge et de substitut placé. De la même façon, les emplois de vice-président non spécialisés qui étaient alors au second grade ont été élevés au premier grade, outre une partie des emplois de juge, juge d'instance, juge d'instruction, juge des enfants et juge de l'application des peines.

Ont donc été supprimées, au second grade, les fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation, de conseiller de cour d'appel et de président ou vice-président d'un tribunal de grande instance, les emplois correspondant étant intégralement repyramidés au premier grade117(*).

Les fonctions en cour d'appel connaissent un déficit global d'attractivité, notamment au parquet général ou dans certaines zones géographiques. Les postes de conseiller en cour d'appel, au premier grade, connaissent un taux de vacance de 11,61 % au 1er mars 2023. Les postes de substitut du procureur général près la cour d'appel, également au premier grade, connaissent quant à eux un taux de vacance de 32,93 % à la même date. Ces taux sont respectivement plus de deux et six fois supérieurs au taux de vacance national, établi à 4,92 % à la même date (tous postes confondus, en première instance comme en juridiction d'appel). Toutefois, au niveau national, la vacance réelle des effectifs en cour d'appel (hors chefs de cour, magistrats placés et secrétaires généraux) s'élève à seulement 0,25 % pour le siège et 0,20 % pour le parquet, en raison des équilibres opérés entre les postes placés hors hiérarchie et les postes du premier grade.

Le déficit d'attractivité, sur certains ressorts, aux postes du premier grade en cour d'appel peut en partie s'expliquer par l'absence de localisation en cour d'appel de postes au huitième échelon du premier grade de la hiérarchie judiciaire, dits « postes Bbis ». En effet, les magistrats ayant accédé à des fonctions d'encadrement et à une rémunération correspondant à cet échelon en première instance, en qualité de premier vice-président ou de procureur adjoint, expriment une réticence à perdre leur bonification autant que leurs fonctions d'animation de service en reprenant des fonctions de conseiller ou de substitut général.

Le déficit d'attractivité des fonctions en cour d'appel dépend donc plutôt du grade. A l'inverse des postes de conseillers et substituts généraux, les postes placés hors hiérarchie de président de chambre, président de chambre de l'instruction ou avocat général sont très concurrentiels, particulièrement sur les secteurs géographiques les plus attractifs.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision du 21 février 1992, le Conseil constitutionnel a considéré que « en spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique, une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le constituant a entendu par ce moyen accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire ; que la loi organique portant statut des magistrats doit par suite déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées ; ». Plus précisément, s'agissant de l'article 2 de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, ce dernier a considéré « que les trois premiers alinéas de cet article déterminent les composantes de la hiérarchie du corps judiciaire et les principes qui gouvernent le passage du second au premier grade ainsi qu'à l'intérieur du premier grade, l'accès du premier au second group  ; qu'eu égard à ces principes, le renvoi à un décret en Conseil d'État de la définition des "fonctions exercées par les magistrats de chaque grade et, au sein du premier grade de chaque groupe", ne constitue pas une méconnaissance par la loi organique de l'étendue de sa compétence »118(*).

En vertu de cette jurisprudence, les fonctions pouvant être exercées par les magistrats de l'ordre judiciaire peuvent être définies par le pouvoir réglementaire ; c'est le cas des actuels articles
3 et 4 du décret du 7 janvier 1993119(*) qui énumèrent les fonctions pour l'exercice desquelles les magistrats des second et premier grades de la hiérarchie judiciaire peuvent être nommés.

Il est donc loisible au pouvoir réglementaire de créer ou supprimer de nouvelles fonctions statutaires par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant de l'article 3 du projet de loi organique soumis à son examen qui complétait l'article 3 de l'ordonnance statutaire relatif à la liste des emplois de magistrats dits hors hiérarchie, « qu'une telle énumération ne contrevient à aucune disposition constitutionnelle ; »120(*).

Il est donc loisible au législateur organique de compléter la liste des emplois placés hors hiérarchie.

S'agissant, enfin, de l'exercice des fonctions de conseiller de cour d'appel, le Conseil constitutionnel a examiné, dans sa décision du 19 juin 2001, les conditions dans lesquelles étaient ouverts deux concours pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire, à l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Il a ainsi considéré que si « (...) aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à la création, par le législateur organique, de nouveaux modes de recrutement des magistrats de l'ordre judiciaire (...), les règles qu'il fixe à cet effet doivent, notamment en posant des exigences précises quant à la capacité des intéressés conformes aux conditions découlant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, contribuer à assurer le respect tant du principe d'égalité devant la justice que de l'indépendance, dans l'exercice de leurs fonctions, des magistrats ainsi recrutés (...) ».

En l'occurrence, s'agissant de personnes n'ayant jamais exercé de fonctions juridictionnelles recrutées au premier grade et donc susceptibles d'exercer, d'emblée, les fonctions de conseiller de cour d'appel, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il revenait au pouvoir réglementaire de « veiller à ce que soient strictement appréciées, outre la compétence juridique des intéressés, leur aptitude à juger, afin de garantir, au second et dernier degré de juridiction, la qualité des décisions rendues, l'égalité devant la justice et le bon fonctionnement du service public de la justice »121(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1.1. S'agissant des présidents de chambre de l'instruction

La disposition figurant actuellement au sein de l'article 191 du code de procédure pénale aux termes de laquelle « Le président de la chambre de l'instruction est désigné par décret, après avis du Conseil supérieur de la magistrature. », qui touche aux modalités de nomination d'un magistrat du siège, constitue une disposition de nature statutaire qui, dès lors qu'elle porte sur des emplois hors hiérarchie, doit figurer dans l'ordonnance du 22 décembre 1958.

Seul un vecteur organique peut procéder à cet ajout au sein de l'ordonnance portant statut des magistrats.

2.1.2. S'agissant des fonctions de conseiller et de substitut général

Les magistrats souhaitant exercer des fonctions à responsabilité au sein des cours d'appel se trouvent parfois confrontés à un refus de nomination, faute d'expérience préalable en tant que conseiller ou substitut général à la cour d'appel.

En outre, comme évoqué supra, les postes de conseiller en cour d'appel et de substitut du procureur général près la cour d'appel connaissant des taux de vacance respectivement deux et cinq fois supérieurs au taux de vacance national, ce déficit d'attractivité des fonctions en cour d'appel dépend donc du grade.

Dans son rapport, le comité des Etats généraux de la justice122(*) fait le constat d'un déroulement de carrière « conçu de manière linéaire et verticale, l'affectation en cour d'appel étant obtenue après plusieurs années d'exercice professionnel en première instance ». Il estime « indispensable de délier le lien trop strict qui existe entre l'avancement de grade et les degrés de juridiction ». Actuellement, comme le prévoit l'article 4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993, les fonctions de conseiller et de substitut général ne peuvent être exercées que par des magistrats du premier grade. Le comité des Etats Généraux de la justice considère en particulier nécessaire d'inscrire la progression de carrière des magistrats dans un dispositif plus ouvert et plus fluide, en leur permettant d'accéder plus aisément et précocement à des postes en cours d'appel et en permettant des retours en première instance. Il préconise ainsi « d'offrir un accès en cour d'appel à des magistrats du second grade. Cette affectation serait d'une durée limitée, puisqu'ils ne pourraient y réaliser leur avancement ».

Dès lors, il apparaît nécessaire de modifier le décret du 7 janvier 1993123(*) afin de mentionner les fonctions de conseiller et de substitut général parmi celles pouvant être exercées par les magistrats du premier grade nouveau.

En outre, afin d'inciter les magistrats concernés à reprendre des fonctions dans les juridictions du premier degré, il convient de prohiber l'avancement sur place pour les magistrats du premier grade nouveau exerçant les fonctions de conseiller et de substitut général. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel citée supra selon laquelle les principes gouvernant le passage de grade doivent être fixés par la loi organique portant statut des magistrats, une disposition doit être introduite dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 à cette fin124(*).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

2.2.1. S'agissant des présidents de chambre de l'instruction

L'objectif poursuivi vise à conférer aux dispositions précitées de l'article 191 du code de procédure pénale un niveau de norme adapté, à savoir un niveau organique.

2.2.2. S'agissant des fonctions de conseiller et de substitut général

L'objectif poursuivi en interdisant l'avancement sur place aux magistrats du premier grade nouveau qui exerceraient leurs fonctions en cour d'appel, après la modification du décret du 7 janvier 1993 précité, est, d'une part, de dynamiser les carrières des magistrats de l'ordre judiciaire en permettant une alternance entre des postes en cours d'appel et au sein des juridictions du premier degré et, d'autre part, de faire bénéficier les juridictions du premier degré de l'expérience acquise par ces jeunes magistrats auprès des cours d'appel.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE

3.1.1. S'agissant des présidents de chambre de l'instruction

Il a été envisagé de ne pas mentionner, dans l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 énumérant la liste des emplois placés hors hiérarchie, les emplois de président de chambre de l'instruction et de laisser en l'état l'article 191 du code de procédure pénale, jusqu'à la recodification de ce code.

En effet, dans le cadre de la réforme issue du présent projet de loi organique, l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 sera abrogé à compter de l'entrée en vigueur du nouveau troisième grade donc au plus tard le 31 décembre 2025 et les fonctions du troisième grade nouveau, parmi lesquelles figureront les fonctions de président de la chambre de l'instruction, seront listées par décret.

Toutefois, la date de publication du nouveau code de procédure pénale ne peut être connue avec certitude à ce jour.

Cette option a donc été écartée.

3.1.2. S'agissant des fonctions de conseiller et de substitut général de cour d'appel

Il a été envisagé de permettre la prise de grade dans la cour d'appel à laquelle les magistrats du premier grade nouveau seront nommés pour exercer la fonction de conseiller ou de substitut général.

Toutefois, l'alternance recherchée entre des postes en cours d'appel et au sein des juridictions du premier degré n'aurait pas été atteinte.

Cette option a donc été écartée.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1. S'agissant des présidents de chambre de l'instruction

Afin d'éviter tout risque de vide juridique, il est proposé d'inscrire l'emploi de président de chambre de l'instruction au sein de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et, plus précisément, à son article 3 dès lors que les actuels emplois de président de chambre de l'instruction sont des emplois placés hors hiérarchie.

3.2.2. S'agissant des fonctions de conseiller et de substitut général de cour d'appel

Une modification du décret du 7 janvier 1993125(*) permettra aux magistrats du premier grade nouveau d'exercer les fonctions de conseiller ou de substitut général. Le décret précisera toutefois que seuls les magistrats justifiant d'au moins quatre années de services effectifs dans le corps judiciaire depuis leur entrée dans la magistrature pourront être nommés pour exercer ces fonctions, afin de se conformer aux exigences de capacité rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée : « (...) outre la compétence juridique des intéressés, leur aptitude à juger, afin de garantir, au second et dernier degré de juridiction, la qualité des décisions rendues, l'égalité devant la justice et le bon fonctionnement du service public de la justice ; »126(*).

En outre, afin de limiter la durée d'une telle affectation et inciter les magistrats concernés à exercer de nouveau des fonctions dans les juridictions du premier degré, il est proposé d'inscrire au sein de l'ordonnance du 22 décembre 1958 que ces derniers ne pourront être promus au deuxième grade à la cour d'appel où ils sont affectés.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées nécessitent de compléter, d'une part, l'article 2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour interdire l'avancement à la cour d'appel, juridiction où ils sont affectés, des magistrats du futur premier grade qui seront nommés pour exercer les fonctions de conseiller ou de substitut général et, d'autre part, l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 en mentionnant, au 3° de cet article, les présidents de chambre de l'instruction

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

4.4.1. S'agissant des présidents de chambre de l'instruction

L'insertion, à l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, de l'emploi de président de chambre de l'instruction n'aura aucun impact sur les services administratifs ni sur les ressources humaines, s'agissant d'un changement de niveau de norme. Les modalités de nomination des magistrats concernés resteront les mêmes qu'actuellement.

4.4.2. S'agissant des fonctions de conseiller et de substitut général de cour d'appel

Comme évoqué supra, les fonctions en cour d'appel connaissent un déficit global d'attractivité, notamment au parquet général.

L'ouverture, par la voie réglementaire, des fonctions de conseiller et de substitut général aux magistrats du nouveau premier grade permettra, dès lors, d'assurer une plus grande flexibilité des parcours professionnels et des échanges entre pairs tout au long de la carrière.

Cette mesure, couplée à la prohibition de l'avancement sur place, assurera en outre une gestion des ressources humaines plus souple en raison de l'augmentation du nombre de postes susceptibles d'être pourvus notamment afin de permettre des mouvements dans des régions où les magistrats sont peu mobiles.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

La plus grande mobilité des magistrats entre juridictions du premier et du second degré est source d'enrichissement et d'amélioration dans la qualité des jugements rendus, répondant ainsi à l'objectif de bon fonctionnement du service public de la justice.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'étude du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions du projet de loi organique insérant les emplois de président de chambre de l'instruction au sein de l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française.

Elles s'appliqueront jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau troisième grade, lequel s'accompagnera de la suppression des actuels emplois placés hors hiérarchie, et l'abrogation de l'article 3 précité. A compter de cette date, la fonction de président de chambre de l'instruction fera partie des fonctions pouvant être exercées par les magistrats du troisième grade et sera donc mentionnée dans le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993, à l'instar des autres fonctions pouvant être exercées par les magistrats du troisième grade.

Les dispositions du projet de loi organique prohibant, pour les magistrats qui exerceront les fonctions de conseiller et de substitut général, le passage du premier au deuxième grade dans la cour d'appel d'affectation entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française et s'appliqueront donc aux magistrats de l'actuel second grade.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat devra modifier les dispositions du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993, afin de faire figurer dans la liste des fonctions pouvant être exercées par les magistrats du premier grade nouveau celles de conseiller et de substitut général de cour d'appel.

Les fonctions de président de chambre de l'instruction seront, quant à elles, mentionnées dans la liste des fonctions pouvant être exercées par les magistrats du troisième grade uniquement à compter de l'entrée en vigueur de ce nouveau grade.

IV. Introduction d'un délai de retour après l'exercice de fonctions spécialisées ou en cas de passage du siège au parquet au sein d'une même juridiction

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature encadre la durée d'exercice de certaines fonctions :

- Les fonctions dites spécialisées 126(*)(10 ans maximum ; article 28-3) ;

- Celles de chefs de cour et de juridiction (7 ans maximum ; articles 28-2, 37, 38-1 et 38-2) ;

- Celles de conseillers et avocats généraux référendaires (10 ans maximum ; article 28) ;

- Celles de magistrats placés au siège et au parquet (8 ans cumulés maximum ; article 3-1).

Ces limitations des durées d'exercice, introduites au fil du temps par plusieurs lois organiques127(*), répondent à des objectifs différents.

Pour les magistrats placés, il s'agissait de limiter l'entorse au principe d'inamovibilité des magistrats du siège inhérente à cette fonction ; pour les conseillers et avocats généraux référendaires, il s'agissait de permettre le retour au sein des juridictions des premier et second degrés de magistrats forts d'une expérience à la Cour de Cassation.

S'agissant des fonctions dites spécialisées et des chefs de juridictions, cette limitation de durée de leurs fonctions vise à encourager la mobilité du corps judiciaire, mais surtout à renforcer les garanties d'indépendance et d'impartialité des magistrats, en évitant notamment une appropriation par un magistrat de sa fonction ou une insertion trop importante dans son environnement.

Actuellement, aucune disposition de l'ordonnance statutaire n'interdit à un magistrat ayant atteint la limite maximum d'exercice de fonctions spécialisées dans une juridiction de candidater sur le même poste après une mobilité courte, une disponibilité, ou un détachement.

Or, le constat est fait que certains se contentent d'un passage dans une juridiction voisine avant de rapidement candidater à nouveau au sein de la même juridiction sur les mêmes fonctions que celles précédemment occupées.

De même, aucune disposition statutaire n'encadre le passage, au sein d'une même juridiction, des fonctions du siège aux fonctions du parquet. Cependant, une règle de gestion mise en oeuvre par la direction des services judiciaires en accord avec le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM), interdit le passage du siège au parquet et du parquet au siège au sein de la même juridiction avant l'expiration d'un délai de cinq ans.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé à trois reprises sur les limitations de durée des fonctions, rappelant l'obligation pour le législateur organique de fixer des garanties de nature à concilier les conséquences découlant du caractère temporaire de certaines fonctions avec le principe d'inamovibilité des magistrats du siège tel qu'il résulte de l'article 64 de la Constitution et de l'article 4 de l'ordonnance statutaire128(*).

Dans sa décision du 19 juin 2001129(*), après avoir rappelé le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les articles 28-2, 28-3 et 38-1 et 38-2 de l'ordonnance statutaire limitant la durée d'exercice des fonctions spécialisées et de chefs de juridiction au sein d'une même juridiction, considérant que le principe d'inamovibilité était suffisamment préservé par les garanties apportées à la limitation de la durée des fonctions, à savoir, en l'espèce, la nomination parallèle des magistrats à un emploi du grade auquel ils appartiennent au sein de la juridiction dans laquelle ils exercent leur fonction, à laquelle ils sont rattachés à défaut d'une nouvelle affectation, relevant en outre que cette limitation de portée générale s'appliquait à tous les titulaires des fonctions en cause, lesquels en les acceptant auront consenti aux modalités d'affectation prévues par la loi organique à l'expiration des délais fixés par elle.

Dans cette dernière décision le Conseil constitutionnel rappelle ainsi que « législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la Déclaration de 1789 » (cons. 4).

Les règles de mobilité doivent donc s'inscrire dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, veillent au respect du principe d'égalité de traitement entre les agents d'un même corps. Ainsi, les différences de traitement doivent être justifiées soit par l'intérêt général, soit par des différences objectives entre les situations, soit par des circonstances exceptionnelles et dans l'intérêt du service130(*).

Dans sa décision du 28 juillet 2016131(*), le Conseil constitutionnel a indiqué que « Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. »).

L'introduction d'une règle interdisant le retour de magistrats au sein d'une même juridiction, doit en conséquence, si elle ne s'applique pas à tous, être justifiée au nom de l'intérêt général, de principes fondamentaux, ou de la différence objective des situations.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales132(*) proclame le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'indépendance d'un tribunal, se mesure entre autres à la façon dont ses membres ont été nommés133(*). En outre, l'indépendance est celle qui, d'un point de vue personnel et institutionnel, est nécessaire à toute prise de décision impartiale de sorte qu'elle est un préalable à l'impartialité134(*). La Cour considère qu'un organe juridictionnel qui ne satisfait pas aux exigences d'indépendance, en particulier vis-à-vis du pouvoir exécutif, et d'impartialité ne peut même pas être qualifié de « tribunal » au sens de l'article 6.

Pour que les tribunaux inspirent au public la confiance indispensable, il faut aussi tenir compte de considérations de caractère organique. L'existence de procédures nationales destinées à garantir l'impartialité, à savoir des règles en matière de déport des juges, est un facteur pertinent. De telles règles expriment le souci du législateur national de supprimer tout doute raisonnable quant à l'impartialité du juge ou de la juridiction concernée et constituent une tentative d'assurer l'impartialité en éliminant la cause de préoccupations en la matière. En plus de garantir l'absence de véritable parti pris, elles visent à supprimer toute apparence de partialité et renforcent ainsi la confiance que les tribunaux d'une société démocratique se doivent d'inspirer au public135(*).

Le terme « indépendance » désigne aussi bien, d'une part, un état d'esprit qui dénote l'imperméabilité du juge contre toute pression extérieure en tant qu'attribut de son intégrité morale que, d'autre part, un ensemble de dispositions institutionnelles et fonctionnelles,- qui comprend à la fois une procédure permettant de nommer les juges d'une manière qui assure leur indépendance et des critères de sélection fondés sur le mérite - de façon à offrir des garanties contre une influence abusive et /ou un pouvoir discrétionnaire illimité des autres autorités de l'Etat tant au stade initial de la nomination d'un juge que pendant l'exercice par celui-ci de ses fonctions136(*).

Par ailleurs, si la Cour européenne des droits de l'homme admet l'unicité du corps judiciaire, permettant le passage du siège au parquet au cours d'une même carrière, elle considère en revanche comme un manquement à l'exigence d'impartialité le fait qu'un juge, après avoir occupé au parquet une charge de nature à l'amener à traiter un certain dossier dans le cadre de ses attributions, se trouve saisi de la même affaire comme magistrat du siège137(*).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE

Dans plusieurs pays de l'Union européenne, comme l'Espagne, la Suède ou le Royaume-Uni, les juges et les procureurs forment deux corps distincts, si bien que la question du passage du parquet au siège ou du siège au parquet ne se pose pas.

En Italie, à la suite de la réforme « Cartabia » de 2022138(*), le passage des fonctions de juge à celles de procureur et vice versa ne peut plus intervenir qu'une fois, et ce dans un délai de neuf ans à compter de la première affectation. Après cette période, est encore permis, mais une seule fois :

- Le passage des fonctions de juge aux fonctions de procureur, à condition que la personne concernée n'ait jamais exercé de fonctions de juge pénal ;

- Le passage des fonctions de procureur aux fonctions de juge civil ou de juge spécialisé en matière de droit du travail, dans une juridiction divisée en sections, à condition que le magistrat n'exerce pas, même en tant que suppléant, des fonctions pénales ou mixtes de jugement139(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La mobilité des magistrats est une mobilité choisie par l'effet du principe constitutionnel d'inamovibilité au siège et de la pratique y tendant au parquet puisque si un magistrat du parquet peut être muté sans son consentement dans l'intérêt du service, cette procédure n'a été mise en oeuvre qu'à trois reprises au cours des dix dernières années.

Cette inamovibilité, garantie de l'indépendance de la justice, doit toutefois être conciliée avec le principe d'impartialité qui s'impose au corps judiciaire.

D'une part, si les dispositions actuelles limitent l'exercice de certaines fonctions à une certaine durée, elles ne fixent aucun délai avant de permettre un retour dans la juridiction pour y exercer les mêmes fonctions. Cependant, certains magistrats sollicitent rapidement une nouvelle nomination dans les fonctions précédemment exercées au sein de la même juridiction après une courte mobilité, période de disponibilité ou de congé parental.

D'autre part, l'unicité du corps judiciaire permet aux magistrats d'exercer tant au siège qu'au parquet. Or, aucune disposition statutaire ne régit le passage du parquet au siège et inversement au sein de la même juridiction.

Au nom de la préservation de l'indépendance et de l'impartialité du corps judiciaire, il apparait opportun d'insérer des règles de non-retour au sein de la même juridiction afin d'éviter qu'un magistrat se fixe durablement dans une même juridiction, au risque, comme l'a relevé le Conseil supérieur de la magistrature « de s'exposer au risque de la routine, ou de compromettre son indépendance et son impartialité par une insertion devenue trop confortable dans l'environnement » alors que les magistrats sont « plus impliqués qu'ils ne l'étaient auparavant dans la vie locale »140(*).

Une telle évolution nécessite une loi organique afin de modifier l'ordonnance du 22 décembre 1958.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi par l'introduction d'un délai de retour avant de permettre une nouvelle nomination au sein d'une juridiction après y avoir exercé des fonctions spécialisées 141(*)pendant une durée proche de la limite maximale fixée à 10 ans par l'article 28-3 de l'ordonnance statutaire, ou en cas de passage du parquet au siège, ou inversement, est double.

D'une part, la mesure vise à favoriser un renouvellement durable des pratiques juridictionnelles et plus largement professionnelles142(*) ainsi que des personnes au sein de la même juridiction, et à prémunir l'institution judiciaire contre les risques d'atteinte à l'indépendance et à l'impartialité d'un magistrat que pourrait engendrer la fréquentation sur de très longues durées des mêmes partenaires, institutionnels ou non, voire des justiciables.

D'autre part, fondée sur l'application de la théorie de l'apparence découlant de la jurisprudence de la Cour européenne, la notion d'impartialité objective suppose de ne pas proposer la nomination d'un magistrat à une fonction laissant penser au justiciable qu'il existe un risque de partialité résultant d'une confusion des autorités de poursuites et de jugement ou de l'exercice d'une activité antérieure. La Cour a notamment souligné que la sensibilité accrue du public aux garanties d'une bonne justice justifiait l'importance croissante accordée aux apparences. Ainsi, elle a considéré que « indépendamment de l'objectivité reconnue de l'avocat général ou du procureur général, celui-ci, en recommandant l'admission ou le rejet d'un pourvoi, devenait l'allié ou l'adversaire objectif de l'une des parties et que sa présence au délibéré lui offrait, fût-ce en apparence, une occasion supplémentaire d'appuyer ses conclusions en chambre du conseil, à l'abri de la contradiction143(*) ».

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée n° 1 : généralisation de la limite d'exercice et du délai de retour

La première option consistait à envisager d'étendre à toutes les fonctions du siège comme du parquet la limitation de durée des fonctions de dix ans, associée à une interdiction de retour. Il en résulterait que, quelles que soient les fonctions exercées et celles envisagées pour l'avenir, le retour dans la juridiction dans laquelle un magistrat a exercé pendant dix années consécutives ne serait possible qu'après un délai de cinq ans.

Si cette solution assure une égalité de traitement entre tous les magistrats, elle a été écartée dès lors que le risque d'atteinte à l'impartialité et l'indépendance d'un magistrat est moins prégnant s'agissant des magistrats non spécialisés appelés à traiter au sein d'une juridiction de contentieux variés, concernant des justiciables différents ainsi qu'une pluralité de partenaires institutionnels.

Enfin cette solution serait source de difficultés de gestion dans le traitement des mobilités, notamment au sein des ressorts peu attractifs. Cette option a donc été écartée.

3.1.2. Option écartée n° 2 : insertion d'un délai de retour de portée générale applicable à tous les magistrats

Une deuxième option a consisté à envisager d'introduire une interdiction de nommer un magistrat dans une juridiction où il aurait précédemment exercé avant l'expiration d'un délai de cinq ans, peu importe les fonctions exercées et leur durée.

Ayant une portée générale, cette solution respecterait le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière.

Cependant la généralisation de cette règle à tous pourrait aboutir dans certaines situations au résultat inverse à celui recherché en conduisant des magistrats, contraints pour des motifs divers à une mobilité géographique limitée dans le temps, à renoncer à quitter une juridiction dans laquelle ils ne pourraient pas escompter revenir avant cinq ans.

Cette solution pourrait également réduire encore le vivier de recrutement de juridictions peu attractives.

En outre, si l'introduction d'un délai de retour trouve sa pleine justification après une certaine durée d'exercice s'agissant des fonctions spécialisées, ou en cas de passage du siège au parquet ou du parquet au siège, compte tenu des impératifs d'impartialité, elle semble moins justifiée s'agissant des fonctions du siège prises dans leur globalité, en raison de leur grande diversité, un juge non spécialisé pouvant successivement exercer au sein de la même juridiction des fonctions pénales ou civiles, et au sein même de fonctions civiles par exemple, traiter des contentieux très divers, et ainsi être en lien avec des justiciables et des partenaires différents.

Cette option n'a pas été retenue.

3.1.3. Option écartée n° 3 : insertion d'un délai de retour pour les magistrats du siège spécialisés ou non spécialisés traitant du même contentieux

Cette troisième option conduirait à l'introduction d'un délai de cinq ans avant le retour pour tous les magistrats du siège, spécialisés ou non spécialisés, qui envisageraient de traiter le même type de contentieux que précédemment, au sein de la même juridiction.

Une telle règle apparait difficile à mettre en oeuvre dès lors que, si elles identifient certaines fonctions spécialisées (juge des enfants, juge d'application des peines, juge d'instruction, juge des libertés et de la détention, juge du contentieux de la protection), les règles statutaires ne permettent pas d'identifier d'autres fonctions traitant d'un contentieux spécifique (juge aux affaires familiales, juge non spécialisé au pénal, juge de l'exécution, chambres spécialisées des grandes juridictions, etc.). À cet égard, il convient de relever que, par nature, la nomination d'un magistrat non spécialisé ne permet pas de préciser, en amont, la nature des contentieux dont il sera en charge au sein de la juridiction. Il semble dès lors difficile de contraindre le chef de juridiction à refuser de lui confier des contentieux identiques à ceux qu'il avait traités dans la même juridiction avant l'expiration du délai de cinq ans. En outre, l'analyse, au cas par cas, des contentieux traités ou des fonctions occupées par un magistrat durant dix années consécutives, les contentieux ayant pu varier au cours des années, avant de le positionner sur le traitement d'un contentieux déterminé constitue une charge supplémentaire complexe à mettre en oeuvre au sein des juridictions.

Cette option a donc été écartée.

3.2. OPTION RETENUE : INSERTION D'UNE RÈGLE POUR LES MAGISTRATS DU SIÈGE SPÉCIALISÉE ET EN CAS DE PASSAGE DU SIÈGE AU PARQUET OU DU PARQUET AU SIÈGE

S'agissant des fonctions spécialisées :

La nécessité de limiter les possibilités de retour rapide est particulièrement forte pour les fonctions spécialisées qui impliquent un suivi des mêmes dossiers au long cours, et des échanges avec des partenaires institutionnels stables.

Il a donc été retenu de prévoir l'application de cette durée de cinq ans s'agissant des magistrats du siège exerçant des fonctions spécialisées144(*), durée similaire à celle appliquée par la direction des services judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature pour les passages du siège au parquet ou du parquet au siège au sein de la même juridiction. Elle apparait comme une durée suffisante pour prévenir le risque d'atteinte à l'indépendance et à l'impartialité en raison d'une appropriation de ses fonctions par un magistrat qui serait renommé dans la même juridiction pour y exercer les mêmes fonctions. Cette durée est en effet supérieure à la durée d'exercice minimal actuellement exigée dans un poste qui est de trois années.

Compte tenu de la finalité de cette règle, il est envisagé de ne l'imposer qu'aux magistrats ayant exercé durant au moins neuf années une fonction spécialisée, à l'exclusion de ceux ayant effectué une mobilité complète avant neuf ans.

Au 1er mars 2023, 28 magistrats exercent les mêmes fonctions spécialisées au sein du même tribunal judiciaire depuis plus de neuf années. Cinq d'entre eux occupent ce poste depuis plus de dix années car ils demeurent soumis au régime antérieur à la loi n° 2001-539 du 25 juin 2001 qui a instauré cette limite décennale, puisque ses dispositions transitoires précisaient que la limite fixée par l'article 28-3 de l'ordonnance statutaire ne s'appliquerait qu'aux nominations postérieures au 1er janvier 2002.

Par ailleurs, au cours de l'année 2022, 18 magistrats ont été automatiquement déchargés de leurs fonctions spécialisées à l'issue de dix années consécutives d'exercice de celles-ci au sein de la même juridiction.

Cette durée de neuf ans a été déterminée par rapport à la limite maximale d'exercice des fonctions spécialisées fixée à dix ans. Elle permet de garantir que l'objectif visé sera atteint en évitant les risques de contournement de la règle par des magistrats qui effectueraient une mobilité peu avant d'atteindre la limite maximale d'exercice desdites fonctions afin de limiter leur temps d'exercice, soit d'autres fonctions, soit dans une autre juridiction.

Tous les magistrats exerçant les mêmes fonctions spécialisées dans une même juridiction pendant une durée comprise entre neuf et dix années seront ainsi soumis à la même règle de non-retour avant un délai de cinq années afin de renforcer leurs garanties d'indépendance et d'impartialité.

S'agissant du passage du siège au parquet ou du parquet au siège :

Comme indiquée supra, et conformément aux exigences imposées par la Cour européenne des droits de l'homme, la direction des services judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature s'opposent aux nominations siège/parquet au sein d'une même juridiction avant l'expiration d'un délai de cinq ans.

La note du 22 novembre 2017 de la direction des services relative à l'application des dispositions statutaires relatives aux propositions de nomination des magistrats en juridiction et en administration centrale du ministère de la justice expose à cet égard que « Particulièrement attachée à une bonne administration de la Justice et consciente de l'importance de l'image de la Justice perçue par les justiciables, la direction des services judiciaires applique la règle selon laquelle il n'est pas possible d'effectuer, au sein de la même juridiction et durant, en principe cinq années, de mobilité entre le siège et le parquet et inversement. »

La mesure proposée vient ainsi mettre en conformité l'ordonnance statutaire avec la pratique du ministère de la justice et du Conseil supérieur de la magistrature afin d'en garantir une application uniforme.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La modification envisagée implique la création d'un nouvel article 28-4 au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 afin d'instituer une impossibilité de nommer, avant l'expiration d'un délai de cinq ans, d'une part, un magistrat ayant exercé pendant au moins neuf années les mêmes fonctions spécialisées au sein de la même juridiction, et d'autre part, en cas de passage au sein d'une même juridiction de fonctions du siège aux fonctions du parquet et inversement.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La modification envisagée apparait en cohérence avec les exigences européennes de tribunal indépendant et impartial.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

L'instauration d'un délai de retour de cinq ans au sein de la même juridiction après y avoir exercé plus de neuf ans des fonctions spécialisées ou des fonctions du siège ou du parquet pour y exercer des fonctions du parquet ou du siège permettra une gestion facilitée et un traitement plus rapide de certaines demandes de mobilité. L'inscription dans l'ordonnance statutaire de ce délai, qui concourt au respect de la théorie de l'apparence d'objectivité, permet de garantir l'uniformité de son application ainsi que de renforcer la lisibilité de son objet et en conséquence sa légitimité.

Elle évitera d'effectuer des mobilités très courtes sur une juridiction voisine avant de demander à revenir exercer les précédentes fonctions spécialisées au même endroit pendant une durée comprise entre neuf et dix années.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

L'impartialité des juridictions se trouvera renforcée par l'introduction de cette nouvelle règle statutaire, en limitant les passages du siège au parquet au sein d'une même juridiction et en permettant une évolution des pratiques professionnelles au sein des juridictions.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'étude du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française.

En effet en l'absence de règle actuelle contraire dans l'ordonnance statutaire, qui garantirait le retour d'un magistrat au sein d'une juridiction qu'il a précédemment quitté à l'occasion d'une mobilité, l'introduction de cette règle, conforme à la pratique observée par la direction des services judiciaires comme le Conseil supérieur de la magistrature s'agissant des passages du siège au parquet et inversement au sein de la même juridiction, avant un délai de cinq ans ne porte atteinte à aucun droit statutaire.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

V. Durée limitée des fonctions à l'inspection générale de la justice et transparence de la nomination de son chef

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'inspection générale de la justice (ci-après IGJ) créée par le décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016145(*) est née du regroupement des inspections des services judiciaires, pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse.

Le Conseil d'État, saisi par la garde des sceaux, a considéré dans un avis rendu public146(*) :

- Que l'ouverture de l'inspection générale des services judiciaires à des non-magistrats était possible et même opportune, mais que les investigations portant, de manière globale et indirecte, sur la manière de juger, devraient être conduites par un inspecteur issu de la magistrature ou réalisées sous son autorité ;

- Que l'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, devrait rester un magistrat hors hiérarchie ;

- Que des garanties assortissant la composition et le mode d'intervention de cette inspection, propres à assurer le respect de l'indépendance de ses membres pendant et à la fin de l'exercice de leurs fonctions, devraient être prévues s'agissant des règles de nomination, de conditions de durée, de cessation et de renouvellement des fonctions.

L'article 14 du décret n° 2010-1668 du 29 décembre 2010 relatif aux attributions et à l'organisation des missions de l'inspecteur général des services judiciaires prévoyait que :

- Les inspections des juridictions de l'ordre judiciaire étaient conduites, sous l'autorité directe de l'inspecteur général des services judiciaires, par des inspecteurs généraux adjoints et des inspecteurs des services judiciaires ayant la qualité de magistrat ;

- Les enquêtes portant sur le comportement personnel ou professionnel de magistrats ne pouvaient être effectuées que par l'inspecteur général des services judiciaires ou, sous son autorité, par des inspecteurs généraux adjoints ou des inspecteurs ayant la qualité de magistrat, dont l'un d'un rang au moins égal à celui du magistrat concerné.

Avant la réforme résultant de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, il existait une ambiguïté sur le statut des magistrats membres de l'Inspection générale des services judiciaires dès lors que les inspecteurs n'étaient pas mentionnés à l'article 1er de l'ordonnance statutaire comme faisant partie, en tant que tels, du corps judiciaire ; la fonction d'inspecteur n'était pas non plus mentionnée à l'article 4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, comme une fonction pouvant être exercée par les magistrats du 1er grade. L'article 5 du décret du 7 janvier 1993 indiquait seulement que les fonctions d'inspecteur, comme celle de chef de l'inspection, étaient exercées par des magistrats « affectés à l'administration centrale pour exercer des fonctions d'inspecteur ».

L'un des objectifs du projet de loi organique de 2016 était de renforcer l'indépendance et l'impartialité des magistrats de l'IGJ. Ainsi, la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 précitée a consacré l'appartenance au corps judiciaire des magistrats exerçant les fonctions d'inspecteur général, chef de l'IGJ, d'inspecteur général de la justice, et d'inspecteur de la justice, et aligné leurs règles de nomination sur celles des magistrats du parquet. Il avait toutefois été prévu, à l'article 37-1 de l'ordonnance statutaire, que le chef de l'inspection était exclu de la procédure de transparence prévue à l'article 27-1. Dès lors, depuis cette réforme, les magistrats exerçant à l'IGJ sont nommés par décret du Président de la République après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

Si cette évolution a fait des fonctions exercées à l'Inspection générale de la justice des fonctions spécialisées au sens statutaire du terme, en ce qu'elles figurent dans la liste de celles limitativement prévue par les articles 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, pour les fonctions placées hors hiérarchie, et 4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993, pour les fonctions du premier grade, à l'inverse des autres fonctions spécialisées ou de chefs de juridiction, leur exercice n'est limité par aucune durée.

Au 1er février 2023, sur les 41 magistrats affectés à l'IGJ, trois y exercent leurs fonctions depuis plus de dix ans, dont un depuis près de vingt ans, six depuis plus de six ans.

Par ailleurs, la nomination du chef de l'IGJ est toujours exclue de la procédure de transparence prévue par l'article 37-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, dérogation justifiée par le fait qu'une telle nomination est fortement marquée par l'intuitu personae, l'IGJ étant « placée auprès du garde des sceaux, ministre de la justice », en application de l'article 1er du décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 juillet 2016, a considéré que la modification de l'article 1er de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour prévoir que le corps judiciaire comprenait les magistrats exerçant des fonctions à l'inspection générale de la justice, dont les conditions de nomination sont similaires à celles des magistrats du parquet, n'appelait pas de remarque de constitutionnalité. Il a par ailleurs estimé que la dérogation à la procédure de transparence concernant la nomination de l'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, ne méconnaissait pas le principe d'égalité compte tenu de la spécificité de ces fonctions147(*).

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé à trois reprises sur les limitations de durée des fonctions, rappelant l'obligation pour le législateur organique de fixer des garanties de nature à concilier les conséquences découlant du caractère temporaire de certaines fonctions avec le principe d'inamovibilité des magistrats du siège tel qu'il résulte de l'article 64 de la Constitution et de l'article 4 de l'ordonnance statutaire.

Le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré inconstitutionnelle une disposition prévoyant qu'à l'issue du délai de dix années, les conseillers référendaires seraient affectés d'office à un emploi de magistrat du siège dans des conditions fixées par un règlement d'administration publique148(*). Dans une seconde décision149(*), il a en revanche validé la rédaction actuelle de l'article 28-1 de l'ordonnance statutaire considérant que le dispositif prévu instaurait « un ensemble de garanties de nature à concilier les conséquences découlant du caractère temporaire des fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation avec le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège conformément aux règles rappelées par le conseil constitutionnel dans sa décision du 26 janvier 1967. »

Dans sa décision du 19 juin 2001, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'introduction d'une limite à la durée d'exercice de certaines fonctions : celles de de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines, de juges des contentieux et, depuis la réforme de 2016, de juge des libertés et de la détention, dont l'exercice est limité à dix ans au sein de la même juridiction, mais également celles de président et procureur de la République d'un tribunal de première instance ou supérieur d'appel et celles de premier président ou procureur général d'une cour d'appel, dont l'exercice est limité à sept ans au sein de la même juridiction. Il a considéré, après avoir relevé que ces nouvelles obligations de mobilité et les conséquences qui s'y attachent ne s'appliqueraient, selon les dispositions transitoires fixée par la loi, qu'aux nominations intervenues après le 1er janvier 2002, qu'eu égard aux garanties prévues, à savoir, en l'espèce, la nomination parallèle des magistrats à un emploi du grade auquel ils appartiennent au sein de la juridiction dans laquelle ils exercent leur fonction, à laquelle ils sont rattachés à défaut d'une nouvelle affectation, relevant en outre que cette limitation de portée générale s'appliquait à tous les titulaires des fonctions en cause, lesquels en les acceptant auront consenti aux modalités d'affectation prévues par la loi organique à l'expiration des délais fixés par elle, « la limitation de la durée des fonctions (...) ne porte pas atteinte au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège »150(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les représentants de services d'inspection de quatorze pays européens151(*) se sont réunis à Paris les 16 et 17 mars 2017 à l'initiative de la France, en présence de représentants de l'Union européenne et de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice du Conseil de l'Europe (CEPEJ) dans le but d'analyser la manière dont les services d'inspection nationaux de la justice pourraient contribuer de manière plus active au développement uniforme de l'espace judiciaire européen.

À partir du constat de la diversité des autorités de rattachement des services d'inspection nationaux - conseils de justice, ministère de la justice ou pouvoir judiciaire - les participants ont analysé les méthodes d'évaluation développées par les services d'inspection nationaux et les évolutions en cours sur la finalité des contrôles opérés.

Il est apparu que les différences institutionnelles et fonctionnelles n'affectaient pas la convergence de fond qui rassemble les différents systèmes d'inspection, notamment sur la nécessaire indépendance dans l'exercice de leurs missions.

Au terme de ces échanges, les participants sont convenus de la déclaration commune, acte fondateur du Réseau européen des services d'inspection de la justice (ci-après RESIJ), aux termes duquel l'élaboration d'une charge de déontologie commune a été actée.

Les membres du RESIJ ont ainsi adopté une Charte européenne de déontologie des services d'inspection nationaux, laquelle charte énonce et décline les principes fondamentaux communs des services d'inspection suivants : intégrité, équité, confidentialité et discrétion, impartialité, équité, loyauté, réserve et courtoisie, compétence et qualification, transparence152(*).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Il existe une grande diversité des systèmes d'inspection au sein de l'Union européenne ainsi que des acteurs en charge des missions d'inspection.

En Allemagne, Finlande, Irlande ou au Luxembourg, il n'existe pas de service d'inspection identifié en tant que tel pour exercer les contrôles de fonctionnement des services judiciaires, l'auto-évaluation par la juridiction prévalant alors.

Pour les pays dotés de services d'inspection, leurs fonctionnements sont extrêmement variés en raison de leur histoire et de leurs cultures. Leurs périmètres d'intervention sont plus ou moins étendus, leur mode de recrutement divergent, les inspections sont soit unifiées et centralisées soit présentent une dualité de services, leur taille sont variable, leur organe de rattachement diffère.

Ainsi, la Belgique a mis en place un système de contrôle totalement indépendant, qui ne relève ni du pouvoir exécutif, ni du pouvoir législatif, ni du pouvoir judiciaire, avec l'instauration d'un Conseil supérieur de justice qui comporte une commission des avis et enquêtes, chargée du contrôle des juridictions. Il est composé de 22 magistrats et de 22 personnes désignées par le Sénat, qui contrôle tout le système judiciaire, y compris la cour de cassation mais hors la justice administrative.

En Espagne, le Conseil général du pouvoir judiciaire, en tant que véritable organe de gouvernement du pouvoir judiciaire, comporte entre autres le pouvoir d'inspecter les cours et tribunaux.

L'Italie et la Slovénie disposent d'une service d'inspection rattaché au ministère de la justice largement composé de magistrats en Italie, présidé par un magistrat en Slovénie.

Au Royaume-Uni, quatre inspections indépendantes, pour les secteurs de la prison, de la probation, de la police et des services du procureur, les inspecteurs étant pour partie nommés par la Reine, pour partie des fonctionnaires publics. Ces inspections indépendantes s'appuient sur divers organes : ceux qui qui recueillent et traitent les plaintes et ceux qui participent au recueil d'informations et les font remonter, composés de volontaires de la société civile.

Aux Pays Bas, l'inspection, rattachée au ministère de la justice, contrôle entre autres les prisons et la police, mais ni les juridictions, ni les services du procureur.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l'Etat a placé en voie d'extinction les corps d'inspection générale ou de contrôle de l'État, à savoir ceux des finances, de l'administration au ministère de l'intérieur, de l'agriculture, des affaires culturelles, de l'administration du développement durable, du contrôle général économique et financier, des affaires sociales, de l'éducation, du sport et de la recherche. Les fonctions exercées par les membres de ces corps relèvent, depuis l'entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 2022, des administrateurs de l'État, agents chargés de fonctions supérieures de direction, d'encadrement, d'expertise et de contrôle. Les membres de corps d'inspection générale ou de contrôle peuvent, au cours de l'année 2023, demander leur intégration dans le corps des administrateurs de l'État.

Le décret n° 2022-335 du 9 mars 2022 relatif aux services d'inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ses services, applicable notamment à l'inspection générale de la justice pour les emplois d'inspecteurs généraux et d'inspecteurs de la justice régis par le décret n° 2017-1010 du 10 mai 2017153(*), c'est-à-dire ceux occupés par des personnes n'ayant pas la qualité de magistrat de l'ordre judiciaire, fixe les dispositions communes à l'ensemble des emplois au sein des services d'inspection générale ou de contrôle, ainsi que les dispositions relatives aux chefs de ces services.

Au terme de l'article 6 du décret du 9 mars 2022, la durée d'exercice des fonctions de chef d'un service d'inspection générale ou de contrôle est fixée à cinq ans renouvelable pour trois ans.

L'article 9 précise que les agents exerçant des fonctions d'inspection générale ou de contrôle sont recrutés, nommés et affectés dans des conditions garantissant leur capacité à exercer leur mission avec indépendance et impartialité.

Afin de garantir cette indépendance, l'article 13 prévoit que les personnes nommées pour occuper des emplois d'inspection générale ou de contrôle dans les services le sont pour une durée initiale maximale de cinq ans renouvelable sans que la durée d'exercice continu des fonctions dans l'emploi concerné puisse excéder dix ans.

Dans ce contexte de fusion et de simplification des règles applicables aux différents corps d'inspection, l'absence de limitation de durée dans l'exercice des fonctions des magistrats membres de l'IGJ introduit une distorsion peu compréhensible, a fortiori au sein même de l'IGJ, au regard de la limitation de durée des fonctions imposée à l'ensemble des directeurs et agents des services d'inspection de l'Etat (Conseil général de l'environnement et du développement durable, Contrôle général économique et financier, Inspection générale de l'administration, Inspection générale des affaires culturelles, Inspection générale des affaires sociales, à Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, Inspection générale des finances, Inspection générale de la justice pour les non magistrats).

Il apparait en conséquence nécessaire, afin de garantir l'indépendance et l'impartialité l'IGJ, d'aligner le statut des inspecteurs magistrats et non magistrats, mais également afin que les magistrats exerçant à l'IGJ demeurent proches de de l'exercice des fonctions de magistrats en juridiction, de limiter la durée des fonctions des magistrats de l'ordre judiciaire membres de l'inspection générale de la justice.

En outre, s'agissant de l'inspecteur général, chef de l'inspection, sa nomination pourrait être plus transparente en ce que, à la différence de l'ensemble des autres magistrats, y compris ceux exerçant les plus hautes fonctions dans l'organisation judiciaire, son projet de nomination et la liste des candidats à cette fonction ne font l'objet d'aucune publicité. L'article 37-1 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 écarte en effet, ce dernier de la procédure de transparence préalable à la nomination (diffusion du projet de nomination et de la liste des candidats). Soumettre la nomination du chef de l'IGJ à cette procédure est de nature à renforcer les garanties d'indépendance et d'impartialité de l'inspection.

Les évolutions envisagées visent ainsi à mettre en cohérence le statut des magistrats exerçant au sein de l'IGJ avec le statut des autres magistrats et avec celui des membres non magistrats de l'inspection et nécessitent l'intervention d'une loi organique.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La limitation de l'exercice des fonctions judiciaires au sein de la même juridiction a toujours eu pour objectif d'encourager la mobilité du corps judiciaire, qui concourt à l'indépendance de la justice et renforce les garanties d'impartialité des magistrats, en évitant notamment une appropriation par un magistrat de sa fonction ou une insertion trop importante dans son environnement. Cette logique est transposable aux magistrats exerçant à l'IGJ.

Elle l'est d'autant plus depuis l'évolution concernant les autres corps d'inspection que les membres non magistrats de l'IGJ sont soumis à une telle limite. L'absence de limitation de la durée des fonctions des magistrats à l'IGJ apparaît dès lors à revoir, les garanties d'indépendance des membres non magistrats de l'inspection apparaissant plus fortes que celles des magistrats.

Ainsi, l'extension de la limitation de la durée des fonctions aux magistrats mettra en cohérence l'IGJ avec les autres services d'inspection de l'Etat, et rapprochera, au sein même de l'inspection générale de la justice, la situation des inspecteurs généraux et des inspecteurs, qu'ils soient magistrats ou non magistrats.

La limitation de la durée d'exercice des fonctions favorisera en outre la mobilité du corps judiciaire et garantira que les magistrats chargés de contrôler et d'évaluer l'activité des juridictions judiciaires auront une connaissance fine du fonctionnement de ces juridictions, sans risquer de se voir reprocher une approche trop éloignée des réalités.

L'absence de transparence de la nomination du chef de l'IGJ n'apparait plus justifiée au regard des règles applicables à l'ensemble des autres magistrats, y compris ceux exerçant les plus hautes fonctions dans l'organisation judiciaire, faisant l'objet d'une publicité.

Les mesures envisagées, s'agissant tant de la nomination du chef de l'IGJ que de la limitation de la durée d'exercice des fonctions, visent ainsi à renforcer l'exercice indépendant et impartial des fonctions à l'IGJ en limitant la durée d'exercice de telles fonctions et à harmoniser les statuts des différentes catégories de membres de l'IGJ.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La première option consistait à ne pas légiférer et à maintenir la situation en l'état.

D'une part, l'ensemble des nominations sont soumises à la procédure de transparence prévue par l'article 27-1 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958, à l'exception des premières nominations dans le corps judiciaire des auditeurs de justice et des stagiaires issus des concours complémentaires ou intervenant à la suite d'une sanction disciplinaire. Ces exceptions sont ainsi justifiées non par la nature de la fonction concernée mais par la situation à la suite de laquelle ces nominations interviennent. Exclure l'application de cette procédure à la nomination à cette seule fonction n'apparait dès lors plus justifiable.

D'autre part, le maintien de la distorsion observée entre les membres magistrats de l'IGJ et ses membres non magistrats ainsi qu'avec les autres inspections s'agissant de la durée d'exercice des fonctions n'aurait été que peu compréhensible eu égard à la forte indépendance nécessaire à l'exercice de telles fonctions.

Cette option n'apparaissait toutefois pas satisfaisante au regard des objectifs recherchés.

La seconde option non retenue visait à soumettre le chef de l'IGJ ainsi que ses membres magistrats à une durée d'exercice des fonctions identique de dix années. Cette option n'a pas été retenue puisque tant au sein des inspections qu'au sein des juridictions, la limite à la durée d'exercice des fonctions des chefs est différente de celle des membres, sept ans pour les magistrats en application des articles 28-2, 37, 38-1 et 38-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, et huit ans pour le chef d'un service d'inspection aux termes de l'article 6 du décret n° 2022-335.

3.2. OPTION RETENUE

L'option retenue consiste à introduire un nouvel article 38-3 à l'ordonnance statutaire prévoyant l'introduction d'une limitation à sept ans de la durée des fonctions d'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, à l'instar de celle existante pour les postes de chefs de juridiction, et à dix ans de la durée des fonctions d'inspecteur général de la justice et d'inspecteur de la justice, comme pour les magistrats spécialisés et les membres des autres inspections.

Si la nomination des magistrats exerçant leurs fonctions à l'IGJ suit les formes prévues pour les magistrats du parquet et que le principe d'inamovibilité sur lequel le Conseil constitutionnel a fondé ses décisions relatives à l'introduction d'une limite à la durée d'exercice des fonctions ne leur est pas applicable, l'indépendance inhérente à l'exercice de toute fonction d'inspection suppose que des garanties appropriées soient prévues dès lors que l'exercice de leurs fonctions est limité dans le temps.

En conséquence, outre la limitation de la durée des fonctions, le présent projet prévoit les conditions de retour en juridiction des magistrats de l'inspection générale de la justice à l'expiration de cette durée.

À cet égard, une adaptation des dispositions applicables aux conseillers et avocats généraux référendaires prévues à l'article 28-1 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, est prévue par le nouvel article 38-3 : neuf mois avant la fin de la durée maximale d'exercice des fonctions les magistrats membres de l'inspection générale de la justice feront connaître au garde des sceaux, ministre de la justice, l'affectation qu'ils désireraient recevoir, dans trois juridictions au moins appartenant à des ressorts de cour d'appel différents, ou à la Cour de Cassation. Le garde des sceaux, pourra les inviter à présenter trois demandes supplémentaires d'affectation dans trois autres juridictions. Si un magistrat n'a pas exprimé de demande d'affectation dans les conditions prévues, ou si aucune des demandes formulées ne peut être satisfaite, le garde des sceaux, ministre de la justice, lui proposera une affectation, à égalité de niveau hiérarchique, à des fonctions du parquet dans trois juridictions. A défaut d'acceptation dans le délai d'un mois il sera nommé dans l'une de ces juridictions aux fonctions qui lui auront été proposées.

Cette option ne prévoit enfin qu'une seule exception à l'application de la procédure de transparence s'agissant des nominations au troisième grade, pour les décisions exécutant une sanction disciplinaire (déplacement d'office, retrait de certaines fonctions, rétrogradations). L'article 35 de l'ordonnance statutaire dans sa rédaction résultant du présent projet prévoit en effet que le projet de nomination à une fonction du troisième grade, incluant donc celle du chef de l'inspection générale de la justice, et la liste des candidats à cette fonction sont communiqués pour les postes du siège ou pour ceux du parquet à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. Le dernier alinéa précisant que ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de nomination pris pour l'exécution des décisions prévues aux 2°, 3° et 5° de l'article 45 et au second alinéa de l'article 46.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées impliquent une modification de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature :

- Le nouvel article 35 relatif à la procédure de transparence des nominations sur les emplois du troisième grade parmi lesquels figure celui de chef de l'IGJ ne prévoit comme seule exception que les nominations exécutant une sanction disciplinaire, en conséquence, l'article 37-1 est abrogé ;

- Un nouvel article 38-3 est inséré afin de prévoir les conditions de retour en juridiction des magistrats qui auront exercé sept années en qualité de chef de l'IGJ et dix années à l'IGJ.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les mesures envisagées apparaissent en cohérence avec les principes énoncés dans la Charte européenne de déontologie des services d'inspection.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

L'impact peut apparaitre marginal au regard de son effectif de magistrats qui s'élève à 41. Il permettra d'assurer une mobilité entre les fonctions à l'IGJ et en juridiction. La présence de magistrats ayant vécu une expérience récente en juridiction apparait indispensable au bon fonctionnement d'une inspection. Le processus d'accueil et de formation au sein de l'IGJ permet d'éviter l'écueil d'un renouvellement trop important des effectifs, les nouveaux arrivants bénéficiant d'une formation interne leur permettant de travailler dans le cadre de missions avec un chef de mission expérimenté.

La réforme de la structure du corps permet de valoriser les expériences à l'IGJ car elles seront comptabilisées au titre de la mobilité statutaire nécessaire pour accéder aux plus hautes fonctions judiciaires.

Le processus mis en place permet d'encadrer le retour en juridiction des magistrats qui atteindraient les dix années d'exercice.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'étude du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée concernant la limite de durée d'exercice des fonctions à l'IGJ entre en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française.

Si les magistrats de l'inspection générale de la justice sont soumis aux règles de nomination et de discipline des magistrats du parquet, et ne sont dès lors pas inamovibles, une application immédiate du présent article aux magistrats en fonction à l'inspection générale de la justice au jour de l'entrée en vigueur de la présente loi porterait une atteinte disproportionnée à leur droit à la sécurité juridique154(*).

Dans ces conditions, le i) du 2° de l'article 12 du présent projet de loi prévoit une disposition transitoire qui précise que le nouvel article 38-3 de l'ordonnance statutaire s'appliquera aux nominations prononcées après l'entrée en vigueur de la loi.

La rédaction de l'article 35 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 résultant de l'article 3 du présent projet de loi organique s'appliquera à compter d'une date fixée par le décret en Conseil d'Etat qui sera pris pour son application, conformément au 2° de l'article 12 du présent projet de loi. La procédure de transparence s'appliquera à la première nomination aux fonctions de chef de l'IGJ qui interviendra après l'entrée en vigueur de l'article 3.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions ne nécessitent aucun texte d'application.

VI. Modernisation des positions administratives et fixation des conditions de réintégration après une mobilité

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958155(*) énumère, dans une rédaction qui n'est plus d'actualité156(*), les différentes positions administratives dans lesquelles les magistrats peuvent être placés, parmi lesquelles figurent les positions de détachement, de disponibilité et de congé parental.

L'article 68 de la même ordonnance renvoie, pour ces positions, à l'application des dispositions du statut général des fonctionnaires, dans la mesure où elles ne sont pas contraires au statut de la magistrature.

L'article 76-2 de l'ordonnance statutaire autorise le détachement, et l'intégration, des magistrats dans un corps recruté par la voie de l'École nationale d'administration, devenue Institut national du service public157(*), dans les conditions et selon les modalités prévues par le statut particulier dudit corps pour l'ensemble des fonctionnaires issus des autres corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, dont la liste est fixée par le décret n° 93-549 du 26 mars 1993 pris pour l'application de l'article 76-3, ainsi que dans les corps de maîtres de conférences et de professeurs des universités dans les conditions fixées par les statuts particuliers desdits corps.

Jusqu'à la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, les statuts particuliers régissant chaque corps fixaient les modalités d'intégration des personnels étrangers audit corps. Cette règle a été modifiée par la loi du 3 août 2009 qui a inséré, dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, un article 13 bis aux termes duquel « Tous les corps et cadres d'emplois sont accessibles aux fonctionnaires civils régis par le présent titre par la voie du détachement suivi, le cas échéant, d'une intégration, ou par la voie de l'intégration directe, nonobstant l'absence de disposition ou toute disposition contraire prévue par leurs statuts particuliers ». De nombreux statuts particuliers ont, depuis lors, été modifiés pour ne plus mentionner expressément les membres des autres corps susceptibles d'être accueillis en détachement ou intégrés directement ; c'est ainsi que la mention des magistrats de l'ordre judiciaire a pu disparaître du statut particulier de certains corps d'accueil des magistrats sans que, pour autant, soit remise en cause la possibilité pour ces derniers d'être accueillis en détachement dans ces corps.

Cette logique de l'équivalence des corps a été reprise aux articles L. 513-7 et L. 513-8 du code général de la fonction publique. L'appréciation du caractère comparable se fait d'après les critères indiqués à l'article L. 513-8 : « Le fonctionnaire peut être détaché dans un corps ou un cadre d'emplois de même catégorie et de niveau comparable à celui de son corps ou cadre d'emplois d'origine. Le niveau est apprécié au regard des conditions de recrutement ou du niveau des missions prévues par les statuts particuliers. Ces dispositions s'appliquent sans préjudice de celles plus favorables prévues par les statuts particuliers. (...) ».

Au 1er janvier 2023, 304 magistrats étaient en position de détachement, 103 en position de disponibilité et 10 en position de congé parental.

S'agissant des détachements, la durée moyenne du détachement est de 3 années, la durée maximale constatée à ce jour d'un détachement est de 18 ans et 7 mois et la durée minimale de 3 mois. Cependant, les détachements d'une durée supérieure à six ans deviennent des exceptions. Le nombre moyen de réintégration après détachement chaque année est de 64.

Les fonctions exercées par les magistrats placés en position de détachement sont très variées. Le décret n° 99-1073 du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'Ecole nationale de la magistrature prévoit que les magistrats y occupant des emplois de direction ou des emplois permanents d'enseignant sont nommés par la voie du détachement. Il en est de même du secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature en application de l'article 11 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994158(*).

Les principales institutions d'accueil sur le territoire national sont :

- Les ministères (ministère de la justice, ministère de l'intérieur et des outre-mer, ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère des armées, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, ministère de la santé et de la prévention, ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion, ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ; et, auprès de la Première ministre : secrétariat général du Gouvernement, secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, et secrétariat général des affaires européennes) ;

- Les autres institutions de l'Etat, établissements publics et autorités administratives indépendantes (Banque de France, Caisse des dépôts et consignations, Commission nationale consultative des droits de l'homme, Cour des comptes et chambres régionales des comptes, Conseil supérieur de la magistrature, Conseil constitutionnel, Conseil d'Etat (4 magistrats), tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (21 magistrats), Assemblée nationale, Sénat, Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, grande chancellerie de la légion d'honneur, groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriétés en Corse, SNCF, Agence française anticorruption, Autorité des marchés financiers, Autorité nationale des jeux, Autorité de la concurrence, Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, Commission nationale de l'informatique et des libertés, Défenseur des droits, Haut conseil du commissariat aux comptes) ;

- La fonction publique hospitalière (Centres hospitaliers universitaires) et territoriale (Mairie de Paris, Conseils régionaux) ;

- Les écoles de formation (Ecole de Formation professionnelle des Barreaux du ressort de la Cour d'appel de Paris, Ecole nationale de la magistrature) ;

Par ailleurs, un certain nombre d'organismes internationaux accueillent 53 magistrats en détachement (à titre d'exemples : Banque mondiale, Contrôleur européen de la protection des données, Cour de justice de l'Union européenne, Conseil de l'Europe, Cour pénale internationale, Direction des services judiciaires de la Principauté de Monaco (17 magistrats), EUROJUST, Office européen du brevet, Juridiction unifiée du brevet, Organisation des Nations Unies, Parlement européen, Parquet européen, Tribunal de l'Union européenne).

S'agissant des disponibilités, elles sont accordées à 50 % pour convenances personnelles et à 47 % de droit159(*). Elles ne peuvent en principe excéder dix années et peuvent être de très courte durée, de l'ordre de quelques mois le temps du processus de nomination aux fins de réintégration.

S'agissant des congés parentaux, leur durée s'étale, depuis l'évolution de la règlementation intervenue en la matière en 2020160(*), de 2 mois à 3 ans. Certains magistrats recourent à des congés parentaux successifs relatifs à des enfants distincts, ce qui les conduit à rester hors du corps au-delà de trois années (cinq magistrats ont ainsi bénéficié de congés parentaux successifs entre 2019 et 2023). Depuis cette réforme, un congé parental de deux mois a été accordé chaque année.

L'article 72 de l'ordonnance statutaire définit la procédure de placement dans les positions de détachement et de disponibilité et précise que « la réintégration des magistrats est prononcée conformément aux dispositions des articles 28, 37, 38 et 72-2 de la présente ordonnance ».

L'article 71 précise, quant à lui, que « A l'expiration de la période de disponibilité et après avoir été, dans le cas de disponibilité d'office, reconnu apte à reprendre son service, le magistrat est réintégré dans un emploi de son grade. S'il n'est pas reconnu apte, il est admis à cesser ses fonctions, et, s'il y a lieu, à faire valoir ses droits à la retraite.

Le magistrat qui refuse le poste offert dans les conditions précitées est nommé d'office à un autre poste équivalent de son grade ; s'il refuse celui-ci, il est admis à cesser ses fonctions et, s'il y a lieu, à faire valoir ses droits à la retraite. »

Cette rédaction n'a pas évolué depuis l'ordonnance du 22 décembre 1958.

Ainsi, les réintégrations après une période de détachement et de disponibilité ne sont pas organisées dans l'ordonnance statutaire. En conséquence, le statut général des fonctionnaires a vocation à s'appliquer en application de l'article 68 de l'ordonnance statutaire aux termes duquel « Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions (...) s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire ».

Les règles du statut général des fonctionnaires relatives à la réintégration à l'issue d'un détachement sont fixées par les articles 22 et suivants du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions. Un délai de trois mois précédant la fin prévue du détachement est imposé aux fonctionnaires pour faire connaître à leur administration d'origine leur choix de demander le renouvellement de leur détachement ou de réintégrer leur corps d'origine. L'administration ou l'organisme d'accueil doit quant à lui informer deux mois au moins avant l'expiration du détachement le fonctionnaire et son administration d'origine de sa décision de renouveler cette mesure ou d'y mettre un terme.

Si le détachement n'est pas renouvelé pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice des fonctions, le fonctionnaire est réintégré immédiatement sur un emploi vacant du grade dont il relève, le cas échéant en surnombre. Il a priorité pour être affecté au poste qu'il occupait précédemment. En cas de refus de l'emploi proposé, il est nommé à un autre emploi à la vacance suivante ; il est, dans l'attente, en « instance d'affectation ». Si le fonctionnaire n'a pas fait connaître ses intentions dans le délai prévu, il est nommé à un emploi à la première vacance dans son grade d'origine (il est alors, comme précédemment, en instance d'affectation). S'il est mis fin au détachement avant son terme normal à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, le fonctionnaire est nommé à un emploi à la première vacance. Si, en revanche, c'est le fonctionnaire qui a mis fin à son détachement avant le terme prévu, il est nommé à un emploi à l'une des trois premières vacances dans son grade ; il est alors placé en position de disponibilité.

Les règles du statut général des fonctionnaires relatives à la réintégration à l'issue d'une disponibilité sont fixées par l' article 49 du décret précité du 16 septembre 1985161(*) qui prévoit que la réintégration est de droit.

Là encore, un délai de trois mois précédant l'expiration de la disponibilité est imposé aux fonctionnaires pour faire connaître à leur administration d'origine leur choix de demander le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer leur corps d'origine.

Trois cas de figure sont ensuite déclinés.

Par principe, à l'issue de la disponibilité, l'une des trois premières vacances dans son grade doit être proposée au fonctionnaire qui, s'il refuse successivement trois postes qui lui sont proposés, peut faire l'objet d'un licenciement après avis de la commission administrative paritaire ;

Par dérogation, à l'issue d'une disponibilité prononcée pour élever un enfant âgé de moins de douze ans, ou pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, à un ascendant à la suite d'un accident ou d'une maladie grave ou atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne, ou pour suivre son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire, ou pour suivre son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré à la première vacance dans son corps d'origine et affecté à un emploi correspondant à son grade. S'il refuse le poste qui lui est assigné, il peut faire l'objet d'un licenciement après avis de la commission administrative paritaire.

Le fonctionnaire qui demande sa réintégration avant l'expiration de la période de disponibilité est maintenu dans cette position jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions précisées ci-dessus.

En revanche, depuis la loi organique du 8 août 2016162(*), l' article 72-3 de l'ordonnance statutaire prévoit expressément la procédure de réintégration des magistrats précédemment placés en position de congé parental.

Il prévoit que le magistrat doit faire connaître au garde des sceaux six mois au plus tard avant l'expiration de son congé sa décision de solliciter le renouvellement de ce congé ou de réintégrer le corps judiciaire. En cas de réintégration, il doit faire connaître au moins trois choix d'affectation dans trois juridictions différentes. Quatre mois avant l'expiration du congé, le garde des sceaux peut inviter le magistrat à présenter trois demandes supplémentaires dans trois autres juridictions appartenant à des ressorts de cour d'appel différents. À l'expiration du congé, le magistrat est nommé dans l'une des fonctions ayant fait l'objet de ses demandes ou, en l'absence de demande ou si aucune ne peut être satisfaite, le garde des sceaux lui propose une affectation dans trois juridictions et, à défaut d'acceptation dans le délai d'un mois, le magistrat est nommé dans l'une de ces juridictions. Il est prévu que ces dispositions s'appliquent sans préjudice du droit pour le magistrat d'être affecté dans la juridiction dans laquelle il exerçait précédemment ses fonctions, le cas échéant, en surnombre.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L' article 65 de la Constitution attribue au Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM) une compétence en matière de nomination des magistrats.

Son alinéa 4 prévoit ainsi que la formation du CSM « compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège de la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. »

Son alinéa 5 dispose que la formation du CSM « compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations concernant les magistrats du parquet. »

L'article 25 de la loi organique du 8 août 2016 créait, au sein de l'ordonnance du 22 décembre 1958, les articles 72-1, 72-2 et 72-3.

L'article 72-1 introduisait une procédure de réintégration des magistrats à l'issue d'un détachement, organisée autour de différentes échéances. Il prévoyait que le magistrat en détachement devait faire connaître au garde des sceaux, neuf mois au plus tard avant l'expiration du détachement, sa décision de solliciter le renouvellement de son détachement ou de réintégrer le corps judiciaire. En cas de réintégration, le magistrat devait faire connaître au moins trois choix d'affectation dans trois juridictions différentes appartenant à des ressorts de cour d'appel différents. Six mois avant l'expiration du détachement, le garde des sceaux pouvait inviter le magistrat à présenter trois demandes supplémentaires dans trois autres juridictions appartenant à des ressorts de cour d'appel différents. À l'expiration du détachement, le magistrat devait être nommé dans l'une des fonctions ayant fait l'objet de ses demandes ou, en l'absence de demande ou si aucune ne pouvait être satisfaite, le garde des sceaux lui proposait une affectation dans trois juridictions et, à défaut d'acceptation dans le délai d'un mois, le magistrat devait être nommé dans l'une de ces juridictions. Ces dispositions devaient également s'appliquer aux magistrats en position de détachement au titre de la mobilité statutaire, en application de l'article 76-4 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Elles ne devaient toutefois pas s'appliquer aux magistrats détachés dans les emplois de directeur, de chef de service, de directeur adjoint ou de sous-directeur dans les administrations centrales de l'État ou de directeur de l'École nationale de la magistrature, au motif qu'il pouvait être mis fin de manière anticipée aux détachements sur ces emplois de sorte que les délais prévus à l'article 72-1 seraient inadaptés.

L'article 72-2 prévoyait un dispositif de reclassement indiciaire à l'issue du détachement d'un magistrat, lequel devait être fixé par un décret en Conseil d'État.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 juillet 2016, a relevé que la possibilité de mettre fin de manière anticipée à certains détachements n'était pas propre aux seuls emplois qui étaient ainsi énumérés mais qu'elle s'appliquait à de nombreux autres emplois susceptibles d'être occupés par des magistrats en détachement. Le Conseil constitutionnel en a conclu que le dernier alinéa de l'article 72-1 instituait une différence de traitement qui méconnaissait le principe d'égalité. Compte tenu des conséquences qui résulteraient de la censure de ce seul alinéa, qui iraient au-delà de l'intention du législateur, le Conseil constitutionnel a censuré l'ensemble de l'article 72-1163(*).

Il n'a, en revanche, formulé aucune remarque de constitutionnalité s'agissant du dispositif instituant une procédure de réintégration à l'issue d'un congé parental.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les dispositions du statut général des fonctionnaires rappelées supra relatives à la réintégration à l'issue d'un détachement se révèlent en pratique inadaptées aux magistrats.

Il n'est en effet pas toujours aisé d'organiser la réintégration dans le corps judiciaire, compte tenu du calendrier et des délais incompressibles inhérents à la procédure de nomination des magistrats (procédure de transparence, avis du Conseil supérieur de la magistrature, décret de nomination), et ce, même lorsque le détachement expire au terme initialement fixé puisque les magistrats détachés ne formulent pas toujours leurs desiderata en temps utile et les postes demandés ne sont pas toujours vacants ou adaptés au profil du magistrat.

Dans son rapport d'activité au titre de l'année 2000164(*), le Conseil supérieur de la magistrature déplorait, au regard des résultats du questionnaire qui avait été adressé aux magistrats concernés, que « les règles statutaires [constituaient] un frein non négligeable à cette rentabilisation des connaissances acquises par les magistrats placés en position de détachement. ». Il relevait que « le caractère parfois inopiné de la fin de certains détachements [était] susceptible de générer de réelles difficultés pour le magistrat revenant de détachement ».

Depuis, à défaut de pouvoir organiser de manière satisfaisante la réintégration du magistrat sur un emploi de son grade, les magistrats qui ne formulent pas de desiderata en temps utile sont réintégrés dans le corps judiciaire par arrêté du garde des sceaux mais ne bénéficient provisoirement d'aucune affectation. Pendant cette période d'attente d'affectation, les intéressés perçoivent une rémunération inférieure à celle qu'ils percevraient en juridiction, faute de pouvoir se voir attribuer les primes forfaitaire (attribuée à raison de la fonction exercée) et modulable (attribuée en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire)165(*).

Ces difficultés peuvent amener, à la marge (moins d'une dizaine de situations par an), des magistrats à prolonger leur détachement plutôt qu'à réintégrer le corps judiciaire sans disposer d'une affectation à la hauteur de leurs responsabilités. Or, la durée de six années pour des mobilités sur le territoire national et de quatre années à l'international (sauf construction d'un parcours de carrière au sein d'institutions internationales qui nécessitent la possibilité de bénéficier de détachements sur des durées plus longues)est considérée par la chancellerie comme la durée à ne pas dépasser pour que le corps judiciaire puisse également bénéficier de l'expérience acquise par les magistrats à l'occasion de leur mobilité externe et que les organismes d'accueil bénéficient pleinement de l'expérience résultant de l'exercice récent de fonctions juridictionnelles.

La rédaction de l'article 71 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative à la réintégration dans le corps judiciaire à l'issue de la disponibilité n'a pas été modifiée depuis 1958. Il apparait nécessaire de la faire évoluer afin d'harmoniser les procédures de réintégration et de la mettre en cohérence avec les contraintes liées à la procédure de nomination des magistrats (procédure de transparence, avis du CSM, décret du président de la République).

Quant au dispositif de retour de congé parental institué par la loi organique du 8 août 2016, outre qu'il manque d'intelligibilité, sa mise en oeuvre est source de difficultés en termes de gestion du corps.

En effet, le décret n° 2020-529 du 5 mai 2020166(*) a modifié le premier alinéa de l'article 54 du décret n° 85-986 précité. Le congé parental est désormais accordé par périodes de deux à six mois renouvelables, et non plus par périodes de six mois, jusqu'aux trois ans de l'enfant.

Le congé parental étant une position au sens de l'article 67 de l'ordonnance statutaire, le placement dans cette position a pour effet de faire sortir le magistrat concerné du corps judiciaire. La réintégration dans le corps judiciaire implique donc une nouvelle nomination selon les règles propres au statut des magistrats de l'ordre judiciaire lesquelles, en vertu de l'article 65 de la Constitution, imposent un décret du Président de la République pris après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

De si courts délais de congés parentaux sont manifestement incompatibles avec le processus de nomination des magistrats qui implique une durée de l'ordre de six mois. En outre, il est exigé que le magistrat soit d'abord effectivement placé en position de congé parental avant de pouvoir d'abord faire connaître ses desiderata de réintégration puis faire l'objet d'une proposition de nomination dans le cadre de la procédure de transparence.

Par ailleurs, la rédaction actuelle de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relatif aux positions doit être actualisée. Les termes « en service détaché » doivent être modernisés pour évoquer le détachement. La position administrative « sous les drapeaux » n'ayant plus vocation à figurer dans l'ordonnance statutaire, il convient d'en supprimer la référence qui figure également à l'article 72.

De la même façon, les dispositions relatives aux possibilités pour les magistrats de sortir du corps judiciaire par voie de détachement ou intégration d'autres corps, telles qu'elles résultent des articles 76-2 et 76-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 doivent être revues pour les moderniser et les concilier plus clairement avec les évolutions du statut général des fonctionnaires. La possibilité d'accueillir un magistrat en détachement dans certains corps ou cadre d'emplois ont pu être source d'hésitation. Les magistrats ne relevant pas du statut général des fonctionnaires, une mention expresse les concernant aurait dû être maintenue dans les statuts particuliers des corps d'accueil. Pour autant, force est de constater que la mention des magistrats comme celle des autres corps a été remplacée par la référence aux « corps de niveau comparable ».

Une modification de la loi organique apparait nécessaire afin de faire évoluer ou prévoir des règles de réintégration du corps judiciaire après une période de détachement, de disponibilité ou de congé parental et de procéder à la modernisation de la rédaction des articles relatifs aux positions des magistrats et aux sorties du corps par voies de détachement ou intégration d'un autre corps.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure envisagée vise à créer une procédure de réintégration propre au corps judiciaire à l'issue d'une période de détachement et à adapter les procédures existantes en cas de réintégration après une période de disponibilité ou de congé parental, procédures tenant compte des spécificités du corps judiciaire et, plus particulièrement, de la procédure de nomination des magistrats.

Ces procédures permettront de simplifier et d'assurer une meilleure gestion des emplois et d'éviter que le magistrat réintégrant après une période de disponibilité ne soit nommé sur un emploi qu'il a refusé.

Les modifications rédactionnelles envisagées des articles 67, 72 et 76-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 rendront la norme plus intelligible.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée s'agissant des réintégrations après détachement ou disponibilité

La censure du mécanisme de réintégration envisagé en 2016 par le Conseil constitutionnel se fondait sur l'existence d'une exception limitée à une catégorie de magistrats détachés qui ne trouvait aucune justification. Le dispositif n'a fait l'objet d'aucune autre remarque de constitutionnalité. Il a ainsi été envisagé une reprise à l'identique du mécanisme, sous réserve de rendre applicable à l'ensemble des magistrats détachés l'exception prévue.

Cette option n'a pas été retenue car les exigences imposées en termes de choix géographiques aux magistrats souhaitant réintégrer le corps sont apparues trop importantes. L'option retenue reprend le mécanisme envisagé en 2016 en assouplissant les conditions de demandes d'affectation.

3.1.2. Options écartées s'agissant des réintégrations après congé parental

Une première option consistait à considérer que les dispositions du statut général des fonctionnaires permettant des congés parentaux de très courte durée étaient contraires au deuxième alinéa de l'article 72-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et, par suite, ne pouvaient être appliquées aux magistrats.

Une telle interprétation serait, de fait, préjudiciable aux femmes qui sont celles qui, majoritairement, sollicitent des congés parentaux. En effet, au 1er mars 2023, 13 magistrats étaient en position de congé parental dont 11 femmes ; un homme était en position de congé parental au 1er janvier 2020, 2021 et 2023 ; deux hommes étaient en position de congé parental au 1er janvier 2022 ; aucun homme n'était en position de congé parental au 1er janvier 2018 de même qu'en 2019. Ainsi, imposer des congés parentaux de six mois minimum affecterait davantage la carrière des femmes.

Au surplus, les préoccupations actuelles étant au contraire de faciliter le placement en congé parental, il n'apparaissait pas possible d'exclure, au détriment des magistrats, le bénéfice de congés parentaux de courte durée.

Cette première option a donc été écartée.

La seconde option envisagée visait à permettre une nouvelle nomination sans diffusion préalable d'une transparence. En effet, la diffusion d'un projet de nomination n'apparaît pas comme une exigence découlant du principe d'indépendance des magistrats de l'ordre judiciaire. C'est la raison pour laquelle existent, d'ores et déjà, des exceptions à ce dispositif, qui ont été admises par le Conseil constitutionnel167(*) au regard de la spécificité de certaines fonctions ou procédures, notamment en application du dernier alinéa de l'article 27-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour les propositions de nomination des auditeurs de justice ainsi que les projets de nomination pris pour l'exécution de certaines décisions disciplinaires.

Au regard de la spécificité tenant à la nécessité de réintégrer rapidement des magistrats à l'issue d'un congé parental pouvant être de courte durée, il pourrait donc être envisagé une nouvelle exception à la procédure de diffusion préalable d'une transparence. Ainsi, le projet de nomination du garde des sceaux serait directement soumis pour avis au CSM, ce qui réduirait significativement la durée du processus de réintégration.

Toutefois, et quand bien même elle ne concernerait que très peu de magistrats chaque année, une telle réforme présente un risque en termes d'acceptabilité pour le corps compte tenu des détournements qui ont pu être observés s'agissant des demandes de congés parentaux afin d'échapper à une première affectation ou d'en limiter la durée avant une nouvelle affectation.

Cette option a donc été écartée.

3.1.3. Option écartée s'agissant des modifications rédactionnelles

Il a été envisagée de ne pas procéder à la modification des articles 67 et 76-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 puisque la situation des magistrats, notamment au regard des possibilités de détachement, n'étaient pas affectées.

Cette option a été écartée en ce qu'elle ne permettait pas d'atteindre l'objectif d'intelligibilité de la norme.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1. S'agissant des réintégrations après détachement ou disponibilité

La mesure introduit des dispositifs harmonisés de réintégration après détachement ou disponibilité afin de faciliter les retours après une période de mobilité par rapport au calendrier des diffusions des projets de nomination de magistrats et permettant aux magistrats de bénéficier d'une affectation adaptée lors de leur réintégration.

Il s'agit de créer un dispositif inspiré de celui des conseillers et avocat généraux référendaires, contraignant les magistrats à effectuer, dans un certain délai, plusieurs choix d'affectation dans des juridictions différentes, mais prévoyant la possibilité d'affectations en avancement et d'adresser le cas échéant au Conseil supérieur de la magistrature leur candidature s'ils souhaitent réintégrer le corps judiciaire dans un emploi du siège de la Cour de cassation, de premier président de cour d'appel ou de président de tribunal de grande instance qu'ils occupaient avant leur détachement.

Dans le cas où les desiderata ne pourraient être satisfaits - pour des impératifs de gestion du corps ou à défaut de proposition d'affectation du Conseil supérieur de la magistrature - ou lorsque le magistrat n'aurait pas formulé de demande, le garde des sceaux conserve la possibilité de nommer le magistrat d'office sur un des trois postes proposés à l'intéressé. Le principe d'inamovibilité ne paraît pas en effet s'opposer à un tel mécanisme, dès lors qu'il interdit seulement de donner à un magistrat du siège une affectation nouvelle, sans son consentement.

Ce dispositif ne serait pas applicable lorsqu'il est mis fin au détachement de façon anticipée, à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, à la demande du garde des sceaux, ou à la demande du magistrat détaché, les délais prévus dans le dispositif de réintégration se révélant incompatibles avec la nécessité d'une réintégration en urgence.

Il ne serait pas non plus applicable au magistrat qui sollicite sa réintégration avant l'expiration de la disponibilité. Dans cette hypothèse, le magistrat qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés est nommé d'office à un autre poste équivalent de son grade ; s'il refuse celui-ci, il est admis à cesser ses fonctions, et s'il y a lieu à faire valoir ses droits à la retraite.

3.2.2. S'agissant des congés parentaux

L'option retenue consiste à prévoir des modalités de réintégration différenciées selon la durée du congé parental.

En pratique, seuls les congés parentaux inférieurs à six mois posent une difficulté en termes de réintégration au regard des délais inhérents au processus de nomination des magistrats, outre le risque d'un éventuel détournement de procédure afin d'échapper à la règle actuelle de gestion partagée par le ministère de la justice et le Conseil supérieur de la magistrature d'une durée d'affectation de trois ans sur un même poste avant une mobilité.

Par ailleurs, s'il peut être envisagé de laisser le poste précédemment occupé par le magistrat placé en congé parental vacant pendant quelques mois, une trop longue vacance s'avèrerait préjudiciable au bon fonctionnement des juridictions. Ainsi, le recours aux magistrats placés peut être une solution dans le premier cas, dans l'attente du retour du magistrat concerné ; en revanche, il ne peut être satisfaisant pour les juridictions en cas de congé parental d'une durée plus importante.

Le critère de différenciation retenue dans le dispositif envisagé est celui de la durée du congé parental, à savoir six mois, durée qui était celle accordée antérieurement à la réforme de 2020 et qui est toujours mentionnée à l'article 72-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dans sa rédaction actuelle. La durée est appréciée au regard du placement initial en congé parental et des éventuels renouvellements.

Lorsque la durée totale du congé parental n'excède pas six mois, le magistrat sera réaffecté sur son dernier poste par un décret de nomination pris après avis du CSM mais sans diffusion préalable d'une transparence, pour permettre une réintégration dans un délai compris entre 2 et 6 mois.

En revanche, lorsque la durée totale du congé parental excède six mois, le magistrat serait réintégré selon un processus de nomination classique comprenant donc la diffusion préalable d'une transparence, un avis du CSM puis un décret signé du Président de la République. Dans ce cas, le magistrat devra formuler plusieurs choix d'affectation dans des juridictions différentes en respectant certains délais.

Serait, par ailleurs, maintenu le bénéfice du droit à recevoir une affectation dans la juridiction dans laquelle le magistrat exerçait précédemment ses fonctions, le cas échéant en surnombre de l'effectif budgétaire du grade auquel il appartient et, s'il y a lieu, en surnombre de l'effectif organique de la juridiction.

3.2.3. S'agissant des modifications rédactionnelles

L'option retenue consiste, d'une part, à modifier les articles 67 et 72 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 afin de les actualiser. Ainsi, le terme « détachement » remplace les termes « service détaché » à l'article 67 et la référence à la position « sous les drapeaux » est supprimée au sein des deux articles.

D'autre part, elle décline le principe de l'équivalence des corps, tel qu'il existe dans le statut général des fonctionnaires. La mesure prévoit ainsi que les magistrats peuvent être détachés, intégrés après détachement ou nommés au tour extérieur dans tous les corps et cadres d'emplois de catégorie A et de niveau comparable à celui du corps judiciaire, dans les conditions et selon les modalités prévues par le statut particulier de chaque corps ou cadre d'emplois. Elle précise par ailleurs que le niveau est apprécié au regard des conditions de recrutement ou du niveau des missions prévues par les statuts particuliers.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées impliquent le remplacement :

- De l'article 71 de l'ordonnance du 22 décembre 1971, consacré à la réintégration à l'issue d'une période de disponibilité, par un article 71 relatif à la mobilité statutaire à laquelle renvoie le nouvel article 39-1 de la même ordonnance ;

- De l'article 72-2, qui porte actuellement sur le reclassement indiciaire d'un magistrat réintégrant le corps judiciaire à l'issue d'un détachement, par un article 72-2 instituant une procédure de réintégration à l'expiration de cette position, cette nouvelle procédure reprenant les dispositions actuelles sur le reclassement indiciaire ;

- De l'article 72-3, consacré à la réintégration à l'issue d'un congé parental, par un article 72-3 instituant une nouvelle procédure de réintégration à l'issue de cette position administrative ;

- De l'article 76-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, relatif à la sortie du corps judiciaire par voie de détachement, intégration après détachement ou nomination au tour extérieur, par un article 76-2 modernisant les conditions de sortie du corps dans ces conditions.

Elles nécessitent ensuite une modification :

- De l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, afin de substituer le terme « détachement » à ceux de « service détaché » devenus désuets et de mettre à jour les positions administratives par la suppression de la référence à la position « Sous les drapeaux » qui n'a plus lieu d'être ;

- De l'article 72 de la même ordonnance pour supprimer la référence à la position « sous les drapeaux » et le dernier alinéa par coordination avec l'instauration de procédures de réintégration.

Elles entraînent enfin la création d'un article 72-1 instituant une procédure de réintégration à l'issue d'une période de disponibilité.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

En 2020 et 2021, deux magistrats ont été placés en disponibilité pour convenance personnelles afin d'exercer une activité professionnelle privée. En 2022, ce sont quatre magistrats qui ont été placés dans cette position administrative. La modification de la procédure de réintégration à l'issue d'une disponibilité est de nature à inciter les magistrats qui le souhaitent à solliciter un placement dans cette position administrative afin d'exercer une activité professionnelle, notamment dans le secteur privé.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La modernisation des dispositions autorisant le détachement des magistrats dans d'autres corps est de nature à favoriser leur accueil au sein de collectivités territoriales dès lors qu'il s'agira d'un corps et de missions d'un niveau comparable à celui des magistrats.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

La gestion des réintégrations dans le corps judiciaire par le biais de dispositifs adaptés, intelligibles et connus de tous sera facilitée. Ces dispositifs permettent en effet une meilleure prévisibilité tant pour les magistrats concernés que pour les services administratifs en ce que ces réintégrations s'inséreront dans les calendriers des mobilités des magistrats.

Ces dispositifs permettent d'éviter les situations de blocage lorsque le magistrat ne formule aucun desiderata sur des postes non vacants ou fortement concurrentiels pour lesquels sa candidature ne figure pas en rang utile (ancienneté, profil) et contraignant à une nomination en surnombre.

La mesure garantit également de maintenir l'attractivité des postes en détachement en autorisant expressément le magistrat à réintégrer le corps judiciaire au grade supérieur, lorsque cet avancement de grade n'a pas été concrétisé durant la période de mobilité, alors que le statut général des fonctionnaires prévoit que la réintégration a lieu dans un emploi de son grade.

Elle évite des prolongations de détachement non souhaitées par l'administration d'accueil et le magistrat concerné ou les réintégrations sans affectation.

La mise en oeuvre d'un processus de réintégration à l'issue d'un congé parental de plus ou moins de six mois est de nature à rassurer les magistrats désireux de prendre un tel congé pour une courte durée, en ayant l'assurance de retrouver leur précédent poste. Elle permet en outre de mettre un frein au contournement de procédure destinée à échapper à une affectation.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

L'amélioration des conditions de réintégration à la suite d'un congé parental a aussi un impact sur l'égalité du fait de la composition sexuée des personnes en congé parental. La présente mesure aura donc un impact bénéfique principalement pour les femmes dans la mesure elles sont très majoritairement bénéficiaires des congés parentaux. Elle pourrait également favoriser les congés parentaux pris par les hommes.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

En application du a) du 2° de l'article 12 du présent projet de loi organique, la suppression de la référence à la position administrative « sous les drapeaux » aux articles 67 et 72 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, ainsi que la nouvelle rédaction de l'article 76-2 relatif à la sortie du corps des magistrats par voie de détachement ou d'intégration dans d'autres corps, prendront effet au lendemain de la publication de la loi.

Des dispositions transitoires sont prévues aux e), f) et g) du 2 de l'article 12 du présent projet de loi organique. Les procédures de réintégration après disponibilité, détachement ou congé parental prévues aux articles 72-1, 72-2 et 72-3 s'appliqueront aux situations nées ou renouvelées postérieurement à la publication de la loi organique. Les situations en cours resteront régies par les dispositions en vigueur avant la publication de la loi organique.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'État devra abroger le décret n° 93-549 du 26 mars 1993 pris pour l'application de l'article 76-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature. Ce décret n'est plus nécessaire compte tenu de la nouvelle rédaction proposée de l'article 76-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 qui consacre un principe d'équivalence pour déterminer les corps et cadres d'emplois dans lesquels les magistrats peuvent être soit détachés, soit intégrés après détachement, soit nommés au tour extérieur.

VII. Recul de la limite d'âge pour le maintien en activité en surnombre

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Aux termes de l'article 76 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, « sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge pour les magistrats de l'ordre judiciaire est fixée à soixante-sept ans.

Toutefois, est fixée à soixante-huit ans la limite d'âge des magistrats occupant les fonctions de premier président et de procureur général de la Cour de cassation. ».

Cette limite d'âge applicable aux magistrats connaît certains aménagements. Ainsi, la loi organique n° 86-1303 du 23 décembre 1986 relative au maintien en activité des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation prévoyait un régime de maintien en activité en surnombre des magistrats de la Cour de cassation. L'article 1er disposait que « Les magistrats hors hiérarchie du siège et du parquet de la Cour de cassation, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge fixée par l'alinéa 1er de l'article 76 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et, à titre transitoire, par l'article 2 de la loi organique n° 84-833 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, sont, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre, jusqu'à ce qu'ils atteignent la limite d'âge qui était en vigueur avant l'intervention de la loi organique n° 84-833 du 13 septembre 1984 précitée pour exercer respectivement les fonctions de conseiller et d'avocat général à la Cour de cassation. ».

A ce régime de maintien en activité des membres de la Cour de cassation s'ajoutait un dispositif également qualifié de maintien en activité, mis en place par la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, au bénéfice des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance. Ce maintien en activité intervenait sur demande, pour une période non renouvelable de trois ans, en surnombre des effectifs de la juridiction. Il ne pouvait se prolonger au-delà de l'âge de 70 ans.

La loi organique n° 91-71 du 18 janvier 1991 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et relative à l'amélioration de la gestion du corps judiciaire a rajouté un alinéa permettant aux magistrats, après avis du Conseil supérieur de la magistrature, d'être maintenu en fonctions dans une autre juridiction : « Dans les conditions prévues au premier alinéa, sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis du Conseil supérieur de la magistrature pour les magistrats du siège, les magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance peuvent sur leur demande être maintenus en activité, sous réserve des nécessités du service, dans une autre juridiction du même degré que celle où ils exercent leurs fonctions lors de la survenance de la limite d'âge ». La loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature a ensuite introduit le mécanisme de desiderata toujours en vigueur.

La loi organique n° 2010-1341 du 10 novembre 2010 relative à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire a introduit un article 76-1-1 au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature reprenant ces dispositifs et abrogé les lois du 23 décembre 1983 et du 7 janvier 1988.

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, est venue encadrer le maintien en activité au-delà de la limite d'âge d'activité par des garanties afin de s'assurer de la capacité des magistrats à la poursuite d'une activité professionnelle

Ainsi, en application de l'article 76-1-1 de l'ordonnance statutaire, les magistrats qui exercent leurs fonctions en juridiction, à l'administration centrale et à l'Inspection générale de la justice sont maintenus, sur leur demande et sous réserve de l'appréciation par la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature de leur aptitude et de l'intérêt du service, en activité jusqu'à l'âge de soixante-huit ans.

Le nombre de magistrats maintenus en activité au-delà de la limite d'âge d'activité connaît une baisse constante depuis dix ans. Au 1er janvier 2023, seuls trois magistrats étaient maintenus en activité.

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Moyenne

2012-2022

Nombre de MAS1 au 1er janvier

91

102

88

94

92

87

68

60

39

16

10

67,91

Nombre de départs en retraite suite à MAS1

27

49

38

35

38

44

35

38

25

16

10

32,27

Âge moyen départ retraite MAS1

67a 10m

67 a 10 m

67a 8m

67a 7m

67a 9m

67a 7m

67a 7m

67a 10m

67a 11m

67a 10m

67a 11m

67a 9m

1 Maintien en activité en surnombre

L'article 10 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 publiée au Journal officiel du 15 avril suivant, apporte d'importants changements en terme de relèvement de l'âge légal de départ à la retraite, en le fixant à 64 ans, et accélère le calendrier de relèvement de la durée d'assurance. Notamment, il introduit une dissociation entre l'âge limite et l'âge d'annulation de la décote, de sorte à permettre aux fonctionnaires de travailler plus longtemps, sur la base du volontariat. Cet article crée ainsi, dans cette même optique, la possibilité pour le fonctionnaire de reculer sa limite d'âge, à sa demande et après autorisation de son employeur, jusqu'à 70 ans. Jusqu'à présent, le code général de la fonction publique empêchait la possibilité pour un fonctionnaire d'être maintenu en fonction au-delà de l'âge de 67 ans (hors catégorie active). La réforme des retraites introduit une nouveauté en prévoyant la possibilité pour un fonctionnaire occupant un emploi hors catégorie active, sur autorisation, d'être maintenu en fonctions jusqu'à l'âge de 70 ans. Cette possibilité de recul ne peut se cumuler avec les autres déjà existantes.

Lors de l'examen du projet de loi, le Conseil d'Etat a recommandé d'harmoniser les dispositions statutaires relatives aux magistrats de l'ordre judiciaire avec les nouvelles dispositions applicables au sein de la fonction publique en matière de recul de l'âge de la retraite, lorsque la loi sera définitivement adoptée.

A titre de comparaison, s'agissant des magistratures administrative et financière, il est dorénavant prévu que lorsqu'ils atteignent la limite d'âge de 67 ans, les magistrats peuvent, sur leur demande, être maintenus en activité jusqu'à l'âge de 70 ans dans des fonctions juridictionnelles mais également dans des fonctions dans lesquelles ils sont mis à disposition ou détachés168(*). En revanche, la limite d'âge du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président et du procureur général de la Cour des comptes est maintenu à 68 ans.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans les décisions des 22 décembre 1986 et 5 janvier 1988, le Conseil constitutionnel, saisi de la loi organique n° 86-1303 du 23 décembre 1986 relative au maintien en activité des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation et de la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, a jugé ces textes conformes à la Constitution169(*).

En outre, dans une autre décision du 22 décembre 1986 sur la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat, saisi du respect des principes d'égalité et d'indépendance dans les juridictions de dispositions visant au maintien en activité en surnombre de certains membres du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des finances, le Conseil constitutionnel a jugé que, dès lors que toutes les personnes concernées étaient soumises aux mêmes règles et que la différence de traitement par rapport aux autres membres du corps pouvait trouver son fondement dans les considérations d'intérêt général, le principe d'égalité était respecté par les dispositions du texte. De plus, il a considéré que le principe d'indépendance des juridictions était respecté par l'absence de rétrogradation des personnes concernées et par l'absence de moyen de contrainte à leur égard170(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La fixation de l'âge de départ à la retraite relève de la seule compétence de la France.

En effet, l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se limite à prévoir une simple coordination des législations des Etats membres. Les règles européennes de coordination ne mettent pas en oeuvre une harmonisation des régimes nationaux de retraite, les Etats membres demeurant souverains pour organiser leurs systèmes.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En Belgique171(*), les magistrats de l'ordre judiciaire cessent d'exercer leurs fonctions et sont admis à la retraite à la fin du mois au cours duquel ils ont atteint l'âge :

- de 70 ans s'ils sont membres de la Cour de cassation,

- de 67 ans s'ils sont membres des autres juridictions.

Par dérogation, à leur demande et sur avis motivé de leur chef de corps, les magistrats de l'ordre judiciaire peuvent être autorisés par le Roi à continuer d'exercer leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 70 ans, ou de 73 ans à la Cour de cassation. L'autorisation est valable pour un an et est renouvelable. Des dérogations, par autorisation du Roi, sont par ailleurs possible en cas de vacance du poste du magistrat susceptible de partir à la retraite, jusqu'à son remplacement, pour six mois renouvelable une fois.

A leur demande, des magistrats admis à la retraite en raison de leur âge peuvent également être désignés, selon le cas, par les premiers présidents des cours d'appel et du travail, les présidents des tribunaux, ou les procureurs généraux près les cours d'appel, pour exercer les fonctions de magistrat suppléant, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 70 ans. Les magistrats ainsi désignés peuvent, à leur demande, continuer à exercer leur fonction de magistrat suppléant, au-delà de 70 ans, pour une période d'un an, renouvelable quatre fois, si l'autorité judiciaire qui les a désignés l'estime utile en raison des nécessités du service.

Il en est de même au niveau de la Cour de cassation, pour les juges de paix et ceux des tribunaux de police.

En Espagne172(*), l'âge limite pour les magistrats est fixé à de 70 ans. Toutefois, ils peuvent demander que leur service actif soit prolongé jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 72 ans au plus tard. Cette demande lie le Conseil général du pouvoir judiciaire, qui ne peut la refuser que si le demandeur ne remplit pas la condition d'âge ou si la demande est présentée hors délai. Ils peuvent également prendre leur retraite à partir de l'âge de 65 ans, à condition d'en avoir informé le Conseil général du pouvoir judiciaire six mois à l'avance.

En Italie, l'âge limite est également fixé à 70 ans173(*), sans prolongation possible depuis 2014 (avant possibilité jusqu'à 75 ans). Un débat est en cours pour repousser la limite à 72 ans.

L'âge limite pour les magistrats est aussi de 70 ans en Autriche174(*) et 67 ans en Estonie175(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Afin de mettre en cohérence le régime applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire avec celui des fonctionnaires et des autres magistrats, il s'agit de leur permettre de bénéficier de cette nouvelle possibilité de recul de la limite d'âge d'activité en étant maintenus en activité, sur leur demande et sous réserve de leur aptitude et de la nécessité du service, jusqu'à l'âge de 70 ans.

L'objectif poursuivi est celui d'une amélioration du service public de la justice, par le maintien en activité en surnombre de magistrats expérimentés, les plus nombreux possibles et le plus longtemps possible.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

La possibilité d'un maintien en activité au-delà de la limite d'âge d'activité, fixée à 67 ans pour les magistrats comme pour les fonctionnaires depuis 2010, est déjà permise par leur statut actuellement jusqu'à l'âge de 68 ans. Il a ainsi été envisagé de ne pas harmoniser les règles relatives au recul de la limite d'âge d'activité avec l'évolution du statut général des fonctionnaires.

Cette option a été écartée, afin d'élargir les possibilités de poursuite d'activité en fin de carrière.

3.2. OPTION RETENUE

Le maintien en activité au-delà de la limite d'âge d'activité est encadré par des garanties afin de s'assurer de la capacité des magistrats à la poursuite d'une activité professionnelle. Il est en effet possible de refuser une demande de maintien en activité en cas d'inaptitude ou d'absence d'intérêt du service, conditions qui sont appréciées par le Conseil supérieur de la magistrature. Il est dès lors envisagé de relever de deux ans la limite d'âge pour le maintien en activité en surnombre des magistrats de la Cour de cassation, des cours d'appel et tribunaux judiciaires, du cadre de l'administration centrale et de l'inspection générale de la justice, afin d'harmoniser les dispositions statutaires relatives aux magistrats de l'ordre judiciaire avec les nouvelles dispositions prévues au sein de la fonction publique en matière de recul de la limite d'âge d'activité.

Dans la mesure où l'ensemble des fonctionnaires dispose de cette possibilité, il est en outre envisagé de permettre aux magistrats de l'ordre judiciaire d'être maintenus en activité dans des fonctions judiciaires mais également dans les fonctions dans lesquelles ils sont mis à disposition ou détachés.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée nécessite de modifier l'article 76-1-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Il n'existe pas de règlements ou de jurisprudence s'appliquant spécifiquement à ce sujet et la mesure n'est pas contraire aux règles fixées par les traités ou en découlant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Au regard de la baisse significative du nombre de magistrats en activité en surnombre depuis 2020 et du calcul d'une moyenne d'environ 68 magistrats maintenus en activité en surnombre par an sur dix ans, il apparaît cohérent d'envisager une augmentation mécanique de ce nombre avec l'allongement de la limite à 70 ans qui aboutira à un lissage après 2 à 3 années. Toutefois, cette augmentation n'est pas susceptible d'être chiffrée de manière précise puisqu'elle dépendra de la façon dont les magistrats en fin de carrière se saisiront de cette mesure, s'agissant d'une prolongation à la demande du magistrat.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

Cette mesure permettra de pourvoir des emplois au sein des juridictions qui en ont besoin particulièrement celles dont le taux de vacance de postes est important. Elles pourront bénéficier de l'expérience et des compétences des magistrats qui le souhaitent et jugés aptes à poursuivre leur activité professionnelle.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les mesures envisagées s'appliquent à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

La mesure ne nécessite aucun texte d'application.

Article 4 - Priorité d'affectation

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature encadre l'ensemble des mouvements de magistrats par des règles de priorités :

- L'article 3-1 fixe une priorité de nomination ultérieure pour les magistrats placés après deux ans d'exercice dans leurs fonctions, de même qu'à l'issue des huit ans au cours desquelles ces fonctions peuvent être exercées ;

- L'article 28-1 prévoit des règles spécifiques de nomination ultérieure pour les conseillers référendaires et les avocats généraux référendaires ;

- les articles 28-2, 28-3, 37, 38-1, 38-2 prévoient des mécanismes de décharge pour certaines fonctions telles que celles de président de juridiction et procureur de la République, les fonctions spécialisées (juge des libertés et de la détention, juge d'instruction, juge des enfants, juge de l'application des peines d'un tribunal judiciaire ou de première instance, juge des contentieux de la protection) et celles de premier président et procureur général ; ainsi, à l'expiration du délai maximal d'exercice des fonctions (10 ans s'il s'agit des fonctions spécialisées ; 7 ans s'il s'agit des fonctions de chef de cour ou de juridiction) le magistrat concerné, s'il n'a pas reçu d'autre affectation, est nécessairement déchargé de ses fonctions par un décret signé du président de la République et change alors d'affectation pour exercer, selon les cas, au sein de la Cour de cassation (premier président et procureur général), de la cour d'appel (président ou procureur), du tribunal judiciaire ou de première instance (fonctions spécialisées), les fonctions auxquelles il a été initialement nommé, avant d'être chargé de fonctions spécialisées ou de celles de chef de cour ou de juridiction ;l'article 31 prévoit une priorité d'affectation en cas de suppression de juridiction ou de fonctions ;

- L'article 76-4 fixe, à l'issue de la période de mobilité statutaire, une priorité d'affectation dans la juridiction dans laquelle les magistrats exerçaient précédemment leurs fonctions, le cas échéant en surnombre ;

- L'article 72-3 prévoit une priorité d'affectation pour la réintégration des magistrats précédemment placés en congé parental.

Ces règles de priorité sont complétées et mises en oeuvre par des règles de gestion partagées par la Direction des services judiciaires (ci-après DSJ) et le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM), telles que la règle de la durée minimale d'affectation fixée à trois ans, ou la règle d'incompatibilité d'exercice des fonctions du siège et du parquet au sein de la même juridiction pendant cinq ans. Bien évidemment, ces règles de gestion ne permettent pas de déroger aux règles fixées par les textes statutaires qu'elles viennent compléter sans pour autant créer de nouvelles priorités.

L'ensemble de ces dispositions et de ces règles de gestion tend, avant tout, à assurer l'indépendance des magistrats. La mobilité contribue, en outre, à l'enrichissement et à la diversification des compétences. Toutefois, elle peut, si elle atteint un volume et une fréquence trop importants, nuire au bon fonctionnement des juridictions et à la qualité du service rendu aux justiciables.

Or, dans le cadre d'une étude conduite et publiée par le ministère en avril 2018176(*), il a été établi qu'en 2017, pour la moitié des magistrats, l'ancienneté dans le poste s'élevait à moins de 2,1 ans et qu'en moyenne, les magistrats occupaient leur poste depuis 2,9 ans.

Ces éléments statistiques démontrent que la gestion des mobilités et des carrières des magistrats de l'ordre judiciaire doit se confronter aux deux enjeux majeurs que sont, d'une part, un ralentissement général des mouvements et, d'autre part, une répartition équilibrée des effectifs. Il est en effet nécessaire pour certains postes de travailler à un ralentissement général des mouvements, une durée trop courte sur un poste n'apparait que peu satisfaisante. Mais cette fréquence de mobilité est très inégalement répartie sur le territoire et variable aussi selon les fonctions. Or, il appartient ensuite à la Chancellerie de veiller à une répartition équilibrée des effectifs.

À titre comparatif, le statut de la fonction publique a depuis de nombreuses années consacré des priorités de mutation pour les fonctionnaires selon certains critères (rapprochement de conjoint ou partenaire, handicap, affectation en zones difficiles - Cf. articles L. 512-18 à L. 512-22 du code général de la fonction publique).

Ces priorités consistent en une bonification du nombre de points. En effet, contrairement aux mouvements des magistrats de l'ordre judiciaire, le système de mutation de certains corps de la fonction publique d'Etat repose sur un barème de points détenus par chaque fonctionnaire.

Ainsi, par exemple, au ministère de l'intérieur, la procédure de mutation des personnels encadrants de la police nationale, 'est encadrée par un barème de points, chaque priorité de mutation accordant à l'agent des points supplémentaires. Le calcul de points et le classement qui en résulte s'effectuent à chaque mouvement de mutation, à la date d'effet du mouvement. Il appartient au fonctionnaire de faire acte de candidature pour chacun d'entre eux. Les secteurs géographiques qui permettent aux fonctionnaires de police de bénéficier de points supplémentaires sont définis par décret.

De même, au sein du ministère de l'éducation nationale, le décret n° 2018-303 du 25 avril 2018 relatif aux priorités d'affectation des personnels enseignants du premier degré, second degré et personnels d'éducation a ainsi introduit des critères de priorité pour « la situation d'un agent affecté dans un territoire ou une zone rencontrant des difficultés particulières de recrutement ». Des priorités de mutation sont ainsi accordées aux enseignants ayant accompli une période d'exercice continue et effective de cinq ans dans le même établissement situé dans l'une des trois zones définies par ce décret : les établissements classés Rep+, les établissements classés Rep et les établissements relevant de la politique de la ville et mentionnés dans l'arrêté du 16 janvier 2001.

Il résulte de ces éléments comparatifs que, dans certains corps de la fonction publique d'Etat, les mutations s'appuient sur un système du barème de points, dans lequel les priorités de mutation se traduisent par une bonification de points qui trouve son assise dans des textes normatifs, d'abord de niveau législatif puis règlementaire.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les règles de mobilité des magistrats de l'ordre judiciaire doivent s'inscrire dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle relative au respect du principe d'égalité.

Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat sont en effet très vigilants face aux différences de traitement entre les agents d'un même corps. Une telle discrimination doit être justifiée soit par l'intérêt général, soit par des différences objectives entre les situations, soit par des circonstances exceptionnelles ou dans l'intérêt du service.

Le principe d'égalité est défini par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat comme le fait de traiter identiquement des situations identiques et différemment des situations objectivement différenciées.

Dans sa décision du 21 février 1992, le Conseil constitutionnel a ainsi pu rappeler que « dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés, non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » (cons. 7). Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a cependant considéré s'agissant d'une disposition prévoyant une majoration d'ancienneté pour l'exercice de fonctions nécessitant l'inscription sur une liste d'aptitude spéciale que, « dans la mesure où la majoration d'ancienneté ainsi prévue s'applique à une catégorie de magistrats définie en fonction de critères objectifs, la différence de traitement qui en résulte ne porte pas atteinte au principe d'égalité » (cons. 12). De même, il a considéré que « les différentes exceptions apportées à la procédure instituée par l''article 27-1 trouvent une justification dans la spécificité des fonctions en cause par rapport aux autres fonctions judiciaires ; qu''en prenant en compte ces spécificités, la loi organique n'a pas méconnu le principe d''égalité » (cons. 20)177(*).

A l'inverse, dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a estimé que la révision du régime des incompatibilités des élus des assemblées locales sans prendre en compte ni la situation des magistrats qui seraient élus au Conseil de Paris, ni celle des magistrats en service dans les territoires d'Outre-mer, méconnaissait le principe d'égalité car cette double omission était dépourvue de toute justification (cons. 14).

Dans ses décisions ultérieures, le Conseil constitutionnel a réaffirmé sa jurisprudence sur l'exigence du respect du principe d'égalité de traitement par le législateur tout en rappelant la possibilité de prévoir des règles différenciées dès lors qu'un tel traitement différencié est justifié par des critères objectifs de spécificité178(*).

Dans sa décision du 19 juin 2001, après avoir rappelé dans un considérant de principe le niveau de norme organique relative au statut des magistrats, le Conseil constitutionnel a considéré que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique devait se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle, en particulier, au principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège mais également aux principes d'égalité des citoyens devant la loi et pour l'accès aux emplois publics179(*).

Le Conseil d'Etat a pu également rappeler à plusieurs reprises que le respect du principe d'égalité de traitement s'impose tout en précisant son contour, à savoir, « le principe d''égalité de traitement ne peut être invoqué que pour des agents appartenant à un même corps ou à un même cadre d'emploi qui sont placés dans une situation identique »180(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les règles de mobilité des magistrats s'insèrent également dans le cadre européen et international développé en introduction eu égard au droit de toute personne à un tribunal indépendant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

En dépit d'appels à candidatures ciblés des services gestionnaires des ressources humaines du ministère de la justice, et ce sur plusieurs mouvements successifs, un déficit récurrent de candidatures est constaté pour certains territoires et/ou certaines fonctions. Ce déficit peut s'expliquer par des conditions de vie particulièrement difficiles et singulières sur ces territoires, notamment leur isolement. Afin de pourvoir ces emplois, un nombre croissant de postes connaissant un fort déficit d'attractivité est offert aux magistrats lors de leur première nomination, alors que ces postes devraient préférentiellement être occupés par des magistrats expérimentés. Il est dès lors nécessaire de trouver un levier d'attractivité pour attirer les magistrats expérimentés et limiter le turn-over.

Comme indiqué supra, les règles instaurant des priorités d'affectation, par dérogation aux critères de l'ancienneté et des mérites professionnels, sont toutes prévues par l'ordonnance statutaire et donc au niveau de la loi organique.

Or, l'instauration d'une priorité d'affectation expressément prévue pour inciter le recrutement sur certains emplois ne se limite pas à compléter ou interpréter les dispositions statutaires, de façon uniforme pour l'ensemble des magistrats, mais remet en question l'équilibre actuel et les priorités prévues par l'ordonnance statutaire. Les incidences en termes de carrière pour le magistrat qui en bénéficie et en termes de gestion de l'ensemble du corps judiciaire apparaissent conséquentes. En effet, pour ne pas heurter les priorités statutaires, il conviendrait de hiérarchiser la nouvelle priorité d'affectation par rapport à celles déjà prévues par l'ordonnance statutaire, afin de faire prévaloir ces dernières.

En outre, cette nouvelle priorité d'affectation instaurée par le présent article a un caractère plus précis que les priorités statutaires actuelles en termes de prévisibilité de l'emploi suivant une affectation en zone concernée, dans la mesure où elle crée une priorité sur des postes clairement identifiés de manière fonctionnelle et géographique. Au regard de ces éléments, l'instauration de cette nouvelle priorité doit nécessairement être inscrite dans l'ordonnance statutaire.

L'instauration d'une nouvelle priorité d'affectation, à droit constant, par une simple note ou circulaire du ministre de la justice, comporte un important risque contentieux : la note pourrait en elle-même faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et être annulée à l'issue par le juge administratif pour incompétence du ministre de la justice pour édicter une norme nouvelle.

Dans une décision du 16 octobre 2015, le Conseil d'Etat avait ainsi enjoint au ministre de la justice d'abroger la note du 27 novembre 2013 relative aux positions de détachement et de mise à disposition des magistrats du corps judiciaire en raison de son incompétence pour édicter les dispositions contenues dans la note. Il avait, en effet, considéré « qu'en fixant, dans le silence de l'ordonnance du 22 décembre 1958, des modalités de réintégration des magistrats détachés et mis à disposition comportant des délais spécifiques, différents de ceux que prévoient les dispositions de l'article 22 du décret du 16 septembre 1985 citées ci-dessus, le ministre de la justice a méconnu sa compétence ; que, dès lors, l'association requérante est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée en ce qu'elle refuse d'abroger ces dispositions »181(*).

Enfin, au-delà de l'annulation de la note ou circulaire, toutes les décisions de nomination prises en application de cette nouvelle priorité d'affectation risqueraient de connaître le même sort.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de la priorité d'affectation est de susciter des candidatures de magistrats sur des postes pâtissant d'un déficit majeur d'attractivité. Il s'agira, en conséquence, de cibler les postes souffrant d'un déficit d'attractivité, qui seront déterminés sur la base de critères objectifs et après consultation des représentants des magistrats, par arrêté du garde des sceaux, afin de pourvoir aux besoins des juridictions concernées.

Seront, a priori, concernées les juridictions ultra-marines dites « difficiles », pour lesquelles a été mis en place en 2021 un dispositif expérimental d'« accompagnement renforcé à la mobilité », afin de susciter des candidatures, en particulier sur le tribunal judiciaire de Mamoudzou. Les magistrats bénéficiaires de ce dispositif se sont ainsi engagés à rejoindre l'un des postes diffusés au cours d'un précédent appel à candidatures et à exercer leurs nouvelles fonctions pendant une durée minimale de trois ans. En contrepartie, la DSJ s'est engagée à proposer la nomination du magistrat intéressé, à l'issue de ces trois années d'exercice, sur l'une des cinq affectations sollicitées avant le départ en outre-mer et, ce, y compris si le poste n'est pas vacant ou en présence de candidatures plus anciennes. Afin de ne pas créer de rupture d'égalité, ce dispositif a été proposé tant aux magistrats qu'aux auditeurs de justice et a, par la suite, été étendu aux juridictions de Saint-Martin, Saint-Laurent-du-Maroni, Saint-Pierre-et-Miquelon, l'ensemble de la cour d'appel de Cayenne et la cour d'appel de Bastia en raison du déficit chronique d'attractivité, y compris sur des postes d'encadrement intermédiaire.

Ainsi, en 2021, sept départs en outre-mer ont été possibles sur la base de ce dispositif et 28 en 2022.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Pour rappel, la mobilité chez les magistrats est une mobilité choisie par l'effet du principe statutaire d'inamovibilité au siège et de la pratique y tendant au parquet. Il s'agit ainsi d'agir sur les ressorts individuels de la mobilité.

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Deux types d'incitations peuvent être identifiés.

D'une part, peuvent être utilisées des incitations financières relatives au poste occupé. Ce type d'incitation existe déjà, à travers l'indemnité de sujétion géographique et la majoration de traitement pour les affectations en outre-mer.

D'autre part, peuvent être envisagées des incitations en matière d'avantages en vue d'une affectation future. Ce second cas se subdivise lui-même en deux catégories. Il peut s'agir par exemple d'un avantage en termes de bonification d'ancienneté, comme la bonification d'ancienneté pour les magistrats exerçant des fonctions judiciaires dans des départements ou collectivités d'outre-mer, prévue à l'article 14 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993. Une autre possibilité consiste en un avantage ouvrant droit à la satisfaction d'une demande de mobilité future.

3.2. OPTION RETENUE

La priorité d'affectation prévue par le présent projet relève de cette dernière catégorie. Elle repose sur le souhait d'accorder une priorité sur des postes de sortie, identifiés à l'avance, en contrepartie de l'exercice de certaines fonctions dans un des emplois rencontrant des difficultés particulières de recrutement.

En découlent les principes suivants :

- Engagement tripartite (du candidat, de la DSJ et du CSM) ;

- Hiérarchisation des différentes priorités statutaires, celle dont bénéficient les magistrats placés sera prioritaire ;

- Définition des postes rencontrant des difficultés de recrutement par arrêté du garde des sceaux, pris après avis de la commission d'avancement ;

- Demandes d'affectation de sortie du dispositif formulées dès la nomination sur le poste « d'entrée » : au moins cinq affectations dans au moins trois juridictions différentes (du 1er ou 2nd degré) ; ces demandes sont communiquées au CSM en même temps que le projet de nomination sur le poste d'entrée ;

- Après la durée d'exercice des fonctions dans le poste, le magistrat est nommé dans l'une des affectations demandées, le cas échéant en surnombre ;

- Possibilité pour le magistrat concerné de demander d'autres affectations en cas d'évolution importante de sa situation personnelle ou familiale.

La mise en place d'une priorité d'affectation, de par son caractère avantageux et donc dérogatoire des règles ordinaires de mutation, doit être réfléchie à la lumière des jurisprudences du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel rappelées précédemment sur l'égalité de traitement entre les agents publics. Dès lors, il apparaît indispensable de dégager des critères objectifs de spécificité, pouvant justifier un traitement différencié entre les magistrats.

À cet égard, le critère relatif aux postes susceptibles d'être concernés, inscrit dans l'ordonnance statutaire, à savoir l'exercice de fonctions dans un emploi rencontrant des difficultés particulières de recrutement, constitue un critère objectif de spécificité permettant de justifier un traitement différencié entre les magistrats. En outre, il paraît nécessaire que le texte renvoie à une disposition règlementaire qui listerait les emplois ouvrant droit à une telle priorité d'affectation. Cette liste, constituant la cartographie des emplois ouvrant droit à une priorité, pourrait être révisée à intervalle régulier, en fonction de l'évolution de la situation dans les territoires concernés.

Aussi, l'instauration d'une priorité d'affectation paraît conforme au principe d'égalité de traitement entre les magistrats.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Il est inséré un article 27-2 au sein de l'ordonnance du 22 décembre 1958 afin d'instituer, dans le statut des magistrats de l'ordre judiciaire, une nouvelle priorité d'affectation.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Dans le cadre de l'expérimentation conduite depuis juin 2021, à la suite d'un dialogue entre le ministère de la justice et le CSM, l'équivalent de 35 engagements d'affectations prioritaires ont été mis en oeuvre, soit 7 en 2021 et 28 en 2022 :

- 15 à Mamoudzou ;

- 2 à Saint-Martin ;

- 1 à Saint-Laurent-du-Maroni ;

- 1 à Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- 13 à Cayenne ;

- 3 à Bastia.

La liste des emplois sera déterminée après concertation avec les organisations syndicales représentatives des magistrats et le CSM. Toutefois, sur la base de cette expérimentation, le volume des emplois concernés peut être estimé à 25 par an compte tenu des mobilités à attendre sur les territoires concernés.

Le fonctionnement du dispositif expérimental mis en place en 2021 sur les nominations de sortie n'a pas encore été éprouvé compte tenu de la durée de l'engagement fixée à trois années.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Cette nouvelle priorité d'affectation incitative permettra de garantir la continuité du service public de la justice en s'assurant de la présence de magistrats en nombre suffisant sur l'ensemble du territoire de la République. Garantir l'affectation de magistrats expérimentés et volontaires dans des emplois rencontrant des difficultés particulières de recrutement, aux côtés de jeunes magistrats, est de nature à assurer le bon fonctionnement et la qualité de la justice rendue dans ces ressorts et donc de satisfaire les usagers et la confiance qu'ils accordent à l'institution judiciaire.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée entre en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

Le c) du 5° de l'article 12 du présent projet de loi prévoit que jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle commission d'avancement et au plus tard jusqu'au 30 décembre 2025, la commission permanente d'études du ministère de la justice sera consultée pour la détermination des emplois concernés par le dispositif.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat devra préciser les conditions d'application de l'article 27-1 afin de préciser la durée d'exercice minimale des fonctions ouvrant droit à cette nouvelle priorité d'affectation.

En outre, un arrêté devra être pris, après avis de la commission d'avancement, afin de lister les emplois rencontrant des difficultés particulières de recrutement ouvrant droit au bénéfice de ce nouveau dispositif.

Article 5 - Affectation temporaire de magistrats hors de leur juridiction de nomination

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

En l'état du droit en vigueur, le code de l'organisation judiciaire et le code de procédure pénale prévoient plusieurs dispositifs permettant d'affecter temporairement un magistrat du siège ou du parquet dans une autre juridiction que celle dans laquelle il a été nommé182(*).

La plupart de ces dispositifs concernent des mesures dites de « délégation », permettant de missionner au sein d'autres juridictions que la leur, des magistrats affectés au siège ou au parquet des tribunaux judiciaires, tribunaux de première instance, cours d'appel et du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre (collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon).

Ces dispositifs de délégation, parfois anciens183(*) et employés à niveau constant d'effectifs184(*), sont des mesures confiées par le code de l'organisation judiciaire aux chefs de cour pour assurer l'administration des juridictions185(*).

Les conditions de recours à ces délégations sont strictement encadrées par les textes et conditionnées principalement aux cas de vacance d'emploi, d'absence, d'empêchement ou encore lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions apparait indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable.

Ces mécanismes d'adaptation et de renforcement temporaire d'une juridiction sont aussi l'expression du principe général consacré à l' article L. 111-4 du code de l'organisation judiciaire, lequel dispose que « la permanence et la continuité du service public de la justice demeurent toujours assurées ».

Ces mesures d'organisation s'accompagnent par ailleurs de garanties importantes (durée, limitation géographique, motifs de délégation) au bénéfice des magistrats délégués.

A titre d'exemple, l' article L. 121-4 du code de l'organisation judiciaire prévoit la possibilité de déléguer, par ordonnance du premier président d'une cour d'appel, des magistrats du siège de la cour d'appel et des tribunaux judiciaires du ressort de ladite cour pour exercer des fonctions judiciaires dans les tribunaux du ressort de la même cour d'appel, en cas de vacance d'emploi ou d'empêchement d'un ou plusieurs magistrats ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions du premier degré apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable.

Dans le cadre de ce dispositif, un magistrat ne peut être délégué plus de cinq fois au cours de la même année judiciaire. En outre, ses délégations ne peuvent excéder une durée totale de trois mois, exception faite des délégations de magistrats dans les fonctions de juge de l'expropriation, dont la durée annuelle totale peut être portée à six mois. Cette exception est justifiée par les spécificités de la matière et de la procédure applicable en matière d'expropriation, nécessitant de mener une opération de plusieurs dossiers à son terme, avec un bon niveau de connaissance du droit applicable et du foncier local.

S'agissant des magistrats du parquet, l' article R. 122-2 du code de l'organisation judiciaire instaure la possibilité de déléguer un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet d'un tribunal judiciaire du ressort de la cour d'appel, pour remplir les fonctions du ministère public près les tribunaux du ressort de ladite cour, en cas de vacance d'emploi ou d'empêchement d'un ou plusieurs magistrats ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions du premier degré apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable. Cette délégation, décidée par le procureur général, ne peut excéder une durée de trois mois.

Des mécanismes de délégations de magistrats sont ainsi prévus par plusieurs dispositions législatives et réglementaires du code de l'organisation judiciaire.

S'agissant des magistrats du siège :

- Dispositif général de délégation des magistrats du siège de cours d'appel ou de tribunaux judiciaires dans des juridictions du premier degré situées dans un même ressort de cour d'appel : article L. 121-4 ;

- Délégation de magistrats du siège de la cour d'appel de Paris compléter les effectifs du tribunal de première instance de Nouméa (collectivité de Nouvelle-Calédonie) : articles L. 562-6-1 et R. 562-11-1 ;

- Délégation des magistrats du siège des tribunaux judiciaires du ressort d'une cour d'appel située dans un département d'outre-mer, pour exercer des fonctions judiciaires au sein de cette cour d'appel : article R. 312-4 ;

S'agissant des magistrats du parquet :

- Dispositif général de délégation des magistrats du parquet général ou du parquet d'un tribunal judiciaire dans une juridiction du premier degré du ressort de la cour d'appel : article R. 122-2 ;

- Dispositif général de délégation au sein d'une cour d'appel d'un procureur de la République adjoint ou d'un vice-procureur du parquet d'un tribunal judiciaire du ressort de cette cour : article R. 122-3 ;

- Délégation des magistrats du parquet des tribunaux judiciaires du ressort d'une cour d'appel située dans un département d'outre-mer pour exercer des fonctions judiciaires au sein cette cour : article R. 312-17 ;

- Délégation d'un magistrat du parquet général près la cour d'appel de Saint-Denis-de-La-Réunion (département de la Réunion) ou d'un magistrat du parquet près le tribunal judiciaire de Mamoudzou (département de Mayotte), pour exercer les fonctions de procureur général à la chambre d'appel de Mamoudzou  : article R. 314-5 ;

D'autres dispositifs permettant d'affecter temporairement un magistrat du siège ou du parquet dans une autre juridiction que celle dans laquelle il a été nommé sont également prévus par des dispositions législatives et réglementaires du code de l'organisation judiciaire et du code de procédure pénale. Il s'agit de dispositifs de mutualisation de fonctions et de suppléances, qui ne sont pas des « délégations » stricto sensu, mais qui s'en rapprochent en ce qu'ils organisent l'intérim d'un magistrat par la désignation d'un magistrat extérieur à la juridiction. Ces textes peuvent être recensés comme suit.

S'agissant des magistrats du siège :

- Dispositif général de mutualisation des fonctions de juge des libertés et de la détention dans au plus deux autres tribunaux judiciaires d'un même ressort de cour d'appel : alinéas 2 et 3 de l' article 137-1-1 du code de procédure pénale186(*) ;

- Suppléance de magistrats du tribunal de première instance de Saint-Pierre par le président du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre (collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon) : article L. 513-3 du code de l'organisation judiciaire ;

- Suppléance par un magistrat du siège de la cour d'appel de Paris pour assurer les fonctions de magistrat du tribunal de première instance de Saint-Pierre : articles L. 513-4 et R. 513-2 du même code ;

- Suppléance par un magistrat du tribunal de première instance de Saint-Pierre des fonctions de président du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre : article L. 513-7 du même code ;

- Suppléance par un magistrat du siège de la cour d'appel de Paris des fonctions de président du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre : articles L. 513-8 et R. 513-9 du même code ;

- Suppléance par un magistrat du siège de la cour d'appel de Nouméa (collectivité de Nouvelle-Calédonie) des fonctions de président du tribunal de première instance de Mata-Utu (collectivité de Wallis-et-Futuna) : article L. 532-17 du même code ;

- Suppléance d'un magistrat du siège de la cour d'appel de Papeete (collectivité de Polynésie française) par un magistrat du tribunal de première instance de Papeete : article R. 552-26 du même code ;

- Suppléance d'un magistrat du siège de la cour d'appel de Nouméa par un magistrat du siège du tribunal de première instance : article R. 562-35 du même code.

S'agissant des magistrats du parquet :

- Dispositif général de mutualisation des fonctions de magistrat du parquet d'un tribunal judiciaire dans au plus deux autres tribunaux judiciaires d'un même ressort de cour d'appel : article R. 122-4 du code de l'organisation judiciaire ;

- Suppléance par un magistrat du parquet général de la cour d'appel de Paris des fonctions du procureur de la République du tribunal de première instance de Saint-Pierre : article L. 513-11 du même code ;

- Suppléance par un magistrat du parquet du ressort de la cour d'appel de Nouméa pour remplacer le procureur de la République du tribunal de première instance de Mata-Utu : article L. 532-18 du même code ;

- Suppléance du procureur de la République du tribunal de première instance de Papeete par un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet du tribunal de première instance: article R. 552-15 du même code ;

- Suppléance d'un magistrat du parquet de la cour d'appel de Papeete par un magistrat du parquet du tribunal de première instance : article R. 552-27 du même code ;

- Suppléance du procureur de la République du tribunal de première instance de Nouméa par un magistrat du parquet général de la cour d'appel de Nouméa ou un magistrat du parquet du tribunal de première instance: article R. 562-24 du même code ;

- Suppléance d'un magistrat du parquet de la cour d'appel de Nouméa par un magistrat du parquet du tribunal de première instance : article R. 562-36 du même code.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

En l'état du droit en vigueur, l'ensemble de ces dispositifs doit être concilié avec les termes de l'article 64 de la Constitution187(*) et ceux de l' ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958. Il convient en effet de concilier entre eux plusieurs principes à valeur constitutionnelle tels que l'inamovibilité et l'indépendance des magistrats avec les exigences d'une bonne administration de la justice.

L'article 1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 évoque notamment, parmi les membres du corps judiciaire, « les magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation, des cours d'appel et des tribunaux de première instance ».

L'article 4 de l'ordonnance statutaire dispose par ailleurs que : « Les magistrats du siège sont inamovibles. En conséquence, le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement ».

L'article 5 de cette ordonnance dispose notamment que : « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ».

L'article 7 de l'ordonnance dispose que : « les magistrats sont installés dans leurs fonctions en audience solennelle de la juridiction à laquelle ils sont nommés ou rattachés ».

L'article 31 de cette même ordonnance dispose notamment que : « Lorsqu'il est procédé à la suppression d'une juridiction, les magistrats du siège et les magistrats du parquet reçoivent une nouvelle affectation ».

L'ensemble des dispositifs existants du code de l'organisation judiciaire et du code de procédure pénale qui permettent d'affecter temporairement un magistrat dans une autre juridiction que celle où il est nommé répondent, d'une part, à l'exigence d'une bonne administration de la justice, objectif à valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen188(*).

D'autre part, ces dispositifs s'inscrivent dans le respect de l'exigence du délai raisonnable de la durée des procédures judiciaires consacré par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit notamment que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ».

Le projet de loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice instituait deux nouveaux dispositifs de délégation des magistrats, l'un permettant la délégation de magistrats exerçant à titre temporaire ou de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles au sein de tribunaux judiciaires du ressort d'une même cour d'appel afin d'en assurer « le renforcement temporaire et immédiat » (1° de l'article 103), l'autre permettant de déléguer des magistrats de la cour d'appel de Paris dans une juridiction d'outre-mer afin d'en compléter provisoirement l'effectif (article 104). Ces deux délégations supplémentaires avaient donné lieu à la création des articles L. 121-5 et L. 125-1 du code de l'organisation judiciaire189(*).

Toutefois, les dispositions de ces deux articles ont été déclarées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019. Il a considéré que « En spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le constituant a entendu accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire. La loi organique doit par suite déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées. S'il est loisible au législateur de prévoir les conditions et les limites dans lesquelles des magistrats du siège, des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles peuvent être provisoirement délégués au sein d'autres juridictions que celle dans laquelle ils ont été nommés, pour une durée annuelle pouvant aller jusqu'à trois mois, de telles dispositions mettent en cause le statut des magistrats et relèvent donc d'une loi organique »190(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Italie et au Luxembourg, où les magistrats peuvent être considérés comme indépendants et inamovibles, sous certaines nuances (tenant à la distinction entre le siège ou le parquet, ou à des spécificités nationales), des formes d'affectation provisoire hors juridiction de magistrats existent.

· Allemagne

En application du § 27 de la loi allemande sur la magistrature191(*) (Deutsches Richtergesetz - DRiG), si les juges sont affectés auprès d'un tribunal, ils peuvent se voir attribuer une autre fonction judiciaire au sein d'un autre tribunal si la loi le permet. Le détachement d'un juge est prévu au § 37 de la loi. Il est d'une durée déterminée, auprès d'autres tribunaux du même degré aux fins de remplacement d'un juge pendant une période maximale de trois mois au cours d'un même exercice judiciaire. Les conditions de mise en oeuvre de cette possibilité apparaissent relever de la compétence des Länder.

· Belgique

Des délégations sont prévues à la section IX du code judiciaire192(*) (articles 98 à 99 quater). Lorsque les nécessités du service au sein d'un tribunal de première instance ou d'un tribunal de l'entreprise le justifient, le premier président de la cour d'appel peut déléguer par ordonnance un juge du ressort de la cour d'appel, qui accepte cette délégation, pour y exercer temporairement les fonctions de juge. La délégation prend fin avec la cessation de la cause qui l'a motivée, ou à l'expiration du délai mentionné dans l'ordonnance de délégation.

· Espagne

La loi organique du pouvoir judiciaire193(*) (Ley Orgànica 6/1985, de 1 de julio, der Poder Judicial) fixe le statut, les fonctions, les incompatibilités, en matière de nominations, de promotion, d'inspection et de régime disciplinaire des magistrats du siège.

Trois hypothèses d'affectation provisoire hors juridiction de magistrats du siège ont été relevées :

- En application de l'article 199 de la loi, lorsqu'il n'y a pas suffisamment de magistrats présents pour constituer une chambre dans les Audiences provinciales ou les Tribunaux supérieurs, il est fait appel à d'autres magistrats selon un ordre déterminé : en premier, aux magistrats du même corps figurant sur la liste des suppléants professionnels, puis aux magistrats extérieurs au corps, aux juges territorialement affectés, enfin aux magistrats ayant une moindre charge de travail sur le territoire d'affectation.

- Selon les termes de l'article 210 de la loi, les remplacements des juges sont régis par les plans de remplacement annuels. Sont inscrits sur ces plans, les magistrats volontaires. Ces plans de suppléance permettent de garantir la disponibilité des juges afin de couvrir les absences immédiates.

- L'article 216 bis de la loi prévoit, qu'en cas de retard exceptionnel ou d'accumulation d'affaires dans une juridiction donnée qui ne peut pas être corrigée par le renforcement du personnel de l'Office judiciaire, le Conseil général de la magistrature peut convenir de mesures exceptionnelles de soutien judiciaire consistant en le détachement de juges d'autres organes judiciaires, qualifiés de « juges d'appui ».

Pour les magistrats du parquet, lorsque le volume ou la complexité des affaires l'exige, le procureur général de l'Etat peut ordonner l'affectation temporaire d'un ou plusieurs procureurs à un parquet déterminé (article 21 de la loi 50/1981 du 30 décembre portant statut organique du ministère public194(*)).

· Luxembourg

L'article 6 de la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire195(*) prévoit la possibilité, en cas de nécessité urgente, qu'un juge de paix soit chargé par le président de la cour supérieure de justice, à titre temporaire, d'exercer des fonctions auprès d'une autre justice de paix que celle de sa nomination, pour une durée de maximum six mois.

De façon similaire s'agissant des tribunaux d'arrondissement, en cas d'empêchement légitime ou de vacance d'un juge, le président de la cour supérieure de justice peut, par ordonnance, déléguer un juge ou un juge suppléant d'un autre tribunal d'arrondissement pour y exercer temporairement ses fonctions, avec son consentement. La délégation prend fin avec la cessation de la cause qui l'a motivée (article 13 de la loi).

De la même manière pour les magistrats du parquet, lorsque les nécessités de service le justifient, le procureur général d'Etat peut déléguer un magistrat de l'un des parquets pour exercer temporairement les fonctions du ministère public dans l'autre parquet (article 13, dernier alinéa, de la loi).

· Italie

S'il existe des raisons inévitables et prépondérantes liées aux exigences de fonctionnement de certains offices, l'article 110 de la loi sur l'organisation judiciaire196(*) prévoit que un ou plusieurs magistrats (du siège et du parquet) exerçant dans les tribunaux du même district ou d'un autre district, peuvent être affectés aux tribunaux ordinaires, aux tribunaux pour enfants et de surveillance et aux cours d'appel. L'affectation est réalisée sur la base de critères objectifs préétablis du Conseil supérieur de la magistrature, par décret du président de la cour d'appel ou du procureur général de la cour d'appel.

Cette affectation ne peut avoir une durée supérieure à un an, renouvelable d'un an maximum en cas de nécessité. Une affectation ultérieure ne peut intervenir qu'après deux ans à compter de la fin de la période précédente d'affectation.

En outre, un système inspiré en partie par celui des magistrats placés français a été mis en place par une réforme de 2019. Des « magistrats de district », c'est-à-dire des magistrats affectés au ressort de chaque cour d'appel (pour le siège et le parquet) pouvaient déjà permettre de faire face à des situations d'absence temporaire des magistrats de leur poste, depuis la loi du 13 février 2001 n° 48197(*). Pour plus de flexibilité, il existe désormais des « plans de personnel de district flexible » (piante organiche flessibili distrettuali), c'est-à-dire un quota de magistrats destiné à remplacer les magistrats absents ou à être affectés aux offices judiciaires du district qui se trouvent dans un état critique de performance (articles 4 à 8). Ces quotas sont déterminés par décret du ministre de la justice et sont révisés au moins tous les deux ans. Ces magistrats sont affectés aux tribunaux du district pour faire face aux manques d'effectifs et notamment, en cas de maladie, congés de maternité, suspension et exonération des fonctions juridictionnelles des magistrats198(*). Les affectations ont lieu par décret du président de la cour d'appel ou du procureur général de la cour d'appel, communiqué au ministre. L'affectation ne peut avoir une durée inférieure à un an, auquel il est possible de déroger en cas de nécessités particulières. L'article 8 de la loi n° 48/2001 prévoit des avantages pour les magistrats faisant partie des plans de personnel, à savoir une incitation économique et une priorité pour les futurs changements de poste.

Les suppléances et affectations font l'objet d'une circulaire du CSM du 20 juin 2018199(*), mise à jour en mai 2022, qui en détaille les modes de fonctionnement.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Il convient de légiférer afin de :

- Tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-778 du 21 mars 2019 et conférer ainsi un niveau de loi organique aux dispositifs du code de l'organisation judiciaire et du code de procédure pénale portant affectation temporaire de magistrats du siège ou du parquet hors de leur juridiction de nomination (dispositions qui sont susceptibles d'affecter leur statut au terme de la jurisprudence constitutionnelle) ;

- Modifier et créer également des dispositifs de délégation pour assurer la bonne administration et le principe de continuité de la justice face aux nouvelles sources de tension des juridictions (délégation générale dans un ressort de CA, délégation de magistrats en outre-mer et en Corse, délégations de magistrat honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et de MTT etc.).

- Apporter des garanties nouvelles pour encadrer davantage le recours à la délégation dans le respect des règles statutaires des magistrats judiciaires.

Le statut des magistrats figure parmi les matières que l'article 34 de la Constitution inclut dans la compétence du législateur et ressort du domaine d'intervention des lois organiques. Cette exigence d'un niveau de norme supérieur permet d'assurer une pleine effectivité des garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire. La loi organique portant statut des magistrats doit ainsi déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application de ces règles200(*).

Par suite, le Conseil d'Etat a affirmé la compétence du législateur organique pour toute disposition permettant d'affecter temporairement un magistrat du siège ou du parquet dans une autre juridiction que celle dans laquelle il a été nommé. Cette position a été explicitée dans un avis du 30 juillet 2015 sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle visant notamment l' article 137-1-1 du code de procédure pénale : « Le projet de loi tire les conséquences, sur la rédaction de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale, d'un article du projet de loi organique « relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société » qui modifie l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, pour prévoir que le juge des libertés et de la détention sera nommé par décret du Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

L'article 137-1-1 autorise le premier président de la cour d'appel à affecter temporairement, pour quarante jours au maximum par année judiciaire et concurremment, un juge des libertés et de la détention dans au plus deux juridictions autres que celle dans laquelle il a été nommé, afin de pourvoir à l'absence d'autres juges des libertés et de la détention.

Or, il résulte des dispositions des articles 4, 7 et 28-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut des magistrats que ceux-ci sont nommés, au titre d'une fonction déterminée, dans une juridiction désignée dans l'acte de nomination. Par suite, une dérogation à cette garantie statutaire doit être prévue, dans son principe, par la loi organique.

Le Conseil d'État a donc invité le Gouvernement à amender le projet de loi organique mentionné ci-dessus pour donner une assise générale de principe aux dispositions (telles que celles de l'article L. 121-4 du code de l'organisation judiciaire ou de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale) permettant aux chefs de juridiction d'affecter temporairement un magistrat du siège ou du parquet dans une autre juridiction que celle dans laquelle il a été nommé, afin de remplacer des magistrats absents. »201(*).

La décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2019 a ensuite confirmé cette nécessité d'une intervention du législateur organique, spécifiquement dans le cadre des dispositifs de délégations des magistrats de l'ordre judiciaire, lesquelles emportent aussi cette affectation temporaire hors leur juridiction, et affectent en ce sens leur statut202(*).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Dans ce contexte, la réforme envisagée poursuit trois objectifs principaux.

2.2.1. Conférer le niveau de loi organique aux dispositions censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 mars 2019

Le premier objectif est de réintégrer les deux dispositions censurées par le Conseil constitutionnel dans le code de l'organisation judiciaire, qui s'avèrent toujours nécessaires au regard du principe de continuité de la justice.

Ainsi, le projet d'article L. 121-5 du code de l'organisation judiciaire censuré, relatif à la création d'un dispositif de délégation de MTT et MHFJ dans les tribunaux judiciaires, devient l'article LO. 121-5 du même code sans modification de fond.

Le projet d'article L. 125-1 du code de l'organisation judiciaire censuré, relatif à un mécanisme de délégation qui a vocation à permettre les délégations de magistrats en outre-mer, devient l'article LO. 125-1 dudit code avec les modifications suivantes :

- Elargissement du vivier de volontaires : le dispositif permettra de déléguer des magistrats affectés dans le ressort de la cour d'appel de Paris et d'Aix-en-Provence et non plus seulement ceux de la cour d'appel de Paris ;

- Elargissement des juridictions de délégation : les juridictions de la collectivité de Corse pourront bénéficier de ce dispositif de renforts en magistrats au même titre que celles situées en outre-mer.

Ce dispositif permettra de renforcer temporairement des juridictions situées en outre-mer ou en Corse, pour pallier certaines difficultés d'exercice professionnel des services judiciaires ultramarins ou corses, que celles-ci fassent suite à la survenance de crises sociales ou climatiques, ou qu'elles résultent d'une conjoncture difficile pour certaines juridictions déjà en tension203(*).

2.2.2. Conférer le niveau de loi organique à l'ensemble des dispositifs du code de l'organisation judiciaire et du code de procédure pénale affectant temporairement un magistrat dans une autre juridiction

Le second objectif de la mesure envisagée est de tirer pleinement les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel précitée, en conférant le niveau de loi organique à l'ensemble des dispositions actuellement en vigueur dans le code de l'organisation judiciaire et dans le code de procédure pénale susceptibles d'affecter le statut des magistrats.

Ainsi, les dispositions législatives et réglementaires affectant temporairement des magistrats de siège ou du parquet dans d'autres juridictions204(*) voient leur niveau de norme relevé au rang de loi organique.

2.2.3. Harmoniser, actualiser et clarifier le régime d'affectation temporaire des magistrats nommés dans une juridiction

La réforme envisagée poursuit enfin la réalisation d'un triple objectif d'actualisation, de lisibilité et de sécurisation des dispositifs affectant temporairement un magistrat du siège ou du parquet dans une autre juridiction que celle dans laquelle il a été nommé, pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel qui confère à ces dispositifs le caractère d'une disposition susceptible d'affecter leur statut relevant d'une loi organique.

Ainsi, indépendamment de l'insertion des nouveaux modes de délégation précités dans le code de l'organisation judiciaire (nouveaux articles LO. 121-5 et LO. 125-1), les modifications de fond suivantes sont ainsi apportées aux différents dispositifs du code de l'organisation judiciaire :

- Création d'un dispositif général de délégation des magistrats du siège d'un tribunal judiciaire dans une cour d'appel, également applicable dans les juridictions situées en outre-mer et en Corse (article LO. 121-4-1 du code de l'organisation judiciaire) ;

Ce nouveau dispositif reprend celui prévu par l'article R. 312-4 du code de l'organisation judiciaire, applicable dans sa rédaction actuelle uniquement dans les départements d'outre-mer, et l'étend à l'ensemble des cours d'appel, en restreignant les conditions d'ouverture de ces délégations à la seule nécessité d'un renforcement temporaire et immédiat de la juridiction (article L. 121-4 actuel qui devient LO. 121-4 du code de l'organisation judiciaire) ;

- Par parallélisme des formes, création d'un dispositif général de délégation d'un magistrat du parquet d'un tribunal judiciaire au sein de la cour d'appel selon les mêmes modalités (article LO. 122-6 du code de l'organisation judiciaire) par la fusion des dispositions actuellement prévues aux articles R. 122-3 et R. 312-17 du code de l'organisation judiciaire, qui seront donc abrogées ;

Ce dispositif vient ainsi compléter celui déjà existant permettant une délégation dans le sens inverse, c'est-à-dire d'un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet d'un tribunal judiciaire vers un tribunal judiciaire d'un même ressort de cour d'appel (actuel article R. 122-2 devenant l'article LO. 122-5 du code de l'organisation judiciaire) ;

- Par ailleurs, le consentement à la délégation a été ajouté dans la majorité des dispositifs de délégation des magistrats du siège ou du parquet insérés dans le présent projet de loi organique afin d'encadrer davantage le recours à la délégation et d'accroitre les garanties statutaires accordées aux magistrats délégués, conformément aux articles 1, 4, 5 et 7 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 ;

- S'agissant particulièrement des magistrats du siège, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale sont intégrées dans le code de l'organisation judiciaire par la création d'un nouvel article LO. 213-10-1205(*), dans cet objectif de lisibilité des dispositifs affectant temporairement un magistrat dans une autre juridiction que celle dans laquelle il a été nommé. L'article 4 de l'ordonnance statuaire impliquant le consentement du magistrat du siège à toute affectation nouvelle, l'accord du juge des libertés et de la détention à ce dispositif a été également ajouté pour ces dispositions qui permettent à ce magistrat d'exercer ses fonctions dans deux juridictions supplémentaires en fin de semaine et lors de périodes de service allégé ;

- S'agissant du parquet, dans les dispositifs prévoyant la suppléance d'un magistrat du parquet par un magistrat affecté, soit au parquet de la même juridiction, soit au parquet d'une autre juridiction, le consentement à la délégation a été inséré uniquement pour le magistrat du parquet relevant d'une autre juridiction, conformément au critère tenant à l'affectation temporaire du magistrat hors de sa de juridiction de nomination. Ainsi en est-il notamment des dispositifs visant spécifiquement la suppléance du procureur de la République prévus aux nouveaux articles LO.552-9-1 et LO. 562-24-2 du COJ206(*) ;

- En outre, dans les délégations nécessitant une inscription préalable sur une liste de volontaires (articles LO. 125-1, LO. 513-4, LO. 513-8 et LO. 532-17 du code de l'organisation judiciaire) un double accord du magistrat est prévu : un premier pour être inscrit sur la liste des volontaires, puis un second au moment de l'activation de la délégation ;

- Enfin, une précision a été apportée dans le texte pour assurer que l'ensemble des délégations d'un magistrat prises sur le fondement des articles LO. 121-4, LO. 121-4-1, LO. 122-5, LO. 122-6 et LO. 125-1 ne peut excéder une durée totale de trois mois sur une période de douze mois consécutifs : avec ce « dispositif verrou », un magistrat du siège ou un magistrat du parquet ne pourra donc pas cumuler durant cette période plus de 3 mois de délégation en outre-mer, dans les tribunaux du ressort de la cour d'appel où il est nommé, et dans les services de cette cour d'appel.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée : conférer une seule valeur législative aux dispositions du code de l'organisation instituant des délégations de magistrats

Il aurait pu être envisagé de considérer que les dispositions instituant des délégations de magistrats relevaient de la compétence du législateur ordinaire.

Partant, seules les dispositions réglementaires du code de l'organisation judiciaire auraient alors été modifiées dans le but de leur conférer une valeur législative.

Cette question s'était d'ailleurs posée au sujet des dispositions des articles R. 122-2 et R. 122-4 du code de l'organisation judiciaire prévoyant des délégations de magistrats du parquet dans les tribunaux judiciaires.

En effet, avant la refonte du code de l'organisation judiciaire opérée par l' ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l'organisation judiciaire et modifiant le code de commerce, le code rural et le code de procédure pénale (partie Législative), ces dispositions relevaient du niveau législatif (respectivement les anciens articles L. 221-2 et L. 221-3 dudit code).  La section de l'Intérieur du Conseil d'Etat avait déclassé207(*) ces articles qui sont ainsi devenus R. 122-2 et R. 122-4208(*).

Toutefois en 2012, le Conseil d'Etat, saisi d'un projet de décret modifiant l'article R. 122-4 du code de l'organisation judiciaire, a considéré que ce dernier avait été déclassé à tort en disposition à valeur réglementaire, au motif que « le pouvoir réglementaire n'est pas compétent pour prévoir, sans y être habilité par la loi, la possibilité, les motifs et les conditions d'une telle modification de compétence, serait-elle seulement temporaire. Il en résulte que, à défaut d'une habilitation législative du type de celle qui figurait à L. 221-3 COJ avant son abrogation en 2006, un décret ne peut permettre au procureur général d'étendre les compétences des magistrats du parquet de son ressort »209(*).

Cet avis précisait que :

« - D'une part les règles qui définissent les compétences tant d'attribution que territoriales des magistrats du parquet relèvent de la loi aux termes de l'article 34 de la constitution. Or ce projet de décret a pour conséquence de donner au magistrat du parquet général ainsi délégué des attributions qui sont confiées par la loi au procureur de la République et d'étendre au-delà des limites légales la compétence territoriale des magistrats des parquets de tribunaux de grande instance.

- D'autre part les nominations de tous les magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet, sont régies par la Constitution du 4 octobre 1958 et l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Au terme de la procédure mise en oeuvre, et après avis du Conseil supérieur de la magistrature, les magistrats sont nommés sur une fonction déterminée et dans une juridiction précisément identifiée ».

Cette position du Conseil d'Etat semblait pouvoir s'appliquer à l'ensemble des dispositions réglementaires du code de l'organisation judiciaire instituant des délégations de magistrats du siège ou du parquet, en ce qu'ils prévoient, pour la bonne administration de la justice, de renforcer les services d'une juridiction en modifiant temporairement l'affectation d'un magistrat d'une juridiction à une autre.

Toutefois, la référence à l'ordonnance statutaire ainsi que la position adoptée par la suite par le Conseil d'Etat dans son avis précité du 31 juillet 2015, confortée par la décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 du Conseil constitutionnel, ont permis d'écarter cette option consistant à conférer une valeur législative ordinaire aux seules dispositions instituant des délégations de magistrats.

3.1.2. Option écartée : conférer une valeur de loi organique uniquement aux dispositions relatives aux délégations des magistrats du siège

Une autre option consistait à considérer que la décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2019 ne visait que les délégations des magistrats du siège et que dès lors, les dispositions portant sur les délégations des magistrats du parquet relevaient de la loi ordinaire et non de la loi organique.

Dans sa décision du 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel débutait d'ailleurs son analyse au sujet des articles 103 et 104 du projet de loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice par les termes suivants : « Aux termes de l'article 64 de la Constitution : Une loi organique porte statut des magistrats. - Les magistrats du siège sont inamovibles », de sorte qu'une lecture restrictive des termes de cette décision laissait à considérer que seules les délégations concernant les magistrats du siège relèveraient d'une loi organique.

Cette lecture restrictive rejoignait une logique d'opportunité, selon laquelle toute modification ultérieure nécessiterait systématiquement l'intervention du législateur organique.

Cette option n'a toutefois pas été retenue.

3.2. OPTION RETENUE : CONFÉRER UNE VALEUR DE LOI ORGANIQUE À L'ENSEMBLE DES DISPOSITIONS DU CODE DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE ET DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE AFFECTANT TEMPORAIREMENT UN MAGISTRAT DU SIÈGE OU DU PARQUET DANS UNE AUTRE JURIDICTION QUE CELLE DANS LAQUELLE IL A ÉTÉ NOMMÉ

L'option retenue considère que l'exigence constitutionnelle d'un niveau de norme organique pour toute disposition affectant temporairement un magistrat du siège ou du parquet dans une autre juridiction que celle dans laquelle il a été nommé n'est susceptible d'aucune distinction selon leur appartenance au siège ou au parquet.

Cette analyse est conforme à l'esprit de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, laquelle prévoit déjà un dispositif de délégation de magistrats du siège et du parquet : celui relatif aux magistrats placés.

Dès lors, la compétence du législateur organique pour déterminer les modalités de délégation de magistrats du siège mais également du parquet se justifie aussi par le lien qu'il est possible de faire avec les dispositions du statut de la magistrature relatives aux magistrats placés.

Ces dispositions sont prévues par l'article 3-1 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 relatif aux magistrats placés du siège et du parquet, et visent à apporter des garanties statutaires à ces magistrats susceptibles de faire l'objet de délégations répondant à un objectif de bonne administration de la justice (remplacer temporairement les magistrats empêchés d'exercer leurs fonctions du fait de congés de maladie, de longue maladie, pour maternité ou adoption ou du fait de leur participation à des stages de formation, ou admis à prendre leur congé annuel, ou occuper un emploi vacant).

Par analogie, le même raisonnement peut être appliqué aux dispositions du code de l'organisation judiciaire relatives à des hypothèses de délégations de magistrats du siège mais également du parquet, dès lors que ces dispositions visent à permettre de renforcer temporairement une juridiction dans l'objectif d'assurer la continuité et la bonne administration du service de la justice, et qu'elles s'accompagnent de garanties statutaires (durée, limitation géographique).

Pour ces raisons, l'option visant à conférer une valeur de loi organique à l'ensemble des dispositions portant délégations des magistrats, qu'ils soient affectés au siège ou au parquet, a été retenue.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées nécessitent de modifier la partie législative du code de l'organisation judiciaire selon les modalités suivantes :

- Faire remonter à un niveau de loi organique les dispositions législatives et réglementaires du code de l'organisation judiciaire instaurant des délégations de magistrats du siège ou du parquet : cette modification de niveau de norme nécessite de modifier les livres Ier, III et V du code de l'organisation judiciaire ;

- Créer de nouvelles dispositions législatives organiques réintégrant les dispositions des articles L. 121-5 et L. 125-1 du code de l'organisation judiciaire censurées par la décision du Conseil constitutionnel du 21 mars 2019 précitée ;

A cet égard, il convient de préciser que la réintégration de l'article L. 125-1 en LO. 125-1 du code de l'organisation judiciaire, portant sur les délégations de magistrats pour renforcer les juridictions situées en outre-mer et en Corse, nécessite d'introduire un nouveau Chapitre V intitulé « Dispositions particulières aux collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution et à la collectivité de Corse » après le chapitre IV du titre II du livre Ier dudit code.

- Abroger les dispositions particulières aux juridictions situées en outre-mer qui entrent dans le champ des dispositifs généraux de délégations des magistrats : sont ainsi abrogés les articles L. 513-11 et L. 562-6-1 du code de l'organisation judiciaire, qui concernent respectivement les tribunaux de première instance de Saint-Pierre et de Nouméa, car entrant dans le champ d'application du nouvel article LO. 125-1 du même code mentionné ci-dessous ;

- Faire remonter à un niveau de loi organique les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale210(*) en l'intégrant dans le code de l'organisation judiciaire par la création d'un article LO. 213-10-1 inséré dans le chapitre III du titre Ier du livre II, consacré aux fonctions particulières exercées au sein du tribunal judiciaire.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Le renforcement du niveau des garanties apportées aux dispositifs statutaires permettant d'affecter temporairement des magistrats hors de leur juridiction pour assurer le bon fonctionnement de la justice, qui tire les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel, entend favoriser une plus grande confiance des citoyens dans l'institution judiciaire.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'étude du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023. Une consultation obligatoire des assemblées délibérantes des collectivités suivantes, saisies le 23 février 2023, a été réalisée :

- L'assemblée de Corse ;

- Le conseil départemental de la Guadeloupe ;

- Le conseil départemental de La Réunion ;

- L'assemblée de Guyane ;

- L'assemblée de Martinique ;

- Le conseil départemental de Mayotte ;

- L'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna ;

- L'assemblée de la Polynésie française ;

- Le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- Le congrès de la Nouvelle-Calédonie ;

- Le conseil territorial de Saint-Martin ;

- Le conseil territorial de Saint-Barthélemy.

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les collectivités de Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Nouvelle-Calédonie sont régies par le principe de la spécialité législative en vertu respectivement des dispositions de la loi organique modifiée n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, de celles de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer et des dispositions de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Il en résulte que dans les domaines de compétence de l'Etat, comprenant l'organisation judiciaire, les lois et règlements trouvent à s'appliquer, sans préjudice de leur adaptation, s'ils comportent une mention expresse d'applicabilité.

Toutefois et par exception, sont applicables de plein droit dans ces collectivités, les dispositions législatives ou réglementaires qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinées à régir l'ensemble du territoire de la République, dites « lois de souveraineté », conformément à leurs dispositions statutaires.

Par ailleurs, les contours de cette catégorie de normes de « lois de souveraineté », sont définis par la jurisprudence.

Il s'agit notamment des lois organiques, en tant qu'elles portent sur des matières non spécifiques à une collectivité ou à une catégorie de collectivités (Cons. cons., 30 juillet 2003, n° 2003-478 DC et n° 2003-482 DC).

Or, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, les dispositions du projet de loi organique modifiant le code de l'organisation judiciaire portent sur le statut de la magistrature, matière non spécifique aux collectivités précitées.

En effet, les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

Aucune mention d'application n'est donc nécessaire en droit pour assurer son extension dans les collectivités relevant de la spécialité législative.

5.2.3. Textes d'application

Tout d'abord, un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire afin d'abroger les articles réglementaires dont les dispositions ont été remontées à un niveau de loi organique. Sont ainsi concernés notamment les articles R. 122-2, R. 122-3, R. 312-4 et R. 312-17 du COJ mentionnés infra.

Un décret en Conseil d'Etat sera également nécessaire pour procéder à des dispositions de coordination. Cela vise entre autres les articles R. 212-14 al. 2 et R. 312-16 al. 2 du COJ nécessitant une modification afin de renvoyer aux nouveaux articles L.O en lieu et place des articles R. 122-2 et R. 122-3 qui seront abrogés.

Ensuite, il conviendra de modifier l'arrêté du 22 décembre 2008 pris pour l'application des articles R. 513-5, R. 513-11 et R. 532-22 du code de l'organisation judiciaire et fixant les caractéristiques techniques des moyens de communication audiovisuelle susceptibles d'être utilisés à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. En effet, cet arrêté mentionne les articles L. 513-4, L. 513-8, L. 513-11 et L. 532-17 du code de l'organisation judiciaire qui deviennent des articles de loi organique, à l'exception de l'article L. 513-11 qui sera abrogé.

Article 6 - Dialogue social

I. Rénovation de la commission d'avancement

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La liberté syndicale est un droit reconnu par l'article 6 du Préambule de la Constitution de 1946 qui n'est pas dénié aux magistrats de l'ordre judiciaire. Il a toujours été considéré que le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique était applicable aux magistrats ; les circulaires dites « Badinter » du 6 mai 1983 et « Vauzelle » du 4 novembre 1992 ont précisé les conditions d'application du décret du 28 mai 1982 tant à l'égard des fonctionnaires du ministère de la justice que des magistrats.

Le droit syndical au profit des magistrats a été reconnu sur le plan législatif par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature en introduisant un article 10-1 au sein de l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. Cette réforme a également permis l'application des dispositions du décret du 28 mai 1982 dès lors qu'elles sont compatibles avec le statut des magistrats de l'ordre judiciaire.

C'est sur la base de cet article que la représentativité des organisations syndicales de magistrats est déterminée, soit en cas d'obtention d'un siège à la commission d'avancement, soit en cas d'obtention d'une audience suffisante lors de l'élection du collège de magistrats mentionné à l'article 13-1 de l'ordonnance statutaire, audience dont le taux est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. Le décret n° 2017-712 du 2 mai 2017 relatif à l'exercice du droit syndical dans la magistrature et pris pour l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature fixe ce taux minimal pour déterminer le caractère représentatif d'une organisation syndicale de magistrats à 6 % des suffrages exprimés lors de l'élection du collège de magistrats.

Le II de l'article 10-1 permet aux organisations syndicales qualifiées de représentatives de bénéficier de décharges syndicales et d'un crédit d'heure qui peut être réparti librement entre les magistrats représentants du personnel.

Dans sa décision du 28 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que « En précisant que, sous réserve des dispositions spécifiques énoncées aux deuxième à septième alinéas du paragraphe II de l'article 10-1, les magistrats sont "soumis aux dispositions législatives et réglementaires de droit commun applicables aux fonctionnaires", le législateur organique a entendu rendre applicables les seules dispositions de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 ainsi que du décret du 28 mai 1982 mentionnés ci-dessus, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'adoption définitive de la loi organique »211(*).

Le droit syndical des magistrats n'a donc pas la même dimension que celui des fonctionnaires dès lors qu'il se limite, en réalité, à l'expression du fait syndical qui existait avant la réforme organique du 8 aout 2016. En effet, si les magistrats peuvent se réunir en syndicats qui peuvent ester en justice pour la défense des intérêts des membres de ce corps, ils sont exclus du principe de participation mais également du principe de négociation consacrés au profit des fonctionnaires.

Il existe actuellement trois organisations syndicales représentatives de magistrats : l'Union Syndicale des Magistrats (USM), le syndicat de la Magistrature (SM) et Unité-Magistrats (UM), syndicat confédéré appartenant à la Confédération Force ouvrière (FO). Lors des dernières élections professionnelles qui se sont déroulées en juin 2022, l'USM a confirmé sa position de syndicat majoritaire avec 62,84 % des suffrages, devant le SM, 29,02 % et UM avec 7,47 % de voix.

Aujourd'hui, deux instances propres au dialogue social coexistent dans la magistrature :

- La commission permanente d'études du ministère de la justice est un lieu de concertation, créée par l' arrêté du 22 décembre 1977 et réunissant les représentants de l'administration, trois représentants des organisations syndicales de magistrats et trois représentants d'organisations syndicales des fonctionnaires appartenant aux services judiciaires. Présidée par le garde des sceaux ou son représentant, elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, les structures judiciaires et les conditions de fonctionnement et d'équipement des juridictions. Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions. La consultation de la commission permanente d'études est facultative et elle ne rend aucun avis à l'issue de ses réunions.

L'arrêté du 8 décembre 2014 a permis de conforter la commission permanente d'études nationale et d'instituer une déclinaison de cette dernière au niveau local en créant une commission permanente d'études placée auprès de chaque cour d'appel, participant ainsi à l'amélioration de la démocratie interne des juridictions et favorisant le dialogue social.

- La commission d'avancement des magistrats de l'ordre judiciaire, prévue par l'article 34 de la loi organique n° 58-1270 du 22 décembre 1958, est composée de quatre membres de droit et de 16 magistrats élus par leurs pairs pour un mandat de trois ans non renouvelable :

- Le doyen des présidents de chambre de la Cour de cassation, président ;

- Le doyen des avocats généraux près la Cour de cassation, vice-président ;

- Le chef de l'inspection générale de la justice ou à défaut un inspecteur général ;

- Le directeur des services judiciaires ou à défaut son représentant ayant rang de sous-directeur ;

- Deux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, un du siège et un du parquet, élus par l'ensemble des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation ;

- Deux premiers présidents et deux procureurs généraux élus par l'ensemble des premiers présidents et procureurs généraux ;

- Dix magistrats du corps judiciaire élus par un collège, sept du premier grade et trois du second grade.

Les membres de la commission d'avancement sont élus selon un scrutin à deux degrés : l'ensemble des magistrats des cours et tribunaux élisent par ressort de cour d'appel des grands électeurs qui sont réunis à Paris pour procéder à l'élection des membres de la commission d'avancement.

Les modalités de répartition des sièges sont fixée par l'article 16 du décret n° 71-257 du 7 avril 1971 relatif au collège des magistrats des cours et tribunaux et du ministère de la justice : « Chaque liste a droit, dans la limite du nombre de sièges de membres du collège à pourvoir, à autant de sièges que le nombre total des voix recueilli par elle contient de fois le quotient électoral. Les sièges de membres titulaires restant éventuellement à pourvoir sont attribués suivant la règle de la plus forte moyenne. ».

Ce système apparait en cohérence avec les textes de la fonction publique, et notamment ceux applicables aux commissions administratives paritaires puisque que le Conseil d'Etat a rappelé, dans une décision du 22 avril 1966 que « si le principe de la désignation, par voie d'élection, des représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires, constitue une garantie fondamentale du statut des fonctionnaires dont les règles doivent être fixées par la loi, le mode de scrutin n'est pas en revanche une de ces garanties fondamentales. »212(*).

Les attributions de la commission d'avancement sont variées. Elle est chargée d'établir le tableau d'avancement au premier grade, d'émettre un avis en cas de contestation de l'évaluation de l'activité professionnelle par un magistrat et dispose de larges compétences en matière de recrutement. Elle est en effet la commission d'intégration s'agissant des recrutements hors concours pour lesquelles elle rend un avis conforme : l'avis défavorable lie le garde des sceaux tandis que l'avis favorable ne l'oblige pas à proposer le candidat à une nomination. Elle examine ainsi les candidatures à un recrutement hors concours dans la magistrature en application des articles 18-1 (nomination directe en qualité d'auditeur de justice), 22 et 23 (intégration directe au second et au premier grade du corps judiciaire), 41 (détachement judiciaire) et certaines candidatures à l'intégration directe hors hiérarchie au titre de l'article 40 de l'ordonnance statutaire.

Les séances de la commission ne sont pas publiques et ses décisions ne sont motivées qu'en cas de dispositions le prévoyant (irrecevabilité, avis défavorable à une intégration directe après stage probatoire, avis défavorable au détachement, avis sur la contestation de l'évaluation professionnelle).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La liberté syndicale est un droit fondamental inscrit à l'article 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose que « tout homme a la liberté de défendre ses droits et intérêts par l'action syndicale et d'adhérer au syndicat de son choix ».

La jurisprudence du Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle de la liberté syndicale213(*). Le Conseil considère que, conformément aux dispositions de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer les principes fondamentaux du droit syndical214(*). A ce titre, il autorise le législateur à définir les conditions d'exercice du droit de grève et du droit syndical et le cas échéant à fixer des limites.

Notamment, dès 1979, la première décision sur le droit de grève affirmait que « Considérant qu'aux termes du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958 "Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent" ; qu'en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que, notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle »215(*).

Cette formulation a été réitérée depuis, bien qu'aucun régime d'interdiction n'ait été déféré au Conseil constitutionnel216(*). Par ailleurs, et en diverses occasions, il s'est assuré que le législateur avait posé le cadre normatif permettant à des catégories données de travailleurs de bénéficier du droit de grève et/ou de la liberté syndicale217(*). En 2013, à l'occasion du contrôle du texte prévoyant le travail des détenus, le Conseil constitutionnel a été amené à examiner pour la première fois un régime d'interdiction du droit de grève218(*).

Le Conseil constitutionnel a censuré le régime applicable aux agents contractuels des administrations publiques en Nouvelle-Calédonie, lesquels relèvent en principe du code du travail propre à cette collectivité. Toutefois, un article les soustrayait du champ des dispositions du code, relatives au droit d'expression des salariés, à l'exercice du droit syndical, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés, après avoir constaté qu'aucune autre disposition législative n'assure « la mise en oeuvre, pour ces agents, de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs »219(*). L'emploi dans le secteur public constitue donc bien, pour le juge constitutionnel, une spécificité de nature à justifier un traitement juridique différencié mais qui dépend de la compétence du législateur et doit être concilié avec les autres principes.

À deux reprises, en 1979 et en 1987, le Conseil constitutionnel a constaté une violation du droit de grève, qui était confronté au principe de continuité du service public. En 1987, la décision du Conseil a déclaré conforme à la Constitution le principe du trentième indivisible, c'est-à-dire une retenue minimale correspondant à un trentième du traitement mensuel des fonctionnaires, même si le mouvement avait duré moins d'une journée. Elle considérait néanmoins que son application aux agents autres que ceux de l'État et de ses établissements publics administratifs, sans prendre en compte « ni la nature des divers services concernés, ni l'incidence dommageable que peuvent revêtir pour la collectivité les cessations concertées du travail, pourrait, dans nombre de cas, porter une atteinte injustifiée à l'exercice du droit de grève »220(*).

Dans la décision de 1979, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition permettant aux présidents des sociétés de radio et télévision publiques de requérir le personnel nécessaire à l'accomplissement de la généralité des missions assignées par la loi à ces sociétés. Les moyens étaient ainsi donnés aux présidents de faire assurer, non un service minimum, mais un service normal et donc, « de faire obstacle à l'exercice du droit de grève dans des cas où son interdiction n'apparaît pas justifiée au regard des principes de valeur constitutionnelle »221(*).

Dans deux décisions de 2007 et 2008, le Conseil constitutionnel a validé le délai maximal de 13 jours avant le déclenchement d'une grève, compte tenu de l'obligation d'une négociation préalable. Il a relevé qu'il s'agissait de laisser du temps pour une négociation effective d'une part, et en cas d'échec, pour que l'autorité administrative s'organise d'autre part. Il a précisé que cette obligation de déclaration préalable « ne s'oppose pas à ce qu'un salarié rejoigne un mouvement de grève déjà engagé et auquel il n'avait pas initialement l'intention de participer, ou auquel il aurait cessé de participer, dès lors qu'il en informe son employeur au plus tard 48 heures à l'avance »222(*).

Il ressort de cette jurisprudence la consécration d'un « socle constitutionnel commun que constituent la liberté syndicale, le droit de participation et le droit de grève»223(*) issu d'une logique d'unification propre aux droits fondamentaux, précisément en ce qu'ils ont vocation à s'appliquer à tous.

Enfin, s'agissant des modalités d'élection des membres à l'instance de dialogue social, dans sa décision du 27 janvier 1994 relative à l'élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil constitutionnel a considéré que « les articles 3 et 4 fixent les modalités de l'élection des deux magistrats du siège appelés à siéger au Conseil supérieur de la magistrature dans la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, des deux magistrats du parquet appelés à siéger dans la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, ainsi que du magistrat du siège et du magistrat du parquet appelés à siéger, le premier dans la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, le second dans celle compétente à l'égard des magistrats du siège ; que la loi organique retient un mode de scrutin uninominal à deux degrés ; que les magistrats du siège et du parquet, constitués en deux collèges distincts au sein de chaque cour d'appel, élisent au scrutin uninominal à un tour un certain nombre de magistrats du siège et du parquet ; que l'ensemble des magistrats ainsi élus élisent respectivement, selon le même mode de scrutin, les magistrats du siège et les magistrats du parquet membres des deux formations du Conseil supérieur de la magistrature ; Considérant que ces dispositions fixent l'ensemble des règles essentielles relatives à la désignation des magistrats concernés ; que dès lors, la détermination de leurs modalités d'application concernant d'une part le nombre de magistrats à élire pour chaque collège ou circonscription, d'autre part des conditions de vote, notamment par correspondance, ont pu être renvoyées à des décrets en Conseil d'État »224(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La liberté syndicale est un droit inscrit à l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme qui énonce que « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ».

De la même manière, la charte sociale européenne du Conseil de l'Europe225(*), ratifiée par la France le 7 mai 1999 (article 5) énonce que « Tous les travailleurs et employeurs ont le droit de s'associer librement au sein d'organisations nationales ou internationales pour la protection de leurs intérêts économiques et sociaux » et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui consacre les libertés d'expression et d'information (article 12 sur la liberté de réunion et d'association) rappelle que « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts ».

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, si l'alinéa 2 de l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme autorise la mise en place de restrictions dans l'exercice de ce droit pour certaines catégories spécifiques d'agents publics (des forces armées, de la police, etc.), ces restrictions sont d'interprétation stricte et doivent se limiter à l'exercice des droits en question sans pouvoir porter atteinte à l'essence même du droit de s'organiser et il appartient à « l'État concerné de démontrer le caractère légitime des restrictions éventuellement apportées au droit syndical de ces personnes »226(*).

La liberté syndicale des magistrats est par ailleurs, spécifiquement reconnue par le Conseil de l'Europe (Charte européenne sur le statut des juges227(*)) mais également par le Conseil consultatif des juges européens (Charte des principes fondamentaux adoptée le 17 novembre 2010228(*)).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Au Royaume-Uni, le juge peut, s'il le souhaite, créer ou rejoindre une association de juges ou participer à des organisations qui représentent ses intérêts. Le code de conduite des juges n'empêche pas l'adhésion à un syndicat professionnel.

Aux Pays-Bas, les magistrats néerlandais sont libres d'appartenir à des syndicats. Ce droit trouve un fondement constitutionnel dans le chapitre 1 de la Constitution néerlandaise relative aux droits fondamentaux, mais aussi dans la loi sur l'organisation judiciaire (Wet Rechtspositie Rechterlijke Ambtenaren : articles 43 et 45). L'association NVvR, créée en 1923, dont le siège est à La Haye, est la seule organisation professionnelle regroupant des magistrats, par ailleurs ouverte à tous les membres du corps judiciaire.

En Italie, l'association nationale des magistrats (ANM), qui est une association privée autofinancée par ses membres, est le seul organisme représentatif des magistrats italiens. Les missions de l'ANM sont notamment de participer à la préservation des prérogatives du pouvoir judiciaire à l'égard des autres pouvoirs de l'État telles que définies et garanties par la Constitution, de protéger les intérêts moraux et économiques des magistrats, le prestige et le respect de la fonction judiciaire et de contribuer à l'élaboration des réformes législatives intéressant plus particulièrement l'ordre judiciaire.

En Allemagne, les sections 46 du Deutsches Richtergesetz et 116 du Bundesbeamtengesetz permettent explicitement que les juges se regroupent en un syndicat et développent des activités dans ce cadre. Cela vaut également pour les procureurs.

En Roumanie, les magistrats ne peuvent pas adhérer à des syndicats, mais il existe des associations de magistrats qui sont très influentes et se prononcent régulièrement sur des sujets politiques, des projets de loi ou mêmes des affaires en cours.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Dans le cadre de la réflexion sur la réforme des voies de recrutement et à la suite de la remise du rapport de la mission sur la haute fonction publique229(*) (MHFP), il est proposé de refonder le recrutement hors concours par la création d'un concours professionnel confié à un jury. La commission d'avancement est ainsi déchargée de ses attributions en matière de recrutement.

L'évolution envisagée dans les attributions de la commission d'avancement a conduit à interroger plus généralement le dialogue social propre à la magistrature. En effet, alors qu'au sein de la magistrature, le dialogue social se déploie dans deux instances qui ne sont pas composées de manière identique et dont la consultation sur les questions relatives au statut des magistrats demeure facultative, les innovations introduites par la loi n° 2019-828 du 8 août 2019 de transformation de la fonction publique ont conduit la Chancellerie à repenser le système propre aux magistrats de l'ordre judiciaire dans une optique de modernisation.

Cette loi a procédé à la suppression des comités techniques et des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et a instauré une nouvelle instance de dialogue social, les comités sociaux d'administration qui fusionnent les compétences des deux instances supprimées. Or, les magistrats n'étaient pas représentés au sein des comités techniques, ils y étaient appelés en qualité d'experts mais ne pouvaient pas prendre part aux décisions et avis émis. Les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail constituaient leur unique instance de dialogue social propre aux domaines relatifs à l'hygiène, la qualité de vie et aux conditions de travail. La commission permanente d'étude demeure une instance de consultation facultative et la commission d'avancement n'a aucun rôle en matière de dialogue social, n'intervenant qu'en matière de recrutement et pour des questions individuelles.

Alors que le droit de la fonction publique évolue vers un droit à participation renforcé, celui des magistrats se doit d'être revu.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure envisagée vise à moderniser le dialogue social au sein du corps de la magistrature et à corriger ce qui peut apparaitre en 2023 comme une anomalie en ce que les magistrats ne sont toujours pas dotés d'un véritable dispositif en matière de droit à participation puisqu'aucune consultation de ce corps n'est aujourd'hui obligatoire pour les questions touchant à leur statut.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE

Il a été envisagé de transférer les compétences résiduelles de la commission d'avancement, déchargée de ses attributions en matière de recrutement confiées à un jury, à la commission permanente d'études.

La commission permanente d'études aurait donc centralisé les compétences de la commission d'avancement, qui n'auraient toutefois pas fait l'objet ni d'une suppression par le présent projet ni d'une modification de sa composition ou de ses modalités de désignation.

Cette solution présentait toutefois une difficulté s'agissant de la détermination de la représentativité des organisations syndicales par le biais d'une élection qui ne pouvait pas être celle des élections aux comités sociaux d'administration et de la connaissance des questions relatives au statut de la magistrature, compte tenu de la spécificité de cette instance au sein du ministère de la justice (cf. infra).

3.2. OPTION RETENUE 

Le présent projet de loi adopte une vision plus ambitieuse de l'évolution du dialogue social au sein de la magistrature judiciaire en procédant à une fusion de la commission d'avancement et de la commission permanente d'études, à l'image de la fusion des instances opérée dans la fonction publique. Les deux idées fondamentales qui ont présidé à la conception de cette instance sont celles de la participation des magistrats, quel que soit leur niveau hiérarchique, à la désignation de leurs représentants siégeant au sein de l'instance propre au corps, et celle de la rationalisation de la gestion du corps de la magistrature par la désignation d'une instance moins nombreuse que l'actuelle commission d'avancement, pour permettre un fonctionnement plus souple et plus agile.

Cette fusion conduit, comme ce fut le cas lors des travaux préparatoires de la loi de transformation de la fonction publique, à la création d'une nouvelle instance centralisant les compétences dévolues à la commission d'avancement, qui sont maintenues dans le présent projet, et les compétences actuellement exercées par la commission permanente d'études. Compte tenu de l'évolution proposée concernant la structure du corps, et notamment, la création d'un troisième grade dont l'accès est subordonné à l'inscription à un tableau d'avancement, il a été fait le choix de conserver le nom de l'instance déterminant actuellement la représentativité des organisations syndicales de magistrats.

La mesure proposée doit ainsi être perçue comme une rénovation de la commission d'avancement dans ses attributions, sa composition et son fonctionnement.

S'agissant de ses attributions, la commission d'avancement centralisera les compétences résiduelles de l'ancienne commission d'avancement, en matière de décision individuelle, à savoir dresser et arrêter le tableau d'avancement au nouveau deuxième grade, ancien premier grade, et statuer sur les contestations d'évaluation prévues par l'article 12-1 de l'ordonnance statutaire. A ce titre, elle sera dotée d'une nouvelle compétence : celle de dresser et d'arrêter le tableau d'avancement prévu pour l'accès au nouveau troisième grade de la hiérarchie judiciaire.

Cette commission comprendra également une formation consultative qui connaitra des questions relatives au statut des magistrats.

S'agissant de sa composition, elle variera en fonction de chacune de ses deux formations.

Elle sera composée de treize membres, dont 12 élus :

- Six magistrats de tous les grades élus au scrutin proportionnel de liste à un degré ;

- Deux chefs de cour, un procureur général et un premier président, élus par leurs assemblées respectives ;

- Deux chefs de tribunal judiciaire, un procureur et un président, élus par leurs assemblées respectives ;

- Deux magistrats du troisième grade de la Cour de cassation, un magistrat du siège et un du parquet, élus par leurs assemblées respectives ;

- Le directeur des services judiciaires ou son représentant, membre de droit, sauf lorsque la commission est réunie en formation consultative.

Si la proportion de la représentation de la hiérarchie judiciaire a pu être critiquée s'agissant de la commission d'avancement dans sa forme actuelle, une telle représentation apparait pertinente au regard des attributions en matière de décisions individuelles de l'instance, notamment celles relevant de l'accès aux grades supérieurs et de la contestation de l'évaluation de l'activité professionnelle. Il n'est que peu envisageable que les magistrats des grades inférieurs soient représentés dans des proportions plus importantes dans la mesure où ils sont amenés à se prononcer sur toutes les décisions individuelles prises par la commission, à l'inverse de ce qui peut être pratiqué au sein d'autres corps. La composition ainsi retenue apparait, au regard des attributions et du fonctionnement de l'instance, équilibrée.

La présence de l'administration, et plus particulièrement de la direction chargée de la gestion des magistrats, apparait à la fois pertinente et nécessaire au regard de sa parfaite connaissance des règles statutaires, de l'état et du fonctionnement du corps. Il doit en outre être rappelé que dans son fonctionnement actuel, le directeur des services judiciaires est membre de droit de la commission d'avancement et prend part aux votes concernant les contestations de l'évaluation de l'activité professionnelle et les recours contre les refus d'inscription au tableau d'avancement.

S'agissant de la présidence de cette instance, il est apparu inopportun de prévoir la présidence de l'instance par le garde des sceaux quand la commission se réunit pour statuer sur les situations individuelles puisqu'il ne peut pas connaitre de la manière de servir d'un magistrat en application des principes d'indépendance et de séparation des pouvoirs. En effet, le Conseil d'Etat a déjà rappelé que « le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et la nature des fonctions exercées par les magistrats, excluent, pour ces derniers, la possibilité d'un recours hiérarchique auprès du garde des sceaux portant sur les décisions relatives à leur manière de servir »230(*). Par ailleurs, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le constituant a amorcé un mouvement de réforme visant à renforcer l'indépendance de la justice par rapport au pouvoir exécutif, notamment en retirant au président de la République la présidence du CSM et la vice-présidence au garde des sceaux.

La présidence et la vice-présidence sont ainsi confiées aux magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation.

Il est néanmoins nécessaire de permettre au garde des sceaux de présider cette instance lorsqu'il la consulte sur les sujets qui concernent les magistrats, notamment sur les projets de textes qu'il élabore. Dans sa formation consultative, la présidence est assurée par le garde des sceaux ou son représentant.

Il est enfin proposé une évolution du mode de scrutin. Le mode de scrutin actuel est complexe, lourd, coûteux. Surtout, il favorise un système rigide de représentation de la magistrature, impliquant, dans chaque cour, de pouvoir présenter des listes complètes, ce qui favorise les organisations syndicales les plus importantes.

Il est, dès lors, proposé que l'élection des six représentants des magistrats de tous les grades ait lieu au scrutin proportionnel à un degré au sein d'un collège unique. Cette option présente l'avantage de simplifier le vote et de réduire le coût des élections. Elle permet de prendre en compte la volonté réelle des électeurs qui, s'ils ne voteront plus au niveau de proximité pour des grands électeurs qu'ils connaissent, connaîtront l'identité des candidats susceptibles de siéger à la commission d'avancement. Le pluralisme syndical sera favorisé puisqu'un scrutin national direct facilite la constitution de listes complètes et résout la difficulté rencontrée notamment par les plus petites formations de constituer des listes complètes dans chaque cour d'appel.

Comme il a été rappelé précédemment, le Conseil constitutionnel considère que la détermination des règles relatives à la désignation des magistrats qui composent le collège des magistrats des cours et tribunaux amenés à élire les membres du Conseil supérieur de la magistrature et les règles d'élection de ces mêmes membres constituent des règles essentielles qui doivent relever du niveau le plus élevé, à savoir le niveau organique. Il n'admet le renvoi au pouvoir règlementaire que dans la limite des seules modalités d'application de ces règles essentielles (détermination du bureau de vote, inscription sur les enveloppes, réunion du collège, etc.).

Dans la mesure où la commission d'avancement n'est pas un organe constitutionnel au même titre que le Conseil supérieur de la magistrature, il a été envisagé, à l'instar des commission administratives paritaires des fonctionnaires, de prévoir le principe de l'élection des membres de la commission d'avancement, qui constitue une garantie fondamentale du statut de la magistrature, au niveau de la loi organique et les modalités d'élection, et notamment le mode de scrutin utilisé, au niveau uniquement règlementaire.

Toutefois, dans son avis rendu le 13 avril 2023 sur le présent projet de loi, le conseil d'Etat a fait valoir le fait qu' au vu de la nature des garanties qu'apporte « la commission d'avancement sur l'évolution de la carrière des magistrats et de la compétence nouvelle confiée à la commission d'avancement, de connaître des questions relatives au statut des magistrats de l'ordre judiciaire, la règle de répartition des sièges à l'issue du scrutin proportionnel de liste, qui revêt un caractère déterminant pour la composition de ces organes, relève de la loi organique. Le Conseil d'Etat propose donc de préciser dans le projet de loi, en accord avec le Gouvernement, que ces sièges sont répartis suivant la règle du plus fort reste. ».

Le mode de scrutin des élections des membres de la commission d'avancement est en conséquence précisé au niveau organique, à savoir un scrutin proportionnel de liste et une répartition des sièges suivant la règle du plus fort reste.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure proposée implique l'introduction d'un nouvel article 10-1-1 au sein de l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ainsi que la modification de ses articles 10-1, 27 et 32.

La rénovation de l'actuelle commission d'avancement suppose également l'abrogation du chapitre I bis de l'ordonnance précitée, du décret n° 71-257 du 7 avril 1971 relatif au collège des magistrats des cours et tribunaux et du ministère de la justice ainsi que celle de l' arrêté du 8 décembre 2014 relatif à la commission permanente d'études nationale et de services déconcentrés.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

La commission d'avancement est rénovée dans sa composition et ses attributions. Les membres seront moins nombreux, douze, et ses attributions en matière de recrutement supprimées. Le coût lié au fonctionnement de cette instance sera donc inférieur à son coût actuellement estimé 0,12 M €.

Enfin, les coûts liés à l'élection des représentants des magistrats seront fortement réduits. Actuellement, les membres de la commission d'avancement sont élus selon un scrutin à deux degrés : l'ensemble des magistrats des cours et tribunaux élit par ressort de cour d'appel des grands électeurs qui sont réunis à Paris pour procéder à l'élection des membres de la commission d'avancement. La réforme envisage un scrutin direct ce qui entrainera la suppression des coûts liés à la réunion des grands électeurs, soit une économie de 67 000 €.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mesure envisagée constitue une avancée par rapport à la réforme de 2016 et vient structurer le dialogue social propre à la magistrature. Elle vient corriger ce qui peut apparaitre comme une anomalie en ce que les magistrats ne sont toujours pas dotés d'un véritable dispositif en matière de droit à participation puisqu'aucune consultation de ce corps n'est aujourd'hui obligatoire sur les questions qui le concernent et touchant à son statut.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La modification du mode de scrutin envisagée conduit à supprimer la réunion des collèges de grands électeurs des magistrats des cours d'appel et tribunaux. Ainsi, ce sont les déplacements jusqu'à Paris, depuis tous les points du territoire de la République, de 240 magistrats qui n'auront plus lieu.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Compte tenu de la nécessité d'adopter des textes réglementaires d'application et d'organiser des élections afin de composer l'instance, une entrée en vigueur différée s'impose. Elle a été fixée au plus tard au 31 décembre 2025 et pourrait ainsi coïncider avec la date des opérations de renouvellement de la commission d'avancement dans sa composition actuelle. Les dernières élections professionnelles propres au corps de la magistrature ont en effet eu lieu en juin 2022 et l'actuelle commission d'avancement a entamé son mandat d'une durée de trois années en octobre 2022.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'État devra prévoir les modalités d'établissement des listes électorales, de dépôt et de validité des candidatures, les modalités d'élection des membres, les attributions et le fonctionnement de l'instance.

II. Participation des magistrats aux comités sociaux d'administration

1. ÉTAT DES LIEUX

Comme évoqué précédemment, le droit syndical des magistrats a été reconnu récemment et n'a pas la même dimension que celui des fonctionnaires dès lors qu'il se limite, en réalité, à l'expression du fait syndical qui existait avant la réforme organique du 8 aout 2016. En effet, si les magistrats peuvent se réunir en syndicats qui peuvent ester en justice pour la défense des intérêts des membres de ce corps, ils sont exclus du principe de participation mais également du principe de négociation consacrés au profit des fonctionnaires qui ont connu des évolutions sensibles récemment.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La loi n° 2019-828 du 8 aout 2019 de transformation de la fonction publique a consacré, au profit des magistrats de l'ordre judiciaire, la participation des organisations syndicales représentatives de magistrats aux comités sociaux d'administration prévus par le code général de la fonction publique dont elles sont exclues.

Elle a ainsi supprimé les comités techniques (CT) et les comités d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) dont les magistrats étaient membres et qui constituaient leur unique instance de dialogue social propre aux domaines de l'hygiène, de la qualité de vie et des conditions de travail.

En application des dispositions du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail et du décret n° 2001-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques, la composition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel (CHSCTM) était issue des suffrages recueillis pour la composition du comité technique ministériel (CTM).

Les magistrats, qui relèvent d'un statut spécifique constitutionnellement garanti, défini par l'ordonnance du 22 décembre 1958, n'étaient pas électeurs aux comités techniques. Ils y étaient simplement conviés en qualité d'experts sur les sujets communs aux agents du ministère de la justice et ne pouvaient prendre part aux décisions.

Par arrêté du 8 août 2011, la garde des sceaux a souhaité que les magistrats soient représentés dans les instances compétentes en matière d'hygiène, de sécurité et de santé au travail (SST). L'article 3 de ce texte prévoyait que le CHSCT serait composé de « sept représentants du personnel, dont six désignés par les organisations syndicales les plus représentatives au vu des élections au comité technique ministériel et un magistrat désigné par l'organisation professionnelle de magistrats la plus représentative au vu des élections à la commission d'avancement, membres titulaires ».

Ce texte a fait l'objet d'une censure de part du Conseil d'Etat dans une décision du 12 février 2014 au motif que les magistrats « relèvent d'un statut spécifique et constitutionnellement garanti définit par l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature » mais que « toutefois, les dispositions relatives à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail ne relèvent pas du statut au sens de l'article 64 de la Constitution ».

Il en déduit que le pouvoir règlementaire pouvait donc instituer au sein du ministère de la justice, la participation des magistrats de l'ordre judiciaire aux CHSCT. Cependant, il a rappelé que les CHSCT étaient constitués à partir des résultats des élections aux comités techniques et relevé le fait que les magistrats ne sont pas électeurs aux comités techniques, leur représentation étant assurée sur la base des élections à la commission d'avancement prévue par l'ordonnance du 22 décembre 1958. Il en a ainsi déduit que l'arrêté du 8 aout 2011, qui prévoyait la participation des magistrats à travers l'attribution d'un siège préciputaire, ne remplissait pas les conditions posées par l'article 42 du décret du 28 mai 1982 qui prévoyait que les membres du CHSCT sont désignés librement « par les organisations syndicales de fonctionnaires » en fonction des résultats obtenus lors de l'élection aux comités techniques (CE, 12 février 2014, n° 353470).

Afin de permettre la participation des magistrats aux CHSCT, le décret n° 2018-801 du 21 septembre 2018 fixant le mode de désignation des membres de certains comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du ministère de la justice a fixé les conditions spécifiques de désignation des membres de certains CHSCT relevant du ministère de la justice. Ce texte déroge au principe posé à l'article 42 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, selon lequel la composition des CHSCT repose sur celle des comités techniques (CT), afin de permettre aux magistrats de l'ordre judiciaire, qui ne sont pas représentés dans les CT, de participer à l'examen des questions relatives à l'hygiène, à la sécurité du travail et à la prévention médicale intéressant le ministère de la justice. Il prévoit une élection directe par scrutin de sigle, à laquelle participeront tous les personnels y compris les magistrats, pour la désignation du CHSCT ministériel et une composition des CHSCT d'administration centrale, départemental et territorial résultant d'un dépouillement à leur niveau des résultats obtenus au CHSCT ministériel.

La loi de transformation de la fonction publique du 8 aout 2019 a procédé à la fusion de ces deux instances et à l'instauration des comités sociaux d'administration (CSA) qui centralisent les compétences des deux anciennes instances en matière de qualité de vie, d'hygiène et de conditions de travail.

En application de l' article L 251-1 du code général de la fonction publique : « Les comités sociaux sont chargés de l'examen des questions collectives de travail ainsi que des conditions de travail dans les administrations, les collectivités territoriales et les établissements publics au sein desquels ils sont institués. »

L' article L. 251-3 du même code dispose que : « Dans les administrations et les établissements publics mentionnés à l'article L. 251-2 dont les effectifs sont au moins égaux à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail est instituée au sein du comité social. Dans les administrations et les établissements publics mentionnés au même article L. 251-2 dont les effectifs sont inférieurs au seuil mentionné au premier alinéa, une formation spécialisée en matière de santé de sécurité et de conditions de travail peut être instituée au sein du comité social d'administration lorsque des risques professionnels particuliers le justifient. »

A compter de la mise en place des CSA qui opère la fusion entre les comités techniques et les comités d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, les magistrats ne disposent plus d'aucune instance compétente pour connaitre des questions relatives à la qualité de vie au travail, à l'hygiène et à la sécurité des conditions de travail.

Ainsi, afin de pouvoir avoir accès à une instance de dialogue social en matière d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, les magistrats devaient pouvoir siéger aux CSA, soit pour participer au sein de cette instance au dialogue propre à la qualité de vie au travail, soit pour siéger au sein de la formation spécialisée chargée de connaitre de ces sujets.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Afin de permettre aux magistrats d'avoir accès à une instance compétente dans le domaine de l'hygiène, de la qualité de vie et des conditions de travail et qui centralise les compétences du CHSCT, il a été décidé de prévoir que les magistrats sont électeurs et les représentants de leurs organisations syndicales soient éligibles au CSA.

Si les dispositions relatives à l'hygiène, la sécurité et aux conditions de travail ne relèvent pas du statut, ce qui permettait au pouvoir réglementaire de prévoir la participation des magistrats à une telle instance, ce raisonnement n'est pas transposable à la participation aux comités techniques ou aux CSA. Il s'agit ici, de consacrer le principe de la participation des magistrats aux instances de dialogue social des fonctionnaires ce qui constitue une extension de leurs droits statutaires et doit en conséquence faire l'objet d'une disposition spécifique dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée n° 1 : participation des magistrats aux CSA au sein d'un collège spécifique

Il a été envisagé d'introduire les magistrats au sein des CSA par la constitution d'un double collège au sein de cette instance permettant de séparer à la fois les votes des magistrats des votes des fonctionnaires et les attributions qui auraient été réparties entre les deux collèges afin d'éviter que les magistrats ne puissent se prononcer sur les questions statutaires propres aux fonctionnaires et inversement.

Cette option permettait d'envisager d'utiliser les élections de cette instance de la fonction publique pour déterminer la représentativité des organisations syndicale de magistrats et donc de permettre la suppression de la référence à l'élection du collège des magistrats.

Dans ce cas, la représentativité des organisations syndicales de fonctionnaires aurait pu être déterminée en fonction des élections aux CSA.

Il en aurait nécessairement résulté une modification de l'article 10-1 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 afin d'inscrire cette modification de l'élection servant de base au calcul de la représentativité des organisations syndicales de magistrats.

Cette représentativité aurait alors dépendu d'une élection mise en place par l'article 15 ter de la loi n° 94-16 du 11 janvier 1984, devenu l'article L. 252-7 du code général de la fonction publique, à laquelle les magistrats ne sont pas soumis ce qui aurait porté atteinte à l'autonomie de leur statut et au dialogue social propre à leur corps.

3.1.2. Option écartée n° 2 : participation des magistrats aux CSA au sein d'un collège unique (situation de fait)

Un amendement déposé par le gouvernement a introduit l'article 15 ter au sein de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et a mis en place au ministère de la justice un CSA doté d'un collège unique, élu par un corps électoral comprenant les magistrats et les fonctionnaires, afin de permettre aux magistrats de disposer d'une instance compétente dans le domaine de l'hygiène et des conditions de travail mais également de participer aux débats au sein des CSA sur les sujets collectifs touchant l'ensemble des personnels.

Le choix de créer une instance unique a conduit à la mise en place d'aménagements afin de conserver le dimensionnement actuel des droits syndicaux des organisations syndicales de fonctionnaires et de magistrats.

Ainsi, le décret du 28 février 2022 a précisé les modalités spécifiques des élections aux comités sociaux du ministère de la justice afin de mettre en place un pastillage électronique des voix des magistrats. Ce pastillage permet de ne pas prendre en compte les voix des magistrats attribuées aux organisations syndicales de fonctionnaires pour le calcul des moyens qui résultent de l'application de l'article 16 du décret du 28 mai 1982.

Une telle exclusion n'a pas été prévue pour déterminer la représentativité au sein de l'instance des organisations syndicales de fonctionnaires, dans laquelle le poids des votes des magistrats est pris en compte ; celle des organisations syndicales de magistrats étant déterminée par l'élection des membres du collège des magistrats prévue par leur statut, la question ne se posait pas.

Pour la mandature 2022, les organisations syndicales de magistrats ont procédé à des unions avec les organisations syndicales de fonctionnaires afin de faire des listes communes.

3.2. OPTION RETENUE 

Il est apparu que la participation des magistrats relevait du domaine statuaire dès lors qu'elle permettait aux magistrats de participer à une instance non prévue par ce texte. En effet, dans le cadre des travaux concernant l'élaboration du décret n° 2022-283 du 28 février 2022 relatif à la participation des magistrats judiciaires et de leurs organisations syndicales aux élections aux comités sociaux du ministère de la justice, la section de l'administration du Conseil d'Etat a mis en avant les risques résultant de l'introduction des magistrats au sein des CSA par le seul vecteur de l' article L. 252-7 du code général de la fonction publique, les magistrats n'y étant pas soumis et leur statut relevant d'une loi organique.

En conséquence, il a été décidé d'inscrire au niveau organique que les magistrats sont électeurs au CSA et que leurs organisations syndicales représentatives sont éligibles. La représentation des magistrats au sein des CSA ne met pas un terme à la représentativité de leurs organisations syndicales sur la base d'une élection qui leur est propre.

Les magistrats sont en effet concernés par les sujets d'intérêt commun avec les autres agents publics, tels que les questions d'hygiène et de sécurité, traitées en leur présence actuellement dans les CHSCT, ou l'organisation et le fonctionnement des services. Les CSA sont également compétents sur les sujets propres aux fonctionnaires comme les projets de textes relatifs aux règles statutaires et relatives à l'échelonnement indiciaire, les projets de texte réglementaire relatifs au temps de travail ou les projets de statuts particuliers.

La mesure proposée vise par ailleurs à articuler les compétences des différentes instances en ce qu'il est expressément prévu que les CSA ne peuvent connaitre des attributions de la commission d'avancement, rénovée, attributions au titre desquelles figurent les questions relatives au statut de la magistrature.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée nécessite une modification de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Cette évolution va favoriser le dialogue social au sein du ministère de la justice en ce qu'elle permet de réunir au sein d'une même instance les représentants de l'ensemble de ses agents qui pourront débattre collectivement des sujets communs.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

La présente mesure ne nécessite aucun texte d'application. Le décret n° 2022-283 du 28 février 2022 relatif à la participation des magistrats judiciaires et de leurs organisations syndicales aux élections aux comités sociaux du ministère de la justice a déjà été adopté sur les fondement de l'article L. 252-7 du code général de la fonction publique qui prévoit les conditions spécifiques d'organisation de ces élections.

III. Négociation collective

1. ÉTAT DES LIEUX

L'article L1 du code général de la fonction publique dispose que « Le présent code définit les règles générales applicables aux fonctionnaires civils. Il constitue le statut général des fonctionnaires. Ceux-ci sont, vis-à-vis de l'administration, dans une situation statutaire et réglementaire. » Traditionnellement, les accords collectifs conclus dans la fonction publique, dont la pratique est ancienne, étaient considérés comme dépourvus de toute force juridique en application de la jurisprudence développée par le Conseil d'Etat. Le non-respect de leurs stipulations ne pouvait ainsi être utilement invoqué à l'encontre de dispositions réglementaires231(*). En effet, comme le rappelle l'exposé des motifs de la loi du 5 juillet 2010, « la fonction publique de statut et de carrière conserve ses spécificités, notamment l'absence d'impact juridique d'un accord conclu dans son champ sur les dispositifs légaux et réglementaires ». Par conséquent, les stipulations d'un accord ne sont pas par elles-mêmes source de droit et ne lient pas juridiquement l'administration.

Cette spécificité par rapport au droit du travail, critiquée ces dernières années au motif qu'elle nuirait au dialogue social dans la fonction publique, a fait l'objet de plusieurs rapports et propositions de réforme. Sur le fondement de ces travaux, l'article 14 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures « définissant les cas et conditions dans lesquels les accords majoritaires disposent d'une portée ou d'effets juridiques ».

L'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique a ainsi modifié la loi du 13 juillet 1983 pour y insérer plusieurs dispositions réformant profondément le droit de la participation et de la négociation collective dans la fonction publique, dispositions figurant aux articles 8 bis à 8 nonies de la loi du 13 juillet 1983, et figurant aujourd'hui au titre II du livre II du code général de la fonction publique.

À cet égard, aux termes du nouvel article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983 (article 1er de l'ordonnance)232(*), certains accords collectifs conclus dans la fonction publique peuvent désormais contenir des « dispositions édictant des mesures réglementaires, ainsi que des clauses par lesquelles l'autorité administrative s'engage à entreprendre des actions déterminées n'impliquant pas l'édiction de mesures réglementaires ».

Deux limites encadrent toutefois cette faculté.

- D'une part, un tel effet n'est reconnu aux accords collectifs que s'ils portent sur l'un des quatorze domaines limitativement énumérés par l'article L. 222-3 du code général de la fonction publique ;

- D'autre part, les mesures réglementaires prévues par ces accords « ne peuvent porter sur des règles que la loi a chargé un décret en Conseil d'État de fixer, ni modifier des règles fixées par un décret en Conseil d'État ou y déroger ».

En dehors de ces quatorze thèmes, la négociation collective reste possible, l'article L. 222-4 du code général de la fonction publique prévoyant que « les organisations syndicales représentatives de fonctionnaires et les autorités administratives et territoriales compétentes ont également qualité pour participer à des négociations portant sur tout autre domaine ». Toutefois, dans cette hypothèse, les accords conclus sont dépourvus de portée juridique contraignante.

Le droit syndical des magistrats n'a pas la même dimension que celui des fonctionnaires.

Consacré par la loi organique du 8 août 2016, qui a introduit un article 10-1 dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il se limite, en réalité, à l'expression du fait syndical qui existait avant cette réforme. Si les magistrats peuvent se réunir en syndicats qui peuvent ester en justice pour la défense des intérêts des membres de ce corps, ils sont ainsi exclus du principe de participation mais également du principe de négociation consacrés au profit des fonctionnaires.

En effet, dans sa décision du 28 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que « en précisant que, sous réserve des dispositions spécifiques énoncées aux deuxième à septième alinéas du paragraphe II de l'article 10-1, les magistrats sont "soumis aux dispositions législatives et réglementaires de droit commun applicables aux fonctionnaires", le législateur organique a entendu rendre applicables les seules dispositions de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 ainsi que du décret du 28 mai 1982 mentionnés ci-dessus, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'adoption définitive de la loi organique » ( Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 60 à 62).

La représentativité des organisations syndicales de magistrats est dès lors déterminée par leur statut, garanti par la Constitution, qui impose, en son article 64, l'intervention d'une loi organique. Ainsi, la représentativité des organisations syndicales de magistrats est déterminée, soit en cas d'obtention d'un siège à la commission d'avancement, soit en cas d'obtention d'une audience suffisante lors de l'élection du collège de magistrats mentionné à l'article 13-1 de l'ordonnance statutaire, audience dont le taux est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. Le décret n° 2017-712 du 2 mai 2017 relatif à l'exercice du droit syndical dans la magistrature et pris pour l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature fixe ce taux minimal pour déterminer le caractère représentatif d'une organisation syndicale de magistrats à 6 % des suffrages exprimés lors de l'élection du collège de magistrats.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les magistrats, qui ne sont pas des fonctionnaires de l'Etat, ne participaient pas aux élections des comités techniques (CT) et ne pouvaient pas en être membres de sorte qu'ils ne pouvaient pas non plus siéger au comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT) du ministère de la justice compte tenu des modalités de composition de cette instance prévues par l'article 42 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique.

Afin de remédier à cette lacune et à la suite de l'arrêt n° 353470 du Conseil d'Etat du 12 février 2014, une solution avait été mise en place par le décret n° 2018-801 du 21 septembre 2018 fixant le mode de désignation des membres de certains comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du ministère de la justice permettant aux magistrats d'être électeurs pour cette seule instance et à leurs organisations syndicales représentatives d'être éligibles.

La loi de transformation de la fonction publique du 6 aout 2019 a procédé à la suppression des CT et des CHSCT, remplacés par une instance unique centralisant l'ensemble des compétences de ces deux instances : le comité social d'administration (CSA). Afin de permettre aux magistrats de disposer d'une instance compétente dans le domaine de l'hygiène et des conditions de travail mais également de participer aux débats au sein des CSA parce qu'il concernent des sujets collectifs touchant l'ensemble des personnels, le ministère de la justice a déposé un amendement visant à permettre aux magistrats de l'ordre judiciaire d'être électeurs pour les CSA du ministère de la justice et aux représentants de leurs organisations syndicales représentatives d'être éligibles au sein de ces mêmes CSA.

Ainsi, l'article L. 252-7 du code général de la fonction publique (CGFP), issu de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, prévoit que les magistrats de l'ordre judicaire sont, à compter des élections professionnelles de décembre 2022, électeurs et leurs organisations syndicales éligibles aux CSA du ministère de la justice.

L'introduction des magistrats au sein des CSA du ministère de la justice a entrainé un questionnement plus vaste, notamment au regard des dispositions prévues par le titre II du livre II du CGFP ( articles L. 211-1 à L. 227-4) qui promeuvent très largement la négociation comme modalité du dialogue social.

Des interrogations ont vu le jour au cours de l'année 2022 lors de la mise en place, au sein du ministère de la justice, des dispositions relatives au volet santé de la protection sociale complémentaire et plus particulièrement de l'applicabilité du décret n° 2022-633 du 22 avril 2022 relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'Etat en application de l'accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'Etat conclu le 26 février 2022.

Les magistrats de l'ordre judiciaire ne possèdent pas, dans leur statut, un texte similaire puisque l'article 10-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose que « le droit syndical est garanti aux magistrats qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. / II. - Pour l'exercice de ce droit, les magistrats sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires de droit commun applicables aux fonctionnaires, sous réserve du présent II (...) », disposition interprétée de manière restrictive par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, à l'heure actuelle, les dispositions de l'ordonnance statutaire ne permettent pas aux organisations syndicales représentatives de magistrats de négocier des accords, de façon indépendante ou aux côtés des organisations syndicales de fonctionnaires.

La qualité d'électeurs des magistrats et l'éligibilité de leurs organisations syndicales ne permet pas de rendre applicables aux magistrats les accords qui seraient négociés dans le périmètre d'un CSA. La négociation n'est pas une attribution du CSA mais une compétence dont sont dotées certaines organisations syndicales.

L'article L. 221-2 du CGFP dispose en effet que « les organisations syndicales représentatives et les autorités administratives et territoriales compétentes ont qualité au niveau national, au niveau local ou à l'échelon de proximité pour conclure et signer des accords portant sur les domaines mentionnés aux articles L. 222-3 ou dans les conditions prévues à l'article L. 222-4. »

Le CSA est donc l'instance de référence permettant de déterminer quelles sont les organisations syndicales habilitées à négocier dans un périmètre déterminé et les conditions de majorité de l'accord comme le prévoit l'article L. 221-3 du CGFP :

« Selon l'objet et le niveau des négociations mentionnées aux articles L. 221-1, L. 221-2 et L. 222-2, les organisations syndicales représentatives sont celles qui disposent d'au moins un siège (...) 2° Soit au sein des comités sociaux placés auprès de l'autorité administrative ou territoriale compétente et mentionnés à la section 1 du chapitre Ier du titre V, ou au sein des instances exerçant les attributions conférées aux comités sociaux (...) ».

Les organisations syndicales disposant d'un siège au CSA tirent donc du CGFP la compétence de négocier des accords.

Au sein du ministère de la justice, compte tenu des conditions dérogatoires d'élection des CSA propre à ce ministère, les magistrats sont compris dans le collège électoral de l'instance et les représentants de leurs organisations syndicales peuvent y être élus.

Cependant, il n'apparait pas possible de considérer que cette seule présence rend applicables aux magistrats les accords négociés et conclus uniquement par les organisations syndicales de fonctionnaires, les organisations syndicales de magistrats n'ayant pas cette compétence.

Il en résulterait une atteinte au principe de participation consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et par l'article L. 112-1 du code général de la fonction publique qui dispose que « dans les conditions prévues au livre II, les agents publics participent, par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs, à l'organisation et au fonctionnement des services public », dès lors que seules les organisations syndicales de magistrats qui prévoient la défense de cette population dans leurs statuts et remplissent les conditions posées par l'article 10-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 peuvent être qualifiées de représentatives.

Enfin, les dispositions du statut général des fonctionnaires s'appliquent aux magistrats en cas de renvoi exprès de l'ordonnance statutaire, renvoi qui n'existe pas actuellement.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Afin que les représentants des magistrats puissent prendre pleinement part au dialogue social, le présent projet vise à consacrer leur participation aux négociations, à la conclusion et à la signature des accords dans les domaines autres que ceux relevant de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et des textes pris pour son application.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée n° 1 : ne pas doter les organisations syndicales de magistrats de la compétence de négocier des accords

Comme évoqué ci-dessus, la consécration du droit syndical des magistrats est récente et résulte de la loi organique du 8 août 2016, consécration qui a fait l'objet d'une interprétation restrictive de la part du Conseil constitutionnel alors que la négociation collective constituait d'ores et déjà l'une des expressions du principe de participation.

Cette option n'a pas été retenue, la possibilité d'appliquer aux magistrats des accords négociés entre l'administration et les organisations syndicales n'apparaissant pas incompatible avec leur statut, sous certaines réserves.

3.1.2. Option écartée n° 2 : rendre applicable aux magistrats des accords validés par leurs seules organisations syndicales

Compte tenu de l'impossibilité pour les magistrats d'être représentés au cours des négociations, ces derniers ont jusqu'à ce jour été exclus du bénéfice de ces accords. Cependant, il est apparu que la portée de certains accords, comme ceux portant sur l'égalité entre les femmes et les hommes ou la qualité de vie au travail, nécessitaient qu'ils soient déclinés également dans la magistrature.

Il a été envisagé d'habiliter les organisations syndicales représentatives à valider, au bénéfice des magistrats de l'ordre judiciaire, les accords qui auraient été conclus par les organisations syndicales de fonctionnaires. Cette solution d'opt-in 233(*) aurait permis aux magistrats de pouvoir bénéficier d'accords qu'ils n'auraient pas négociés dans l'hypothèse où aucune organisation syndicale ne disposerait d'un siège au CSA ou en l'absence d'union de syndicats représentant les magistrats. En effet, en cas d'union entre les organisations syndicales de fonctionnaires et de magistrats, il peut être considéré que les magistrats sont représentés par ces unions pour les négociations et les accords signé au nom des unions.

Cette solution n'est cependant pas apparue opportune en dehors de cette configuration particulière car contraire au principe selon lequel la capacité de représentation d'un syndicat est conditionnée par son objet social. En effet, les organisations syndicales représentatives de fonctionnaires ne peuvent pas être considérées comme représentant les magistrats, indépendamment de l'objet de la négociation, dès lors que leurs statuts ne le prévoient pas.

3.2. OPTION RETENUE : AFFIRMER LE PRINCIPE DE PARTICIPATION

Face aux difficultés causées par la faible portée du droit syndical des magistrats, il est proposé d'élargir ce dernier au principe de la négociation.

En effet, les magistrats sont membres du collège électoral des CSA sur la base duquel la validité des accords est déterminée. Ils sont donc pris en compte pour le calcul de la majorité des accords visée à l'article L. 221-3 du CGFP qui conditionne la validité des accords à la capacité de représentation de ses signataires, c'est-à-dire 50 % des suffrages exprimés lors de l'élection de l'instance au niveau de laquelle l'accord est négocié, ce qui comprend également les voix des magistrats au sein du ministère de la justice.

Leurs organisations syndicales peuvent également être membres du CSA au même titre que celles des fonctionnaires, soit en leur nom propre, soit en tant que membre d'une union, de sorte que l'exclusion des magistrats des opérations de négociations aurait conduit à créer une fracture au sein du dialogue social ministériel mais aussi de proximité, puisqu'il existe actuellement un CSA par cour d'appel.

Compte tenu des très larges possibilités de négocier offertes par le CGFP et de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 juillet 2016, afin de respecter l'autonomie du statut de la magistrature et les spécificités propres à l'exercice des fonctions de magistrat, il est proposé que cette compétence s'exerce au sein du ministère de la justice avec une double limite.

D'abord, s'agissant des domaines dans lesquels ces accords sont susceptibles d'intervenir, il est proposé que ces accords soient limités aux domaines qui ne relèvent pas du champ statutaire ou susceptibles d'avoir une incidence sur l'indépendance de la magistrature, en opérant un renvoi vers l'article L. 222-3 du CGFP pour prévoir les domaines dans lesquels peuvent intervenir les accords applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire.

Ensuite, s'agissant du niveau auquel ces accords sont susceptibles d'intervenir, il est envisagé que cette compétence de négociation s'exerce dans les domaines limités au seul niveau national, soit au niveau ministériel, soit au niveau des services judiciaires. La possibilité de conclure et signer des accords à des niveaux inférieurs est quant à elle limitée aux accords portant sur les conditions d'application à ces niveaux des accords conclus et signés au niveau national. Il s'agit ici d'exclure l'application aux magistrats de tout accord initié localement.

Les quatre premiers alinéas du IV de l'article 10-1 de l'ordonnance statutaire ont donc pour objet de rendre applicable aux magistrats les accords négociés et signés au niveau national dans les conditions du droit commun, soit par les organisations syndicales visées par le 2° de l'article L. 221-3 et dans les conditions de l'article L. 223-1 du CGFP, c'est-à-dire par les organisations syndicales disposant d'un siège au CSA et dont la condition de majorité est déterminée par les résultats aux élections de ces mêmes CSA, et à permettre leur déclinaison aux niveaux inférieurs.

S'agissant des accords conclus au niveau interministériel, dans le périmètre du Conseil commun de la fonction publique ou dans celui du Conseil supérieur de la fonction publique d'Etat, si les magistrats sont électeurs et leurs organisations syndicales éligibles au CSA du ministère de la justice, l'article 6 du décret n° 2022-283 du 28 février 2022 relatif à la participation des magistrats et de leurs organisations syndicales aux élections aux comités sociaux d'administration du ministère de la justice a modifié le I de l'article 5 du décret du 16 février 2012 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique pour préciser que les effectifs et les votes des magistrats ne sont pas pris en compte pour la répartition des sièges au sein du Conseil supérieur de la fonction publique. En conséquence, il n'apparait pas possible de considérer que les magistrats sont représentés lors de la négociation de tels accords et que leur validité dans les conditions du droit commun de la fonction publique autorisent à les leur rendre applicables. Compte tenu de ces éléments, il est simplement prévu une possibilité de rendre applicables ces accords aux magistrats à défaut pour eux de pouvoir prendre part aux négociations et de prise en compte de leur poids dans la validation des accords.

Dans cette hypothèse, il n'apparait pas possible de retenir les résultats aux élections CSA, raison pour laquelle il est précisé que pour que de tels accords s'appliquent aux magistrats. C'est cette fois la représentativité des organisations syndicales de magistrats, au sens de l'ordonnance statutaire, qui doit être prise en compte et donc les résultats des élections à la commission d'avancement.

En conséquence, le présent projet prévoit des modalités spécifiques pour l'application aux magistrats, des accords conclus à un niveau interministériel par la mise en place d'un système d'adhésion, opt-in, et de renonciation, opt-out.

Cette adhésion des magistrats à un accord interministériel devra être formalisée par un acte juridique, avenant à l'accord interministériel, qui portera la signature du garde des sceaux et des organisations syndicales de magistrats l'acceptant, et permettra de matérialiser la prise en compte des magistrats dans le champs d'application de cet accord. Si de tels accords sont supposés faire l'objet d'une déclinaison dans le champ ministériel, les accords portant sur les conditions d'application à ce niveau, et le cas échant aux niveaux inférieurs, seront négociés et signés dans les conditions précédemment décrites, à savoir celle du droit commun, pour les accords relevant du seul périmètre du ministère de la justice.

Ce texte constitue une avancée par rapport à la jurisprudence du Conseil constitutionnel puisqu'il a pour objet de reconnaitre une compétence de négocier des accords applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire. Le système d'opt-in et d'opt-out mis en place pour les accords interministériels permet aux magistrats, en accord avec l'autonomie de leur statut, de décider dans quelle mesure ils souhaitent ou non bénéficier des accords qu'ils n'ont pas négociés.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée nécessite une modification de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Cette évolution vise à doter les magistrats d'une compétence supplémentaire et est de nature à favoriser leur intégration au sein du collectif des agents du ministère de la justice et à mettre un terme à une dissymétrie de moins en moins acceptée en matière de dialogue social. L'ensemble des agents du ministère pourra débattre collectivement des sujets communs et conclure et négocier des accords applicables à tous les agents relevant du même périmètre au sein du ministère de la justice.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Le 20 juillet 2020234(*), le garde des sceaux, ministre de la justice, a signé avec cinq organisations syndicales (UNSA, FO, CFDT, C. Justice et FSU) un accord sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes agents du ministère.

Cet accord comprend 60 actions, dont la mise en oeuvre est cadencée dans un agenda très précis. Elles portent sur la consolidation des acteurs du dialogue social, au plan national comme sur les territoires, les moyens de tendre vers une égalité effective dans les rémunérations et les parcours professionnels mais aussi la volonté d'améliorer concrètement l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle ainsi que la prévention des violences faites aux personnels.

Sa mise en oeuvre est assurée dans le cadre du comité de suivi de l'accord avec les organisations syndicales signataires et doit déboucher sur une culture de l'égalité au ministère, assise sur des résultats concrets, visibles et mesurables.

Or, un tel accord, fruit d'une concertation approfondie tout au long de l'année 2018 et d'une co-construction, au cours de neuf mois de négociation, entre les organisations syndicales et le ministère, n'a pas été signé par les organisations syndicales représentant les magistrats.

La possibilité de négocier et signer des accords collectifs offerte par le présent projet de loi met fin à une application à géométrie variable de ces accords. Des travaux sont en cours sur un accord-cadre relatif à la qualité de vie au travail, dont le périmètre est en voie de définition au sein du ministère. Il permettra notamment d'évoquer la prévention des risques psycho-sociaux et la formation et la sensibilisation à la qualité de vie au travail et la déclinaison des plans d'action, auxquels les organisations syndicales représentant les magistrats pourront participer, permettant la prise en compte des spécificités attachées à l'exercice des fonctions juridictionnelles.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

La question des accords signés en matière de protection sociale complémentaire avant la publication de la présente loi organique antérieurement à l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, en application des articles L. 827-1, L. 827-2 et L. 827-3 du code général de la fonction publique, est abordée au titre des mesures transitoires de la présente loi.

En effet, les accords interministériels ont été négociés et signés antérieurement à l'application de la présente loi et, il est apparu nécessaire de prévoir, au titre des mesures transitoires les conditions dans lesquelles ces accords peuvent être rendus applicables aux magistrats. Par souci de cohérence avec le reste du dispositif, il est proposé de prévoir les mêmes conditions que pour les accords qui seront conclus postérieurement à l'entrée en vigueur du texte mais au regard de l'élection de l'instance prévue par l'actuel article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, l'instance prévue par le présent projet d'article 10-1-1 devant entrer en fonction de manière différée et au plus tard le 31 décembre 2025.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'État devra préciser les modalités d'application de l'adhésion des magistrats aux accords conclus en commun pour les trois fonctions publiques ou pour la fonction publique d'État.

Article 7 - Dispositions relatives à l'intégration provisoire à temps partiel

I. Magistrats à titre temporaire

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Depuis de nombreuses années, le législateur a souhaité associer la société civile au règlement de la justice. Le statut des magistrats exerçant à titre temporaire (MTT) a été créé par la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Ce statut a conduit, dans un premier temps, au recrutement d'un nombre limité de MTT pour exercer des fonctions de juge d'instance ou d'assesseurs en formation collégiale.

Réformés par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, les articles 41-10 à 41-16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembres 1958 ont été modifiés afin d'étendre le champ de compétence des magistrats exerçant à titre temporaire pour leur permettre d'exercer « des fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales. ». Pour autant, et comme le prévoit l' article 41-10 A de l'ordonnance statutaire, ils « ne peuvent exercer qu'une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés. » Ainsi, les magistrats exerçant à titre temporaire n'occupent pas de postes pérennes, ils n'appartiennent pas au corps judiciaire au sens de l'article 1er de l'ordonnance, mais ils exercent à titre temporaire une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés, pour un nombre limité de vacations, et ce, éventuellement, concomitamment à leur activité professionnelle principale.

Les magistrats exerçant à titre temporaire sont soumis au statut de la magistrature dans le cadre du chapitre V bis, section II « De l'intégration provisoire à temps partiel ». Ainsi, leur statut est régi par les articles 41-10 A et 41-10 à 41-16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée. L' article 41-13 dispose notamment que les magistrats exerçant à titre temporaire sont soumis au statut de la magistrature. Ils sont ainsi soumis aux droits et aux obligations applicables à l'ensemble des magistrats et des garanties appropriées pour satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice des fonctions judiciaires, sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions.

S'agissant de leur recrutement, l' article 41-10 de l'ordonnance statutaire dispose notamment que « peuvent être nommées magistrats exerçant à titre temporaire [...] les personnes âgées d'au moins trente-cinq ans que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions. ». Institués en 1995 par la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l'ordonnance du 22 décembre 1958, le recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire visait à permettre l'exercice de certains fonctions judiciaires par des magistrats non professionnels. Ainsi, le texte prévoyait que pouvaient être nommées, pour exercer des fonctions de juge d'instance ou d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, les personnes âgées de moins de 65 ans révolus et justifiant d'une certaine expérience professionnelle. En raison du faible nombre de magistrats exerçant à titre temporaire recrutés, la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 a changé de logique pour fixer un âgé minimal de recrutement à 35 ans, qui est restée inchangée depuis.

Le recrutement de MTT est soumis à d'autres conditions listées au troisième alinéa de l'article 41-10 de l'ordonnance statutaire, selon lequel « Elles [les personnes pouvant être nommées magistrats exerçant à titre temporaire] doivent soit remplir les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° de l'article 22, soit être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et justifier de cinq années au moins d'exercice professionnel. ». L'ordonnance statutaire prévoit donc des garanties quant au niveau de diplôme exigé et d'expérience professionnelle requise pour postuler aux fonctions de MTT. Ainsi, les candidats, âgés de trente-cinq ans au moins, doivent par ailleurs remplir l'une des conditions suivantes :

1° Remplir les conditions prévues à l'article 16 (diplôme de niveau Bac +4) et justifier de 7 années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

2° Être directeur des services de greffe judiciaires et justifier de 7 années de services effectifs dans ce corps ;

3° Être fonctionnaire de catégorie A du ministère de la justice ne remplissant pas la condition de diplôme et justifier de 7 années de services effectifs au moins en cette qualité ;

4° Être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et justifier de 5 années au moins d'exercice professionnel.

En vue de la nomination à un premier mandat, la formation compétente du Conseil supérieur de la Magistrature (ci-après CSM) soumet le candidat MTT soit à une formation probatoire comportant une partie théorique et un stage en juridiction d'une durée comprise entre 40 et 80 jours, soit à une formation préalable comportant une partie théorique et un stage en juridiction d'une durée de 40 jours. Le CSM peut dispenser le candidat de toute formation, de la partie théorique ou du stage en juridiction, à titre exceptionnel et au vu de l'expérience professionnelle du candidat.

Cette possibilité de dispense est particulièrement adaptée pour les candidats qui sont d'anciens magistrats professionnels de l'ordre judiciaire. Elle permet leur arrivée plus rapide en juridiction, sans amoindrir leur compétence, compte tenu de la durée et de la qualité de leur expérience professionnelle acquise durant leur carrière.

Une fois recrutés, l'article 41-12 de l'ordonnance statutaire prévoit que les magistrats exerçant à titre temporaire « sont nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, dans les formes prévues pour les magistrats du siège. », étant précisé qu'ils ne peuvent rester en fonction au-delà de 75 ans. Jusqu'en 2016, le mandat des anciens magistrats exerçant à titre temporaire était d'une durée de 7 ans, non renouvelable, identique à celui des juges de proximité. La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 a procédé à la suppression des juges de proximité, leur statut ayant été fusionné avec celui des magistrats exerçant à titre temporaire. Il a alors été décidé de réduire la durée de leur mandat et de prévoir la possibilité d'un seul renouvellement, soit une durée totale de 10 ans, afin de rendre les fonctions de magistrats exerçant à titre temporaire plus attractives.

La loi organique n° 2021-1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a modifié l'article 41-10 de l'ordonnance statutaire pour étendre le champ de compétences des MTT. Désormais, cet article prévoit qu'ils peuvent « exercer des fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales ». En outre, ils peuvent « exercer une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité » et « exercer les fonctions d'assesseur dans les cours d'assises et les cours criminelles départementales ».

Tout comme les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, les MTT sont rémunérés au service fait et à la vacation, dont les montants sont précisés dans l' arrêté du 28 juin 2017 fixant les conditions d'application de l'article 35-6 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature concernant les magistrats exerçant à titre temporaire. Leur taux unitaire de la vacation est de 111,02 euros brut, soit 154,44 euros en coût chargé, avec un nombre maximal de vacation ne pouvant excéder 300 par an.

Au 1er janvier 2023, 392 magistrats exerçant à titre temporaire sont en fonction dans 133 tribunaux judiciaires sur 168 (164 tribunaux judiciaires et 4 tribunaux de première instance), soit 80 % au niveau national. A l'instar des magistrats de carrière, il existe des disparités dans le nombre de postes pourvus, tant pour certaines juridictions de métropole que parmi les juridictions ultramarines. Cela tient, d'une part, aux difficultés rencontrées par les cours d'appel de disposer de candidatures utiles et, d'autre part, au manque d'attractivité de certains territoires, entraînant une absence de vivier.

La répartition hommes/femmes, ainsi que les âges moyens, sont les suivants :

Civilité

MTT en fonction

Âge moyen

Femme

210

59 ans

Homme

182

68 ans

Parmi ces MTT, coexistent des profils très différents provenant de domaines du droit très variés, tels que : juristes, maîtres de conférence ou enseignant en droit, anciens officiers de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, membre de professions libérales (avocats, notaires, huissiers de justice), anciens directeurs (bancaire, juridique, hospitaliers), anciens cadres des finances publiques, magistrat honoraire financier ou magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif.

La répartition des MTT en fonction s'établit comme suit :

Expérience professionnelle

Activité

70 % de juristes (274), dont 40 magistrats honoraires de l'ordre judiciaire

41 % des MTT en fonction sont à la retraite (162)

29 % de membres ou anciens membres de professions libérales (114)

49 % des MTT travaillent en parallèle (192)

1 % de directeurs des services de greffe judiciaires (4)

10 % des MTT sont sans emploi (33) ou omis du barreau (5)

117 MTT viendront renforcer les effectifs des juridictions au cours de l'année 2023, selon le planning suivant :

Date du CSM

Stagiaires

Arrivées prévisionnelles au sein des tribunaux judiciaires

15 juillet 2021

27 et 7 magistrats. honoraires*

1er trimestre 2023 - février 2022

20 octobre 2021

11

1er trimestre 2023

10 novembre 2021

1

1er trimestre 2023

2 mars 2022

28 et 3 magistrats honoraires*

3ème trimestre 2023 - mai 2022

14 avril 2022

4 et 1 magistrat. honoraire*

3ème trimestre 2023 - juin 2022

21 juill., 1er et 14 sept. 2022

30 et 5 magistrats. honoraires*

1er trimestre 2024 - juillet 2022

Total

117

 

* Ces magistrats honoraires ont été dispensés totalement de formation initiale par le CSM.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Si les magistrats non-professionnels voient leurs compétences nettement étendues depuis 2016, le principe de leur participation minoritaire au sein des formations de jugement est régulièrement réaffirmé. En outre, il a été ajouté le principe d'une participation limitée des magistrats non-professionnels lorsque ces derniers exercent dans un même service. Pour autant, la participation à des activités judiciaires des magistrats non professionnels est strictement encadrée par le Conseil constitutionnel.

En effet, la jurisprudence constitutionnelle, constante depuis une décision du 21 février 1992, valide et encadre la possibilité de confier des fonctions dévolues aux magistrats, à un magistrat non-professionnel : « les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire ; que la Constitution [article 64] ne fait cependant pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires ; qu'il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions »235(*).

Dans une décision du 20 février 2003, le Conseil constitutionnel impose, s'agissant de l'exercice à titre temporaire de fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière, par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, « des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires, ainsi qu'aux exigences de capacité, qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 »236(*). Bien qu'il admette que les fonctions de magistrat puissent être exercées par des personnes qui n'ont pas embrassé la carrière de magistrat, le Conseil Constitutionnel veille à ce que ces personnes soient soumises à un statut garantissant leur indépendance et impartialité et qu'elles présentent les compétences nécessaires à exercer ces fonctions. Il exerce ainsi un contrôle strict des garanties statutaires de capacité et d'expérience des magistrats exerçant à titre temporaire et, par conséquent, sur l'adéquation des compétences attendues pour les candidats vis-à-vis des fonctions susceptibles de leur être proposées.

Le Conseil Constitutionnel précise ainsi que si aucune règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à des conditions de recrutement différenciées aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire, c'est à condition que le législateur organique précise lui-même le niveau de connaissances ou d'expérience juridiques auquel doivent répondre les candidats à ces fonctions, de manière à satisfaire aux exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et afin que soit garantie, en application du même article, l'égalité des citoyens devant la justice.

Le Conseil Constitutionnel a donc posé plusieurs conditions pour encadrer la participation des juges non-professionnels à l'exercice de la justice :

- Leurs fonctions ne doivent constituer qu'une « part limitée » de celles normalement réservées aux magistrats de carrière ;

- Il doit s'agir de fonctions exercées à titre temporaire ;

- Des garanties appropriées doivent permettre de satisfaire au principe d'indépendance et aux exigences résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 de l'égal accès des citoyens aux emplois publics : les juges non-professionnels doivent être soumis aux mêmes droits et obligations que les magistrats de carrière et doivent être assujettis à certaines conditions s'agissant notamment de leur nomination après avis du Conseil supérieur de la magistrature, de leur formation, ou de leurs incompatibilités.

La notion d'exercice d'une « part limitée » des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière semble se rapporter tant au volume des dossiers de la juridiction qu'à la nature des compétences qui sont attribuées aux magistrats non-professionnels, et elle est aujourd'hui rappelée à l'article 41-10 A de l'ordonnance statutaire, selon lequel « Les magistrats mentionnés à la présente section ne peuvent exercer qu'une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés. Ils ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale de la juridiction dans laquelle ils sont nommés ou affectés ni composer majoritairement la cour d'assises ou la cour criminelle départementale. » Ces deux aspects sont en effet en lien : en permettant aux magistrats non-professionnels d'exercer toutes les fonctions, la part des dossiers qu'ils sont susceptibles de traiter sera d'autant plus importante.

Il convient enfin de préciser que la lettre de l'article 41-10 A de l'ordonnance statutaire, soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, a fait l'objet d'une réserve d'interprétation. En effet, pour ce dernier, cet article ne saurait, sans méconnaître le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, être interprété comme permettant qu'au sein d'un tribunal, plus d'un tiers des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées par des magistrats recrutés provisoirement, que ce soit à temps partiel ou à temps complet237(*).

Par ailleurs, en matière pénale, le Conseil constitutionnel s'est notamment prononcé dans une décision du 8 juillet 2011238(*), à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles L. 251-3 et L. 251-4 du code de l'organisation judiciaire qui prévoient la composition des tribunaux pour enfants, sur la participation de juges non professionnels aux formations de jugement ayant la possibilité de prononcer des mesures privatives de liberté. Le requérant faisait notamment valoir que la présence majoritaire au sein de ce tribunal, d'assesseurs, non magistrats, nommés par le garde des Sceaux, méconnaît l'article 66 de la Constitution.

À cette occasion, le Conseil constitutionnel a considéré, sur le fondement de l'article 66 de la Constitution, que « si ces dispositions s'opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges ».

Tout en admettant ainsi que des juridictions de droit commun puissent être composées de juges non professionnels, le Conseil constitutionnel a toutefois considéré que cette possibilité devait être entourée « des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, ainsi qu'aux exigences de capacité, qui découlent de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, s'agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire ».

Pour les juridictions de droit commun, le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler la même solution à l'occasion d'une décision du 1er avril 2016239(*), en considérant que la formation du tribunal de première instance de Mata-Utu en matière correctionnelle n'était pas conforme aux exigences de l'article 66, en ce qu'elle était composée majoritairement de personnes n'ayant pas la qualité de magistrat : « si ces dispositions s'opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges ; que, s'agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire ».

En l'espèce, le Conseil constitutionnel avait retenu que « pour exercer la compétence que lui reconnaît le code de procédure pénale, le tribunal correctionnel dans le territoire des îles de Wallis-et-Futuna statuant en formation collégiale siégera selon la règle prévue par l'article 398 du code de procédure pénale, laquelle garantit que la formation de jugement sera composée d'une majorité de magistrat professionnels ».

Ainsi, sans porter atteinte aux dispositions de l'article 66 de la Constitution, le législateur peut prévoir qu'une juridiction pénale de droit commun, ayant le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté, puisse être composée de juges non professionnels, à la double condition que des garanties d'indépendance et de capacité soient prévues et que la proportion de ces juges reste minoritaire.

En outre, en tant que magistrats de carrière, les magistrats du parquet comme ceux du siège, qui composent l'autorité judiciaire, sont les gardiens de la liberté individuelle. En effet, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision du 29 août 2002240(*) relative aux juges de proximité, « Considérant, en premier lieu, que l'article 66 de la Constitution, aux termes duquel "Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi", ne s'oppose pas à ce que soient dévolues à la juridiction de proximité des compétences en matière pénale dès lors que ne lui est pas confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté ; qu'en n'attribuant à cette juridiction que le jugement de contraventions de police, le législateur a satisfait à cette condition ».

Transposable aux magistrats exerçant à titre temporaire, dont le statut découle de celui des anciens juges de proximité, le Conseil constitutionnel relève qu'il ne pourrait leur être confié le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté. En leur confiant les fonctions de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, pour les seules contraventions des quatre premières classes et certaines contraventions de cinquième classe, le législateur s'en tient aux limites imposées par le Conseil constitutionnel, et ne saurait consacrer aux MTT d'autres fonctions pénales sans les dépasser.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, transposée en droit interne par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discrimination, prohibe toute discrimination, notamment fondée sur l'âge et particulièrement en ce qui concerne l'accès à l'emploi, les conditions d'emploi et de travail, y compris dans le secteur public, dont fait partie le service public de la justice. Elle vise, à son article 3, « les conditions d'accès à l'emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement », tant dans le secteur public que privé.

Le principe de non-discrimination à raison de l'âge constitue un principe général du droit de l'Union européenne241(*). Toutefois, il peut y être dérogé sous certaines conditions. L'article 6§1 de la directive prévoit que, pour être considérée comme non-discriminatoire, la limite d'âge doit être objectivement et raisonnablement justifiée, poursuivre un objectif légitime lié notamment à la politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite et être appropriée et nécessaire pour atteindre cet objectif.

La directive n'interdit donc pas, de façon absolue, toute exigence relative à l'âge, mais le maintien des limites d'âge doit être particulièrement justifié par un objectif légitime, proportionné et adapté à cet objectif. Par suite, l'adoption de la directive n° 2000/78/CE a conduit à un mouvement général de suppression des limites d'âge dans l'accès à l'emploi public.

Dans un premier temps, l' ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'Etat, a supprimé les conditions d'âge pour l'accès aux concours de la fonction publique, à compter du 1er novembre 2005 (sauf deux exceptions relatives aux emplois classés dans la catégorie active et au recrutement par concours, lorsque l'accès est subordonné à l'accomplissement d'une période de scolarité préalable d'au moins 2 ans).

Dans un second temps, l'article 27 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a généralisé cette suppression des limites d'âge en abrogeant l'alinéa 5 de l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 susmentionnée. Désormais, ce texte, repris par les articles L. 131-5 et L. 131-6 du code général de la fonction publique, dispose que « Des conditions d'âge peuvent être fixées pour le recrutement des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois conduisant à des emplois classés dans la catégorie active, au sens de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. » et que « Des conditions d'âge peuvent être fixées pour le déroulement de la carrière des fonctionnaires, lorsqu'elles résultent des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi. ».

Il en ressort donc que désormais, pour la fonction publique, des conditions d'âge peuvent être fixées uniquement dans deux cas :

- Le recrutement des emplois de « catégorie active », c'est-à-dire qui présentent un risque particulier ou qui peuvent susciter des fatigues exceptionnelles ;

- La carrière des fonctionnaires lorsque la limite d'âge résulte des exigences professionnelles, justifiées par l'expérience ou l'ancienneté, requises par les missions qu'ils sont destinés à assurer dans leur corps, cadre d'emplois ou emplois.

Le contrôle exercé par le juge sur les exceptions au principe de non-discrimination en lien avec l'âge est très poussé. C'est ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne considère qu'une disposition du droit de l'Union européenne permettant aux États membres de prévoir une exception au principe de non-discrimination fondé sur l'âge doit faire l'objet d'une interprétation restrictive242(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Aujourd'hui, la charge des juridictions est telle qu'il devient essentiel de faciliter le recrutement des magistrats non professionnels. En effet, compte tenu des vacances d'emploi actuelles et des perspectives des départs en retraite, il paraît opportun de confier de plus larges fonctions aux MTT. En outre, le faible nombre de magistrats exerçant à titre temporaire recrutés à ce jour atteste d'un défaut d'attractivité qui trouve son origine dans les conditions de recrutement (exercice professionnel antérieur pouvant aller jusqu'à 7 ans, condition d'âge minimum de 35 ans), ainsi que dans la limite au renouvellement des fonctions, limitant à dix ans l'exercice en qualité de magistrat à titre temporaire. Par ailleurs, le grand nombre d'avis réservés ou défavorables rendus par les chefs de cour procédant à l'instruction des candidatures aux postes de MTT, en raison notamment du champ de compétence insuffisant des candidats, restreint d'autant plus le vivier des magistrats exerçant à titre temporaire.

En effet, entre août 2016 et septembre 2022, 370 candidatures ont été soumises au CSM, dont 29 dispenses de formation, 3 stages préalables de 20 jours et 17 stages préalables de 40 jours. Au cours de la même période, il y a eu 67 désistements pendant la formation. Parmi les 297 candidats soumis à un stage probatoire, 86 candidats ont suivi un stage probatoire de 40 jours et 211 candidats ont suivi un stage probatoire de 80 jours. Après la réalisation du stage probatoire, le CSM a rendu 99 avis définitifs conformes et 37 avis définitifs non conformes.

Entre 2016 et septembre 2022, 63 dossiers ont fait l'objet d'une irrecevabilité et 239 dossiers ont reçu un avis défavorable ou réservé à l'issue de leur instruction par les cours d'appel, dont 184 dossiers non proposés (avis défavorables ou réservés) ont été adressés au CSM depuis la première promotion de 2017, avec 49 désistements en cours d'instruction.

Le problème réside notamment dans la difficulté récurrente de trouver des profils de candidats suffisamment complets pour satisfaire aux exigences de capacités attendues en tout domaine et obtenir un avis favorable de la part du CSM. La question se pose avec d'autant plus d'acuité que ce dernier relevait, dans une note de mars 2017, que « Eu égard à l'extension des compétences et du nombre de vacations des magistrats exerçant à titre temporaire (porté désormais à 300 par an), il était donc essentiel pour le Conseil supérieur de la magistrature de s'assurer de la compétence effective des candidats, d'autant que le Conseil ne peut assortir son avis conforme d'une recommandation limitant des fonctions à certains contentieux. »

En outre, pour tenir compte des nouvelles missions qui pourront être confiées aux magistrats de l'ordre judiciaire, notamment la présidence de l'audience de règlement amiable du code de procédure civile, et au regard de la charge actuelle des tribunaux judiciaires limitant la possibilité pour les magistrats de carrière de procéder eux-mêmes aux procédures de conciliation, une modification des compétences dévolues aux magistrats non-professionnels devra leur permettre d'être désignés pour présider ces audiences de règlement amiable.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les mesures envisagées visent à faciliter le recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire et à renforcer l'attractivité de ces fonctions, afin de lutter contre les vacances de postes dans la magistrature et d'étoffer l'équipe autour du magistrat.

En effet, la possibilité de nommer les MTT sur certaines compétences seulement, notamment civiles ou pénales, la révision des conditions de recrutement, les nouvelles compétences qui leur sont attribuées, ainsi que la possibilité d'un maintien en fonctions pour cinq années supplémentaires, permettront aux juridictions de disposer d'un vivier de magistrats plus vaste pour exercer ces nouvelles fonctions, et donc de davantage de flexibilité en terme d'organisation des services.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée n° 1 : permettre au CSM d'émettre des réserves fonctionnelles

Concernant la volonté d'alléger le champ des connaissances requises pour le recrutement des MTT, une première hypothèse envisagée consistait à permettre au CSM d'émettre des réserves sur l'exercice de certaines fonctions. Ainsi, les magistrats exerçant à titre temporaire n'auraient pas été autorisés à exercer toutes les fonctions qui leur sont habituellement dévolues, mais uniquement certaines d'entre elles, pour lesquelles ils auraient eu des compétences plus développées.

Pour autant, cette option aurait nécessité l'introduction, dans l'ordonnance statutaire, de précisions concernant les modalités d'émission de réserves par le Conseil supérieur de la magistrature et les conditions dans lesquelles elles auraient pu être levées, ce qui était difficilement envisageable compte tenu du statut particulier de ces magistrats qui n'ont pas vocation à exercer une mobilité.

3.1.2. Option écartée n° 2 : maintenir la durée actuelle d'exercice de fonctions de MTT

Les magistrats exerçant à titre temporaire disposent, en l'état actuel de l'ordonnance statutaire, de la plus longue durée d'exercice totale prévue pour des magistrats non professionnels de l'ordre judiciaire. Une durée totale de quinze années irait au-delà de ce qui est aujourd'hui permis.

Il convient d'ailleurs de préciser, s'agissant des MTT qui exerçaient auparavant en qualité de juges de proximité, qu'ils ont pu bénéficier des dispositions transitoires de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, selon lesquelles la durée d'exercice totale pouvait aller jusqu'à dix-sept ans (sept années en qualité de juge de proximité suivies de deux mandats de cinq ans en qualité de magistrat exerçant à titre temporaire).

Les magistrats de l'ordre judiciaire exercent en moyenne leurs fonctions durant quarante ans. Une durée de quinze années d'exercice correspond donc à plus d'un tiers de la carrière d'un magistrat de l'ordre judiciaire. Il s'agit d'une durée qui parait importante et qui risquerait de n'être plus considérée comme provisoire.

À cet égard, et jusqu'à la réforme intervenue en 2010, le droit à pension était acquis au fonctionnaire après quinze années accomplies de services effectifs ( article L. 4 du code des pensions civiles et militaires dans sa version en vigueur du 1er décembre 1964 au 11 novembre 2010 ; durée depuis réduite à deux ans en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2019 portant réforme des retraites aux fonctionnaires, aux militaires et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat et le décret n° 2010-1740 du 30 décembre 2010 portant application de diverses dispositions). Cette durée de quinze ans a ainsi longtemps pu être considérée comme étant la durée minimale pour une carrière.

Cet allongement de la durée d'exercice, conjugué au fait que le renouvellement est de droit, impliquerait par ailleurs qu'une partie de plus en plus importante de l'activité des juridictions serait exercée par des magistrats non professionnels, alors même que le Conseil constitutionnel a admis que « les fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire », faisant du caractère temporaire de l'exercice des fonctions un critère déterminant.

L'augmentation de la durée d'exercice des MTT semble cependant conserver un aspect temporaire compte tenu du caractère partiel de cette activité, plafonnée à 300 vacations par an en application de l'article 35-6 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993. Or, en pratique, les MTT effectuent en moyenne 180 vacations par an.

3.1.3. Option écartée n° 3 : ne pas élargir les compétences des MTT

De nouvelles compétences vont être confiées aux magistrats, notamment l'introduction de l'audience de règlement amiable dans le code de procédure civile. Il a été envisagé de restreindre leur présidence aux seuls magistrats de carrière en exercice, sans inclure la possibilité d'exercice de cette mission par les magistrats exerçant à titre temporaire.

Toutefois, au regard de la charge actuelle des tribunaux judiciaires et de l'état des effectifs, limitant les possibilités pour les magistrats de carrière de procéder eux-mêmes aux procédures de conciliation, cette solution n'est pas apparue souhaitable.

S'agissant de l'extension des compétences des MTT pour leur permettre d'exercer leurs fonctions au sein du ministère public, il est apparu quelques réserves quant à la possibilité de confier à un MTT la permanence pénale, en ce qu'elle implique la gestion de gardes à vue, mesures par essence privatives de liberté.

S'agissant des autres missions du parquet, parquet civil, parquet commercial, et plus généralement des autres tâches de soutien au ministère public, il y a lieu de rappeler que les fonctions de substitut près les tribunaux judiciaires ou substitut général près les cours d'appel peuvent d'ores et déjà être exercées par des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (ci-après MHFJ), de sorte que, dans les parquets où le nombre de magistrats est plus restreint, le respect du principe de la « part limitée » pourra s'avérer difficile.

Enfin, le garde des sceaux, a assuré du recrutement en nombre important de juristes assistants qui peuvent accomplir la plupart des tâches de soutien à l'activité des parquets.

Là encore, si cette option à l'avantage de ne pas impliquer la modification de l'ordonnance statutaire sur ce point, au regard des missions de plus en plus nombreuses confiées au parquet et de l'état de ses effectifs, cette option n'a pas été retenue.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1. Option retenue concernant la modification des conditions de recrutement des MTT

A - Permettre un recrutement sur des compétences ciblées

Les magistrats exerçant à titre temporaire actuellement recrutés font l'objet d'une nomination dans les formes applicables aux magistrats du siège (proposition du garde des sceaux, avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et nomination par décret du président de la République) pour une durée de cinq ans, avec renouvellement de droit octroyé par le Conseil supérieur de la magistrature. Leurs décrets de nomination ne font état d'aucune précision concernant les fonctions qu'ils peuvent effectivement exercer.

La proposition de recruter des MTT sur des blocs de compétences permet d'envisager un recrutement facilité des magistrats exerçant à titre temporaire : les candidats qualifiés uniquement sur certaines des fonctions pouvant être exercées par les MTT, et non sur l'intégralité d'entre elles, pourront recevoir un avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature.

Il est ainsi prévu, en gestion, de permettre aux candidats, lors du dépôt de leurs candidatures, de solliciter leur nomination sur une ou plusieurs fonctions leur permettant d'exclure certaines compétences pour lesquelles ils ne s'estiment pas qualifiés. Suivant ces précisions, après l'avis des chefs de cour lors de l'instruction du dossier de candidature, puis celui du CSM, l'évolution proposée de la rédaction de l'article 41-10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 permettra d'envisager une nomination du magistrat exerçant à titre temporaire sur les seules fonctions d'assesseur civil ou d'assesseur pénal, seules ou en complément d'autres fonctions qui leur sont ouvertes.

B - Supprimer la condition d'âge minimum pour leur recrutement

Dans le cadre du présent projet de loi organique, il est prévu de supprimer l'ensemble des limites d'âge, minimales et maximales, encadrant les voies de recrutement, qu'elles soient fixées par la loi organique ou par décret et ce, dans un objectif d'harmonisation avec l'Union européenne et la fonction publique tout en consacrant une solution permettant aux futurs magistrats de respecter leur engagement de servir.

De la même manière, la proposition de suppression de la condition d'âge minimum pour devenir MTT s'inscrirait dans la droite ligne de ce mouvement général de suppression de limites d'âge dans tous les recrutements de la fonction publique et permettrait d'étendre les possibilités de candidatures.

En outre, cette suppression de la condition d'âge minimum ne s'inscrit pas à l'encontre de la position du Conseil constitutionnel, qui ne fait pas de la condition d'âge minimum pour être nommé MTT une garantie de leur indépendance et impartialité. Avant la réforme de 2016, aucun âge minimal n'était requis pour prétendre à une nomination en qualité de MTT. En revanche, une telle mesure pourrait avoir un impact sur l'exigence de capacité attendue par le Conseil constitutionnel, qui continue d'exercer un contrôle strict sur les garanties statutaires de capacité et d'exercice des magistrats exerçant à titre temporaire et, par conséquent, sur l'adéquation des compétences attendues pour les candidats par rapport aux fonctions susceptibles de leur être proposées.

A ce titre, il apparaît que la condition d'expérience imposée par les textes, réduite à cinq ans dans le projet de loi organique, assure le respect de l'exigence de capacité. En effet, les conditions requises actuellement entraînent, de facto, des candidatures de magistrats exerçant à titre temporaire qui justifient d'une expérience largement suffisante, cela en raison du fait que ces fonctions sont souvent exercées de manière accessoire à une activité professionnelle principale. Ainsi, les personnes plus jeunes, en début de carrière, tendent à privilégier le développement de leur carrière principale avant de s'engager dans des fonctions juridictionnelles à titre temporaire.

Malgré l'absence de limite d'âge minimum, les MTT recrutés devront tout de même justifier d'une expérience humaine et professionnelle suffisante, en raison du maintien de la condition d'expérience.

C - Modifier les conditions de recrutement

Afin d'assurer la mise en cohérence des modifications apportées aux différentes voie d'accès au corps de la magistrature avec les conditions exigées pour le recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire, le projet de loi organique uniformise la durée d'exercice professionnel requis pour accéder aux fonctions de MTT à cinq ans et remplace les conditions d'accès du troisième alinéa de l'article 41-10 de l'ordonnance statutaire par une liste de conditions alternatives empreinte de plus de lisibilité.

Pourront désormais être nommés magistrats exerçant à titre temporaire :

- Les personnes satisfaisant aux conditions de l'article 16 et 1° de l'article 17 (niveau de diplôme Bac + 4), justifiant d'un minimum de cinq années d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

- Les personnes justifiant d'un minimum de cinq années de services effectifs dans le corps des directeurs des services de greffe judiciaires ;

- Les fonctionnaires de catégorie A du ministère de la justice ne remplissant pas les conditions prévues au 1° de l'article 17 et justifiant d'un minimum de cinq années de services effectifs en cette qualité ;

- Les membres ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé, justifiant d'un minimum de cinq années d'exercice professionnel.

3.2.2. Option retenue concernant les attributions des MTT

D'une part, le projet de loi prévoit l'introduction de « l'audience de règlement amiable » dans le code de procédure civile, d'une part au sein du livre Ier consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions, d'autre part au sein du titre Ier du livre II consacré aux dispositions particulières au tribunal judiciaire.

S'agissant plus précisément du tribunal judiciaire, ce dispositif pourrait permettre :

- Soit à la juridiction saisie d'un litige de « désigner un juge pour présider une audience de règlement amiable » dans le cadre de la procédure écrite ordinaire, ce sera alors au juge de la mise en état de désigner ce juge ;

- Soit au juge saisi aux fins de tentative préalable de conciliation de présider lui-même l'audience de règlement amiable, dans le cadre de la procédure orale ordinaire.

La nouvelle audience de règlement amiable s'inscrit dans la mission générale du juge de concilier les parties, prévue au titre des principes directeurs du procès civil à l' article 21 du code de procédure civile. Le projet vise à inscrire la présidence de l'audience de règlement amiable dans le cadre de l'office du juge conciliateur, au sein des tribunaux judiciaires, en procédure écrite ordinaire principalement. Cette audience ne pourra se tenir qu'à la demande des parties ou sur décision du juge d'office, mais avec l'accord préalable des parties.

Un juge, MTT ou magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ), pourra alors être désigné par le juge saisi pour présider cette audience, afin de conduire les parties à trouver un accord. En cas de succès, même partiel, les parties pourront demander au juge présidant l'audience de règlement amiable de constater leur accord. En revanche, en cas d'échec, ou si les parties ne sollicitent pas l'établissement d'un procès-verbal constatant leur accord, l'affaire sera renvoyée au juge initialement saisi du litige sans priver les parties de solliciter ultérieurement, dans les conditions de droit commun, l'homologation d'un accord auquel elles seraient parvenues.

Compte tenu de la charge actuelle des tribunaux judiciaires, il ne paraît que peu probable que les juges puissent dégager un temps suffisant pour présider eux-mêmes l'audience de règlement amiable. Il est donc opportun de prévoir la possibilité de désignation de magistrats non professionnels, dont les MTT, pour présider ces audiences.

D'autre part, le projet de loi étend les compétences des MTT aux fonctions de substituts près les tribunaux judiciaires. Ils pourront ainsi exercer l'ensemble des attributions du ministère public : représentation du ministère public à l'audience, traitement des procédures de toute nature, permanence pénale, etc. Afin de renforcer les effectifs des parquets de première instance, dont les attributions sont croissantes, cette extension de compétence apparait opportune.

Enfin, l'introduction de cette dernière compétence nécessite d'ajuster le statut des MTT afin de prévoir que leur nomination interviendra après avis du CSM, que leur déclaration d'intérêts sera remise au procureur de la République et que l'information d'un changement d'activité professionnelle sera donnée au procureur général qui sera chargé d'en apprécier la compatibilité avec les fonctions de MTT.

3.2.3. Option retenue concernant l'introduction d'un troisième mandat pour les MTT et de l'introduction d'une limite de 10 ans maximum pour l'exercice, par un magistrat exerçant à titre temporaire, des fonctions de juge des contentieux de la protection

Afin de renforcer l'attractivité de ces fonctions, notamment envers des candidats plus jeunes, et de maintenir le vivier de ces magistrats non-professionnels actuellement en activité dans les juridictions, il est envisagé de permettre un second renouvellement du mandat des magistrats exerçant à titre temporaire, et donc de fixer la nouvelle limite d'exercice à quinze années.

Le renouvellement du mandat des magistrats exerçant à titre temporaire est un renouvellement de droit dans la même juridiction. Afin de garantir qu'à l'instar des magistrats de carrière, les MTT n'exercent pas une fonction spécialisée pour laquelle la durée est limitée à dix années, il est prévu d'ajouter une interdiction expresse d'exercer plus de dix années les fonctions de juge des contentieux et de la protection.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Ces dispositions impliquent une modification des articles 41-10, 41-11,41-12, 41-13, 41-14, 41-25, 41-27 et 41-31 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Un décret en conseil d'Etat est actuellement en cours de rédaction pour introduire la nouvelle procédure relative à l'audience de règlement amiable, qui devrait être publié lors de l'examen du projet de loi organique.

En outre, le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 581270 du 22 décembre 1958 sera modifié afin de revoir les modalités de la formation des magistrats exerçant à titre temporaire compte tenu de la possibilité de les nommer dans des fonctions spécifiques et non plus sur l'intégralité de celles que ces magistrats peuvent exercer, et d'introduire la compétence de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétent à l'égard des magistrats du parquet dans l'étude des projets de nomination aux fonctions de MTT.

Enfin, les mesures envisagées impliquent la modification de l'arrêté du 28 juin 2017 fixant les conditions d'application de l'article 35-6 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature concernant les magistrats exerçant à titre temporaire, afin d'y intégrer la rémunération des MTT amenés à présider l'audience de règlement amiable et à exercer les fonctions de substitut près les tribunaux judiciaires.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Ces dispositions visent à faciliter le recrutement de magistrat exerçant à titre temporaire et renforcer l'attractivité de ces fonctions, dont les compétences juridictionnelles seront accrues.

Cette catégorie d'agents non titulaires est indemnisée sous forme de vacation. Le plafond de vacations pouvant être effectuées par ces magistrats non professionnels s'élève à 300 par an en application de l'article 35-6 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993.

Dès lors, quelles que soient les missions effectuées, ce plafond est contraignant et nécessite notamment dans les ordonnances de roulement, de tenir compte de cette limite. Pour tenir compte de la nouvelle mission, qui sera indemnisée à hauteur de trois ou cinq taux de vacation par audience ou par dossier, qui devrait permettre d'atteindre les plafonds, il est envisagé une hausse des recrutements, à hauteur de 5 % par an.

Le taux unitaire de vacation est d'un montant de 111,02 euros brut, soit 154,44 euros en coût chargé. Au regard du coût chargé du taux de vacation et de la limite des 300 vacations annuelles, le recrutement d'un magistrat exerçant à titre temporaire a un impact financier maximal de 46 332 euros en coût chargé.

Les magistrats exerçant à titre temporaire suivent en principe une formation (40 à 80 jours) indemnisée à un demi taux de vacation par jour de formation. L'impact budgétaire sur le programme 166 estimé par magistrat exerçant à titre temporaire est de 6 178 € incluant toutes les charges.

Tableau du coût supplémentaire lié au recrutement de MTT (5 %) :

(1) Les magistrats exerçant à titre temporaire recrutés au cours de l'année N suivent une formation pour laquelle ils sont indemnisés en année N+1 et n'entrent réellement en fonction qu'au cours de l'année N+2. L'impact sur les effectifs de magistrats exerçant à titre temporaire en fonctions a lieu en année N+2. Toutefois, l'impact budgétaire du recrutement a lieu dès l'année N+1 (formation) puis en année N+2 (entrée en fonctions).

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La mise en place de blocs de compétences pour le recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire entraînera un impact vertueux pour les services de l'administration centrale et plus particulièrement pour la direction des services judiciaires en charge de la localisation et des nominations des magistrats exerçant à titre temporaire.

En effet, la direction des services judiciaires devra élaborer une localisation affinée des MTT au regard de l'activité civile et pénale des juridictions. Cette évolution est d'ores et déjà intégrée dans une stratégie plus globale d'analyse plus fine de l'activité des juridictions, ainsi que de l'apport de l'équipe autour du magistrat et des magistrats honoraires et MTT.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Les modifications envisagées permettent de valoriser et de rendre plus attractives les fonctions de magistrats exerçant à titre temporaire. De plus, grâce à la mise en place d'une durée d'exercice de quinze ans, les MTT resteront plus longtemps en juridiction. Le maintien d'un vivier croissant de magistrats non professionnels permettra un traitement des contentieux dans de meilleurs délais. En participant au renforcement des effectifs de magistrats, ces mesures sont de nature à garantir un meilleur fonctionnement des juridictions et la continuité du service public de la justice.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, l'Association des magistrats à titre temporaire (ANMATT) et l'Union syndicale des magistrats exerçant à titre temporaire (USMETT) ont été consultées de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées s'appliquent à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

En effet, les nouvelles dispositions étant amenées à favoriser le recrutement des magistrats exerçant à titre temporaire, elles seront applicables à l'examen des dossiers de candidatures en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi organique.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'Etat devra modifier le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, afin notamment de :

- Prévoir la réalisation de l'entretien du magistrat exerçant à titre temporaire avec le procureur de la république du tribunal judiciaire dans lequel il est nommé et l'émission d'un avis par le procureur de la République du tribunal judiciaire dans lequel le magistrat exerçant à titre temporaire est nommé (article 20, alinéas 11 et 13) ;

- Prévoir que le garde des Sceaux, ministre de la justice, saisit la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège ou des magistrats du parquet des projets de nomination aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire (article 35-2, alinéa. 2) ;

- Adapter la durée de la formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature pour les magistrats exerçant à titre temporaire au regard d'une nomination sur certains blocs de compétences uniquement (articles 35-3 et 35-3-1).

L'arrêté du 28 juin 2017 fixant les conditions d'application de l'article 35-6 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature concernant les magistrats exerçant à titre temporaire devra également être modifié afin de tenir compte des nouvelles compétences des MTT. Il devra désormais prévoir :

- le taux de l'indemnité de vacation versé au magistrat exerçant à titre temporaire lorsqu'il est affecté dans un parquet ;

- le taux de l'indemnité de vacation versé au magistrat exerçant à titre temporaire présidant l'audience de règlement amiable.

II. Magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 77 alinéa 1er de l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que « Tout magistrat admis à la retraite est autorisé, sous réserve des dispositions du second alinéa de l'article 46, à se prévaloir de l'honorariat de ses fonctions. Toutefois, l'honorariat peut être refusé au moment du départ du magistrat par une décision motivée de l'autorité qui prononce la mise à la retraite, après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard du magistrat selon que celui-ci exerce les fonctions du siège ou du parquet. »

Les magistrats partant à la retraite bénéficient donc en principe automatiquement de l'honorariat, sans qu'il ne soit nécessaire de le leur accorder, dès lors qu'aucune procédure disciplinaire n'est en cours et qu'aucune procédure n'a été engagée afin que cet honorariat leur soit refusé ou retiré.

Le statut des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles (MHFJ), introduit par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, est prévu à l'article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 qui prévoit que : « Des magistrats honoraires peuvent être nommés pour exercer les fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires et des cours d'appel, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, de substitut près les tribunaux judiciaires ou de substitut général près les cours d'appel. Ils peuvent également être nommés pour exercer une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité. Ils peuvent également être désignés par le premier président de la cour d'appel pour présider la formation collégiale statuant en matière de contentieux social des tribunaux judiciaires et des cours d'appel spécialement désignées pour connaître de ce contentieux. Ils peuvent enfin exercer les fonctions d'assesseur dans les cours d'assises et les cours criminelles départementales. »

Avant la loi organique n° 2021-1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, le champ des compétences des MHFJ était limité aux seules fonctions d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires et des cours d'appel, de substitut près les tribunaux judiciaires ou de substitut général près les cours d'appel. Les MHFJ étant d'anciens magistrats de carrière, la limitation de leurs compétences à ces seules fonctions ne se justifiait plus. Ainsi, dans sa version issue de la loi organique précitée, l'article 41-25 de l'ordonnance étend les compétences des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles à l'ensemble de celles dévolues aux magistrats exerçant à titre temporaire par l'article 41-10 du même texte.

Ainsi, l'article 41-25 de l'ordonnance statutaire permet désormais une nomination des MHFJ pour exercer, outre les fonctions pour l'exercice desquelles ils pouvaient déjà être nommés, celles de juge des contentieux de la protection, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, ou encore pour exercer une part limitée des compétences matérielles pouvant être dévolues par voie réglementaire aux chambres de proximité. Par ailleurs, la modification de l'article 41-25 précité a permis de pérenniser la compétence des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles pour siéger au sein des cours criminelles départementales.

Ces extensions de compétences ont été adoptées en vue d'offrir une souplesse supplémentaire aux chefs de cour et de juridiction dans l'affectation des magistrats, professionnels ou non-professionnels, dans les différents services des juridictions, dans un souci d'efficacité et de réduction des délais de traitement des procédures. L'extension des compétences possibles des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles devait également permettre de dynamiser et diversifier les candidatures à ces fonctions.

Pour autant, et comme le prévoit l'article 41-10 A de l'ordonnance statutaire, ils « ne peuvent exercer qu'une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés. ».

Les MHFJ suivent, dans les deux mois de leur installation, une formation préalable comportant une formation théorique de deux semaines organisée par l'École nationale de la magistrature (ENM) ainsi que deux semaines supplémentaires de stage en juridiction. Le dispositif applicable est le même que celui mis en oeuvre lors de la formation en cas de changement de fonctions des magistrats en activité. En outre, lorsque le MHFJ a déjà exercé les fonctions juridictionnelles auxquelles il est nommé, il peut demander à n'effectuer que la formation théorique de cette formation préalable. Dans le cas inverse, la formation préalable est obligatoire.

Le magistrat honoraire effectue son stage juridictionnel dans un tribunal judiciaire du ressort de sa cour d'appel d'affectation, en dehors du tribunal judiciaire dans lequel il est nommé. En cas d'affectation dans une cour d'appel, le stage s'effectue dans une cour d'appel limitrophe à celle où il est nommé.

Le magistrat honoraire suit, en outre, pendant la période d'exercice de ses fonctions, une formation continue obligatoire d'une durée de trois jours par an.

S'agissant enfin de leur rémunération, les MHFJ bénéficient d'une indemnité de vacation forfaitaire, dont le taux unitaire est égal à 35/ 10 000 du traitement brut d'un magistrat du 5ème échelon du premier grade, soit une somme de 170 euros brut par taux unitaire, soit 235 euros en coût chargé. Le nombre d'indemnités de vacation forfaitaire allouées à chaque magistrat selon le service assuré est fixé par l' arrêté du 30 juin 2017 fixant les conditions d'application de l'article 29-4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature concernant les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, et ne peut excéder trois cents par an. Sur les trois dernières années, le nombre moyen de vacations payées par année est de 37 968, avec une moyenne de 123,67 vacations par MHFJ :

 

2020

2021

2022

Moyenne

Nombre de vacations payées

26 531

40 854

46 519

37 968

Nombre moyen de vacation/MHFJ

107

139

125

123,67

Au 31 janvier 2023, 362 MHFJ sont en fonction dans 128 tribunaux judiciaires et cours d'appel, avec une moyenne d'âge de 67,3 années. Lors de leur nomination, l'âge moyen de ces magistrats est de 66 ans. En termes de nombre de saisines du CSM, 82 dossiers de candidatures aux fonctions de MHFJ ont été présentés au CSM en 2019 (73 au siège et 9 au parquet), 56 dossiers en 2020 (49 au siège et 7 au parquet), 83 dossiers en 2021 (73 au siège et 10 au parquet) et 114 dossiers en 2022 (94 au siège et 20 au parquet). Au total, 335 dossiers ont été présentés sur la dernière mandature du CSM. La prochaine campagne de recrutement des MHFJ s'est ouverte le 31 janvier 2023, jusqu'au 30 avril 2023, pour une nomination au 1er septembre 2023. D'ici la fin de l'année 2023, 52 mandats vont prendre fin (45 au siège et 7 au parquet).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Si les magistrats non-professionnels voient leurs compétences nettement étendues depuis 2016, le principe de leur participation minoritaire au sein des formations de jugement est régulièrement réaffirmé. En outre, il a été ajouté le principe d'une participation limitée des magistrats non-professionnels lorsque ces derniers exercent dans un même service. Pour autant, la participation à des activités judiciaires des magistrats non professionnels est strictement encadrée par le Conseil Constitutionnel.

En effet, la jurisprudence constitutionnelle, constante depuis une décision du 21 février 1992, valide et encadre la possibilité de confier des fonctions dévolues aux magistrats, à un magistrat non-professionnel que « les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire ; que la Constitution [article 64] ne fait cependant pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires ; qu'il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions »243(*).

Le Conseil Constitutionnel a donc posé plusieurs conditions pour encadrer la participation des juges non-professionnels à l'exercice de la justice :

- Leurs fonctions ne doivent constituer qu'une « part limitée » de celles normalement réservées aux magistrats de carrière ;

- Il doit s'agir de fonctions exercées à titre temporaire ;

- Des garanties appropriées doivent permettre de satisfaire au principe d'indépendance et aux exigences résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 de l'égal accès des citoyens aux emplois publics : les juges non-professionnels doivent être soumis aux mêmes droits et obligations que les magistrats de carrière et doivent être assujettis à certaines conditions s'agissant notamment de leur nomination après avis du Conseil supérieur de la magistrature, de leur formation, ou de leurs incompatibilités.

La notion d'exercice d'une « part limitée » des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière semble se rapporter tant au volume des dossiers de la juridiction qu'à la nature des compétences qui sont attribuées aux magistrats non-professionnels, et elle est aujourd'hui rappelée à l'article 41-10 A de l'ordonnance statutaire, selon lequel : « Les magistrats mentionnés à la présente section ne peuvent exercer qu'une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés. Ils ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale de la juridiction dans laquelle ils sont nommés ou affectés ni composer majoritairement la cour d'assises ou la cour criminelle départementale. ». Ces deux aspects sont en effet en lien : en permettant aux magistrats non-professionnels d'exercer toutes les fonctions, la part des dossiers qu'ils sont susceptibles de traiter sera d'autant plus importante.

Il convient enfin de préciser que la lettre de l'article 41-10 A de l'ordonnance statutaire, soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, a fait l'objet d'une réserve d'interprétation. En effet, pour ce dernier, cet article ne saurait, sans méconnaître le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, être interprété comme permettant qu'au sein d'un tribunal, plus d'un tiers des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées par des magistrats recrutés provisoirement, que ce soit à temps partiel ou à temps complet244(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les magistrats de l'ordre judiciaire vont se voir attribuer de nouvelles missions, notamment la présidence de l'audience de règlement amiable introduite dans le code de procédure civile ainsi que la présidence et l'assessorat auprès des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l'encontre des officiers ministériels ou d'avocats.

Compte tenu des vacances actuelles d'emploi et des perspectives des départs en retraite mais également de la charge des juridictions, il est essentiel de faciliter le recrutement des magistrats non professionnels et de confier de plus larges fonctions aux MHFJ.

En outre, l'article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 introduit une nouvelle possibilité de recul de la limite d'âge d'activité en prévoyant une possibilité de maintien en fonction jusqu'à l'âge de 70 ans au sein de la fonction publique. Dans cette perspective, la limite d'âge de 72 ans imposée aux MHFJ, ainsi que la différence de statut avec les magistrats exerçant à titre temporaire, qui peuvent exercer jusqu'à 75 ans, n'apparaissent plus cohérents.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les mesures envisagées visent à faciliter le recrutement des MHFJ afin de lutter contre les vacances de postes dans la magistrature et de faire profiter les juridictions des compétences acquises par les magistrats honoraires. En effet, les nouvelles compétences données aux MHFJ, ainsi que leur maintien en fonction pour trois années supplémentaires, permettront aux chefs de cour de disposer d'un vivier de magistrats plus vaste pour exercer ces fonctions, et donc de davantage de flexibilité en terme d'organisation des services.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée n° 1 : Maintenir la limite d'âge à 72 ans

Il existe actuellement une cohérence entre la limite d'âge pour exercer les fonctions de magistrat (67 ans), la durée du mandat (5 ans non renouvelable) et la limite d'âge pour exercer en tant que MHFJ (72 ans). En effet, un magistrat ayant atteint la limite d'âge prévue par l'article 76 de l'ordonnance statutaire aura toujours la possibilité de poursuivre certaines fonctions en tant que MHFJ pendant la durée maximale du mandat prévue, à savoir 5 ans, avant d'atteindre la limite d'âge de 72 ans actuellement prévue par les textes.

Cette limite d'âge de 72 ans, retenue en 2016, permettait de prendre en compte la spécificité des missions exercées par les MHFJ, ceux-ci étant amenés à siéger parfois de longues heures en audience collégiale ou à requérir à de telles audiences. En effet, lors des travaux préparatoires, il avait été initialement prévu de fixer la limite d'âge d'exercice pour les MHFJ à 75 ans, à l'instar des juges de proximité, du fait des fonctions qu'ils étaient amenés à exercer (assessorat d'audience collégiale notamment). Néanmoins, au cours des concertations effectuées245(*), les organisations ont fait valoir que cette limite d'âge apparaissait trop élevée et il a été proposé de fixer cette limite à 72 ans. Il apparaissait alors adapté de confier de telles tâches à des magistrats encore assez jeunes qui solliciteraient, à la suite de leur mise à la retraite, la poursuite de fonctions juridictionnelles.

De plus, la différence de statut avec les magistrats exerçant à titre temporaire reposait essentiellement sur le fait que le régime de ces derniers englobait une diversité de profils, certains étant des magistrats à la retraite mais un grand nombre étant des professionnels plus jeunes, encore en activité par ailleurs.

Il a dès lors été envisagé de maintenir la limite d'âge des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles à 72 ans, cette option ayant l'avantage de ne pas impliquer la modification de l'ordonnance statutaire sur ce point.

Toutefois, face à une forte demande de report de cette limite d'âge de 72 ans à 75 ans et, en cohérence avec le renouvellement de leur mandat dont la durée est actuellement limitée à 5 ans, par les MHFJ eux-mêmes, notamment par le biais de l'Association Nationale des Magistrats Honoraires (ANAMHO), ainsi que par les juridictions, en grande demande de maintien des agents concernés proche de la limite d'âge, la solution du maintien d'une limite d'âge à 72 ans a été écartée.

3.1.2. Option écartée n° 2 : Fixer la durée du mandat des MHFJ à 8 ans non renouvelable

Il a été envisagé de fixer un mandat de 8 ans non renouvelable pour les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, au lieu du mandat de 5 ans actuellement prévu. Une telle option aurait permis à un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles de poursuivre son activité jusqu'à l'âge de 75 ans sans qu'aucune nouvelle étude de sa situation n'intervienne, permettant donc d'éviter une lourdeur en termes de gestion de ressources humaines.

Cependant, si cette option était retenue, la durée du mandat des MHFJ s'éloignerait de celle des MTT. En outre, une durée de 8 ans apparaît très longue pour des magistrats à la retraite. Une telle durée pour cette catégorie de magistrats non-professionnels est donc apparue inadaptée ; l'intervention d'une autorité en vue d'un renouvellement permettant de s'assurer de l'aptitude de ces derniers à l'exercice des fonctions judiciaires.

3.1.3. Option écartée n° 3 : limiter la présidence de l'audience de règlement amiable aux seuls magistrats professionnels

En réponse à l'introduction de l'audience de règlement amiable dans le code de procédure civile, il a été envisagé de restreindre leur présidence aux seuls magistrats de carrière en exercice, sans inclure la possibilité d'exercice de cette mission par les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

Cette option à l'avantage de ne pas impliquer la modification de l'ordonnance statutaire sur ce point et ne pas risquer de se heurter au respect du principe de l'exercice d'une part limitée de l'exercice des fonctions judiciaires, qui ne saurait excéder un tiers, par l'ensemble des magistrats non professionnels.

Toutefois, au regard de la charge actuelle des tribunaux judiciaires et de l'état des effectifs, cette solution n'est pas apparue souhaitable.

3.1.4. Option écartée n° 4 : maintenir la composition des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats aux seuls magistrats en activité ou honoraire

La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques institue des instances disciplinaires pour connaître des infractions et fautes commises par les avocats. De même, l' ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels a réformé en profondeur le régime juridique de la déontologie et de la discipline des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des notaires.

Ces juridictions disciplinaires instituées auprès des ordres professionnels, ont été conçues comme totalement autonomes. Pour les officiers ministériels, il est prévu que des magistrats, en activité ou honoraires, seront nommés par arrêté du garde des sceaux, en qualité de président ou d'assesseurs des chambres de discipline instituées respectivement auprès des instances professionnelles régionales ou interrégionales des notaires et des commissaires de justice désignées par arrêté du ministre de la justice, des cours nationales de discipline instituées, l'une auprès du Conseil supérieur du notariat, l'autre auprès de la Chambre nationale des commissaires de justice. Pour les avocats, des magistrats, en activité ou honoraires, sont désignés par le premier président de la cour d'appel pour présider les conseils de discipline institués dans le ressort de chaque cour d'appel, ou du Conseil de l'ordre du barreau de Paris siégeant comme conseil de discipline.

Si l'ordonnance du 13 avril 2022 et la loi du 31 décembre 1971 rendent applicables à ces juridictions certaines dispositions du code de l'organisation judiciaire, sauf pour la cour nationale de discipline des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation lorsqu'elle statue dans sa composition présidée par un membre du Conseil d'État, les conditions de nomination des magistrats appelés à composer les juridictions disciplinaires des officiers ministériels, par arrêté du garde des sceaux et non par désignation du président du tribunal judiciaire ou du premier président de la cour d'appel dans le cadre de l'ordonnance de roulement, correspondent à l'exercice d'une activité au sein d'une commission administrative et non d'une fonction judiciaire.

En conséquence, il n'est pas possible de prévoir la participation d'un MHFJ en cette qualité. En effet, en qualité de MHFJ, les magistrats honoraires n'ont vocation qu'à l'exercice de fonctions juridictionnelles judiciaires. En l'état, leur participation au sein de ces juridictions peut être envisagée en qualité de simple magistrat honoraire au sens de l'article 77 de l'ordonnance statutaire, comme au sein de toute commission administrative en application de l'article L. 111-5 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que « lorsque la participation à une commission administrative ou un jury de concours ou d'examen d'un magistrat en fonction dans les cours et tribunaux judiciaires est prévue par une disposition législative ou réglementaire, l'autorité chargée de sa désignation peut porter son choix sur un magistrat honoraire de même rang ».

Cette option n'a pas été retenue car elle supposait l'adoption de textes ad hoc et l'identification d'un budget dédié afin de permettre l'indemnisation des magistrats nommés, par arrêté du garde des sceaux, pour siéger dans ces juridictions disciplinaires.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1. Option retenue concernant la présidence de l'audience de règlement amiable par des magistrats non professionnels (MTT et MHFJ)

Le projet actuellement porté prévoit l'introduction de « l'audience de règlement amiable » dans le code de procédure civile, d'une part au sein du livre Ier consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions, d'autre part au sein du titre Ier du livre II consacré aux dispositions particulières au tribunal judiciaire.

S'agissant plus précisément du tribunal judiciaire, ce dispositif pourrait permettre :

- Soit à la juridiction saisie d'un litige de « désigner un juge pour présider une audience de règlement amiable » dans le cadre de la procédure écrite ordinaire, ce sera alors au juge de la mise en état de désigner ce juge ;

- Soit au juge saisi aux fins de tentative préalable de conciliation de présider lui-même l'audience de règlement amiable, dans le cadre de la procédure orale ordinaire.

La nouvelle audience de règlement amiable s'inscrit dans la mission générale du juge de concilier les parties, prévue au titre des principes directeurs du procès civil à l' article 21 du code de procédure civile. Le projet vise à inscrire la présidence de l'audience de règlement amiable dans le cadre de l'office du juge conciliateur, au sein des tribunaux judiciaires, en procédure écrite ordinaire principalement. Cette audience ne pourra se tenir qu'à la demande des parties ou sur décision du juge d'office, mais avec l'accord préalable des parties.

Un juge, MTT ou MHFJ, sera alors désigné par le juge saisi pour présider cette audience, afin de conduire les parties à trouver un accord. En cas de succès, même partiel, les parties pourront demander au juge présidant l'audience de règlement amiable de constater leur accord. En revanche, en cas d'échec, ou si les parties ne sollicitent pas l'établissement d'un procès-verbal constatant leur accord, l'affaire sera renvoyée au juge initialement saisi du litige sans priver les parties de solliciter ultérieurement, dans les conditions de droit commun, l'homologation d'un accord auquel elles seraient parvenues.

Compte tenu de la charge actuelle des tribunaux judiciaires, il ne paraît que peu probable que les juges puissent dégager un temps suffisant pour présider eux-mêmes l'audience de règlement amiable. Il est donc opportun de prévoir la possibilité de désignation de magistrats non-professionnels, dont les MHFJ, pour présider ces audiences.

3.2.2. Option retenue concernant la désignation de MHFJ pour siéger auprès des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l'encontre d'officiers ministériels et d'avocats

Afin de permettre une intervention des MHFJ, en cette qualité, au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels instituées avec l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 et des avocats résultant de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, il est prévu une modification, dans la loi d'orientation et de programmation pour le ministère de la justice, du premier texte afin de modifier les modalités de désignation des magistrats appelés à siéger au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et de supprimer dans les deux textes toute référence aux termes magistrat honoraire.

En parallèle de cette évolution, une modification de l'ordonnance du 22 décembre 1958 est permise afin d'ajouter à la liste des compétences pouvant être exercées par les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles celle de siéger au sein de ces juridictions disciplinaires, missions qui pourront être indemnisées au titre de ces nouvelles attributions.

Cette évolution permettra aux chefs de cour de disposer d'un vivier de magistrats plus vaste pour exercer ces fonctions, et donc davantage de flexibilité en terme d'organisation des services.

3.2.3. Option retenue concernant la nomination des MHFJ pour une durée de 5 ans, renouvelable une fois, et augmentation de leur limite d'âge à 75 ans

Il est envisagé de porter la limite d'âge des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles à 75 ans, en cohérence avec l'âge retenu pour les magistrats exerçant à titre temporaire et les nouveaux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les cours criminelles départementales et, par voie de conséquence, de leur faire bénéficier d'un mandat de 5 ans renouvelable une fois.

Bien que la situation des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles diffère de celle des magistrats exerçant à titre temporaire et des magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles, qui peuvent exercer leurs fonctions jusqu'à l'âge de 75 ans, comme le prévoit l'article 41-10 de l'ordonnance statutaire pour les MTT et l'article 41-32 du même texte pour les MHFNJ, cette évolution permettrait de maintenir un vivier plus important de magistrats non professionnels afin de renforcer et soutenir l'activité des juridictions.

En outre, l'intervention du CSM dans le cadre d'un renouvellement permet de s'assurer de l'aptitude des candidats MHFJ âgés de plus de 72 ans.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Ces dispositions impliquent une modification des articles 41-25, 41-27 et 41-31 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Un décret en Conseil d'État est actuellement en cours de rédaction pour introduire la nouvelle procédure relative à l'audience de règlement amiable, qui devrait être publié lors de l'examen du projet de loi organique.

De plus, la loi d'orientation et de programmation actuellement en cours de rédaction vise à modifier l'ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels ainsi que la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, s'agissant des juridictions disciplinaires.

Par ailleurs, les mesures envisagées impliquent la modification de l'arrêté du 30 juin 2017 fixant les conditions d'application de l'article 29-4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature concernant les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, afin d'y intégrer la rémunération des MHFJ amenés à présider l'audience de règlement amiable ainsi qu'à siéger au sein des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant

4.2.3. Impacts budgétaires

Ces dispositions visent à faciliter le recrutement de magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, dont les compétences juridictionnelles seront accrues. En effet, avec l'allongement de la durée d'exercice des MHFJ, ces derniers resterons plus longtemps en juridiction. Lorsqu'ils atteindront la limite d'âge, il sera impératif de recruter, d'où la nécessité de rendre plus attractives les fonctions de MHFJ.

Cette catégorie d'agents non titulaires est indemnisée sous forme de vacation. Le plafond de vacations pouvant être effectuées par ces magistrats non professionnels s'élève à 300 par an en application de l'article 29-4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Dès lors, quelles que soient les missions effectuées, ce plafond est contraignant et nécessite notamment dans les ordonnances de roulement, de tenir compte de cette limite. Pour tenir compte de ces nouvelles missions, qui seront indemnisées à hauteur de trois ou cinq taux unitaires par audience ou dossier, et qui devraient permettre d'atteindre les plafonds, il est envisagé une hausse des recrutements, à hauteur de 5 % par an.

Le taux unitaire de vacation est d'un montant de 170 euros brut, soit 235 euros en coût chargé. Au regard du coût chargé du taux de vacation et de la limite des 300 vacations annuelles, le recrutement d'un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles a un impact financier maximal de 70 500 euros en coût chargé pour un magistrat prenant ses fonctions au 1er janvier de l'année et recruté en année N-1. Pour les magistrats prenant leurs fonctions au 1er septembre de l'année de leur recrutement, un coût correspondant à 100 vacations a été retenu, soit 23 500 €.

Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles suivent en principe une formation préalable de 4 semaines en cas de changement de fonctions, ainsi qu'une formation annuelle obligatoire de 3 jours, indemnisée à un demi taux de vacation par jour de formation. Néanmoins, cette indemnité de formation étant prise en compte dans le plafond de 300 vacations annuelles, elle n'aura pas d'impact financier.

Tableau du coût supplémentaire lié au recrutement de MHFJ (5 %) :

(1) Les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles recrutés au cours de l'année N prennent leurs fonctions au 1er septembre de l'année N ou au 1er janvier de l'année N+1, en fonction de la période de l'année à laquelle les magistrats font valoir leurs droits à retraite.

(2) Par convention, il a été choisi de répartir l'impact budgétaire des recrutements supplémentaires pour moitié sur l'année N (prise de fonctions en septembre, soit 100 vacations) et pour moitié sur l'année N+1 (prise de fonctions en janvier soit 300 vacations).

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Concernant le renouvellement de mandat des MHFJ pour une durée de 5 ans et l'augmentation de la limite d'âge de ceux-ci à 75 ans, l'impact sur les services administratifs (y compris en administration centrale), semble limité. La direction des services judiciaire réalise d'ores et déjà actuellement un suivi détaillé de l'affectation des MHFJ, notamment concernant les dates de début et de fin de mandat. Cette évolution nécessitera seulement de saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour mettre en oeuvre ce renouvellement et alerter les services administratifs régionaux sur les dates de fin de mandat, ce qui est déjà fait actuellement. Enfin, il faut souligner que les outils de suivi sont déjà construits et opérationnels. Impacts sociaux

4.3.1. Impacts sur la société

Les modifications envisagées permettent de valoriser et de rendre plus attractives les fonctions de magistrats honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles. De plus, grâce à l'augmentation de la durée d'exercice, les MHFJ resteront plus longtemps en juridiction. Le maintien d'un vivier croissant de magistrats honoraires permettra un traitement des contentieux dans de meilleurs délais. En participant au renforcement des effectifs de magistrats, ces mesures sont de nature à garantir un meilleur fonctionnement des juridictions et la continuité du service public de la justice.

4.1. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.1.1. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.1.2. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.1.3. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.1.4. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.2. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.3. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, l'Association Nationale des Magistrats Honoraires (ANAMHO) ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions envisagées s'appliquent à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

L'arrêté du 30 juin 2017 fixant les conditions d'application de l'article 29-4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature concernant les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles devra être modifié pour tenir compte des nouvelles compétences attribuées aux MHFJ.

Il devra en outre prévoir :

- le taux de l'indemnité de vacation versé au magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles présidant l'audience de règlement amiable ;

- le taux de l'indemnité de vacation versé au magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles siégeant auprès des juridictions connaissant des procédures disciplinaires ouvertes à l'encontre d'officiers ministériels ou d'avocats.

Article 8 - Amélioration du traitement des plaintes des justiciables, renforcement de la protection et de la responsabilité des magistrats

I. Commission d'admission des requêtes

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La responsabilité disciplinaire des magistrats s'articule autour de la notion de faute disciplinaire, définie par l'article 43 de l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire.

Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive.

La faute s'apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice ainsi que pour un magistrat exerçant les fonctions d'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, d'inspecteur général de la justice ou d'inspecteur de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique. »

L'article 43 de l'ordonnance précitée n'est pas exhaustif. Il convient de tenir compte du fait que la violation du secret des délibérés, de l'obligation de réserve ou encore la violation de dispositions statutaires constituent également des manquements déontologiques susceptibles d'être sanctionnés disciplinairement.

La sanction des manquements commis par un magistrat peut être traitée notamment au niveau disciplinaire par l'instance disciplinaire qu'est le Conseil supérieur de la magistrature (ci-après CSM).

La saisine du CSM peut, historiquement, être initiée par le garde des sceaux.

La saisine directe par les justiciables du CSM est l'une des innovations de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a modifié l'article 65 de la Constitution en ce sens. Il s'agissait de conférer un droit nouveau, réel et efficace aux justiciables qui auraient effectivement subi les conséquences du comportement d'un magistrat, tout en évitant que la saisine du CSM ne devienne une voie de contestation systématique des décisions de justice via un mécanisme de filtre des décisions irrecevables ou infondées.

La loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution a été adoptée pour mettre en oeuvre cette réforme.

Un mécanisme de filtrage des plaintes a été mis en place par la création de commissions d'admission des requêtes (ci-après CAR).

L'enjeu de cette réforme résidait dans la recherche du juste équilibre entre un surcroît de transparence et de responsabilité du corps judiciaire et la mise en oeuvre d'un dispositif qui ne contribuerait pas à déstabiliser l'action quotidienne des magistrats.

Il existe des CAR pour chaque formation disciplinaire, composées d'un président, de deux magistrats et de deux personnalités extérieures au corps judiciaire (par exemple professeur des universités, haut fonctionnaire, avocat, etc.), tous désignés annuellement par le président de chacune des formations246(*)

Il existe aujourd'hui deux CAR pour les magistrats du siège et une pour les magistrats du parquet.

Tant pour les magistrats du siège247(*) que pour les magistrats du parquet248(*), les CAR vérifient, à peine d'irrecevabilité, que la plainte :

- N'est pas dirigée contre un magistrat du siège qui demeure saisi de la procédure ou contre un magistrat du parquet lorsque le parquet ou le parquet général auquel il appartient demeure saisi de la procédure ;

- N'est pas présentée après l'expiration d'un délai d'un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure ;

- Contient l'indication détaillée des faits et griefs allégués ;

- Est signée par le justiciable et indique son identité, son adresse ainsi que les éléments permettant d'identifier la procédure en cause.

Ces conditions sont cumulatives.

Le président de la CAR peut rejeter les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables.

Lorsque la CAR déclare la plainte recevable, elle en informe le magistrat mis en cause et sollicite du chef de cour dont dépend ce magistrat ses observations et tous éléments d'information utiles qui sont ensuite adressés au CSM et au garde des sceaux.

La CAR peut entendre le magistrat mis en cause et, le cas échéant, le justiciable qui a introduit la demande.

Lorsqu'elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, la CAR renvoie l'examen de la plainte à la formation du CSM compétente pour la discipline des magistrats du siège ou du parquet.

En cas de rejet de la plainte, le garde des sceaux comme le chef de cour conservent la faculté de saisir le CSM des faits dénoncés.

Le magistrat visé par la plainte, le justiciable, le chef de cour et le garde des sceaux sont avisés du rejet de la plainte ou de l'engagement de la procédure disciplinaire.

La décision de rejet n'est susceptible d'aucun recours

Éléments statistiques

 

Plaintes reçues par le CSM

Plaintes déclarées recevables

Plaintes renvoyées

Sanctions

2011

421

1 (NR)

0

0

2012

283

2 Parquet

11 Siège

1 Parquet

1 Siège

0

2013

325

0 Parquet

5 Siège

1 Siège

0

2014

242

10 (NR)

0

0

2015

223

9 Siège

1 Mixte

1

0

2016

250

6 Siège

1 Parquet

1 Siège

0

2017

245

1 Siège

1 Parquet

0

0

2018

327

9 Siège

0

0

2019

324

11 (NR)

1 (3 magistrats)

0

2020

307

8 Siège

1 Parquet

0

0

2021

377

11 (NR)

1 Siège

0

TOTAL

3324

88

7

0

A titre de comparaison, les justiciables ne peuvent pas saisir les instances disciplinaires compétentes à l'égard des magistrats administratifs (L. 236-4 du code de justice administrative : sont seuls compétents le président de la juridiction dans laquelle le magistrat poursuivi est affecté et le président de la Mission d'inspection).

Une commission d'admission des requêtes concernant les juges consulaires, statuant au sein des tribunaux de commerce, a été créée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La mise en oeuvre d'un dispositif permettant aux justiciables de mettre en cause la responsabilité des magistrats de l'ordre judiciaire a fait l'objet de plusieurs projets législatifs de nature organique suivis d'un contrôle de constitutionnalité.

Ainsi, la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats organisait un système complexe d'examen des réclamations des justiciables mettant en cause le comportement d'un magistrat. Ce dispositif aurait permis à toute personne physique ou morale estimant que le comportement d'un magistrat est susceptible de constituer une faute disciplinaire de saisir directement le Médiateur de la République d'une réclamation, ce dernier étant assisté, pour l'examen de cette réclamation, d'une commission.

Le Médiateur de la République aurait pu solliciter tout élément d'information utile auprès des chefs de cour et transmettre la réclamation au ministre de la justice aux fins de saisine du CSM, s'il l'estimait susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

Dans sa décision du 1er mars 2007249(*), le Conseil constitutionnel a jugé ce dispositif contraire à la Constitution, estimant « qu'en reconnaissant au Médiateur l'ensemble de ces prérogatives, le législateur organique a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l'indépendance de l'autorité judiciaire ».

Aussi, le Constituant a choisi lors de la révision de juillet 2008, à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, d'inscrire à l'avant-dernier alinéa de l' article 65 de la Constitution la possibilité pour les justiciables de saisir le CSM. L'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle renvoyait ce dispositif à une loi organique. Le Parlement a préféré inscrire ce nouveau droit dans la Constitution, en renvoyant à la loi organique la définition des modalités de saisine et des conditions d'examen des plaintes des justiciables. La loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l'application de l'article 65 de la Constitution est venue préciser ces modalités et a créé les commissions d'admission des requêtes.

Dans sa décision du 19 juillet 2010250(*), le Conseil constitutionnel n'a pas critiqué la création des commissions d'admission des requêtes. Il a toutefois censuré comme étant contraire à la Constitution l'exception prévue à l'impossibilité de diriger une plainte contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure, « si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d'admission des requêtes estime qu'elle doit faire l'objet d'un examen au fond ».

Le Conseil constitutionnel a notamment estimé que le législateur organique n'avait « pas adopté les garanties appropriées pour que la recevabilité de la plainte d'un justiciable à l'encontre d'un magistrat qui demeure saisi de la procédure ne porte pas atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance des magistrats et ne méconnaisse pas l'objectif de bonne administration de la justice ».

Le présent article s'inscrit dans cette nécessité de préserver l'indépendance et l'impartialité des magistrats tout en renforçant la prise en compte des plaintes des justiciables.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le rapport établi en 2017 par le Conseil consultatif des juges européens (CCJE) sur l'indépendance et l'impartialité judiciaire insiste sur un point fondamental251(*) : la sécurité des juges réside dans leur inamovibilité jusqu'à l'âge de leur retraite. Ceci implique que seulement des motifs d'ordre personnel ou de discipline sont susceptibles de rompre la carrière d'un juge avant cette échéance. Cette deuxième exception (c'est-à-dire la sanction) invite inévitablement à une réflexion sur l'organe chargé de la discipline des juges. Ce rapport du CCJE établit que « seul un Conseil indépendant peut garantir l'indépendance des juges, en rendant des décisions qui remplissent les critères "d'un tribunal indépendant et impartial" conformément à l'article 6 de la Convention » (§19).

Ce rapport n'est pas indifférent à la jurisprudence de la Cour européenne, notamment les arrêts Volkov c. Ukraine252(*) (n° 21722/11, 9 janvier 2013, §112 et 113), Mitrinovski c. l'ex-République yougoslave de Macédoine253(*) (n° 6899/12, 30 avril 2015, §45), Gerovska Popèevska c. l'ex-République yougoslave de Macédoine254(*) (n° 48783/07, 7 janvier 2016) et Baka c. Hongrie255(*) (GC n° 20261/12, 23 juin 2016, §121).

Dans son avis n °3256(*), en date du 19 novembre 2002, le CCJE s'est posé la question de savoir qui devait être à l'initiative des poursuites disciplinaires. S'agissant des justiciables, la CCJE estime que « ces personnes doivent être en droit de porter leurs plaintes, quelles qu'elles soient, devant la personne ou l'organe chargé d'entamer l'action disciplinaire. » Toutefois, elles ne peuvent être elles-mêmes habilitées à engager cette action ou à obtenir qu'elle le soit : « il doit exister un filtre, faute de quoi les juges pourraient souvent être l'objet de telles poursuites, intentées à l'initiative de justiciables déçus. » (§67). Ainsi, le CCJE est d'avis que « en ce qui concerne l'ouverture d'une procédure disciplinaire, les pays devraient envisager la mise en place d'une personne ou d'un organe chargé spécialement de recevoir les plaintes, d'obtenir les commentaires des juges concernés à leur sujet et d'apprécier s'il pèse sur les intéressés des charges suffisantes pour ouvrir une telle procédure » (§77).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Au plan international, dans une étude consacrée à « La responsabilité des juges, ici et ailleurs »257(*), il est constaté que le Canada, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni permettent aux justiciables d'adresser des plaintes à l'organe chargé de la discipline des magistrats.

À Chypre, en Espagne, au Danemark, en Norvège et aux Pays-Bas, le justiciable peut engager directement la procédure disciplinaire auprès de l'organe compétent, sans que sa requête soit soumise à un filtre.

Dans les autres pays cités, selon l'étude de législation comparée du Sénat sur le régime disciplinaire des magistrats du siège258(*), les justiciables peuvent adresser leurs plaintes à l'organe disciplinaire, lequel effectue ensuite une sélection des requêtes appelant effectivement l'engagement d'une procédure.

Ainsi, en Italie, le Conseil supérieur de la magistrature reçoit directement des plaintes de la part des justiciables et adresse celles qui paraissent mériter un examen au ministre de la justice ou au procureur général près la Cour de cassation, compétents pour décider s'il y a lieu ou non d'engager une action disciplinaire.

Au Canada, tout citoyen, y compris le ministre fédéral de la justice, peut adresser au Conseil de la magistrature une plainte relative à un juge. Les plaintes doivent porter sur la conduite du magistrat et non sur une décision. Elles peuvent être anonymes et leur présentation n'est enfermée dans aucun délai. Le plaignant doit mentionner dans sa requête le ou les devoirs professionnels que le magistrat n'aurait pas respectés, en se référant aux Principes de déontologie judiciaire, dégagés par le Conseil canadien de la magistrature en 1998. Le Conseil examine ensuite si la plainte est fondée. Si tel est le cas, une enquête est engagée et le Conseil peut transmettre la plainte au ministre fédéral de la justice, compétent pour engager une procédure de destitution du magistrat visé. Cette procédure se déroule ensuite devant le Parlement, s'il s'agit d'un juge fédéral, ou devant la cour d'appel de la province, s'il s'agit d'un juge de nomination provinciale.

Au Royaume-Uni, une réforme réalisée par le Constitutional Reform Act de 2005, entrée en vigueur en 2006, a créé un Bureau des plaintes (Office for Judicial Complaints), chargé d'« assurer que les problèmes disciplinaires des membres de l'autorité judiciaire seront traités avec cohérence, équité et efficacité ». Ce Bureau reçoit donc les plaintes des membres de la profession, de toute partie à un procès ou de tout justiciable, en examine la recevabilité et les renvoie, le cas échéant, au Lord Chancellor, plus haut représentant de l'ordre judiciaire et Speaker de la Chambre des Lords, et au Lord Chief Justice, Président de la Haute Cour, plus haut représentant de l'ordre judiciaire après le Lord Chancellor. Le Lord Chancellor et le Lord Chief Justice apprécient conjointement si les plaintes qui leur sont transmises justifient un traitement disciplinaire, appellent une enquête approfondie ou peuvent faire l'objet d'un rejet. Ils doivent prendre leur décision d'un commun accord. Lorsque la plainte requiert un supplément d'enquête, cette mission est confiée à un magistrat de rang égal ou supérieur à celui du magistrat mis en cause.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Aujourd'hui, si de plus en plus de justiciables s'emparent de cet outil pour dénoncer les comportements d'un magistrat qui leur apparaissent contraires à la déontologie, peu de plaintes sont déclarées recevables et le système mis en place à la suite de la réforme constitutionnelle de 2008 est jugé peu efficient au regard des strictes conditions de recevabilité des plaintes, moins de 3 % ayant été déclarées recevables depuis la création de la CAR, et des faibles pouvoirs d'investigations de la CAR. Des modifications de la loi organique apparaissent nécessaires pour permettre un traitement optimal des plaintes adressées par les justiciables, d'abord en assouplissant les conditions de recevabilité et ensuite, en dotant la CAR de pouvoirs d'investigations plus larges.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les mesures envisagées poursuivent un double objectif.

D'une part, faciliter le traitement des plaintes des justiciables devant la CAR. Cela nécessite une simplification du dépôt de la plainte devant la CAR, dans une logique de facilitation de l'accès au droit, mais également, l'octroi de pouvoirs plus importants à la CAR afin de mener une instruction plus aboutie de la plainte.

D'autre part, renforcer la confiance des citoyens dans l'institution judiciaire. Les particuliers pourront saisir plus facilement le CSM des comportements contraires aux obligations déontologiques des magistrats.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Options envisagées concernant les conditions de recevabilité des plaintes

A - Option écartée n° 1 : Instauration d'un délai pour se prononcer sur la recevabilité de la plainte de 12 mois

Actuellement, l'ordonnance statutaire ne fixe aucun délai à la CAR ni pour statuer sur la recevabilité d'une plainte, ni pour éventuellement rejeter ou renvoyer ladite plainte.

Il convient cependant, pour s'assurer d'un traitement efficient des plaintes, qu'un certain cadre temporel soit fixé.

Il a été envisagé initialement un délai de 12 mois qui s'apparentait au délai dont dispose le CSM pour statuer au fond sur un dossier disciplinaire.

Toutefois, il a été pris en compte le fait que la commission d'admission des requêtes ne mène pas une instruction complète au plan disciplinaire, à l'instar de ce qui est fait par le CSM.

Le délai de 12 mois est donc apparu disproportionné.

B - Option écartée n° 2 : Instauration d'un délai de 6 mois pour se prononcer sur la recevabilité de la plainte

Il a également pu être envisagé la mise en oeuvre d'un délai court de 6 mois pour inciter à la commission d'admission des requêtes à statuer rapidement.

Cette option a l'avantage de permettre un traitement rapide de la situation tant pour le magistrat incriminé que pour le justiciable.

Toutefois, ce délai limité est en contradiction avec la volonté d'octroi de pouvoirs d'investigation plus importants à la commission d'admission des requêtes. La mise en oeuvre de ces pouvoirs nécessitera un temps suffisant pour permettre notamment la réalisation de l'audition du magistrat, les différents échanges d'observations avec son chef hiérarchique, ainsi que l'audition de la partie requérante. Il est ensuite nécessaire de laisser un délai suffisant pour permettre à la CAR d'analyser les différents éléments reçus et de permettre la mise en oeuvre d'un réel contradictoire, en laissant le temps au magistrat incriminé de préparer sa défense. Le délai de 6 mois paraît donc trop court. Options envisagées concernant les pouvoirs de la CAR

C - Option écartée n° 1 : la possibilité de saisine directe de l'Inspection générale de la justice aux fins d'enquête administrative

L'article 1er du décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l'Inspection générale de la justice précise que l'inspection est « placée auprès du garde des sceaux ».

En effet, il résulte des principes énoncés aux articles 20 de la Constitution et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que tout ministre détient le pouvoir et même le devoir d'inspecter et de contrôler le fonctionnement de ses services.

Le lien hiérarchique entre l'Inspection générale de la justice et le garde des sceaux a ainsi été consacré par une décision du Conseil d'Etat du 23 mars 2018 qui rappelle que le pouvoir d'inspection est un pouvoir propre du garde des sceaux, fondé sur la responsabilité du gouvernement en matière de gestion publique259(*).

A l'inverse, le CSM ne possède pas de pouvoir d'inspection. Les attributions prévues à l'article 20 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 lui permettent simplement de mieux connaitre les besoins des cours et tribunaux. Il n'est pour autant pas un organe de contrôle du fonctionnement des juridictions. Il ne détient, en ce sens, aucun pouvoir en matière de gestion administrative ou budgétaire des juridictions de l'ordre judiciaire.

En conséquence, les attributions du CSM et son rôle dans l'organisation constitutionnelle et légale de l'État français s'opposent à ce que cette autorité puisse saisir directement l'Inspection générale de la justice.

D - Option écartée n° 2 : la possibilité pour la CAR de rappeler un magistrat à ses obligations déontologiques

Dans son avis au président de la République en date du 24 septembre 2021260(*), la formation plénière du CSM propose d'« octroyer à la commission d'admission des requêtes un pouvoir de rappel des obligations déontologiques afin de ne pas laisser sans réponse des comportements qui, sans être susceptibles de revêtir une qualification disciplinaire (attitude inappropriée à l'audience par exemple), participent de la perte de confiance des justiciables dans la justice ».

Cette proposition vise à octroyer un pouvoir infra-disciplinaire, qui n'est réservé qu'aux chefs de cour aux termes de l'article 44 de l'ordonnance statutaire, et plus largement de leur pouvoir consistant à veiller à la bonne administration des services judiciaires au titre de l' article R. 312-68 du code de l'organisation judiciaire.

Or, la CAR est une émanation de la juridiction disciplinaire qu'est le CSM. Cet organe constitutionnel n'a pas de compétence pour statuer sur des comportements infra-disciplinaires. En effet, ses compétences définies au niveau constitutionnel (article 65 de la Constitution) ne prévoient qu'un pouvoir en matière de nomination et de discipline des magistrats.

La matière disciplinaire apparaît à la lecture du chapitre VII de l'ordonnance statutaire comme étant le traitement de faits constitutifs d'une faute disciplinaire susceptible de recevoir une sanction. A contrario, l'avertissement peut être délivré « en dehors de toute action disciplinaire » (article 44 de la même ordonnance). Le rappel des obligations déontologiques participe lui aussi du pouvoir infra disciplinaire.

L'instauration de cette nouvelle compétence irait donc au-delà des compétences attribuées au CSM par la Constitution.

Par ailleurs, le rappel des obligations déontologiques du magistrat participe du pouvoir hiérarchique des chefs de cour. Les magistrats n'ont pas de lien de subordination envers le CSM.

Dès lors, il n'apparaît pas possible d'octroyer une telle compétence à la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature. Ce dispositif a donc été écarté.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1. Option retenue concernant la recevabilité des plaintes

Le présent projet de loi organique vise à assouplir les conditions de recevabilité de la plainte pouvant être déposée devant la commission d'admission des requêtes pour faciliter la démarche du justiciable. Cela passe notamment par l'introduction des mesures suivantes.

A - Permettre au justiciable de ne pas avoir à articuler les griefs dans sa plainte devant la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature

Les articles 50-3 et 63 de l'ordonnance statutaire exigent que la plainte contienne l'indication détaillée des faits et des griefs allégués. Cette exigence d'articuler les griefs, pour les justiciables est contraignante. Il appartient à la CAR, émanation du CSM, de procéder à la qualification juridique des faits qui seuls pourront figurer dans la plainte.

Ainsi, le justiciable pourra adresser sa plainte à la CAR de façon simplifiée, en exposant sa situation et ce qu'il estime être un comportement contraire à la déontologie du magistrat, sans avoir à qualifier juridiquement les faits.

B - Permettre au justiciable d'adresser sa plainte par l'intermédiaire de son conseil

Actuellement le justiciable doit signer lui-même la requête en son nom propre même lorsqu'il passe par l'intermédiaire d'un conseil pour rédiger la plainte. Afin de simplifier cette démarche, la plainte pourra être déposée via un avocat, qui sera mandaté par son client.

Le recours aux avocats est encouragé par le Conseil supérieur de la magistrature lui-même, qui dans son rapport d'activité annuelle pour l'année 2021261(*), souligne l'intérêt à ce que le justiciable soit assisté d'un professionnel de justice.

C - Instaurer un nouveau délai de forclusion de 3 ans concernant l'introduction d'une plainte devant la CAR

Actuellement, la plainte peut être présentée jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an suivant la décision mettant fin à la procédure. Cela permet à des justiciables de former une plainte contre un magistrat dessaisi de la procédure pendant une très longue période si la procédure dure longtemps. En cohérence avec le délai de prescription de l'action disciplinaire prévu à l'article 47 de l'ordonnance statutaire, un délai de forclusion de trois ans permettrait de mieux encadrer la possibilité de former une plainte.

Ainsi, la possibilité de déposer une plainte est enserrée dans un double délai : d'une part un délai d'un an à compter de la fin de la procédure et d'autre part, un délai de trois ans à compter du dessaisissement du magistrat visé par la plainte. Dès lors, une plainte pourrait être déposée uniquement dans les trois années suivant le dessaisissement du magistrat ou si ce dernier n'a pas été dessaisi, dans un délai d'un an à compter de la fin de la procédure.

Ce double délai permettra d'accélérer et fluidifier le traitement des plaintes, de protéger les magistrats de toute saisine dilatoire et d'empêcher des saisines intervenant plusieurs années après, pour des faits pour lesquels il peut être difficile d'obtenir des éléments objectifs.

D - Elargir le périmètre des comportements pouvant justifier la saisine de la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature à l'abus de fonction commis en dehors de l'exercice effectif de ses fonctions par le magistrat

Les articles 50-3 et 63 de l'ordonnance statutaire exigent pour qu'elle soit recevable, que la plainte du justifiable soit dirigée contre un magistrat qui « à l'occasion d'une procédure le concernant » a adopté un comportement « dans l'exercice de ses fonctions » qui soit susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Cette double exigence inscrivant le comportement répréhensible dans l'exercice des fonctions et à l'occasion d'une procédure concernant le justiciable est restrictive et exclut les hypothèses dans lesquelles un magistrat adopte un comportement répréhensible, en usant de sa qualité, alors qu'il n'est pas saisi de la procédure et agit donc en dehors de ses fonctions.

Or, la situation d'un magistrat ayant abusé de ses fonctions, en dehors de l'exercice stricto sensu de ces dernières, a déjà pu donner lieu à une déclaration d'irrecevabilité de la plainte. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a repris à son compte cette plainte irrecevable pour engager des poursuites à l'encontre du magistrat devant la formation disciplinaire compétente.

Afin de permettre au justiciable de dénoncer les comportements susceptibles de constituer un manquement par un magistrat aux devoirs de son état, il convient de lui permettre de diriger sa plainte également contre un magistrat qui agit en dehors de ses fonctions, en ce qu'il n'est pas saisi de la procédure, mais qu'il se prévaut de sa qualité de magistrat.

E - Fixer un délai de 8 mois dans lequel la CAR doit se prononcer sur la plainte

Afin de permettre un traitement dans des délais raisonnables des plaintes des justiciables, il est apparu nécessaire d'indiquer un délai avant lequel la CAR est tenue de statuer sur la recevabilité de la plainte et par la suite, le cas échéant, son bien-fondé.

Ce délai, sur le même modèle, que les délais impartis au CSM pour statuer au fond sur les dossiers disciplinaires, n'est pas sanctionné.

Le délai de huit mois tient compte des impératifs de la CAR en termes de nombre de plaintes ainsi que des délais fixés en matière disciplinaire. Le délai de huit mois correspond ainsi au délai auquel est tenu le CSM pour statuer dans les dossiers ou une interdiction temporaire d'exercice a été initialement prononcée et correspond au délai moyen de traitement actuel des plaintes par la CAR.

3.2.2. Option retenue concernant les pouvoirs de la CAR

Outre les conditions de recevabilité de la plainte du justiciable, il apparaît nécessaire de doter la CAR de pouvoirs d'investigation plus importants.

Dans ses rapports d'activité pour les années 2014, 2015, 2016, 2019, et 2021262(*), le Conseil supérieur de la magistrature dénonçait combien les pouvoirs d'investigation des CAR étaient inexistants avant la décision de recevabilité et même très limités par la suite.

Le législateur organique n'a pas conçu la CAR comme un organe chargé d'instruire les manquements qui lui sont dénoncés, mais plutôt comme un filtre devant s'assurer au premier chef de la recevabilité de la plainte ; au surplus ce filtre apparait principalement destiné à s'assurer de la qualification disciplinaire des faits allégués.

Les CAR suivent donc la logique accusatoire de la plainte conduisant à ce que cela soit le justiciable qui soit d'abord tenu de rapporter la preuve des manquements qu'il allègue, le magistrat mis en cause pouvant ensuite adresser des pièces propres à étayer les réponses qu'il apporte et son chef de cour ses observations et tous éléments d'information utiles.

Plusieurs dispositions retenues doivent permettre à la CAR d'avoir connaissance de la teneur exacte de la plainte afin de prendre sa décision de rejet ou de renvoi devant la formation disciplinaire en toute connaissance de cause.

A - Instaurer la possibilité pour la CAR de formuler une demande d'observations complémentaires auprès du magistrat et des chefs de cour

Cette solution ne fait qu'étendre une compétence déjà dévolue à la CAR qui peut solliciter les observations des chefs de cour pour évaluer le bien-fondé de la plainte. Dans leur pratique actuelle, les CAR font une application stricte du texte statutaire et ne sollicite qu'une seule fois les observations des chefs de cour et du magistrat.

La faculté offerte à la CAR de solliciter des éléments complémentaires ou de formuler des demandes de précision lui permettra de vider pleinement sa saisine.

B - Instaurer l'obligation pour la CAR d'entendre le magistrat faisant l'objet d'une plainte déclarée recevable

Actuellement, les CAR ont le pouvoir de décider si elles entendent le magistrat mis en cause ou non. Elles se contentent parfois de ses seules observations écrites. Aujourd'hui, la CAR seule détermine à quelles auditions, elle entend procéder.

Afin de renforcer l'effectivité du mécanisme de filtrage mais aussi de permettre au magistrat de s'exprimer pleinement sur les griefs qui lui sont reprochés, cette audition apparaît nécessaire.

C - Instaurer, pour la CAR et le rapporteur désigné dans le cadre d'une procédure disciplinaire, la possibilité de solliciter du garde des sceaux, ministre de la justice, la réalisation d'une enquête administrative

Dans certains dossiers, il est apparu nécessaire de disposer d'éléments plus précis que ceux faisant l'objet de la seule plainte du justiciable. Il peut parfois être également nécessaire de recourir à des techniques d'enquête particulières, que l'Inspection générale de la justice est plus à même de mettre en oeuvre (extraction de données, établissement des stocks d'un cabinet de juge, évaluation d'un service, etc.).

Cette demande de recours à l'Inspection générale de la justice formulée auprès du garde des sceaux permet un respect des attributions respectives du CSM et du ministre de la justice, seul compétent pour saisir l'Inspection générale de la justice.

Le garde des sceaux disposera d'un délai de deux mois pour saisir l'Inspection générale de la justice ou opposer son refus à la commission d'admission des requêtes. Le silence du garde des sceaux, ministre de la justice, au-delà de ce délai de deux mois vaut rejet de cette demande. Si une enquête administrative est mise en oeuvre, le délai laissé à la CAR pour statuer sera suspendu à compter de la demande initiale et ce jusqu'à transmission du rapport d'enquête ou de la décision de rejet du garde des sceaux.

Si la demande de saisine de l'Inspection générale de la Justice émane du rapporteur du Conseil supérieur de la magistrature dans la phase d'instruction de la procédure disciplinaire, les mécanismes de prorogation des délais de l'instance joueront pleinement leur rôle.

D - Instaurer la possibilité pour la CAR d'avoir accès au dossier administratif du magistrat

Le CSM est déjà habilité à accéder au dossier administratif du magistrat que ce soit dans sa compétence relative à la nomination des magistrats (article 17 de la loi organique du 5 février 1994) ou dans sa compétence en matière disciplinaire (articles 51 et 63-3 de l'ordonnance statutaire, article 42 du décret du 9 mars 1994). L'extension de cette possibilité à la CAR, qui est une émanation des formations disciplinaires du CSM, apparaît dès lors pleinement justifié et fondée.

La consultation du dossier administratif du magistrat permettra notamment à la CAR de vérifier si le magistrat a déjà pu présenter des difficultés dans l'exercice de ses fonctions ou en dehors qui feraient écho aux faits dénoncés par le justiciable.

3.2.3. Option retenue concernant l'information du garde des sceaux

Le garde des sceaux est actuellement destinataire des seules décisions de la CAR déclarant recevables une plainte et renvoyant l'affaire devant la formation disciplinaire ainsi que des décisions de rejet. Les décisions d'irrecevabilité ne font l'objet d'aucune communication.

Or, le garde des sceaux peut être saisi « d'une plainte ou informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires ». L'ordonnance du 22 décembre 1958 ne contient pas de liste exhaustive des éléments pouvant permettre au garde des sceaux, ministre de la justice d'engager des poursuites disciplinaires. A ce titre, la plainte d'un justiciable déclarée irrecevable peut contenir des informations permettant au garde des sceaux de diligenter des investigations supplémentaires, en vue d'éventuelles poursuites disciplinaires. Ainsi, afin de permettre au garde des sceaux d'exercer pleinement sa compétence en matière de discipline des magistrats, il est prévu que l'intégralité des décisions de la CAR lui soit transmise.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Ces dispositions impliquent une modification des articles 50-3, 63 et 64 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Ces dispositions pourront augmenter le nombre de saisines de l'Inspection générale de la justice aux fins d'enquête administrative. Compte tenu du faible nombre de plaintes qui actuellement donnent lieu à une telle saisine, cet impact devrait toutefois être minime.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

La réforme des conditions de recevabilité des plaintes pouvant être déposée devant la CAR ainsi que l'extension des pouvoirs d'investigation de cette commission vont permettre un meilleur traitement des plaintes des justiciables et une facilitation de l'action devant le CSM qui leur est offerte par les articles 50-3 et 63 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature depuis la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010.

Ces nouvelles dispositions ne peuvent que participer à accroître la confiance des citoyens dans l'institution judiciaire en leur permettant de signaler les comportements d'un magistrat qu'ils estimeraient en contradiction avec le respect des devoirs de son état et de ses obligations déontologiques.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Néant.

II. Renforcement de la responsabilité des magistrats

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La responsabilité disciplinaire des magistrats s'articule autour de la notion de faute disciplinaire, définie par l'article 43 de l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature :

« Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire.

Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive.

La faute s'apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice ainsi que pour un magistrat exerçant les fonctions d'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, d'inspecteur général de la justice ou d'inspecteur de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique. »

L'article 43 de l'ordonnance précitée n'est pas exhaustif, et il convient de tenir compte du fait que la violation du secret des délibérés, de l'obligation de réserve ou encore la violation de dispositions statutaires constituent également des manquements déontologiques susceptibles d'être sanctionnés disciplinairement.

La sanction des manquements commis par un magistrat peut être traitée au plan infra-disciplinaire par la délivrance d'un avertissement ou bien au niveau disciplinaire par l'instance disciplinaire qu'est le CSM.

- L'avertissement

L'article 44 de l'ordonnance statutaire précitée, prévoit qu'en dehors de toute action disciplinaire, l'inspecteur général, chef de l'Inspection générale de la justice, les premiers présidents, les procureurs généraux et les directeurs ou chefs de service à l'administration centrale ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité.

La procédure de délivrance de l'avertissement a été spécifiquement prévue par la loi organique du 8 août 2016 dont l'objectif était de fixer un cadre procédural à la délivrance d'un avertissement et introduire un délai de prescription.

Une véritable procédure a été mise en oeuvre, afin de garantir au mieux les droits de la défense ainsi que le principe du contradictoire. Ainsi, l'avertissement ne peut être délivré qu'après que le magistrat a été amené à s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés lors d'un entretien préalable. Avant la tenue de cet entretien, le magistrat a droit à la communication de son dossier administratif ainsi que des pièces justifiant la mise en oeuvre de la procédure d'avertissement à son encontre. Il est également informé de son droit à être assisté par la personne de son choix.

Par ailleurs, la délivrance d'un avertissement est enserrée dans un délai de prescription : l'autorité hiérarchique dispose de deux années, à compter du jour de la connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits susceptibles de justifier une telle mesure, pour engager une telle procédure. En cas de poursuites pénales, le délai de prescription est interrompu jusqu'à la décision définitive.

L'avertissement est adressé à la direction des services judiciaires (DSJ) du ministère de la Justice qui le verse au dossier administratif du magistrat (côte C - discipline). Il est automatiquement effacé et retiré du dossier. Si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n'est intervenu pendant un délai de trois ans à compter de la première constatation.

Eléments statistiques relatifs au prononcé des avertissements

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Total

Siège

1

2

5

5

2

15

Parquet

0

2

3

0

1

6

Total

1

4

8

5

3

21

- L'action disciplinaire

La saisine du CSM peut, historiquement, être initiée par le garde des sceaux, saisi de la dénonciation de faits motivant des poursuites disciplinaires (articles 50 et 63 de l'ordonnance statutaire). En cas d'urgence, ce dernier dispose également de la possibilité de solliciter une interdiction temporaire d'exercice lorsqu'il est saisi d'une plainte ou informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, après consultations des chefs de cour et de juridiction, lorsque le magistrat fait l'objet d'une enquête administrative ou pénale. Si le magistrat fait plus particulièrement l'objet de poursuites pénales, et que la décision disciplinaire en dépend, le CSM peut être amené à suspendre le magistrat de ses fonctions jusqu'à la décision définitive à intervenir sur les poursuites disciplinaires. Le garde des sceaux est tenu de saisir le CSM au fond dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'interdiction temporaire d'exercice.

L'action disciplinaire peut également être déclenchée par les chefs de cour depuis la loi organique n° 2002-539 du 25 juin 2001 précitée (articles 50-2 et 63 de l'ordonnance statutaire)263(*).

Enfin, la loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010 a créé la possibilité, pour tout justiciable qui estime qu'à l'occasion d'une procédure le concernant le comportement adopté par le magistrat du siège ou du parquet dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, de saisir la commission d'admission des requêtes du CSM d'une plainte.

Le CSM compétent en matière de discipline se réunit en deux formations distinctes selon qu'il examine la situation d'un magistrat du siège ou d'un magistrat du parquet.

Le CSM dans sa formation compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline et dans sa formation compétente à l'égard des magistrats du parquet émet un avis au garde des sceaux. Cet avis ne lie par le garde des sceaux qui ne peut toutefois prononcer de sanction plus sévère sans saisir à nouveau l'instance disciplinaire.

La formation disciplinaire est composée du premier président ou du procureur général près la cour de Cassation, de cinq magistrats du siège ou du parquet, du magistrat du siège ou du parquet appartenant à l'autre formation, et de huit personnalités qualifiées, non magistrates.

La procédure suivie devant le CSM en matière de discipline est enserrée dans plusieurs délais.

Un délai de prescription de l'action disciplinaire, introduit par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016264(*), d'une durée de trois ans à compter de la connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits susceptibles de justifier une telle procédure par l'autorité investie du pouvoir disciplinaire (chefs de cours ou garde des sceaux). Ce délai de trois ans est interrompu en cas de poursuites pénales jusqu'à la décision définitive des juridictions répressives.

Des délais pour statuer, également introduits par la loi organique du 8 août 2016 : le CSM doit statuer sur les poursuites disciplinaires ou donner son avis dans un délai de douze mois à compter de sa saisine au fond. Une possibilité de prorogation de ce délai, pour une durée de six mois renouvelable, est prévue par l'ordonnance statutaire et ne peut intervenir que par une décision motivée de la formation disciplinaire.

Ce délai pour statuer sur les poursuites disciplinaires est raccourci à huit mois lorsqu'une décision d'interdiction temporaire d'exercice a été prise. Ce délai peut être prorogé par décision motivée du CSM ou du garde des sceaux, après avis du Conseil pour les magistrats du parquet, pour une durée de 4 mois, non renouvelable. L'irrespect du délai est sanctionné par le rétablissement du magistrat dans ses fonctions. Dans le cas particulier de l'existence concomitante de poursuites pénales, le CSM ou le garde des sceaux, peut décider de maintenir l'interdiction temporaire d'exercice jusqu'à décision définitive sur les poursuites pénales.

La procédure disciplinaire devant le CSM se déroule dans le respect du contradictoire et des droits de la défense. En effet, dès la saisine de l'instance disciplinaire, le magistrat incriminé a droit à la communication de son dossier ainsi qu'à l'enquête préliminaire. Il peut également être assisté d'un avocat.

Le président de la formation disciplinaire compétente désigne le cas échéant un ou plusieurs rapporteurs chargés de procéder à une enquête. Le rapporteur peut procéder à des auditions de magistrats, de justiciables ou de témoins. Il peut diligenter des expertises, et plus généralement faire tout acte d'investigation utile. Il ne participe pas au délibéré de la formation disciplinaire afférente.

L'audience du CSM en matière de discipline est publique sauf demande contraire concernant un huis-clos (protection de l'ordre public ou de la vie privée). Le magistrat est tenu de comparaître en personne, assisté s'il le souhaite par un de ses pairs ou un avocat. Le magistrat peut être représenté en cas de maladie ou d'empêchement reconnu et justifié.

Le garde des sceaux est représenté par le directeur des services judiciaires ou son représentant et soutient les poursuites même lorsqu'il n'est pas à l'origine de ces dernières.

La formation disciplinaire compétente peut prononcer l'une des sanctions prévues à l'article 45 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 à savoir :

- Le blâme avec inscription au dossier ;

- Le déplacement d'office ;

- Le retrait de certaines fonctions ;

- L'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions à juge unique pendant une durée maximum de 5 ans ;

- L'abaissement d'échelon ;

- L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an avec privation totale ou partielle de traitement ;

- La rétrogradation ;

- La mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas le droit à une pension de retraite ;

- La révocation.

La sanction de déplacement d'office peut être prononcée cumulativement avec les sanctions de retrait de certaines fonctions, d'interdiction d'être nommé à juge unique, d'abaissement d'échelon, d'exclusion temporaire des fonctions ou de rétrogradation.

En cas de partage des voix, le magistrat du siège est renvoyé des fins de la poursuite et l'avis est un non-lieu pour le magistrat du parquet.

Lorsque la faute disciplinaire est reconnue, la sanction est prononcée à la majorité des voix. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

La décision du CSM prend effet dès sa notification au magistrat du siège (article 58 de l'ordonnance statutaire).

S'agissant d'un magistrat du parquet la décision du garde des sceaux, à la suite à l'avis du CSM, prend effet dès sa notification au magistrat.

La décision du CSM en matière de discipline des magistrats du siège peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le conseil d'Etat. La décision du garde des sceaux prise sur avis du CSM concernant un magistrat du parquet peut être déférée au Conseil d'Etat par le biais d'un recours pour excès de pouvoir.

Eléments statistiques sur les procédures disciplinaires

 

2018

2019

2020

2021

2022

Saisines en interdiction temporaire d'Exercice

2

3

4

5

0

Saisines au fond

4

6 (dont 1 par la CAR)

6

17

(dont 11 par le garde des sceaux, 3 par le premier ministre, 2 par les chefs de cour et 1 par la CAR)

10 (dont 1 CAR et 1 chef de cour)

Procédures exceptionnelles (art. 66 et 69)265(*)

0

0

0

2

0

A titre de comparaison, en droit interne, le régime disciplinaire des magistrats administratifs a été profondément remanié par l'ordonnance n° 2016-1366 du 13 octobre 2016 portant dispositions statutaires concernant les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Cette réforme, prenant en partie le CSM pour modèle, a fait du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cour administrative d'appel une véritable juridiction administrative spécialisée (CSTACAA), désormais seule compétente en matière de discipline des magistrats administratifs.

La procédure disciplinaire se déroule devant le CSTACAA, avec ces exceptions pour le blâme et l'avertissement, qui peuvent être prononcés par le président du CSTACAA et non par le conseil (L. 236-3 du code de la justice administrative).

L'échelle des sanctions est calquée sur celle du statut général des fonctionnaires (L. 236-1 du code de la justice administrative). Les sanctions sont réparties en quatre groupes :

- 1er groupe : avertissement, blâme.

- 2e groupe : radiation du tableau d'avancement ou de la liste d'aptitude, abaissement d'échelon, retrait de certaines fonctions (fonctions de rapporteur public par exemple), exclusion temporaire des fonctions dans la limite de six mois, déplacement d'office.

- 3e groupe : rétrogradation, exclusion temporaire des fonctions pour une durée de plus de six mois à deux ans.

- 4e groupe : mise à la retraite d'office, révocation.

Les sanctions des 2e et 3e groupe peuvent s'accompagner de peines complémentaires que sont le déplacement d'office et la radiation du tableau d'avancement. Seule la sanction d'exclusion temporaire des fonctions peut faire l'objet d'un sursis.

Ces sanctions sont inscrites au dossier du magistrat administratif sauf l'avertissement. Celui-ci est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période.

Le magistrat qui a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de 2e ou de 3e groupe peut, après dix années de services effectifs à compter de la date de la sanction disciplinaire, demander au CSTACAA qu'aucune trace de la sanction ne subsiste à son dossier (R. 236-5 1 du code de la justice administrative).

La même observation vaut pour les sanctions disciplinaires prévues pour les magistrats financiers.

L'article L. 124-5 du code des juridictions financières prévoit en effet que « Le conseil supérieur de la Cour des comptes est saisi des faits motivant la poursuite disciplinaire par le premier président ou par le président de chambre à laquelle est affecté le magistrat en cause. Lorsqu'il est saisi par le premier président, celui-ci ne siège pas, le conseil étant alors présidé par le président de chambre en activité le plus ancien dans son grade. Lorsqu'il est saisi par le président de la chambre à laquelle est affecté le magistrat en cause, et si ce président de chambre est membre du conseil supérieur, il ne siège pas au conseil supérieur où il est remplacé par le président de chambre suivant en termes d'ancienneté dans ce grade. Pour les présidents de chambre et pour les magistrats qui ne sont pas affectés dans une chambre, le conseil supérieur est saisi par le premier président de la Cour des comptes, qui ne siège pas, le conseil étant dans ce cas présidé par le président de chambre en activité le plus ancien dans son grade ».

Ce Conseil supérieur de la Cour des comptes peut prononcer à l'encontre des magistrats de la Cour des comptes, les sanctions suivantes :

- 1° L'avertissement ;

- 2° Le blâme ;

- 3° Le retrait de certains emplois ou fonctions ;

- 4° L'exclusion temporaire de fonctions dans la limite de six mois ;

- 5° La mise à la retraite d'office ;

- 6° La révocation.

Avec cette réserve que l'avertissement et le blâme peuvent être prononcés par le premier président de la Cour des comptes, après l'avis du conseil supérieur de la Cour des comptes s'il est saisi soit par lui-même, soit par le magistrat en cause (art. L. 124-3 du code des juridictions financières).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature a mis fin à l'absence de règles procédurales encadrant le pouvoir de délivrer un avertissement aux magistrats de l'ordre judiciaire. Si la jurisprudence administrative266(*) avait toutefois défini les contours de la procédure à respecter lors de la délivrance d'un avertissement (dépôt de l'avertissement au dossier administratif du magistrat dans un délai raisonnable, possibilité pour le magistrat de consulter son dossier, motivation de la décision d'avertissement), aucun délai de conservation n'avait été fixé.

Dans l'objectif de renforcer les garanties des magistrats de l'ordre judiciaire dans le cadre pré-disciplinaire afin notamment de se conformer aux objectifs de prévisibilité et de sécurité juridique et de responsabiliser les autorités exerçant ce pouvoir disciplinaire, ce délai a été fixé à 3 ans à l'instar du délai de prescription retenu dans loi n° 93-634 relative aux droits et obligations des fonctionnaires. Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution267(*).

L'échelle des sanctions, prévue à l'article 45 de l'ordonnance statutaire, a été modifiée pour la dernière fois par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, introduisant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour la durée maximale d'un an, sanction appelée de ses voeux par le Conseil supérieur de la magistrature (rapport 1999, p 127268(*)). Ces dispositions n'ont appelé aucune remarque de constitutionnalité269(*)

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La Charte européenne sur le statut des juges en date du 10 juillet 1998 (article 5.1) énonce que « l'échelle des sanctions susceptibles d'être infligées est précisée par le statut et son application est soumise au principe de proportionnalité. »270(*).

Le Conseil consultatif des juges européens (CCJE) souscrit à la nécessité pour chaque juridiction d'identifier les sanctions permises par son propre système disciplinaire, et à l'idée que ces sanctions doivent être, en principe comme dans leur application, proportionnées271(*).

La proportionnalité de la sanction est une valeur qui guide l'appréciation des procédures disciplinaires par la cour européenne des droits de l'Homme. Si elle ne s'est pas expressément prononcée sur la situation de magistrats, cette notion de proportionnalité est rappelée très régulièrement272(*).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Au plan international, dans certains Etats, la faute du juge apparait peu concevable.

La lettre de désapprobation et la destitution ou révocation sont ainsi les seules sanctions disciplinaires possibles à l'égard des magistrats canadiens par exemple.

A l'encontre des juges des cours supérieures anglaises, seule la destitution peut être prononcée, pour faute grave et uniquement par un vote des deux chambres du Parlement, ce qui n'est à ce jour, jamais arrivé.

En Espagne, les sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées à un magistrat sont au nombre de cinq : avertissement, amende pouvant aller jusqu'à 3000 euros, mutation dans une juridiction distante d'au moins 100 km de celle où le juge était jusqu'alors en poste, suspension pouvant aller jusqu'à trois ans, révocation.

En Belgique, les peines disciplinaires mineures applicables sont le rappel à l'ordre et le blâme. Les peines disciplinaires majeures applicables sont la retenue de traitement, la suspension disciplinaire (qui entraîne pour sa durée une perte de 20 % du traitement brut), la régression barémique ou la perte du dernier supplément de traitement, la rétrogradation ou le retrait de mandat visé à l'article 58 bis, la démission d'office, la destitution ou la révocation.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Actuellement, l'avertissement prononcé à l'encontre d'un magistrat n'est conservé que trois ans à son dossier administratif, et ce sur le modèle des dispositions relatives à la fonction publique d'Etat. Passé ce délai, il ne peut plus être tenu compte de cet avertissement pour apprécier les suites à donner au comportement problématique d'un magistrat.

Toutefois, un magistrat déjà sanctionné par un avertissement a pu commettre de nouveaux manquements dans un temps très rapproché mais postérieur au retrait de l'avertissement de son dossier administratif ce qui n'autorisait plus l'autorité de poursuite à en faire état.

L'allongement de la durée de conservation fixée dans la loi organique, portée à un délai raisonnable de cinq ans, permettrait de responsabiliser davantage le magistrat ainsi que de disposer des éléments nécessaires pour engager d'éventuelles poursuites disciplinaires en cas de réitération dans la commission de manquements déontologiques.

Par ailleurs, la sanction de retrait des fonctions n'est encadrée par aucun délai. Ainsi, un magistrat qui se voit retirer l'exercice des fonctions exercées lors de la commission des fautes disciplinaires, que ces fonctions soient juridictionnelles ou d'encadrement, peut solliciter et être nommé dans les mêmes fonctions immédiatement après leur retrait. Il apparait dès lors nécessaire de modifier la loi organique pour fixer un délai permettant de s'assurer que le magistrat sanctionné se soit réapproprié les réflexes juridiques ou managériaux inhérents aux fonctions qui lui ont été retirées avant de pouvoir y être de nouveau nommé.

Enfin, il apparaît nécessaire de préciser la sanction d'abaissement d'échelon prévue à l'article 45 4° de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature. Si cette sanction est traditionnellement lue par le juge administratif comme permettant une baisse de plusieurs échelons273(*), cette faculté n'est pas utilisée par le Conseil supérieur de la magistrature. Afin d'élargir le panel des sanctions disciplinaires, et de donner une pleine consistance à la sanction d'abaissement d'échelon, il est nécessaire de prévoir qu'un ou plusieurs échelons peuvent être abaissés par l'instance disciplinaire.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Ces dispositions visent d'une part à renforcer la responsabilité des magistrats en allongeant la durée de conservation de l'avertissement afin de sensibiliser davantage le magistrat quant au respect de ses obligations déontologiques et de pouvoir prendre en considération une réitération de manquements.

D'autre part, elles doivent permettre d'affiner l'échelle des sanctions pouvant être prononcées en encadrant le retrait des fonctions dans un délai avant qu'une nouvelle nomination dans les fonctions retirées ne puisse être ni sollicitée ni prononcée, et en permettant de moduler la sévérité de la sanction d'abaissement d'échelon.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

3.1.1. Option écartée n° 1 concernant l'avertissement : l'allongement de la durée de conservation à 10 ans

Il a pu être envisagé une durée de conservation des avertissements au dossier administratif des magistrats pendant une durée de dix années. Un tel délai permettrait notamment d'apprécier plus finement l'évolution du magistrat à la suite du prononcé de l'avertissement.

Toutefois, il a été pris en considération la nécessité faire disposer le magistrat d'un droit à l'oubli, s'agissant d'une mesure infra-disciplinaire. La durée de dix années, représentant près d'un quart de la carrière du magistrat (moyenne de trente-sept années), apparaît trop importante vis-à-vis de l'objectif poursuivi.

3.1.2. Option écartée n° 2 : l'allongement du délai d'interdiction d'exercer des fonctions à juge unique à 10 ans

Dans son avis au président de la République en date du 24 septembre 2021274(*), la formation plénière du CSM propose que l'interdiction d'exercice des fonctions puisse être prononcée pour une durée de 10 ans.

La durée de 10 années permettrait d'interdire à un magistrat l'exercice de l'ensemble des fonctions spécialisées pendant une durée équivalente à l'exercice de plus de trois postes différents et à près d'un quart de la carrière moyenne et apparait donc disproportionnée. Outre, l'exercice des fonctions spécialisées, cette sanction a également un impact sur le fonctionnement des juridictions, le chef de juridiction devant veiller à ce que le magistrat frappé d'une telle sanction n'exerce jamais à juge unique. Les risques que cet état de fait échappent à la vigilance de tous sur une durée aussi longue sont importants, ce qui pourrait fragiliser les décisions qui seraient rendues en méconnaissance de cette interdiction.

Aucune des autres magistratures n'impose un tel délai (art L. 236-2 du code de justice administrative et L. 124-2 du code des juridictions financières).

Cette option a donc été écartée.

3.2. OPTION RETENUE

3.2.1. Allonger le délai d'inscription de l'avertissement au dossier administratif du magistrat à 5 ans

Le délai de l'inscription au dossier de cinq ans permet de conserver une trace de difficultés dans la manière de servir du magistrat concerné. La durée de cinq années, supérieure de deux ans à celle actuellement prévu, permet de concilier cet objectif de meilleure prise en compte de l'évolution du magistrat, ainsi qu'un droit à l'oubli, nécessitant que l'avertissement ne figure plus au dossier administratif passé un certain délai.

3.2.2. Enserrer la sanction de retrait des fonctions dans un délai de 5 ans

La sanction de retrait des fonctions renvoie à l'énumération prévue aux articles 3 et 4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. Cet article comprend outre les fonctions spécialisées, toutes les fonctions d'encadrement et celles de chef de juridiction.

Le retrait des fonctions est immédiat : le magistrat est nommé dans de nouvelles fonctions dès notification de la décision disciplinaire. En l'état actuel, rien n'empêche le magistrat de candidater aussitôt pour être à nouveau nommé dans ces fonctions et rien n'empêche un chef de cour ou de juridiction de le désigner, pour les besoins du service, dans de telles fonction.

Introduire un délai concernant cette sanction se traduirait par le retrait immédiat des fonctions exercées puis l'impossibilité pendant 5 ans de se voir nommer à ces fonctions. A l'issue de la période de sanction, le magistrat pourra de nouveau candidater à l'exercice des fonctions précédemment retirées.

Cette disposition ne fera qu'entériner ce qui est en pratique déjà mis en oeuvre au niveau des ressources humaines de la direction des services judiciaires : il s'agit de laisser un temps nécessaire à la réappropriation des réflexes inhérents à ces fonctions, voire à d'autres fonctions similaires, avant qu'une nouvelle nomination du magistrat sanctionné soit envisagée.

L'ajout à l'article 45 3° d'une durée maximale de 5 ans pour encadrer le retrait des fonctions pourrait permettre au Conseil supérieur de la magistrature de moduler l'effet de cette sanction dans le temps tout en rappelant qu'une telle sanction a vocation à être temporaire.

3.2.3. La sanction d'abaissement d'échelon

La sanction d'abaissement d'échelon constitue une sanction pécuniaire temporaire, en lien avec les articles 12 et 16 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

En effet, l'abaissement d'échelon n'a pas vocation à perdurer tout au long de la carrière du magistrat sanctionné. A l'issue des périodes de temps fixées par les articles du décret du 7 janvier 1993 précités, le magistrat pourra recouvrer l'échelon qu'il détenait préalablement à sa sanction disciplinaire.

La sanction d'abaissement d'échelon seule, sans utilisation de la faculté offerte à la juridiction disciplinaire par l'article 46 de l'ordonnance statutaire de l'assortir d'un déplacement d'office, n'est que peu prononcée. Par ailleurs, l'instance disciplinaire ne précise pas dans ses décisions l'échelon auquel le magistrat devrait être placé. La décision est donc exécutée de sorte que l'abaissement d'échelon se fait au seul degré inférieur. Cela permet généralement au magistrat de recouvrer son échelon à l'issue d'une ou de deux années.

Le rappel textuel de la possibilité de moduler la sanction d'abaissement d'échelon, en fixant le degré d'abaissement dans la décision disciplinaire, permettra de revaloriser cette sanction et de favoriser une personnalisation de la sanction disciplinaire. En effet, la formation disciplinaire pourra moduler les effets de la sanction tant sur l'ampleur de la perte financière que sur la durée de cette dernière dans la mesure où chaque échelon mettra le temps imparti par le décret du 7 janvier 1993 précité pour être atteint à nouveau par le magistrat.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les dispositions envisagées impliquent une modification des articles 44 et 45 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Néant.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Ces dispositions permettront de renforcer la confiance des citoyens dans l'institution judiciaire en assurant un plus grand respect de ses obligations déontologiques par le magistrat ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire ou d'un avertissement et en prévenant le risque de réitération de comportements contraires à la déontologie.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

Les dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi organique au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Néant.

III. Renforcement de la protection fonctionnelle des magistrats et création d'une protection des lanceurs d'alerte

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. La protection fonctionnelle des magistrats

L'article 11 de l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que les magistrats bénéficient d'une protection statutaire « contre les menaces, attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions ». Sous la réserve que les faits relevés puissent être rattachés à l'exercice des fonctions, les termes « menaces » et « attaques de quelque nature que ce soit » recouvrent des réalités très diverses ouvrant droit à la protection. Il peut ainsi s'agir tant de menaces verbales ou physiques que de poursuites judiciaires menées à l'encontre d'un magistrat.

Ces dispositions s'appliquent à l'ensemble des magistrats soumis au statut de la magistrature : magistrats de carrière, auditeurs de justice, magistrats exerçant à titre temporaire, conseillers en service extraordinaire ou encore aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ou non juridictionnelles. Elles s'appliquent également aux anciens magistrats de carrière admis à faire valoir leurs droits à la retraite, dès lors que les attaques sont en lien avec leurs anciennes fonctions. Ces dispositions sont le corollaire des dispositions plus générales qui s'appliquent à l'ensemble des agents de l'Etat, fixée aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique.

L'article 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait étendu le bénéfice de la protection de l'article 11 du statut de la magistrature aux « conjoints, enfants et ascendants directs des magistrats de l'ordre judiciaire » lorsque ceux-ci ont été victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages du fait des fonctions exercées par le magistrat. Il en allait de même pour les conjoints, enfants et ascendants directs d'un magistrat décédé dans l'exercice de ses fonctions ou du fait de ses fonctions.

Ce texte a toutefois été abrogé, par erreur, lors de l'entrée en vigueur du code général de la fonction publique le 1er mars 2022, sans être remplacé. En effet, bien que l'article L. 134-7 du code ait repris les principes de l'article 112 de la loi du 18 mars 2003 précitée, ce texte n'est pas applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire, explicitement exclus par l'article L. 6 du code général de la fonction publique.

Éléments statistiques relatifs à la protection fonctionnelle des magistrats :

 

Nombre de magistrats ayant demandé la protection fonctionnelle

Nombre de magistrats ayant obtenu la protection fonctionnelle

Nombre d'ayant-droit de magistrats ayant demandé et obtenu la protection fonctionnelle

Coût de la protection fonctionnelle accordée aux ayant-droits des magistrats (en TTC)

2015

45

43

0

30 885 €

2016

72

70

0

25 800 €

2017

69

67

0

21 000 €

2018

75

70

2

454 865 €

2019

61

53

3

242 112 €

2020

62

54

2

286 200 €

2021

66

51

0

249 960 €

2022

72

58

0

57 120 €

1.1.2. La protection des lanceurs d'alerte

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, consacre, en son chapitre II, la protection des lanceurs d'alerte, notamment ses articles 6 et 8 qui définissent la notion de lanceur d'alerte et précisent les modalités de signalement d'une alerte, en imposant notamment que des procédures appropriées au recueil et traitement des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels soient établies par les administrations de l'Etat, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique, pris en application de l'article 28 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dite loi Le Pors, reprise par l'article L. 124-2 du code général de la fonction publique, dispose que « Tout agent public a le droit de consulter un référent déontologue, chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques mentionnés aux chapitres I à III et au présent chapitre. Cette fonction de conseil s'exerce sans préjudice de la responsabilité et des prérogatives du chef de service. »

Le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l'Etat, abrogé depuis, pris en application du III de l'article 8 de la loi du
9 décembre 2016 susvisées, prévoyait les modalités suivant lesquelles sont établies les procédures de recueil des signalements que doivent établir les personnes morales de droit public ou de droit privé, notamment les administrations de l'Etat, à l'attention des membres de leur personnel ou des collaborateurs extérieurs et occasionnels qui souhaitent procéder à une alerte éthique.

L' arrêté du 31 mai 2021 relatif à la procédure de recueil des signalements émis par les lanceurs d'alerte au sein du ministère de la justice exclut expressément en son article 3 son application aux magistrats de l'ordre judiciaire.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte est venue parachever le dispositif de protection des lanceurs d'alerte qui avait été dessiné par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin II » et qui, par la même, transpose la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union européenne.

Parallèlement à l'adoption de cette loi, la loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte a été adoptée le même jour afin de compléter ses missions en précisant que le Défenseur des droits interviendra pour informer, conseiller les lanceurs d'alerte et « défendre » leurs droits et libertés.

Ces deux lois ont été déférées pour contrôle au Conseil constitutionnel, lequel s'est prononcé à l'occasion de deux décisions du 17 mars 2022275(*). En ce qui concerne tout d'abord, la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, le Conseil constitutionnel a conclu à la conformité de cette loi à l'exception de son article 11. Cet article avait vocation à modifier l'article 392-1 du code de procédure pénale afin de permettre au tribunal correctionnel, en cas de relaxe, de condamner la partie civile à une amende civile lorsqu'il a été saisi à l'issue d'une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile et qu'il estime que cette plainte était abusive ou dilatoire.

Le Conseil constitutionnel vient ainsi censurer l'introduction de ce cavalier législatif en relevant qu'il était adopté selon une procédure contraire à la Constitution car ne présentant pas de lien même indirect avec la proposition de loi déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale.

S'agissant ensuite de la loi organique relative au Défenseur des droits, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions déférées sous une réserve d'interprétation, laquelle consiste pour le Premier ministre à pouvoir mettre fin aux fonctions de l'adjoint chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte sur la proposition du Défenseur des droits.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'Union européenne a adopté de nouvelles règles sur la protection des lanceurs d'alerte, exposées dans la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union européenne. Elles sont entrées en vigueur le 17 décembre 2019. Ce nouveau texte garantit un haut niveau de protection aux personnes qui signalent des violations au droit de l'Union européenne et prévoit des canaux de signalement efficaces et facilement accessibles, ainsi qu'une protection solide des lanceurs d'alerte, travaillant tant dans le secteur public que privé à travers l'Union européenne.

A ce titre, le lanceur d'alerte bénéficie d'un régime de protection contre toute sanction ou mesure de rétorsion susceptible d'être prononcée à son égard. Ce régime est fondé sur la recherche d'un équilibre : la défense de l'intérêt général et la proportionnalité. La Cour européenne des droits de l'Homme veille ainsi au respect de cette protection légale, et a considéré, à plusieurs reprises, que les sanctions prises à l'encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d'un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur le lieu de travail constituent une violation à leur droit d'expression au sens de l'article 10-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme276(*).

La directive couvre de nombreux domaines clés de la politique européenne tels que la lutte contre le blanchiment de capitaux, la protection des données, la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, la sécurité alimentaire et des produits, la santé publique, la défense de l'environnement ainsi que la sûreté nucléaire. La Commission a encouragé les Etats membres à étendre le champ d'application de cette directive à d'autres domaines, lors de sa transposition, afin de garantir un cadre global et cohérent au niveau national.

Le 16 février 2022, comblant le retard pris dans la transposition de la Directive européenne 2019/1937 du 23 octobre 2019 visant à unifier, au sein du territoire de l'Union européenne, la protection des lanceurs d'alerte, la France a définitivement adopté les textes visant à améliorer son régime de protection des lanceurs d'alerte issu de la loi Sapin II. Ainsi, dans le cadre de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, le législateur français a réaffirmé un cadre clair et protecteur pour les lanceurs d'alerte, allant parfois au-delà de ce qui avait été souhaité par le législateur européen.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE

1.4.1. Sur la protection des magistrats

En Espagne, le Conseil Général du pouvoir judiciaire (ci-après CGPJ) est spécifiquement chargé de veiller au respect de l'indépendance judicaire. Selon l'article 14 de la loi organique n° 6/1985 du 1er juillet 1985 relative au pouvoir judiciaire277(*), le juge qui se considère inquiet ou perturbé dans son indépendance peut en informer le CGPJ, qui prendra les mesures pertinentes pour demander à la juridiction compétente d'assurer l'action de la justice et de restaurer l'ordre juridique, par toute décision strictement indispensable.

En Italie, une procédure spéciale, prévue à l'article 36 du règlement du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)278(*), vise à protéger, individuellement, l'indépendance et le prestige des juges, et collectivement, la fonction judiciaire. Lorsqu'un comportement est préjudiciable au prestige et à l'exercice indépendant de la juridiction et est de nature à perturber le bon fonctionnement ou la crédibilité de la fonction judiciaire, le Comité du président peut demander à la première Commission du CSM d'intervenir.

Si la Commission estime que le comportement dénoncé porte atteinte au prestige et à l'exercice indépendant de la juridiction et est de nature à perturber le bon fonctionnement ou la crédibilité de la fonction juridictionnelle, elle procède à l'instruction du dossier et peut formuler des propositions soumises au Conseil.

Plusieurs résolutions du CSM ont été votées à l'issue de cette procédure. Par exemple, par une délibération du 12 mai 2004, la protection a été accordée à plusieurs magistrats du tribunal de Naples à la suite de la publication d'un article de presse. De même, une délibération du 5 juillet 2007 a été prise en faveur de la protection de magistrats qui auraient fait l'objet d'informations et de surveillances par des collaborateurs du renseignement militaire.

1.4.2. Sur la protection des lanceurs d'alerte

Au Canada, la loi du 15 avril 2007 sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles279(*) prévoit la mise en place d'un mécanisme de dénonciation applicable aux fonctionnaires fédéraux et aux membres du secteur public. Lorsqu'un fonctionnaire a connaissance d'un acte répréhensible et qu'il souhaite le dénoncer, il peut s'adresser à son supérieur hiérarchique ou directement au Commissariat à l'intégrité du secteur public du Canada, sans obligation préalable d'épuisement des mécanismes internes de signalement.

En Italie, la protection des lanceurs d'alerte, dans le secteur public, est prévue par la loi n° 179 du 30 novembre 2017280(*). L'agent public qui, dans l'intérêt de l'intégrité de l'administration, rapporte des conduites illicites aux autorités compétentes (responsable anti-corruption d'une collectivité locale, Autorité nationale anti-corruption, autorité judiciaire ou juridiction des comptes), ne peut pas être sanctionné, rétrogradé, licencié, transféré ou faire l'objet d'une mesure ayant des effets négatifs sur les conditions de travail à cause de son signalement. Le ministère de l'Intérieur a mis à la disposition du personnel de l'administration publique un site permettant la dénonciation de manière anonyme.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1.1. Sur la protection fonctionnelle des magistrats

Il existe aujourd'hui une différence entre le dispositif applicable aux ayants droit des fonctionnaires et militaires, prévu aux articles L. 134-7 du code général de la fonction publique et L. 4123-10 du code de la défense, et celui applicable aux ayants droit des magistrats, inscrit à l'article 11 de l'ordonnance statutaire. Cette différence de traitement résulte de l'absence de base légale, depuis l'entrée en vigueur du code général de la fonction publique, pour la protection fonctionnelle des ayants droit des magistrats de l'ordre judiciaire.

Or, cette différence de traitement entre ayants droit selon le statut de l'agent public auquel ils sont liés n'est justifiée par aucune différence de situation ni aucun impératif d'intérêt général mais d'une erreur.

Afin de rétablir la situation, il convient d'inscrire la protection des ayants droit des magistrats dans l'ordonnance organique du 22 décembre 1958 qui leur est applicable.

S'agissant de la lutte contre le harcèlement sexuel, moral et les agissements sexistes, les magistrats bénéficient actuellement d'une protection statutaire visée par l'article 11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Cet article ne vise que les « menaces, attaques de quelque nature que ce soit », dont les magistrats font l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions. Il ne vise pas expressément les situations de harcèlement ni les dispositifs actuellement applicables en la matière au sein de la fonction publique. Toutefois, il est de jurisprudence constante que cette absence de renvoi exprès n'empêche pas de faire bénéficier les magistrats de l'ordre judiciaire de la protection dans les cas visés précisément à l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi « Le Pors », repris aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique (atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages).

Il semble dès lors opportun de renforcer la protection fonctionnelle des magistrats en cas de situation de harcèlement puisqu'en l'état, l'article 11 de l'ordonnance statutaire ne fait aucune mention des situations de harcèlement dont peuvent faire l'objet les magistrats. Néanmoins, malgré cette absence de précision, le guide de la protection fonctionnelle rappelle que le harcèlement est pris en compte et qu'il peut émaner « d'une personne extérieure à l'administration (justiciable), d'un agent du service, du supérieur hiérarchique ».

À titre comparatif, l'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires visait à protéger l'agent public contre le harcèlement sexuel et l'article 6 quinquiès assurait une protection contre le harcèlement moral. Ces dispositions ont été reprises par les articles L. 133-1 et suivants du code général de la fonction publique et disposent d'une rédaction précise définissant les faits constitutifs de harcèlement sexuel ou moral.

En outre, l'article 80 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a prévu la mise en place obligatoire, dans l'ensemble des administrations, d'un dispositif de signalement et d'accompagnement pour tout agent ou personne qui s'estime victime de violences sexuelles, de harcèlement moral ou sexuel ou d'agissements sexistes. Cet article a ainsi introduit, dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, un article 6 quater A, repris par l'article L. 135-6 du code général de la fonction publique.

Ces dispositifs, bien qu'instaurés dans la loi du 13 juillet 1983, puis dans le code général de la fonction publique, en principe inapplicables aux magistrats, ont vocation à leur être appliqués. L'analyse qui a pu être faite sur le harcèlement sexuel et les agissements sexistes pouvant être transposée s'agissant du harcèlement moral.

L'examen des travaux parlementaires démontre que, dans le prolongement des annonces du président de la République et de l'accord du 30 novembre 2018281(*), le souhait du législateur était bien d'inclure l'ensemble des agents publics. L'exposé des motifs du projet de loi de transformation de la fonction publique précise en effet que « la mise en place, par les employeurs publics, d'un dispositif de signalement des violences sexuelles, du harcèlement et des agissements sexistes vis[e] à s'assurer que tout agent public exposé à ces actes puisse obtenir le traitement de son signalement ».

Lors des travaux parlementaires devant le Sénat, les parlementaires ont mis en avant l'idée selon laquelle le dispositif de signalement des agissements en matière de harcèlement sexuel et sexiste pourrait relever de l'article 11 du statut général, sur le fondement duquel est mis en oeuvre la protection fonctionnelle des agents publics. En application de ce texte, l'employeur public est dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures de prévention contre le harcèlement sexuel et sexiste.

Or, la jurisprudence administrative a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'applicabilité aux magistrats des dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative à la protection fonctionnelle. Dans un arrêt du 11 février 2015282(*), le Conseil d'Etat a considéré qu' « en vertu d'un principe général du droit qui s'applique à tous les agents publics, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle ; que les principes généraux qui régissent le droit de la fonction publique sont applicables aux magistrats, sauf dispositions particulières de leur statut ; qu'ainsi le principe mentionné ci-dessus est, dans le silence, sur ce point, de leur statut et en l'absence de tout principe y faisant obstacle, applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire ».

Ainsi, au regard de l'esprit de ce texte et de cette jurisprudence, il peut être considéré que l'article 6 quater A de la loi du 13 juillet 1983, repris par l'article L. 135-6 du code général de la fonction publique, qui impose aux administrations de mettre en place un dispositif de signalement, d'accompagnement, de soutien et de protection des agents publics victimes d'actes de violence, de discrimination, de harcèlement ou d'agissements sexistes, est applicable aux magistrats. Il pose, en effet, un principe général qui régit le droit de la fonction publique et il ne s'oppose à aucune disposition de l'ordonnance statutaire.

En conséquence, s'il n'apparaît pas indispensable de modifier les dispositions de l'article 11 de l'ordonnance statutaire afin d'assurer une protection des magistrats face aux situations de harcèlements et agissements sexistes, et compte tenu de la rédaction actuelle de l'article 11 de l'ordonnance statutaire, il paraît nécessaire d'y inclure un renvoi exprès aux situations de harcèlement et aux dispositions de la fonction publique. Un tel renvoi existe déjà pour d'autres articles de l'ordonnance statutaire.

2.1.2. Sur la protection des lanceurs d'alerte

Les articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 mentionnés ci-dessus étant d'application générale, il est admis que les magistrats peuvent être des lanceurs d'alerte. En effet, dans son rapport du 25 février 2016 « Le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger »283(*), préalable aux travaux relatifs à la loi du 9 décembre 2016, le Conseil d'Etat n'excluait pas les magistrats administratifs, financiers et judiciaires du droit d'alerte. Le rapport mettait en exergue la multiplicité des régimes applicables de manière sectorielle aux lanceurs d'alerte et rappelait que toute législation sur ce point devait s'inscrire dans le cadre tracé par la jurisprudence européenne, notamment l'arrêt de la CEDH du 12 février 2008, Guja c/ Moldavie284(*).

En outre, les travaux parlementaires relatifs à la loi du 9 décembre 2016 exposent que les dispositions relatives aux lanceurs d'alerte prévues par le texte étaient particulièrement générales, et avaient, par conséquent, vocation à s'appliquer à toute personne, notamment aux différents magistrats.

L'article 8, I-B, de la loi Sapin II précise qu'il existe une obligation de prévoir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements pour :

- Les personnes morales de droit public employant au moins 50 agents, à l'exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ;

- Les administrations de l'Etat ;

- Les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés ;

- Et toute autre entité relevant du champ d'application des actes de l'Union européenne mentionnés au B de la partie I et à la partie II de l'annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union.

Pour les entités non concernées par cette obligation, les lanceurs d'alerte peuvent signaler les informations concernées à leur supérieur hiérarchique, direct ou indirect, à l'employeur ou à un référent désigné par celui-ci.

En tant qu'ils relèvent d'une administration de l'Etat, les magistrats de l'ordre judiciaire entrent dans le champ de l'obligation de mise en place d'un canal interne de signalement des alertes.

En outre, le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022, pris sur le fondement des articles 6 et 8 de la loi Sapin II, relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du
21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
, fixe notamment les modalités suivant lesquelles sont établies les procédures internes de recueil et de traitement des signalements. L'article 3 de ce décret renvoie à un arrêté du ministre compétent, après avis des comités sociaux d'administration, l'instauration de la procédure interne de recueil et de traitement des alertes.

En l'absence de toute disposition de l'ordonnance statutaire renvoyant aux articles L. 135-1 à L. 135-5 du code général de la fonction publique (ancien article 6 ter A de la loi Le Pors) mettant en place des procédures de signalement et de protection des lanceurs d'alerte, ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer aux magistrats de l'ordre judiciaire qui ne bénéficient donc pas des mesures de protection des lanceurs d'alerte prévues par le statut de la fonction publique.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les mesures visent d'une part à rétablir le régime de protection fonctionnel des ayants droits des magistrats et d'autre part à permettre aux magistrats de bénéficier de dispositifs de signalement et de protection des lanceurs d'alerte.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

S'agissant de la protection des magistrats lanceurs d'alerte, il a dans un premier temps été envisagé d'insérer le dispositif de protection des lanceurs d'alerte applicable aux fonctionnaires, figurant aux articles L. 135-1 à L. 135-5 du code général de la fonction publique, dans l'ordonnance statutaire, en les adaptant à la spécificité du statut des magistrats, à l'instar de ce qui a été fait pour les militaires à l'article L. 4122-4 du code de la défense.

Ainsi, l'article 11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, aurait pu être modifier pour prévoir :

- L'obligation de signalement, par les magistrats, de crimes et délits, au procureur de la République et aux autorités administratives, prévue à l'article 40 du code de procédure pénale ;

- La possibilité pour un magistrat de signaler des faits susceptibles d'être qualifiés de conflit d'intérêts ;

- La définition du conflit d'intérêts au sens de la disposition ;

- Les mesures de représailles ne pouvant être prises à l'encontre des magistrats lançant une alerte et les protections dont ils peuvent bénéficier ;

- Le bénéfice d'un certain nombre de protections, dont l'irresponsabilité civile, en cas de signalement ;

- Les sanctions applicables aux magistrats en cas de signalement abusif de conflit d'intérêts.

Cependant, dans un objectif de simplicité et d'harmonisation avec le dispositif protecteur des fonctionnaires, cette option a finalement été écartée.

3.2. OPTION RETENUE

S'agissant de la protection fonctionnelle des ayants droits des magistrats, il est proposé de compléter l'article 11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour rétablir la protection fonctionnelle due aux ayants droits des magistrats, pour indiquer expressément que la protection fonctionnelle des magistrats s'appliquent aux agissements constitutifs de harcèlement dont ils peuvent faire l'objet dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, et rendre applicables aux magistrats les dispositifs de protection en matière de protection existant pour les fonctionnaires.

Il est également envisagé une modification de l'article 10-2 de la même ordonnance afin de permettre de confier au collège de déontologie des magistrats, référent déontologue au profit des magistrats créé par la loi n° 2016-1090 du 8 août 2016, la mission de recevoir et traiter les alertes émises par les magistrats.

Le pouvoir réglementaire devra ensuite décliner la procédure de recueil et de traitement des signalements émis par les magistrats.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées nécessitent :

- De modifier le premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, afin d'étendre la protection fonctionnelle aux cas d'agissements constitutifs de harcèlement ;

- D'insérer trois alinéas après le premier alinéa de l'article 11 de cette même ordonnance afin de consacrer la protection fonctionnelle des ayants droit des magistrats et de renvoyer au statut général des fonctionnaires s'agissant des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement et à la protection des lanceurs d'alerte ;

- D'insérer un nouvel alinéa après le troisième alinéa de l'article 10-2 de cette même ordonnance, afin de permettre au collège de déontologie de recevoir les alertes émises par les magistrats.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

L'extension du champ de la protection fonctionnelle au profit des magistrats apparait sans incidence financière dans la mesure où ces champs étaient précédemment couverts, en application d'un texte abrogé par erreur.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Confier la mission de recevoir et traiter les alertes émises par les magistrats au Collège de déontologie nécessitera de lui octroyer des moyens supplémentaires pour assurer la gestion administrative des alertes si le volume des alertes reçues le justifie.

A ce titre, il est possible d'envisager l'introduction d'un ETPT supplémentaire pour le greffe en service à la Cour de cassation, dont le coût annuel moyen est de 48 253 €, dépense qui sera imputée sur le programme 166, afin de permettre au collège de déontologie des magistrats d'assurer cette gestion administrative.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires, ainsi que le collège de déontologie des magistrats ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

L'entrée en vigueur du b) du 7° de l'article 8 est fixée rétroactivement à la date de l'entrée en vigueur du code général de la fonction publique, qui a abrogé par erreur l'article 112 V de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, base légale des mesures de protection précédemment accordées.

Les autres mesures envisagées s'appliquent à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

L'adoption d'un arrêté sera nécessaire afin de préciser et décliner la procédure de recueil et de traitement des signalements émis par les magistrats lanceurs d'alerte.

IV. Égalité professionnelle

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. Sur la place des femmes dans la magistrature

La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi « Sauvadet », a introduit à son titre III un chapitre relatif à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et à la lutte contre les discriminations. Elle prévoit notamment, en ses articles 50 et 51, l'établissement de rapports sur les mesures mises en oeuvre pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ces préconisations s'inscrivent notamment dans l'article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi « Le Pors », repris aux articles L. 132-1 et suivants du code général de la fonction publique.

L'article 52 de la loi Sauvadet impose un quota de personnalités qualifiées de chaque sexe dans « les conseils d'administration, les conseils de surveillance ou les organes équivalents des établissements publics non mentionnés à l'article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. » La proportion souhaitée augmente progressivement, au fur et à mesure des renouvellements de ces instances : 40 % à compter du premier renouvellement, puis 50 % à compter du deuxième renouvellement. En outre, lorsque l'instance est composée au plus de huit personnalités qualifiées, l'écart entre le nombre de personnalités qualifiées de chaque sexe ne peut être supérieur à deux suite au premier renouvellement, puis à un à compter du deuxième renouvellement.

Cet article précise, enfin, que toute nomination intervenue en violation de ces exigences et n'ayant pas pour effet de remédier à l'irrégularité de la composition de l'instance est nulle. Cette nullité n'entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l'administrateur irrégulièrement nommé.

Cet article ne mentionne pas le texte applicable, et ne renvoie pas directement à la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983 ni à la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984285(*). Dès lors, la question se pose de savoir si ces dispositions sont applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire, étant rappelé que la loi du 13 juillet 1983 ne leur est pas applicable.

Le décret n° 2013-908 du 10 octobre 2013 relatif aux modalités de désignation des membres des jurys et des comités de sélection pour le recrutement et la promotion des fonctionnaires relevant de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière a été repris en application de cet article. L'article 1er de ce texte dispose qu'il s'applique « aux jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement ou la promotion des fonctionnaires relevant des lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du 9 janvier 1986 », dispositions qui ne s'appliquent pas aux magistrats.

Ensuite, l'article 56 de la loi Sauvadet rétablit l'article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cet article édicte une obligation de 40 % de chaque sexe aux nominations dans les emplois supérieurs de l'Etat, dans les autres emplois de direction de l'Etat et de ses établissements publics. À défaut de respecter ce quota, des pénalités sont appliquées sous forme de contribution.

Le décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans l'encadrement supérieur de la fonction publique met en oeuvre l'obligation de nominations équilibrées d'hommes et de femmes dans les emplois supérieurs de la fonction publique et fixe en annexe la liste des emplois concernés. Parmi les emplois de la fonction publique de l'Etat, figurent ceux de directeurs généraux et directeurs d'administration centrale, de secrétaires généraux, de chefs de service et sous-directeur.

Enfin, la circulaire du 11 avril 2016 relative à l'application du décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 modifié précise que le dispositif s'applique quelle que soit l'origine statutaire de l'agent nommé sur les emplois listés en annexe, et notamment aux magistrats de l'ordre judiciaire. La circulaire indique qu'en revanche, les emplois juridictionnels (magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif) ne sont pas soumis à l'obligation de nominations équilibrées.

Ainsi, les seuls postes occupés par des magistrats de l'ordre judiciaire qui doivent satisfaire à la règle d'égalité professionnelle sont ceux qu'ils sont susceptibles d'occuper en position, tels les postes de directeurs d'administration centrale, de secrétaires généraux (catégorie 1 de l'annexe), et de chefs de service et sous-directeurs (catégorie 2).

Par conséquent, actuellement, aucune obligation ne contraint les nominations dans les plus hauts postes à dimension juridictionnelle au sein de la magistrature judiciaire, les dispositions de la loi dite Sauvadet n'étant pas applicables.

C'est la loi n° 46-653 du 11 avril 1946, qui ne comporte qu'un seul article, qui va ouvrir la possibilité aux femmes d'accéder à la magistrature : « Tout français, de l'un ou de l'autre sexe, répondant aux conditions légales, peut accéder aux fonctions de la magistrature. » Près de 80 ans plus tard, les femmes représentent 70 % du corps judiciaire.

Si la proportion de femmes au grade intermédiaire de la hiérarchie judiciaire est respectée (70,82 %), les femmes sont surreprésentées au grade d'entrée de corps (76,37 %) et sous représentées au sommet de la hiérarchie judiciaire (51,92 %).

Répartition femmes-hommes - Ensemble du corps

Femmes

6 497

70,08 %

Hommes

2 774

29,92 %

Total

9 271

100,00 %

Répartition par sexe et par grade au 1er janvier 2023 :

ENSEMBLE DU CORPS DE LA MAGISTRATURE

 

Femmes

Hommes

Total

HH286(*)

648

600

1 248

I287(*)

3 551

1 463

5 014

II288(*)

2 298

711

3 009

Total

6 497

2 774

9 271

Au siège, dans les postes hiérarchiques, la proportion de femmes aux postes de premier président, de président hors hiérarchie et du premier grade a doublé entre 2011 et 2023 (de 24,75 % à 48,02 %). En revanche, la progression de la proportion de femmes aux postes hiérarchiques n'est pas constante, elle n'augmente pas forcément chaque année. Par exemple, sur les postes de président hors hiérarchie, la proportion de femmes a diminué de 8 points entre 2017 et 2020 (de 37,25 % à 29,41 %).

Plus les postes sont élevés dans la hiérarchie judiciaire, plus la proportion de femmes diminue. Toutefois, la proportion de femmes occupant les fonctions de premier président est passée de 22,22 % en 2017 à 38,89 % en 2023.

Au parquet, peu de femmes occupent les postes de procureur hors hiérarchie, elles ne représentent qu'à peine plus d'un quart des effectifs en 2023 (27,77 %). L'effectif des femmes procureures générales a triplé entre 2011 et 2023, en passant de 5 à 15, à l'instar du nombre de femmes procureures de la République du premier grade qui est passé de 16 en 2011 à 44 en 2023289(*).

Un important effort a été effectué par la Direction des services judiciaires depuis 2016 en matière de proposition de nomination de femmes aux postes de procureures générales. Notamment en 2016, sur 234 candidatures d'hommes, six procureurs généraux ont été nommés. Parmi 79 candidatures de femmes, 7 ont fait l'objet de nomination. Proportionnellement aux candidatures exprimées, la nomination des femmes a été nettement plus importante que celle des hommes, ce qui traduit un véritable effort de féminisation des magistrats de parquet.

Répartition par sexe et par grade des chefs de juridiction au 1er janvier 2023 :

Fonctions

Femmes

Hommes

Total

PP HH290(*)

14

22

36

P HH291(*)

22

34

56

P I B bis292(*)

61

49

110

PG HH293(*)

10

27

37

PR HH294(*)

15

39

54

PR I B bis295(*)

44

69

113

Total

166

240

406

Les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes sont en baisse mais ils demeurent, en défaveur des femmes, dans tous les grades :

- Pour les magistrats des second et premier grades, l'écart de rémunération est passé de -641 € en 2018 à -533 € en 2020 ;

- pour les magistrats hors hiérarchie, il est passé de -362 € en 2018 à -336 € en 2020296(*).

Au premier grade, il est constaté un plus grand nombre de femmes aux échelons inférieurs et un moins grand nombre de femmes aux échelons supérieurs. Par exemple, 12 % des hommes se situent au huitième l'échelon du premier grade, contre 6 % des femmes, étant précisé que l'accès à cet échelon fonctionnel est lié à la prise d'un poste spécifique d'encadrement intermédiaire297(*). Pour les magistrats hors hiérarchie, les postes les plus rémunérateurs sont occupés par 66 % des hommes. Ce niveau indiciaire dépend du poste occupé, qui ouvre droit à l'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire, ce qui n'est pas le cas de tous les autres postes298(*).

1.1.2. Sur la place du handicap dans la magistrature

Les textes statutaires de la magistrature relatives au recrutement évoquent, dans l'article 16 de l'ordonnance statutaire qui fixe comme conditions d'accès à l'auditorat de « remplir les conditions d'aptitude physique nécessaires à l'exercice de leurs fonctions compte tenu des possibilités de compensation du handicap. »

En complément de ce texte, l'article 34-1 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature fixe les aménagements d'épreuves prévus pour les candidats en situation de handicap. Il précise ainsi que « Les candidats handicapés qui souhaitent bénéficier d'un aménagement des épreuves doivent, à une date fixée par l'arrêté d'ouverture des concours, en faire la demande, accompagnée d'un certificat médical délivré par un médecin agréé par l'administration, au directeur de l'Ecole nationale de la magistrature qui en assure la transmission au président du jury. Ce dernier peut, par décision motivée pour chaque candidat et pour chacune des épreuves écrites ou orales prévues aux articles 18, 24, 31, 32-2, 32-5 et 36, accorder un temps supplémentaire et des modalités particulières de préparation ou d'exécution de l'épreuve afin d'assurer la compensation de leur handicap. Ce temps ne pourra excéder le tiers de celui dont disposent les autres candidats.

Les procès-verbaux des concours porteront mention expresse du temps supplémentaire ou des modalités particulières accordées à chaque candidat pour chaque épreuve. »

Les arrêtés des 5 mai 1972 fixant les modalités d'inscription des candidats aux concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature ( article 5) et 31 décembre 2008 relatif aux modalités d'organisation, règles de discipline, programme, déroulement et correction des épreuves des trois concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature ( article 27) complètent ces dispositions pour les concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature. Il en est de même pour les concours complémentaires, avec l'article 34 de l'arrêté du 22 novembre 2001 relatif aux concours de recrutement de magistrats prévus par l'article 21-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Il ressort de l'article L. 351-1 du code général de la fonction publique que « L'Etat est assujetti à l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 5212-2 du code du travail, dans les conditions fixées par les articles L. 5212-7 et L. 5212-10 du même code.

Cette obligation est également applicable, lorsqu'ils comptent au moins vingt agents à temps plein ou leur équivalent :

1° Aux établissements publics de l'Etat autres qu'industriels et commerciaux ;

2° Aux juridictions administratives et financières ;

3° Aux autorités publiques et administratives indépendantes ;

4° Aux groupements d'intérêt public ;

5° Aux groupements de coopération sanitaire lorsque ces derniers sont qualifiés de personne morale de droit public au sens de l'article L. 6133-3 du code de la santé publique ;

6° Aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics autres qu'industriels et commerciaux ;

7° Aux établissements publics mentionnés à l'article L. 5 du présent code.

Les centres de gestion de la fonction publique territoriale ne sont assujettis à cette obligation d'emploi que pour leurs agents permanents. Leurs agents non permanents sont décomptés dans les effectifs de la collectivité ou de l'établissement qui les accueille dans les conditions prévues aux articles L. 351-4 et L. 351-5 sauf lorsqu'ils remplacent des agents permanents momentanément indisponibles. ».

L'article L. 5212-2 du code du travail prévoit que « Tout employeur emploie des bénéficiaires de l'obligation d'emploi mentionnés à l'article L. 5212-13 dans la proportion minimale de 6 % de l'effectif total de ses salariés. », l'article L. 5212-13 du même code listant les personnes qui bénéficient de cette obligation d'emploi.

Ainsi, dans le secteur privé comme dans la fonction publique, tout employeur doit employer 6 % de travailleurs handicapés. Cette obligation d'emploi s'impose à l'État et à ses établissements publics autres qu'industriels et commerciaux, aux collectivités locales et à leurs établissements publics autres qu'industriels et commerciaux, et aux établissements sanitaires et sociaux. Le non-respect de cette obligation entraîne, depuis le 1er janvier 2006, le versement d'une contribution annuelle au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Ce fonds est organisé par le décret n° 2006-501 du 3 mai 2006 relatif au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

L'extension des obligations d'emploi de travailleurs handicapés aux juridictions administratives et financières, aux autorités administratives indépendantes et aux groupements d'intérêt public, résulte de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Cet article ne figurait pas dans le projet du gouvernement déposé à l'Assemblée nationale. Il a été ajouté par la commission des lois, en première lecture, à l'initiative du Gouvernement et après avis favorable de la rapporteure. Il permettait ainsi de consacrer l'engagement du chef de l'État, pris en clôture de la conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014, d'élargir le champ de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique.

Bien que non soumis à l'obligation d'employer un certain quota de travailleurs handicapés, le statut de la magistrature adapte le déroulement des épreuves des concours aux personnes en situation de handicap. Les aménagements généraux prévus par la loi n° 83-634, dite « Le Pors », et repris par le code général de la fonction publique, ne sont pas applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire compte tenu de l'exclusion, à l'article 2 de la loi, repris par l'article L. 6 du code général de la fonction publique, de ces magistrats de son champ d'application.

Situation au regard du handicap selon le genre, pour les magistrats en juridiction et en administration centrale (données de 2020) :

 

Pourcentage de femmes en situation de handicap

Pourcentage d'hommes en situation de handicap

Pourcentage total de personnes en situation de handicap

Cour de cassation

0,62 %

0,83 %

0,71 %

Cours d'appel

1,2 %

0,8 %

1,1 %

Tribunaux judiciaires

1 %

1,1 %

0,94 %

Administration centrale et IGJ

3 %

1,1 %

2,4%

Total

1,1 %

0,82 %

1 %

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le troisième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit l'égalité des droits reconnus aux femmes et aux hommes « dans tous les domaines ». Par ailleurs, selon le second alinéa de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».

La consécration de ce principe s'est réalisée en deux temps.

D'abord, la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a inscrit dans la Constitution le principe de parité en matière d'accès aux mandats électoraux et fonctions électives, tout en précisant que les partis et groupements politiques doivent contribuer à la mise en oeuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi. Cette révision a permis de revenir sur la jurisprudence constitutionnelle qui s'opposait, jusqu'alors, à l'instauration de quota de femmes pour les élections municipales notamment299(*).

Ensuite, c'est la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a élargi le champ d'application de ce principe de parité aux responsabilités professionnelles et sociales, ce afin de contrer une nouvelle fois la jurisprudence constitutionnelle300(*) .

Ce principe de parité a, par la suite, été précisé par le Conseil constitutionnel, qui, dans une décision du 24 avril 2015301(*), a estimé qu'il « n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit », c'est-à-dire que sa méconnaissance ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité .

Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a cependant jugé que le principe de parité devait permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes comme des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales, par le biais de l'adoption de dispositifs revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant. Le Conseil constitutionnel a cependant précisé qu'il appartenait au législateur de veiller à la conciliation entre cet objectif et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'avait pas entendu déroger.

Le principe de non-discrimination est basé sur le principe d'égalité, principe général du droit ainsi que principe constitutionnel. Le principe de non-discrimination posé par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, plusieurs fois modifiée, tient compte des mesures subies par une personne en raison de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

L'Union européenne est fondée sur un ensemble de valeurs, dont l'égalité, et promeut par conséquent l'égalité entre les hommes et les femmes, inscrite aux articles 2 et 3, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne, ainsi qu'à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux. Par ailleurs, l'article 8 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne a assigné à l'Union la mission d'éliminer les inégalités et de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes ses activités.

Plus précisément, le principe selon lequel les femmes et les hommes doivent percevoir un salaire égal pour un travail égal est inscrit dans les traités européens depuis 1957. En effet, il figure à l'article 153 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui permet à l'Union d'agir dans le champ plus large de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement en matière d'emploi. L'article 157 de ce même traité consacre le principe du salaire égal pour un travail égal entre les hommes et les femmes et autorise les actions positives visant à renforcer la position des femmes. En outre, l'article 19 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit l'adoption d'actes législatifs consacrés à la lutte contre toutes les formes de discrimination, notamment sexistes.

Par ailleurs, l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme consacre le principe de non-discrimination et fait l'objet d'une interprétation visant à assurer une garantie effective de la sanction des discriminations. Dans cette perspective, la Cour européenne des droits de l'Homme a consacré une remarquable extension du champ d'application de l'interdiction des discriminations, conduisant à la formulation de nouvelles obligations à la charge des Etats, et a précisé les modalités de son contrôle en faisant de la nature du motif de distinction fondant la différence de traitement un élément décisif.

Ainsi, l'article 14 renferme une liste non exhaustive de motifs de distinction susceptibles de fonder des différences de traitement302(*). Le motif fondé sur une «autre situation », visé dans le texte, a ainsi permis d'étendre le champ de l'interdiction à de nombreux motifs comme, par exemple, l'orientation sexuelle, le handicap, la maladie mentale, le grade ou le lieu de résidence303(*). Pour la Cour, les motifs de distinction ne sont, en effet, pas limités aux « caractéristiques qui présentent un caractère personnel en ce sens qu'elles sont innées ou inhérentes à la personne »304(*).

La portée de l'article 14 est encore renforcée par l'application de la notion de « discrimination par association » qui permet de sanctionner une discrimination fondée sur une caractéristique ou situation d'un tiers, comme le handicap du fils du requérant ou la religion du testateur, époux décédé de la requérante305(*).

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Selon les pays, les politiques en matière d'égalité des genres sont mises en oeuvre par le législateur et/ou par les ministères de la justice, les juridictions elles-mêmes ou encore par d'autres autorités. Quelques illustrations sont présentées306(*).

En Allemagne, les juridictions sont directement impliquées dans la mise en oeuvre d'une politique visant à instaurer la parité au sein des juridictions, allant ainsi dans la continuité des objectifs fixés par le législateur307(*). Des plans pluriannuels pour l'égalité hommes-femmes sont instaurés et mis en oeuvre au sein de chaque juridiction, dans le respect des dispositions légales qui fixent les grandes lignes et les objectifs poursuivis. En application des lois fédérales et des Länder relatives à l'égalité hommes-femmes, toutes les administrations (y compris les juridictions) comptant des effectifs de plus de 20 personnes doivent faire élire un référent à l'égalité hommes-femmes (Gleichstellungsbeauftragter ou Frauenbeauftragter). Le référent assiste aux entretiens de recrutement et, de manière générale, veille au respect de l'égalité hommes-femmes au sein des juridictions.

En Belgique, un arrêté royal du 2 juin 2012308(*) fixe un quota de femmes aux deux premiers degrés de l'administration fédérale. Au moins un haut fonctionnaire sur trois doit être une femme. Les services qui n'arrivent pas aux normes imposées doivent en principe donner la préférence à la candidate, en cas de lauréat classé de manière équivalente.

Au Danemark, la loi sur la parité en matière d'embauche est directement applicable dans les procédures de recrutement des magistrats.

En Espagne, la Commission pour l'Égalité a été créée par la Loi Organique 3/2007, du 22 mars, pour l'égalité effective des femmes et des hommes309(*). Le but est de conseiller le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire sur les mesures nécessaires ou adéquates pour intégrer le principe d'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que pour élaborer les rapports préalables sur l'impact du genre dans les règlements et améliorer les paramètres d'égalité dans la Carrière Judiciaire.

En Italie, au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature, il existe un Comité pour l'égalité des chances « comitato per le pari opportunità in magistratura » (prévu à l'article 17 du règlement intérieur du CSM310(*)), qui a pour objet de présenter aux commissions du CSM des « propositions destinées à supprimer les obstacles qui empêchent la pleine réalisation de chances égales entre hommes et femmes dans le travail des magistrats ainsi que la promotion d'actions positives ». Ce même type de comité existe également au niveau de chaque Cour d'appel, l'idée étant de créer un réseau national et local des divers comités.

En Norvège, en vertu de de la loi sur la parité, les institutions publiques sont obligées de promouvoir une politique de parité.

Au Royaume-Uni, certaines dispositions spécifiques à la lutte contre les discriminations en matière de recrutement des magistrats sont contenues dans la loi. La question de l'égalité d'accès aux postes de magistrats professionnels a été intégrée à la politique de recrutement et d'accompagnement des carrières des magistrats par le biais de nouvelles lois de 2006 et 2010. Depuis 2014, la question de la parité est intégrée formellement à la politique de recrutement des magistrats professionnels par l'amendement à la loi sur la réforme constitutionnelle : « La sélection uniquement fondée sur les mérites du candidat ne doit pas empêcher, à égalité de mérites entre deux candidats, de préférer celui qui représente davantage de diversité afin d'augmenter celle- ci dans le monde judiciaire ».

Une Stratégie sur la diversité et l'inclusion des juges 2020-2025311(*) a été adoptée afin notamment de renforcer la diversité du corps judiciaire.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Au 1er janvier 2023, les femmes représentaient 70,08 % du corps, contre 65,37 % en 2018. Plus précisément, en juridiction, elles occupent 52,14 % (633 sur 1 214) des postes hors hiérarchie, contre 45,53 % en 2018. La féminisation de la magistrature continue ainsi de progresser. Pour autant, les chiffres relatifs aux effectifs des chefs de cour et de juridictions au 1er janvier 2023 témoignent d'une sous-représentation des femmes à ces postes :

Fonctions

Femmes

Hommes

Total

Pourcentage

femmes

PP HH1

14

22

36

38,9

P HH2

22

34

56

39,3

P I BBIS3

61

49

110

55,5

PG HH4

10

27

37

27

PR HH5

15

39

54

27,8

PR I BBIS6

44

69

113

38,9

Ensemble

166

240

406

40,9

1 premier président de cour d'appel (fonctions placées hors hiérarchie)

2 président de tribunal judiciaire placé hors hiérarchie

3 président de tribunal judiciaire du premier grade de la hiérarchie judiciaire

4 procureur général près une cour d'appel (fonctions placées hors hiérarchie)

5 procureur de la République près un tribunal judiciaire placé hors hiérarchie

6 procureur de la République près un tribunal judiciaire du premier grade de la hiérarchie judiciaire

Il est donc essentiel de proclamer un principe d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la magistrature. En effet, l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature mentionne les grands principes qui régissent le statut des magistrats de l'ordre judiciaire. Pour autant, aucune disposition n'invite à la parité dans le déroulement de la carrière des magistrats.

De la même façon, en l'absence de disposition, dans le statut de la magistrature, concernant la prise en compte du handicap des magistrats, il est également essentiel d'affirmer un principe général de non-discrimination à l'égard des magistrats en situation de handicap.

Une évolution en ce sens implique une modification de la loi organique portant statut des magistrats.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est de proclamer un principe d'égalité femmes hommes et de
non-discrimination en cas de handicap, sur le modèle des dispositions adoptées dans le statut de la fonction publique.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Le dispositif de la loi Sauvadet, applicable aux fonctionnaires, repris aux articles L. 132-5 à L. 132-9 du code général de la fonction publique, repose sur des quotas et une logique contraignante qui, en cas d'irrespect, entraîne soit une nullité de la composition des instances concernées, soit des pénalités sous forme de contribution que doivent verser les instances.

Or, si imposer un quota de personnes de chaque sexe sur certains postes de la magistrature judiciaire serait de nature à permettre une évolution rapide du nombre de femmes proposées sur ces postes, l'organisation territoriale de la justice nécessite que des postes de chef de juridiction soient pourvus dans des zones peu attractives et l'existence de quotas reviendrait à rigidifier le processus de nomination déjà marqué par un nombre réduit de candidats et candidates.

En outre, imposer un quota pourrait également faire l'objet d'une mise en oeuvre complexe compte tenu du rôle essentiel que tient le Conseil supérieur de la magistrature dans la nomination à ces postes.

Ainsi, une transposition pure et simple des dispositions applicables aux fonctionnaires introduites par la loi Sauvadet dans l'ordonnance statutaire est écartée.

3.2. OPTION RETENUE

Afin de suivre les propositions du Conseil supérieur de la magistrature sans empiéter sur ses prérogatives garanties constitutionnellement, la consécration, dans l'ordonnance statutaire, d'un principe large et général tendant à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais tenant compte du bon fonctionnement du service et des particularités de l'organisation judiciaire, apparaît comme une solution opportune.

L'affirmation de ce principe permettra de soutenir la politique volontariste mise en oeuvre visant à favoriser l'émergence de candidatures féminines, en accompagnant spécifiquement les magistrates au sein de l'expérimentation d'une revue des cadres dédiée et en assouplissant les exigences de mobilité géographique.

Est ainsi retenue la proclamation d'un principe d'égalité femmes-hommes et d'égalité de traitement à l'égard des magistrats handicapés dans un nouvel article autonome, sur le modèle des anciens articles 6 quater et 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, sur les principes de parité et de non-discrimination en cas de handicap.

De plus, par mesure de cohérence, le contenu de l'article 29 de l'ordonnance statutaire, relatif à la prise en compte de la situation de famille dans le cadre de la nomination des magistrats, est déplacé au sein de cette nouvelle disposition.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée implique une modification de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature par la création d'un nouvel article 10-3 introduisant les principes d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et d'égal accès aux plus hauts emplois de la magistrature judiciaire, le principe de non-discrimination en cas de handicap, et la suppression de l'article 29 du même texte.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET LES RESSOURCES HUMAINES

Cette mesure va permettre d'améliorer la représentation des femmes au sein des plus hauts postes de la hiérarchie judiciaire, afin qu'elles y représentent 70 % des emplois, à l'instar de leur proportion dans le corps. En effet, ce principe permettra, à candidatures égales, de favoriser celle d'une femme.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Ce projet, allant dans le sens des évolutions sociétales et conforme aux exigences du secteur public en la matière, pourrait aussi permettre de repenser l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle, d'accentuer la mobilité sur des hauts postes de la hiérarchie judiciaire et d'attirer les jeunes générations vers le métier de magistrat alors que des recrutements massifs sont souhaités

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Cette disposition permet de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des magistrats en situation de handicap. A cette fin, les autorités de nomination, les chefs de cour et les chefs de juridiction seront tenus de prendre, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux magistrats en situation de handicap de développer un parcours professionnel et d'accéder à des fonctions de niveau supérieur, ainsi que de bénéficier d'une formation adaptée à leurs besoins, et ce tout au long de leur carrière professionnelle.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Depuis 1946, l'égalité femmes-hommes est un principe constitutionnel, et la loi garantit aux femmes, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes. Cette disposition vient compléter le corpus législatif pour l'égalité professionnelle, afin de renforcer la situation des femmes sur le marché du travail.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Néant.

Article 9 - Modification du mode de scrutin des élections au Conseil supérieur de la magistrature

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

Les règles relatives à la composition du Conseil supérieur de la Magistrature (ci-après CSM) sont fixées par :

- l' article 65 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui prévoit les différentes formations du CSM et leur composition ;

- la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée notamment par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001, qui fixe les règles relatives au mode de désignation des magistrats ;

- le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature, pris en application de la loi organique de 1994 précitée.

Le CSM comprend trois formations différentes (plénière, « parquet » et « siège »). Ces trois formations comprennent toutes en leur sein :

- Un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat ;

- Un avocat désigné par le président du Conseil national des barreaux, après avis conforme de l'assemblée générale dudit conseil ;

- six personnalités qualifiées désignées par le président de la République (2), le président de l'Assemblée nationale (2) et le président du Sénat (2), après avis de la commission permanente compétente de l'assemblée intéressée ou des deux assemblées312(*).

Ces formations comprennent en outre six magistrats de l'ordre judiciaire élus et sept en matière disciplinaire, répartis comme suit :

- pour la formation compétente à l'égard des magistrats du siège : cinq magistrats du siège et un du parquet (un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, un premier président, un président de tribunal judiciaire, deux magistrats du siège et un magistrat du parquet des cours et tribunaux)313(*) ;

- pour la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet : cinq magistrats du parquet et un du siège (un magistrat du parquet hors hiérarchie de la Cour de cassation, un procureur général, un procureur de la République, deux magistrats du parquet et un magistrat du siège des cours et tribunaux)314(*) ;

- pour la formation plénière : trois des cinq magistrats du siège de la formation « siège » et trois des cinq magistrats du parquet de la formation « parquet »315(*),

- en matière disciplinaire, chacune des deux formations comprend un magistrat supplémentaire, conformément à l'article 65 de la Constitution, à savoir pour le siège, le magistrat du siège des cours et tribunaux élu de la formation « parquet » et pour le parquet, le magistrat du parquet des cours et tribunaux élu de la formation « siège »316(*).

La présidence est, en outre, assurée :

- Par le premier président de la Cour de cassation pour la formation plénière et la formation compétente à l'égard des magistrats du siège ;

- Par le procureur général près la Cour de cassation pour la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, qui est également le président suppléant de la formation plénière.

Les douze magistrats, répartis dans les différentes formations, sont actuellement élus en application des articles 1 à 4 de la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature.

La moitié des membres élus (trois du siège, trois du parquet) représente la hiérarchie judiciaire, soit un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, un chef de cour et un chef de tribunal judiciaire. Ils sont élus par l'assemblée des magistrats ayant cette qualité au scrutin uninominal à un tour et à bulletin secret.

L'autre moitié des membres élus (trois du siège, trois du parquet) représente les magistrats des cours et des tribunaux. Ils sont élus au scrutin de liste à deux degrés, à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel, étant précisé que les listes qui n'ont pas obtenu 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

Pour ces derniers, les magistrats du siège et du parquet, constitués en deux collèges distincts au sein de chaque ressort de cour d'appel, élisent un nombre de magistrats du siège et du parquet proportionnel à l'importance relative de leurs effectifs. Réunis en deux collèges de grands électeurs, respectivement de 160 membres pour les magistrats du siège et 80 pour les magistrats du parquet, ces magistrats désignent les magistrats du siège et ceux du parquet membres des deux formations du CSM.

Enfin, s'agissant du calendrier de renouvellement, l'article 6 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature dispose que « les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont désignés pour une durée de quatre ans non renouvelable immédiatement. ». L'article 7 précise en outre qu'« il est pourvu au remplacement des membres du Conseil supérieur quinze jours au moins avant l'expiration de leurs fonctions ».

Le mandat précédent des membres du CSM a expiré en janvier 2023. Les nouveaux membres élus et désignés en décembre 2022 ont débuté leur mandat de 4 ans au même moment.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Si la Constitution fixe la composition du CSM, c'est la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature qui précise le mode de désignation des magistrats y siégeant. Le mode de scrutin actuel est issu de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001. Lors des travaux de la commission pour la première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement avait été présenté pour faire élire les représentants des magistrats au CSM à la représentation proportionnelle au plus fort reste, avec une exigence de parité homme-femme parmi les candidats. Cet amendement a été adopté en première lecture puis repris par le Sénat.

Dans sa décision du 19 juin 2001, le Conseil constitutionnel a validé ce mode de scrutin mais a censuré l'exigence de parité homme-femme considérant que « les règles édictées pour l'établissement des listes de candidats à l'élection à des dignités, places et emplois publics autres que ceux ayant un caractère politique ne peuvent, au regard du principe d'égalité d'accès énoncé par l'article 6 de la Déclaration de 1789, comporter une distinction entre candidats en raison de leur sexe ; que, dès lors, les dispositions de l'article 33 de la loi organique, qui introduisent une distinction selon le sexe dans la composition des listes de candidats aux élections au Conseil supérieur de la magistrature, sont contraires à la Constitution »317(*).

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est venue depuis modifier l'article 1er de la Constitution qui dispose, à son dernier alinéa, que « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 juillet 2010 a ainsi déclaré conforme à la Constitution la disposition tendant à l'introduction d'un article 5-2 dans la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature prévoyant que les nominations des personnalités qualifiées par chacune des autorités mentionnées à l'article 65 de la Constitution concourent à une représentation équilibrée des femmes et des hommes318(*).

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Comme indiqué précédemment, le statut de la magistrature s'insère dans un cadre européen et international et nombre de textes de l'ordre international ou européen, ont une influence, directe ou indirecte, sur le statut des magistrats, et notamment sur le statut et la composition des conseils de justice.

Ainsi, la Charte européenne sur le statut des juges édictée par le Conseil de l'Europe en 1998 considère que : « Pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de la carrière ou la cessation de fonctions d'un juge, le statut prévoit l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs suivant des modalités garantissant la représentation plus large de ceux-ci. »319(*).

Le comité des ministres des Etats membres du Conseil de l'Europe, dans sa recommandation CM/Rec(2010)12 du 17 novembre 2010, « Les juges : indépendance, efficacité et responsabilités », a ainsi énoncé, s'agissant des conseils de justice, que : « au moins la moitié des membres de ces conseils devraient être des juges choisis par leurs pairs issus de tous les niveaux du pouvoir judiciaire et dans le plein respect du pluralisme au sein du système judiciaire. »320(*)

Le Conseil consultatif des juges européens dans son avis n° 24 recommande que : « la majorité des membres [des conseils de justice] devraient être des juges élus par leurs pairs, tout en garantissant la représentation la plus large possible des tribunaux et des instances, ainsi que l'égalité des sexes et la répartition entre les régions » et que « une élection de membres juges par le parlement ou une sélection par l'exécutif doit être évitée »321(*).

La CEDH a considéré que la composition du conseil de justice ukrainien dans sa formation disciplinaire n'était pas compatible avec les principes d'indépendance et d'impartialité énoncés à l'article 6§1. Dans sa décision, elle rappelle que la Charte européenne sur le statut des juges reconnait qu'un nombre important des membres de l'organe disciplinaire soient eux-mêmes juges. Elle relève d'ailleurs que si la composition du conseil de justice a depuis été modifiée, cette modification est insuffisante « car les organes qui nomment les membres du Conseil supérieur de la magistrature demeurent les mêmes, seuls trois juges étant élus par leurs pairs. Compte tenu de l'importance qu'il y a à réduire l'influence des organes politiques de gouvernement sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature et de la nécessité d'assurer le niveau requis d'indépendance judiciaire, la manière dont les juges sont nommés dans cet organe disciplinaire est pertinente aussi du point de vue de l'autogouvernance judiciaire. »322(*)..

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

La composition des conseils de justice est très diverse dans les pays de l'Union européenne : exclusivité de juges, majorité de juges, minorité de juges, juges élus par leurs pairs ou nommés.

Ainsi, à titre d'illustration, le Conseil supérieur de la justice belge est composé de 44 membres qui exercent un mandat de 4 ans : 22 magistrats et 22 non-magistrats (huit avocats, six professeurs d'université ou d'une école supérieure, huit membres de la société civile). Tous les 4 ans, les magistrats sont élus par l'ensemble des magistrats de Belgique et les non-magistrats sont désignés par le Sénat à la majorité des deux-tiers des voix.

En revanche, le Conseil général du pouvoir judiciaire espagnol est composé de 20 membres, dont douze juges et huit personnalités extérieures, nommés par le Congrès pour une durée de 5 ans non renouvelable.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Comme indiqué supra, les magistrats du siège et du parquet, constitués en deux collèges distincts au sein de chaque ressort de cour d'appel, élisent un nombre de magistrats du siège et du parquet proportionnel à l'importance relative de leurs effectifs et se réunissent en deux collèges de grands électeurs.

Ce mode de scrutin est complexe, lourd et coûteux. Il s'inscrit dans un temps long en ce qu'il implique deux séries d'opérations électorales. La première, en vue de l'élection des membres des collèges des magistrats du siège et des magistrats du parquet, impose pour les organisations souhaitant présenter des candidats, la constitution de listes de candidats, par ressort de cour d'appel. La seconde suppose la réunion de l'ensemble des membres des deux collèges afin de procéder à l'élection des magistrats qui composeront le CSM.

Il favorise en outre un système rigide de représentation de la magistrature, impliquant dans chaque cour de pouvoir présenter des listes complètes, ce qui avantage les organisations syndicales les plus importantes.

Il apparaît donc nécessaire de changer l'actuelle logique territoriale au profit d'un mode de scrutin de nature à permettre une plus grande ouverture dans la représentation des magistrats, en modifiant la loi organique.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure vise à moderniser le processus électoral de cet organe constitutionnel propre à la magistrature judiciaire, afin de renforcer les garanties d'indépendance et le pluralisme de la représentation syndicale.

L'objectif est également d'améliorer la lisibilité et la représentativité des membres élus du CSM.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ENVISAGÉE : L'ÉLECTION DES MAGISTRATS DES COURS ET TRIBUNAUX AU SCRUTIN UNINOMINAL

Ce mode de scrutin uninominal à deux degrés avait été mis en place par la loi organique n° 94-100 du 4 février 1994, avant d'être remplacé par un mode de scrutin de liste à deux degrés par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001. Cette réforme de 2001 avait alors été justifiée par le déficit de représentativité des collèges issus d'un scrutin uninominal, ce mode de scrutin ne permettant pas à ceux-ci de refléter la diversité du corps des magistrats.

En effet, ce mode de scrutin uninominal permet aux électeurs de voter pour autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir, et non en faveur d'une liste.

Ce scrutin peut être organisé à un ou deux degrés.

Dans un scrutin à deux degrés, le collège actuel des magistrats du parquet et le collège actuel des magistrats du siège seraient constitués de magistrats élus au scrutin uninominal à un tour. Dans chaque cour d'appel, les magistrats, selon qu'ils exercent des fonctions au siège ou au parquet, voteraient en faveur de candidats choisis isolément, et non en faveur d'une liste. Chaque électeur pourrait voter pour autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans son collège. À titre d'exemple, si le collège des magistrats du parquet d'une cour d'appel comporte cinq sièges, chaque magistrat du parquet de ce ressort pourrait voter pour cinq candidats. Le collège des grands électeurs serait alors composé des cinq candidats ayant recueilli le plus de votes. Ensuite, ces collèges de grands électeurs issus du scrutin à un tour de premier degré seraient réunis au niveau national et éliraient (second degré) en leur sein leurs représentants au CSM. Concrètement, pour l'élection des membres du collège « siège » et des membres du collège « parquet » avant 2001, la liste alphabétique de tous les candidats était affichée. Chaque électeur apposait une croix en marge du bulletin de vote reproduisant cette liste devant le nom du ou des candidats (en cas de pluralité de sièges) auquel il donnait son suffrage. La détermination du nombre de voix par candidat déterminait lequel ou lesquels étaient élus pour siéger au collège des grands électeurs.

Dans un scrutin à un degré, les magistrats des cours et des tribunaux voteraient pour autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir au CSM, soit trois candidats pour le siège et trois pour le parquet. Les listes alphabétiques de tous les candidats, d'un côté pour le siège et de l'autre pour le parquet, seraient alors diffusées au niveau national. Lors du scrutin, les électeurs sélectionneraient dans les listes trois candidats selon qu'ils sont au siège ou au parquet. Ceux ayant obtenus le plus grand nombre de suffrages seraient élus.

Un tel mode de scrutin a pour avantage que la personnalisation du scrutin est plus importante et peut favoriser la mobilisation des électeurs par la connaissance de leurs représentants, surtout dans le cadre d'une élection à un degré. Les organisations syndicales ne sont pas représentées en tant que telles. Un vote électronique serait envisageable dans le cadre d'un scrutin à un degré.

En revanche, ce mode de scrutin induit une très forte personnalisation du scrutin, alors même que les candidats ne pourront pas faire valoir leurs idées (pas de profession de foi, pas de prise de parole publique) et alors que le CSM est un organe certes constitutionnel, mais dont la vocation première est la gestion du corps de la magistrature (pas de rôle politique, pas de prise de parole publique). Il ne permet pas de garantir la poursuite de l'objectif de parité femme-homme et risque de faire émerger des candidats qui ne représentent qu'une minorité de leurs pairs.

Compte tenu du rôle du CSM dans notre organisation institutionnelle, un tel mode de scrutin pour les représentants des magistrats des cours et des tribunaux n'apparaît pas adapté, qu'il soit à un ou deux degrés.

3.2. OPTION RETENUE : L'ÉLECTION DES MAGISTRATS DES COURS ET TRIBUNAUX AU SCRUTIN NATIONAL PROPORTIONNEL DIRECT

Il est proposé de substituer au mode de scrutin de liste actuel, à deux degrés, un scrutin national de liste à un degré à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste. Des listes nationales complètes et bloquées de trois magistrats du siège et de trois magistrats du parquet, respectant le principe de la parité femmes-hommes, devraient alors être déposées, les candidats étant élus en suivant l'ordre de la liste.

Deux bureaux chargés de se prononcer sur la validité des candidatures seraient constitués et composés du directeur des services judiciaires, assisté de deux membres du Conseil supérieur de la magistrature en activité appartenant au siège ou au parquet.  

Les listes d'électeurs seraient établies par les premiers présidents et procureurs généraux de cours d'appel. Tout électeur pourrait être candidat à condition de se présenter sur une liste nationale dans les conditions précitées.

Cette option présente l'avantage de simplifier les modalités d'organisation du vote et de réduire le coût des élections. Elle permet de prendre en compte la volonté réelle des électeurs qui, s'ils ne voteront plus au niveau de proximité pour des grands électeurs qu'ils connaissent, connaîtront l'identité des candidats susceptibles de siéger au CSM, ce qui sera de nature à favoriser leur mobilisation. Le pluralisme syndical sera favorisé puisqu'un scrutin national direct facilite la constitution de listes complètes et résout la difficulté rencontrée actuellement dans le scrutin de liste à deux degrés notamment par les plus petites formations pour constituer des listes complètes dans chaque cour d'appel.

Ce mode de scrutin permet des candidatures diversifiées au-delà des seules organisations syndicales. Cependant, l'impact sur le résultat apparait limité puisque pour participer à la répartition des sièges, une liste devra avoir obtenu au moins 5 % des suffrages.

Enfin, tirant les conséquences de l'évolution du mode de scrutin, le délai prévu à l'article 7 de la loi organique du 5 février 1994 pour procéder à une désignation complémentaire en cas de vacance avant l'expiration du mandat en l'absence de nom utile sur la liste des candidats après celui du magistrat dont le siège est devenu vacant, est porté de trois à six mois.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

L'article 3 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est remplacé par un nouvel article 3 instituant un scrutin à un seul degré, de liste, à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel. L'article 4 est abrogé et le délai prévu à l'article 7 pour procéder à une désignation complémentaire en cas de vacance du siège occupé par un magistrat ainsi élu est modifié. Des modifications rédactionnelles des articles 1 et 2 sont prévues pour tenir compte de ces évolutions.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Actuellement, les membres magistrats des cours et tribunaux du CSM sont élus selon un scrutin à deux degrés : l'ensemble des magistrats des cours et tribunaux élisent par ressort de cour d'appel des collèges de grands électeurs. A l'issue de l'élection de premier degré, ces grands électeurs (160 magistrats du siège et 80 magistrats du parquet) sont réunis à Paris pour procéder à l'élection de second degré des membres du CSM.

Les chefs de cour d'appel et de tribunal procèdent à l'élection de leurs représentants par un vote direct lors d'une réunion de l'ensemble des membres au cours d'une demi-journée.

La réforme envisage un scrutin direct de liste nationale, ce qui entrainera la suppression des coûts liés à la réunion des grands électeurs.

Dans le détail, la décomposition des coûts liés aux déplacements des chefs de cours, de juridictions et des grands électeurs est la suivante :

La réforme envisage un scrutin direct ce qui entrainera la suppression des coûts liés à la réunion des grands électeurs, soit une économie de 67 293 €.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Un scrutin direct allègera en outre la charge de travail des services en charge de l'organisation des élections, nécessitant l'équivalent de 12 jours d'ETP pour la réunion des collèges et 12 jours d'ETP pour les réunions préparatoires et la gestion matérielle, tous les quatre ans.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

La modification du mode de scrutin envisagée conduit à supprimer la réunion des collèges de grands électeurs des magistrats des cours d'appel et tribunaux. Ainsi, ce sont les déplacements jusqu'à Paris, depuis tous les points du territoire de la République (ce qui implique certains trajets en avion), de 240 magistrats qui seront supprimés.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 15 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La réforme s'appliquera à l'occasion du prochain renouvellement du CSM prévu en 2027.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République, quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Un décret en Conseil d'État devra modifier le Chapitre IV du Titre Ier du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature afin de :

- Supprimer les dispositions relatives à l'élection du collège des magistrats du siège et du collège des magistrats du parquet et celles relatives à l'élection des membres du conseil supérieur par ces deux collèges ;

- Préciser les conditions d'application du nouvel article 3 de la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature et notamment les modalités du vote par correspondance.

Article 10 - Dispositions diverses

I. Déclaration d'intérêts

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

La loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature (CSM ci-après) constitue l'un des deux volets de la réforme de « la Justice du 21ème siècle » (l'autre volet étant constitué par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016). Cette réforme d'ampleur a permis d'adapter la justice aux évolutions de la société, en répondant aux nouveaux enjeux technologiques, sociaux et éthiques.

S'agissant du volet statutaire, la réforme a renforcé l'exemplarité de la justice ainsi que l'indépendance et l'impartialité des magistrats.

En est ainsi résulté la création d'un collège de déontologie des magistrats de l'ordre judiciaire, chargé de rendre des avis sur toute question déontologique concernant un magistrat.

La loi organique du 8 août 2016 a en outre institué, en les intégrant dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, deux dispositifs propres à prévenir les conflits d'intérêts.

Le premier, qui s'applique à tous les magistrats, consiste à établir « une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts » dans les deux mois qui suivent l'installation dans leurs fonctions (article 7-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958323(*)). Cette déclaration est remise, selon les cas, au chef de juridiction ou au chef de cour et donne ensuite lieu à un entretien déontologique entre le magistrat et l'autorité à laquelle la déclaration a été remise. Cette dernière peut solliciter l'avis du collège de déontologie lorsqu'existe un doute sur une éventuelle situation de conflit d'intérêts.

En vertu de l' article 7-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, cette déclaration concerne les magistrats du siège et du parquet des tribunaux de première instance, des cours d'appel et de la Cour de cassation, les présidents des tribunaux de première instance et les procureurs de la République près ces mêmes tribunaux, les premiers présidents des cours d'appel et les procureurs généraux près ces mêmes cours, ainsi que les conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire.

Ont cependant été omis de cette liste des magistrats soumis à l'obligation d'établissement d'une déclaration d'intérêts :

- Les magistrats du siège du tribunal supérieur d'appel et les magistrats du parquet près ce même tribunal ;

- Le président d'un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce tribunal supérieur d'appel et le procureur de la République près un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce même tribunal ;

- Le président d'un tribunal supérieur d'appel et le procureur de la République près ce même tribunal ;

- Les inspecteurs généraux de la justice et les inspecteurs de la justice.

Le second dispositif institué par la loi organique du 8 août 2016, qui devait concerner les magistrats exerçant certains types de fonctions, parmi lesquels figuraient les membres du CSM, consistait à établir « une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale, dans les deux mois qui suivent l'installation dans leurs fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions » remise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Ce mécanisme devait permettre d'apprécier l'évolution de la situation patrimoniale des personnes y étant astreintes et de s'assurer qu'elles n'avaient pas bénéficié d'un enrichissement anormal du fait de leurs fonctions.

Cette disposition, insérée dans le I de l' article 7-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, a été censurée par le Conseil constitutionnel pour méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, dans sa décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016324(*).

Le paragraphe II du même article prévoit la liste des biens devant figurer dans la déclaration de situation patrimoniale ainsi que la méthode d'évaluation de ces biens selon les règles fiscales applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit. Son paragraphe III impose la remise d'une déclaration complémentaire pour toute modification substantielle de la situation patrimoniale. Son paragraphe IV permet à la Haute autorité de demander des explications et d'adresser des injonctions en ce sens. Son paragraphe V confère à la Haute autorité un droit de communication d'informations et de déclarations fiscales. Son paragraphe VI permet à la Haute autorité d'informer le parquet ou de saisir le garde des sceaux. Son paragraphe VII prévoit les sanctions pénales encourues par la personne ne respectant pas les obligations relatives à la déclaration de situation patrimoniale. Son paragraphe VIII renvoie à un décret en Conseil d'État les conditions d'application de cet article.

Enfin, le paragraphe X de l'article 50 de la loi organique du 8 août 2016 fixe les conditions d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 7-3.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016325(*), le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution du second dispositif précité destiné à prévenir les conflits d'intérêts. Il a considéré que l'obligation de dépôt, auprès d'une autorité administrative indépendante, des déclarations de situation patrimoniale de certains magistrats avait pour objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité de ces personnes et se trouvait, par suite, justifiée par un motif d'intérêt général.

Toutefois, il a précisé qu'« En imposant une obligation de dépôt d'une déclaration de situation patrimoniale aux seuls premier président et présidents de chambre de la Cour de cassation, procureur général et premiers avocats généraux près la Cour de cassation, premiers présidents des cours d'appel et procureurs généraux près les cours d'appel, présidents des tribunaux de première instance et procureurs de la République près les tribunaux de première instance, le législateur organique a traité différemment ces magistrats des autres magistrats exerçant des fonctions en juridiction.

Au regard des exigences de probité et d'intégrité qui pèsent sur les magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles et de l'indépendance qui leur est garantie dans cet exercice, en restreignant l'obligation de dépôt d'une déclaration de situation patrimoniale aux seuls magistrats énumérés par les 1° à 6° du paragraphe I de l'article 7-3, le législateur a institué une différence de traitement qui est sans rapport avec l'objectif poursuivi par la loi. Dès lors, les dispositions des 1° à 6° du paragraphe I de l'article 7-3 introduites par le paragraphe I de l'article 26, qui méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, sont contraires à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, des mots : " les magistrats mentionnés au même article 7-3 “ figurant au paragraphe X de l'article 50, qui sont relatives aux modalités d'entrée en vigueur des dispositions ainsi déclarées contraires à la Constitution. En revanche, les autres dispositions de l'article 7-3, dans la mesure où elles sont également applicables, en vertu de l'article 10-1-2 de la loi organique du 5 février 1994 introduit par l'article 43 de la loi organique déférée, aux membres du Conseil supérieur de la magistrature, conservent une portée distincte de celle pour laquelle les 1° à 6 ° du paragraphe I de l'article 7-3 sont déclarés contraires à la Constitution. »

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le statut de la magistrature s'insère dans un cadre européen et international et nombre de textes de l'ordre international ou européen, supérieurs aux dispositions internes dans la hiérarchie des normes, ont une influence, directe ou indirecte, sur le statut des magistrats.

Le Pacte international des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996, notamment son article 14, et la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée le 10 décembre 1948, en son article 10, proclament le droit à un « tribunal indépendant et impartial ».

Ces principes d'indépendance et d'impartialité sont repris au plan européen par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, en son article 6. Dans de nombreuses décisions, la Cour européenne est venue en préciser les implications concrètes, en énonçant notamment que l'indépendance du tribunal s'apprécie au regard du mode de désignation et de la durée du mandat des membres326(*), en posant le principe d'inamovibilité des juges au cours de leur mandat comme un corollaire de leur indépendance et en veillant à ce que le juge ne reçoive aucune pression ou instruction dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles, qu'elles émanent du pouvoir exécutif327(*), du pouvoir législatif328(*) ou des parties329(*). La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne adoptée le 18 décembre 2000 a également proclamé ce principe, en son article 47.

Par ailleurs, des principes à valeur non contraignante adoptés à l'échelle européenne et internationale approfondissent ces principes d'indépendance et d'impartialité des magistrats. Ainsi, les principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés par le septième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, approuvés par l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1985330(*), recommandent de protéger les magistrats de toute intervention, pression ou menace, de prévoir des garanties contre « les nominations abusives », d'inscrire dans une loi « la durée du mandat des juges, leur indépendance, leur sécurité, leur rémunération appropriée, leurs conditions de service, leurs pensions et l'âge de leur retraite » et de s'assurer que l'avancement des magistrats est fondé sur « des facteurs objectifs ». Ils établissent un principe de non-discrimination dans les procédures de recrutement, ainsi qu'un principe d'inamovibilité des juges et prévoient que la distribution des affaires et le dessaisissement relèvent exclusivement de la compétence des magistrats.

Sur le plan européen, la Charte européenne sur le statut des juges331(*), adoptée par les participants de pays européens et les membres de deux associations internationales de juges réunis du 8 au 10 juillet 1998 à Strasbourg reprend ces principes, en les développant. Elle promeut notamment le principe de non-discrimination dans le recrutement, garantit le principe d'inamovibilité des juges, leur promotion à l'ancienneté ou par le mérite, leur droit à la formation, leur libre exercice de toute activité extérieure, sous réserve que celle-ci ne porte pas atteinte à leur impartialité, leur indépendance et leur disponibilité, ainsi qu'une rémunération suffisante. Dans l'exposé des motifs de recommandation CM/Rec (2010) 12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités, adoptée par le Comité des Ministres le 17 novembre 2010, l'indépendance des juges est conçue comme « un élément inhérent à l'État de droit et indispensable à l'impartialité des juges et au fonctionnement du système judiciaire » et il est considéré que la mise en place d'un système juridique efficace et équitable nécessite de garantir la place et les pouvoirs des juges. Le principe d'inamovibilité et l'absence de toute pression ou influence dans la prise de décision sont en particulier mis en avant. Au nom de « l'indépendance externe », il encadre les conditions dans lesquelles les juges peuvent exercer des activités parallèlement à l'exercice de leurs fonctions judiciaires.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARE

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le législateur organique étant seul compétent, au titre de l'article 64 de la Constitution, pour fixer les règles relatives au contrôle de la situation patrimoniale des magistrats, il convient de tirer les conséquences de la décision précitée du Conseil constitutionnel, en abrogeant l'article 7-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 qui instituait une différence de traitement entre les magistrats des cours et tribunaux considérée comme sans rapport avec l'objectif poursuivi par la loi.

En outre, la liste des magistrats soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts doit être complétée au regard des omissions mentionnées supra.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure vise d'une part à corriger les omissions en complétant la liste des magistrats soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts.

Elle a d'autre part pour objectif de clarifier la norme applicable en matière de déclaration de situation patrimoniale. Cette obligation figure actuellement dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 alors qu'aucun magistrat de l'ordre judiciaire n'est visé par cette obligation, compte tenu de la censure par le Conseil constitutionnel de la disposition législative listant les magistrats concernés. Elle s'applique aux membres du CSM par renvoi de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature alors qu'elle devrait plutôt être inscrite dans ce dernier texte dédié au CSM.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Il aurait pu être envisagé de maintenir les dispositions relatives à la déclaration de situation patrimoniale dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 et de ne pas compléter la liste des magistrats soumis à l'obligation de produire une déclaration d'intérêts des magistrats omis dans le texte existant.

Toutefois, d'une part, aucun critère objectif ne justifie que les magistrats omis de la liste de ceux devant déclarer leurs intérêts en soient dispensés, ce qui constituerait une rupture d'égalité. D'autre part, les objectifs de clarté et d'accessibilité de la norme justifient les évolutions normatives proposées s'agissant de la déclaration de situation patrimoniale.

3.2. OPTION RETENUE

Deux mesures sont ainsi proposées dans le projet de loi organique relatif à la modernisation, l'ouverture et la responsabilité du corps judiciaire.

Tout d'abord, lors de l'écriture de l'article 7-2 de l'ordonnance statutaire, certains magistrats ont été omis de la liste des magistrats soumis à l'obligation d'établissement d'une déclaration d'intérêts dans les deux mois qui suivent l'installation dans leurs fonctions. Il y a donc lieu d'étendre la liste des magistrats soumis à une telle obligation :

- Aux magistrats du siège du tribunal supérieur d'appel et au président d'un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce tribunal supérieur d'appel, qui doivent la remettre au président du tribunal supérieur d'appel ;

- Aux magistrats du parquet du tribunal supérieur d'appel et au procureur de la République près un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce tribunal supérieur d'appel, qui doivent la remettre au procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel ;

- Au président d'un tribunal supérieur d'appel, qui doit la remettre au premier président de la cour d'appel de Paris ;

- Au procureur de la République d'un tribunal supérieur d'appel, qui doit la remettre au procureur général près la cour d'appel de Paris ;

- Aux inspecteurs généraux de la justice et aux inspecteurs de la justice, qui doivent la remettre à l'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice.

Par ailleurs, est abrogé en totalité l'article 7-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dont le I listant les magistrats concernés avait été censuré par le juge constitutionnel pour méconnaissance du principe d'égalité devant la loi. L'obligation d'établissement d'une déclaration de situation patrimoniale est donc maintenue pour les seuls membres du CSM. En cohérence, les dispositions de l'actuel article 7-3 de l'ordonnance statutaire sont intégrées dans un nouvel article 10-1-2 de la loi organique du 5 février 1994332(*) sur le Conseil supérieur de la magistrature, dans la mesure où ses membres seront les seuls magistrats soumis à l'obligation de déclaration de patrimoine.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée nécessite de modifier des dispositions de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature :

- Modification de l'article 7-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 par le 1° de l'article 10 du présent projet de loi organique pour compléter la liste des magistrats soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts ;

- Abrogation de l'article 7-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 par le 3° de l'article 10 du présent projet de loi organique pour tirer toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2016 ;

- Modification de l'article 10-1-2 dans la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature par le 2° de l'article 10 du présent projet de loi organique pour le réécrire afin d'y intégrer l'obligation de déclaration de patrimoine applicable aux seuls membres du CSM, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Les mesures envisagées destinées à prévenir les conflits d'intérêts apparaissent en cohérence avec les principes évoqués supra (1.3.).

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

L'impact de la réception de ces déclarations d'intérêts sur les services sera quasi nul compte tenu du nombre de personnes concernées - une soixantaine de magistrats maximum, au regard des plus de 9 000 dossiers suivis - et de la faible charge administrative, consistant uniquement à accuser réception, verser au dossier la fiche navette puis le cas échéant détruire le dossier.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Les obligations de transparence et les mécanismes de prévention des conflits d'intérêts tendent à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions publiques et notamment l'institution judiciaire en garantissant effectivement que les acteurs publics, notamment les magistrats, agissent avec impartialité, intégrité, objectivité et probité, en servant l'intérêt général et non des intérêts particuliers.

Tant l'extension de l'obligation de déclaration d'intérêts, que la clarification de l'écriture juridique de l'obligation des déclarations de patrimoine applicable aux membres du CSM, contribuent à répondre aux attentes croissantes des citoyens en termes de transparence et à consolider leur confiance dans l'impartialité et l'intégrité des membres de l'institution judiciaire.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

La mesure aura un impact réduit pour les magistrats qui seront dorénavant soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts ; en effet, ces derniers ont probablement déjà été soumis à une telle obligation au titre de l'exercice de précédentes fonctions, les fonctions omises de la liste de l'article 7-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 n'étant pas exercées lors d'une première nomination en qualité de magistrat.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

S'agissant du 1° de l'article 10 du présent projet de loi organique, il est prévu que les magistrats concernés établissent une déclaration d'intérêts dans les huit mois suivant la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française.

Les 2° et 3° de l'article 10 du présent projet de loi organique entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

II. Gestion dématérialisée du dossier administratif

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

L'article 12-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, créé par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992333(*), est consacré au dossier administratif du magistrat.

Le dossier administratif des magistrats de l'ordre judiciaire a été conçu sur le même modèle que celui des agents de la fonction publique. Aussi, à l'instar de ce que prévoit l'article 18 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires334(*), l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose que « Le dossier du magistrat doit comporter toutes les pièces intéressant sa situation administrative, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. Il ne peut y être fait état ni de ses opinions ou activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques, ni d'éléments relevant strictement de sa vie privée.

Tout magistrat a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. »

Cet article a été complété à l'occasion de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature335(*), qui a prévu la possibilité de demander le retrait des pièces relatives à des poursuites disciplinaires s'étant conclues par une décision de non-lieu à sanction (alinéa 3 de l'article).

En outre, et de la même façon que la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique336(*) l'avait prévu pour les fonctionnaires, la loi organique du 8 août 2016 précitée a inscrit, au dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, la possibilité d'une gestion du dossier administratif sur support électronique « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ».

A ce jour, le dossier administratif du magistrat est tenu, dans sa version papier, à la Direction des services judiciaires (DSJ) qui en assure la gestion courante. Afin de permettre un accès informatisé de chaque magistrat à son dossier administratif, depuis son poste informatique par le biais du réseau privé virtuel de la justice (RPVJ), la DSJ a procédé à une numérisation de l'ensemble des dossiers papier des magistrats. Ces derniers peuvent donc, depuis 2015, consulter leur dossier à distance de façon sécurisée en se connectant à leur « espace mobilité ». Cette numérisation constitue une simple photographie du dossier administratif de chaque magistrat dans sa version papier, ce dernier étant le seul à faire foi.

Des travaux de rédaction d'un projet de décret en Conseil d'État, pris sur le fondement du dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, ont été entrepris dès la publication de la loi du 8 août 2016, qui prévoyaient une gestion entièrement dématérialisée du dossier administratif des magistrats. La préparation de ce décret a, toutefois, nécessité des travaux particulièrement complexes et nombreux, au regard des problématiques posées dans le domaine de l'informatique et des libertés ainsi qu'en matière de création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel, eu égard aux spécificités propres au dossier des magistrats compte tenu de leur statut. Ces premiers travaux ont eu lieu au cours des années 2017 et 2018.

Le règlement général de protection des données (RGPD) est entré en vigueur le 25 mai 2018.

La consultation du ministère de la Culture a par ailleurs été rendue nécessaire en matière d'archivage et conservation des données ; elle a eu lieu en 2019. Enfin, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) a été associée aux travaux préparatoires, dans la mesure où les textes relatifs au dossier administratif des fonctionnaires et à sa gestion sur support électronique ont servi de base de travail aux textes qui étaient en cours de préparation pour les magistrats. Saisis au début de l'année 2019, le ministère de la Culture puis celui de la fonction publique ont apporté leurs éclairages sur les travaux entrepris par le ministère de la justice respectivement en avril et en mai 2019. Les travaux de rédaction des textes réglementaires, suspendus au cours de l'année 2020 en raison du contexte sanitaire ayant nécessité l'adoption de plusieurs textes en urgence, ont été finalisés dans le courant de l'année 2021.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a été saisie, le 15 novembre 2021, d'un projet de décret définissant les modalités de dématérialisation du dossier individuel du magistrat, les opérations constitutives de sa gestion, les principes d'habilitation des agents en charge de cette gestion ainsi que ceux de confidentialité et de sécurité des données enregistrées. Le texte renvoyait, en outre, à un arrêté du garde de sceaux le soin de fixer les règles de gestion des habilitations, les modalités de passage à la gestion des dossiers sur support électronique et le calendrier de mise en oeuvre de cette gestion. Aux termes de sa délibération du 13 janvier 2022, la CNIL n'a pas émis de réserves particulières sur le projet de décret qui lui avait été présenté337(*).

Saisie de ce même projet de décret, la section de l'intérieur du Conseil d'Etat a émis un avis défavorable lors de sa séance du 24 mai 2022 : « Le Conseil d'Etat observe d'abord que si le dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée subordonne la légalité de la gestion dématérialisée du dossier individuel du magistrat à l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat, cette disposition a été élaborée dans un contexte qui a profondément évolué depuis l'entrée en vigueur du règlement général pour la protection des données (RGPD) en avril 2016 et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux liberté modifiée, dite « Informatique et Libertés », modifiée en juin 2019.

Il constate ensuite qu'à elles seules les dispositions du projet ne permettront pas de donner un cadre légal à la gestion sur support informatique des dossiers des magistrats, ni de régulariser la situation actuelle au regard des règles sur la protection des données personnelles, ni davantage de déployer le dispositif en prenant racine, comme cela a été indiqué au cours des échanges, sur le décret n° 2013-626 du 16 juillet 2013 autorisant un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Harmonie relatif à la gestion des ressources humaines du ministère de la justice, qui appelle lui-même une mise en conformité préalable avec le cadre légal de la gestion des données. Pour donner son effet de droit utile au projet, le Conseil d'Etat invite le Gouvernement, après une nouvelle consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), à le ressaisir d'un projet de décret qui, non seulement, définisse les modalités de la gestion dématérialisée du dossier individuel du magistrat comme le prescrit l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée mais également encadre cette gestion dans un traitement de données personnelles conforme aux exigences de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée modifiée, même si ce traitement n'entre pas, par sa nature, dans les catégories prévues par les articles 31 et 32 de la loi requérant l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat. »

Le Conseil d'Etat souligne enfin, bien qu'aucune disposition légale ne l'impose, qu'un tel projet gagnerait à faire l'objet d'une concertation avec des représentants des magistrats suivant les formes que le Gouvernement jugerait appropriées, s'agissant d'un dispositif qui est directement lié à la mise en oeuvre d'une disposition statutaire - le dossier du magistrat - et qui participe de la garantie d'indépendance de l'autorité judiciaire affirmée par l'article 64 de la Constitution. Il recommande, pour les mêmes raisons, que le décret ne renvoie pas à un arrêté ministériel le soin de définir le calendrier de déploiement du dispositif et les règles de passage à la gestion dématérialisée et y procède lui-même pour ne pas encourir le risque d'une subdélégation illégale. 

Par ailleurs, dans le courant de l'année 2021, la section du contentieux du Conseil d'Etat avait été saisie d'un recours pour excès de pouvoir introduit par l'Union Syndicale des Magistrats (USM) contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé durant deux mois par le Premier ministre sur sa demande tendant à ce que soient édictés et publiés le décret d'application et les mesures règlementaires prévus par le dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. L'USM demandait, en outre, qu'il soit enjoint au Premier ministre d'édicter le décret et ses mesures d'application prévues par le dernier alinéa de ce même article 12-2 dans un délai déterminé et sous astreinte.

Dans sa décision du 19 août 2022, le Conseil d'Etat a annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre avait refusé de prendre le décret prévu à l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et a enjoint à la Première ministre de prendre ce décret dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision338(*).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision du 21 février 1992339(*), le Conseil constitutionnel se prononçant sur la création de l'article 12-2 a considéré « que le premier alinéa détermine, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, le contenu du dossier individuel de chaque magistrat ; qu'aux termes du second alinéa "tout magistrat a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi" ; que ce renvoi ne saurait, sauf à méconnaître les prescriptions du troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution, viser l'intervention d'une loi ordinaire à venir ; qu'il doit être interprété comme emportant référence tant à l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, qui détermine les cas dans lesquels tout agent public a accès à son dossier individuel, qu'à l'article 6 bis de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ».

A la suite de la réforme de l'ordonnance du 22 décembre 1958 intervenue le 8 août 2016, le Conseil constitutionnel a considéré340(*) que les modifications apportées à l'article 12-2 n'appelaient pas de remarque de constitutionnalité.

Il ressort de ces décisions que jusqu'en 2016, l'ordonnance statutaire ne comportait aucune mention relative à la gestion du dossier administratif des magistrats, qu'elle soit dématérialisée ou non. Si l'accès au dossier des magistrats peut avoir lieu dans les conditions du droit commun, la gestion dématérialisée, qui n'a pas d'implication sur le contenu ou l'accès au dudit, peut donc également être faite dans les conditions du droit commun.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD)341(*), a profondément modifié le droit de l'informatique et des libertés. La réforme de la protection des données poursuivait trois objectifs :

- Renforcer les droits des personnes, notamment par la création d'un droit à la portabilité des données personnelles, et faciliter l'exercice de ces droits ;

- Responsabiliser les acteurs traitant des données (responsables de traitement et sous-traitants) ;

- Crédibiliser la régulation grâce à une coopération renforcée entre les autorités de protection des données, qui peuvent notamment adopter des décisions communes lorsque les traitements de données sont transnationaux et des sanctions renforcées.

L'article 2 du règlement relatif au champ d'application matériel prévoit que « Le présent règlement s'applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu'au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier ».

Alors que la directive de 1995 précitée reposait en grande partie sur la notion de « formalités préalables » (déclaration, autorisations), le RGPD repose sur une logique de conformité, dont tous les acteurs sont responsables, sous le contrôle et avec l'accompagnement du régulateur. Ont donc été mis en place des outils de conformité tels que la tenue d'un registre des traitements mis en oeuvre, la certification de traitements, l'adhésion à des codes de conduites et les analyses d'impact relatives à la protection des données (AIPD).

La conséquence de cette responsabilisation des acteurs a été la suppression des formalités préalables (obligations déclaratives) dès lors que les traitements ne constituent pas un risque pour la vie privée des personnes.

1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'Union européenne ayant adopté, en mai 2018, un règlement européen sur la protection des données personnelles (le RGPD - Cf. le cadre conventionnel décrit supra), l'ensemble des pays européens doivent s'adapter à la nouvelle réglementation qui en découle et qui, notamment, renforce les droits des citoyens européens en leur donnant plus de contrôle sur leurs données personnelles.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le RGPD, adopté par le Parlement européen le 27 avril 2016, est entré en vigueur dans l'ensemble des 27 États membres de l'Union européenne le 25 mai 2018. Conformément au principe de primauté du droit de l'Union européenne, ce règlement prime sur les lois nationales, qu'il s'agisse des lois ordinaires ou des lois organiques. Dès lors, les dispositions relatives à la gestion statutaire des magistrats doivent être conformes au RGPD et s'inscrivent nécessairement dans ce cadre.

Depuis l'entrée en vigueur du RGPD, les principes précédemment applicables en la matière et sur la base desquels avait été prévue l'édiction d'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL, ont été substantiellement modifiés. Il en résulte notamment que la création d'un traitement de données à caractère personnel ne nécessite plus de formalités préalables auprès de la CNIL. Par ailleurs, alors qu'un décret en Conseil d'Etat était précédemment requis dès lors que l'usage du Numéro d'inscription au répertoire (NIR) des personnes physiques, ou numéro de sécurité sociale, d'un agent exigeait un tel niveau de norme, tel n'est plus le cas désormais.

Le RGPD encadre tout traitement de données personnelles. Il fixe à cet égard un ensemble de règles s'agissant de la création d'un tel traitement, de sa gestion et, ce, quel qu'en soit le support (papier ou dématérialisé), des droits des personnes dont les données sont collectées, etc. Le RGPD s'applique, sur le territoire de l'Union européenne, à toute organisation, publique et privée, qui traite des données personnelles pour son compte ou non, dès lors qu'elle est établie sur le territoire de l'Union européenne, ou que son activité cible directement des résidents européens.

Un traitement de données à caractère personnel étant une opération informatisée ou non, appliquée à des données identifiant une personne de manière directe ou indirecte, le dossier administratif des magistrats constitue bien un traitement de données à caractère personnel. Les spécificités du statut des magistrats ne justifient pas un régime dérogatoire du droit commun pour la simple gestion dématérialisée de leur dossier administratif, dont le contenu ou les possibilités d'accès n'ont pas vocation à être différentes dans le cadre d'une gestion matérialisée ou dématérialisée.

Par conséquent, le renvoi actuel de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 à un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL ne se justifie plus juridiquement. Une modification de la loi organique est nécessaire pour adapter le fondement juridique encadrant la gestion dématérialisée du dossier administratif des magistrats.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure vise à adapter le régime statutaire applicable au dossier administratif du magistrat à la nouvelle réglementation - issue du RGPD et de la réforme, en juin 2019, de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés - laquelle ne subordonne plus la légalité de la création d'un traitement de données à l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Compte tenu de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 24 mai 2022, une première solution consisterait à intégrer, dans un décret en Conseil d'Etat, toutes les dispositions qu'il était précédemment prévu de répartir dans divers textes réglementaires : les modalités de la gestion dématérialisée du dossier individuel du magistrat, l'encadrement de cette gestion dans un traitement de données personnelles conforme aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 précitée, le calendrier de déploiement du dispositif et les règles de passage à la gestion dématérialisée.

Cette solution impliquerait toutefois d'intégrer un niveau de détail important dans une norme dont le niveau n'est adapté ni aux modifications inhérentes à la gestion dématérialisée d'un dossier administratif (chaque modification supposant un avis de la CNIL puis du Conseil d'État), ni à l'évolution de la législation en matière de protection des données qui a consacré un principe de responsabilisation des acteurs plutôt que la logique précédente qui reposait sur la réalisation de formalités préalables.

3.2. OPTION RETENUE

La solution proposée consiste à maintenir, au dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, la mention d'une possibilité de gestion dématérialisée du dossier du magistrat, mais en supprimant la référence aux « conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés », pour la remplacer simplement par un renvoi aux conditions définies par loi, qui s'entendent comme les dispositions du RGPD et de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.

Cette solution est conforme au constat du Conseil d'Etat selon lequel, depuis l'introduction du dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance statutaire, le cadre juridique de la protection des données personnelles a évolué et n'implique plus aujourd'hui l'adoption d'un décret en Conseil d'État.

Cette seconde solution semble préférable en ce qu'elle offrira plus de souplesse, dès lors que le nouveau cadre juridique n'implique un avis de la CNIL qu'en cas de risque élevé en matière de sécurité et ne nécessitera pas une saisine du Conseil d'Etat pour chaque modification qui serait rendue nécessaire par la suite.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

La mesure envisagée nécessite de modifier le dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour remplacer les mots « des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, » par les mots « les conditions définies par la loi ».

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure envisagée s'inscrit dans le cadre de l'évolution du droit de la protection des données personnelles découlant du RGPD (Cf. supra).

Postérieurement à la modification du dernier alinéa de l'article 12-2 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et afin de se conformer aux exigences du RGPD, une AIPD devra être élaborée avant de créer le nouveau traitement qui permettra une gestion entièrement dématérialisée du dossier administratif des magistrats.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le présent projet, en cohérence avec les dispositions du RGPD, va simplifier les modalités de mise en place d'une gestion dématérialisée des dossiers des magistrats, en passant d'une logique de formalités préalables (déclaration, autorisations), à une logique de conformité.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Néant.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'appliquera à compter du lendemain de la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Cette mesure étant relative au statut de la magistrature, elle s'applique par nature sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

III. Modifications diverses

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. S'agissant des règles de nomination des magistrats

Les magistrats sont soumis à un régime de nomination différent selon qu'ils sont nommés pour exercer des fonctions du siège ou du parquet. S'agissant des magistrats du siège (actuellement au nombre de 6 362 sur les 8 822 magistrats en position d'activité), qui bénéficient de la garantie d'inamovibilité conformément au dernier alinéa de l'article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958, le rôle du Conseil supérieur de la magistrature est accru. En effet, c'est cet organe constitutionnel qui propose les nominations des magistrats aux plus hautes fonctions de la hiérarchie du siège : nomination des magistrats du siège à la Cour de cassation, des premiers présidents de cour d'appel et des présidents de tribunal judiciaire ; les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.

L'actuel article 28 de l' ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose donc, s'agissant des magistrats des premier et second grades : « Les décrets de nomination aux fonctions de président d'un tribunal judiciaire ou d'un tribunal de première instance ou de conseiller référendaire à la Cour de cassation sont pris par le Président de la République sur proposition de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. (...) ».

Le pendant de l'article 28 de l'ordonnance statutaire se trouve à l'article 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature342(*), qui dispose : « (...) Pour chaque nomination de magistrat du siège à la Cour de cassation, de premier président de cour d'appel ou de président de tribunal judiciaire, la formation compétente du Conseil supérieur arrête, après examen des dossiers des candidats et sur le rapport d'un de ses membres, la proposition qu'elle soumet au Président de la République. (...) ».

1.1.2. S'agissant des règles d'incompatibilité et de prévention des conflits d'intérêts

Une fois installés dans leurs fonctions, les magistrats sont soumis à un régime strict d'incompatibilités d'exercice qui sont autant de garanties de leur indépendance.

A ce titre, il est notamment prévu à l'article 9-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 que « Les magistrats et anciens magistrats ne peuvent exercer la profession d'avocat, de notaire, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire ou travailler au service d'un membre de ces professions dans le ressort d'une juridiction où ils ont exercé leurs fonctions depuis moins de cinq ans.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux magistrats de la Cour de cassation. ».

En outre, afin de prévenir un éventuel conflit d'intérêts, l'article 32 de la même ordonnance prévoit que « Nul ne peut être nommé magistrat dans le ressort d'un tribunal judiciaire ou d'un tribunal de première instance où il aura exercé depuis moins de cinq ans les professions d'avocat, avoué, notaire, huissier de justice ou agréé près les tribunaux de commerce. Toutefois, cette exclusion est étendue, pour une nomination déterminée, à un ou plusieurs autres ressorts de tribunaux du ressort de la cour d'appel, dès lors que la commission prévue à l'article 34 a émis un avis en ce sens. ».

1.1.3. S'agissant des magistrats exerçant leurs fonctions à l'Inspection générale de la justice

Les 41 magistrats exerçant leurs fonctions à l'Inspection générale de la justice font partie intégrante du corps judiciaire. Ils sont, par conséquent, soumis au même statut que les autres magistrats. Ainsi, l'article 1er de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose, depuis la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature : « I. - Le corps judiciaire comprend :

1° Les magistrats du siège et du parquet de la Cour de cassation, des cours d'appel et des tribunaux de première instance ainsi que les magistrats du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice ;

1° bis Les magistrats exerçant les fonctions d'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, d'inspecteur général de la justice et d'inspecteur de la justice ;

2° Les magistrats du siège et du parquet placés respectivement auprès du premier président et du procureur général d'une cour d'appel et ayant qualité pour exercer les fonctions du grade auquel ils appartiennent à la cour d'appel à laquelle ils sont rattachés et dans l'ensemble des tribunaux de première instance du ressort de ladite cour ;

3° Les auditeurs de justice.

II. - Tout magistrat a vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet. ».

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Néant.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Néant.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARE

Néant.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1.1. S'agissant des règles de nomination des magistrats

Les nominations des présidents d'un tribunal de première instance et de présidents d'un tribunal supérieur d'appel relevant comme évoqué supra du pouvoir de proposition du Conseil supérieur de la magistrature, il convient de compléter l'article 15 de la loi organique sur le CSM, relatif à cette procédure de nomination, par la référence aux présidents d'un tribunal de première instance, qui n'y figure pas et, par coordination avec le nouvel article 36 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, par la référence aux présidents d'un tribunal supérieur d'appel.

2.1.2. S'agissant des règles d'incompatibilité et de prévention des conflits d'intérêts

Le 1er juillet 2022, est entrée en vigueur la réforme des professions réglementées du droit et notamment la création de la profession de commissaire de justice regroupant les anciennes professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. A ce titre, le IX de l'article 23 de l'ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice prévoit que dans tous les textes législatifs, la référence aux huissiers de justice et aux huissiers désigne les commissaires de justice et que la référence aux commissaires-priseurs judiciaires désigne les commissaires de justice.

Par ailleurs, en application de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel343(*), la profession d'avoué à la cour a été supprimée depuis le 1er janvier 2012.

Il y a donc lieu de modifier les articles 9-1 et 32 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, pour les mettre en cohérence avec ces évolutions.

2.1.3. S'agissant des magistrats exerçant leurs fonctions à l'Inspection générale de la justice

Dans le cadre de la réforme de 2016, qui a procédé à la fusion de l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) avec l'Inspection des services pénitentiaires et l'Inspection de la protection judiciaire de la jeunesse, de nouvelles dénominations ont été données aux fonctions exercées, au sein de l'Inspection, par les magistrats du premier grade et les magistrats placés hors hiérarchie. La référence aux « inspecteurs adjoints des services judiciaires » a ainsi été remplacée, dans l'ordonnance du 22 décembre 1958, par la référence aux « inspecteurs généraux de la justice ».

Il y a donc lieu de corriger en cohérence le sixième alinéa de l'article 37 et le cinquième alinéa de l'article 38-1 de la même ordonnance.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Dans un souci d'intelligibilité et d'exactitude de la norme, il convient de procéder aux corrections rendues nécessaires par les réformes décrites ci-dessus et d'harmoniser les articles 9-1, 32, 37 et 38-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 et 15 de la loi organique du 5 février 1994 relatifs aux nominations des magistrats.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Les dispositions qu'il est proposé de modifier (s'agissant des règles de nomination des magistrats, des règles d'incompatibilité et de prévention des conflits d'intérêts et de la dénomination des magistrats exerçant leurs fonctions à l'Inspection générale de la justice), ou d'abroger (s'agissant du titre Ier bis du livre IV du code de procédure pénale), ne peuvent être maintenues en l'état ; un statu quo ne permettrait en effet pas d'atteindre les objectifs d'intelligibilité et d'exactitude de la norme.

Le dispositif retenu est celui d'une simple correction des articles précités des lois organiques du 22 décembre 1958 et du 5 février 1994.

A l'article 15 de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, les mots « ou de président de tribunal judiciaire, » doivent être remplacés par les mots « , de président de tribunal judiciaire, de président de tribunal de première instance ou de président de tribunal supérieur d'appel ».

A l'article 9-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots « d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire » doivent être remplacés par les mots « de commissaire de justice ».

A l'article 32 de la même ordonnance, le mot « avoué, » doit être supprimé et les mots « huissier de justice ou agréé près les tribunaux de commerce » doivent être remplacés par les mots « ou commissaire de justice ».

Au sixième alinéa de l'article 37 et au cinquième alinéa de l'article 38-1 de la même ordonnance, les mots « adjoint des services judiciaires » doivent être remplacés par les mots : « de la justice ».

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

Les mesures envisagées nécessitent :

- De modifier les articles 9-1, 32, 37 et 38-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

- De modifier l'article 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

Sans objet.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

Néant.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Néant.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Néant.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Les particuliers auront accès à un texte plus lisible compte tenu de la correction des anachronismes et incohérences.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'études du ministère de la justice a été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats de l'ordre judiciaire et des fonctionnaires des services judiciaires, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

La mesure envisagée s'appliquera à compter du lendemain de la publication de la loi organique au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Cette mesure étant relative au statut de la magistrature, elle s'applique par nature sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les présentes dispositions n'appellent aucune mesure d'application.

Article 11 - Expérimentation d'un premier concours spécial

1. ÉTAT DES LIEUX

Les diverses voies de recrutement et les principes régissant la formation des magistrats de l'ordre judiciaire sont prévus par les dispositions de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature344(*).

Outre la réforme des voies d'accès résultant de l'article 1er du présent projet de loi organique, il est prévu l'expérimentation d'un concours spécial, inspiré du concours externe spécial créé par l' ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public.

1.1. CADRE GÉNÉRAL

1.1.1. État des lieux dans la haute fonction publique

Le rapport Thiriez « Mission Haute fonction publique », remis le 30 janvier 2020, formulait 42 propositions afin de décloisonner, diversifier et dynamiser la haute fonction publique.

C'est dans le prolongement de ce rapport, qu'a été prise l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public.

Le rapport du ministre de la transformation et de la fonction publique au Président de la République relatif à l'ordonnance précitée indiquait « Aujourd'hui, la proportion d'élèves issus des catégories socioprofessionnelles les moins favorisées est trop faible dans les écoles de service public, plus particulièrement celles ouvrant aux carrières de la haute fonction publique. A titre d'exemple, les enfants d'ouvriers - qui représentent, selon l'INSEE, 19,6 % de la population active française en 2019 - ne représentent que 5 % des effectifs dans les écoles de la haute fonction publique des promotions 2020-2021. Pour l'année 2020-2021, on ne compte pour l'Ecole nationale d'administration et l'Ecole nationale supérieure de la police que 3 % d'élèves ayant au moins un parent ouvrier. Cette proportion est de 4 % pour l'Institut national des études territoriales et l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire et 7 % pour l'Ecole des hautes études en santé publique. »

L'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 institue, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2024, un concours externe spécial pour l'accès à certaines écoles ou certains organismes assurant la formation de fonctionnaires ouvert aux personnes qui suivent ou ont suivi un cycle de formation préparant à l'un ou plusieurs des concours externes ou assimilés donnant accès à ces écoles ou organismes, accessible au regard de critères sociaux et à l'issue d'une procédure de sélection.

Ce texte prévoit que les programmes et les épreuves sont identiques à ceux du concours externe et que le nombre de places offertes, au titre d'une année, aux lauréats de ce concours ne peut être supérieur à 15 % du nombre de places offertes au titre du concours externe (article 3).

Il prévoit en outre la remise au Parlement, au plus tard le 30 juin 2024, d'un rapport portant sur l'évaluation de la mise en oeuvre des concours externes spéciaux et des cycles de formation.

Sur le fondement de cette ordonnance, a été pris, le même jour, le décret n° 2021-239 instituant des modalités d'accès à certaines écoles de service public et relatif aux cycles de formation y préparant. Ce décret organise, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2024, un concours externe spécial d'accès à l'Institut national du service public (INSP), à l'Institut national d'études territoriales (INET) en qualité d'élève administrateur territorial, à l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) en qualité d'élève directeur d'hôpital ou directeur d'établissement sanitaire, social ou médico-social, à l'Ecole nationale supérieure de la police (ENSP) en qualité d'élève commissaire de police et à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) en qualité d'élève directeur des services pénitentiaires.

Le décret précise que ce concours est ouvert aux candidats ayant suivi un cycle de formation préparant aux concours externes d'accès à ces écoles, cycle accessible notamment sous conditions de ressources et de diplôme.

L'accès à ces cycles de formation est assujetti à une procédure de sélection tenant compte du parcours de formation antérieur, des aptitudes et de la motivation des candidats. Ces cycles de formation peuvent être organisés dans les écoles concernées, dans un établissement ayant conventionné avec ces dernières ou dans un établissement public d'enseignement supérieur inscrits sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la fonction publique. A l'issue du cycle de formation, les candidats peuvent s'inscrire au concours externe spécial ainsi qu'au concours externe ou assimilé d'accès à l'école concernée.

Le décret précise, conformément à l'ordonnance précitée, que le concours externe spécial, dont le programme et les épreuves sont identiques à ceux du concours externe ou assimilé, comprend un nombre de places compris entre 10 % et 15 % de celui offert au concours externe ou assimilé. L'article 5 du décret précise que les candidats au concours externe spécial peuvent s'inscrire également au concours externe. Les listes de lauréats du concours externe spécial sont publiées en commun avec les listes de lauréats des autres concours d'accès à la même école et par ordre alphabétique.

Enfin, l'article 24 du décret précise le contenu du rapport d'évaluation prévu à l'article 5 de l'ordonnance du 3 mars 2021 susvisée, lequel « comportera notamment tous éléments permettant d'apprécier les effets des cycles de formation et concours externes spéciaux régis par le présent décret sur la diversité sociale et géographique des candidats admis aux concours de la fonction publique. Il évalue également les effets et la pertinence, au regard de cet objectif d'accroissement de la diversité sociale et géographique, du critère social tiré du respect, à l'entrée des cycles de formation, des conditions requises pour bénéficier d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux. Ce rapport propose au Parlement le maintien ou non, avec ou sans limitation de durée, de ces concours en les assortissant de propositions de modifications éventuelles relatives notamment à leurs conditions d'accès ».

A titre d'illustration, s'agissant de l'INSP l'arrêté du 4 aout 2022 fixant le nombre de place aux concours d'entrée 2022 prévoit 4 places pour ce concours :

- Concours externe : 40 ;

- Deuxième concours externe : 6 ;

- Concours externe spécial : 4 ;

- Concours interne : 32 ;

- Troisième concours : 8.

S'agissant des directeurs des services pénitentiaires l'arrêté du 16 janvier 2023 fixant le nombre de place aux concours d'entrée 2023 en prévoit 3 :

- Concours externe : 18 ;

- Premier concours spécial (« concours Talents ») : 3 postes ;

- Concours interne : 7 postes ;

S'il avait été envisagé d'inclure l'ENM à ce dispositif expérimental, cette option a été écartée compte tenu du niveau de norme imposé par la Constitution du 4 octobre 1958 pour réformer les voies d'accès à la magistrature.

1.1.2. Etat des lieux de la diversité à l'ENM

La diversification dans le recrutement des magistrats est une préoccupation ancienne du ministère de la justice et de l'École nationale de la magistrature. Elle est d'ailleurs le premier objectif stratégique du contrat d'objectif et de performance de l'ENM liant l'Ecole et son autorité de tutelle, validé le 9 mars 2020 par le conseil d'administration de l'Ecole, lequel rappelle qu'il s'agit d'un « enjeu démocratique majeur pour la magistrature qui doit refléter la diversité de la société française », et « qu'au-delà des publics en reconversion professionnelle, recrutés hors concours et sur dossier, l'ENM s'est employée à démocratiser ses concours d'accès pour les rendre plus attractifs, et à développer des préparations aux concours performantes ».

Ainsi en 2021, les professionnels en reconversion représentaient 55 % des recrutements effectués345(*), qu'ils aient intégré la magistrature par voie de concours ou via un recrutement sur titres. Les avocats représentaient 13 % l'ensemble de ces recrutements.

De manière plus générale, les profils des professionnels ayant intégré la promotion 2022 étaient divers :

Outre la réforme des voies d'accès à la magistrature pour les rendre plus lisibles, plus attractives et mieux les adapter aux publics justifiant d'une activité professionnelle antérieure, prévue à l'article 1er du présent projet de loi organique, l'ouverture du premier concours à des publics issus de milieux sociaux plus diversifiés est à l'oeuvre à l'ENM.

Ainsi les épreuves des trois concours d'accès à l'École nationale de la magistrature, définies à l' article 18 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'ENM, ont été réformées en prenant en compte la spécificité de chacun d'eux par le décret n° 2019-99 du 13 février 2019346(*). Cette réforme a été mise en oeuvre à partir de la session 2020.

L'objectif de la réforme était, sans bouleverser l'équilibre général des trois concours, d'actualiser les programmes, de privilégier les épreuves permettant de vérifier les capacités de raisonnement des candidats, de favoriser une certaine diversité des parcours universitaires à travers les options à choisir au moment de l'inscription.

S'agissant en particulier du concours externe, réservé aux étudiants titulaires d'un diplôme de niveau bac +4, il compte désormais moins d'épreuves (5 au lieu de 6) dont les coefficients ont été revus et permet aux candidats de choisir entre différentes matières. Les capacités de raisonnement y sont davantage valorisées, au détriment du bachotage.

Surtout l'ENM s'est attachée à développer les classes préparatoires intégrées (CPI) désormais nommées « Prépa Talents ».

Afin de concilier le principe d'égalité de traitement des candidats et l'objectif que la magistrature soit le reflet le plus exact de la société qu'elle a vocation à servir, des classes préparatoires intégrées ont été créées dès 2008.

Le décret n° 2008-483 du 22 mai 2008 a modifié le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'ENM pour y introduire notamment un article 17-2 qui dispose que « En vue de se préparer au premier concours, les candidats remplissant les conditions de l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée peuvent être admis à une classe préparatoire. Cette classe, qui a pour objet de permettre une diversification de l'accès au corps de la magistrature tenant compte notamment de l'origine géographique et des ressources du candidat ou de leur famille, est organisée par l'Ecole nationale de la magistrature selon les modalités fixées par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. » Un arrêté du garde des sceaux, du même jour, est venu préciser les modalités d'organisation des classes préparatoires. Une nouvelle modification du décret du 4 mai 1972, intervenue le 31 décembre 2008, a permis la création de plusieurs classes préparatoires347(*).

Ainsi, jusqu'en 2020, trois classes préparatoires (Paris, Douai, Bordeaux) accueillaient 54 élèves. En 2021, deux nouvelles classes préparatoires (Lyon, Orléans) ont accueilli chacune 18 élèves, soit un total de 72 élèves.

Dans le prolongement des travaux de la mission Thiriez sur la haute fonction publique348(*), ce dispositif a été abrogé par l' arrêté du 5 août 2021 relatif aux cycles de formation dénommés « Prépas Talents » préparant aux concours d'accès à certaines écoles ou organismes assurant la formation de fonctionnaires ou de magistrats de l'ordre judiciaire, qui s'inscrit dans la continuité de l'ordonnance du 3 mars 2021 précitée.

Les classes préparatoires de l'ENM, nommées depuis « Prépa Talents », sont désormais au nombres de six (Paris, Douai et Bordeaux, Lyon, Orléans, Besançon).

Elles accueillent au titre de l'année 2022-2023, 89 candidats remplissant les conditions d'accès au premier concours afin de leur donner les moyens matériels et pédagogiques pour préparer dans de bonnes conditions le concours d'accès à l'ENM.

Les candidats, élèves méritants, tous boursiers, issus des quartiers « politique de la ville » ou d'une « zone de revitalisation rurale » sont sélectionnés par une commission présidée avec voix prépondérante par le directeur adjoint en charge des recrutements, de la formation initiale et de la recherche de l'ENM et composée de trois membres nommés par arrêté du garde des sceaux, sur proposition du directeur de l'ENM.

Au-delà de la gratuité du dispositif, les élèves admis dans l'une des classes « Prépas Talents » perçoivent une bourse versée par l'ENM349(*) et calculée selon le même barème que celui du CROUS. Le montant minimal était de 345.80 € pour l'année 2022-2023, ce qui correspond à l'échelon 3 du CROUS. Cette bourse est versée pendant toute la période de scolarité, sous réserve d'assiduité. S'ajoute à cette aide une bourse découlant du dispositif Prépas Talents. Il s'agit d'une somme de 4 000 € versée en deux temps.

La préparation comprend :

- Des enseignements en rapport avec les épreuves écrites et orales du 1er concours d'accès à l'ENM ;

- Des apports méthodologiques et l'organisation de concours « blancs » ;

- Des mesures d'accompagnement et de soutien pédagogique par le biais d'un tutorat dispensé par des magistrats et/ou des auditeurs de justice ;

- Un stage en juridiction ;

- Des activités culturelles.

Il convient enfin de rappeler que le décret n° 2021-334 du 26 mars 2021 a supprimé les limites au nombre de présentations aux concours et examens de la fonction publique civile et de la magistrature.

Le bilan de ces classes préparatoires depuis leur création est très positif puisqu'en 2022 elles avaient accueilli 729 bénéficiaires et permis de recruter 200 auditeurs de justice, soit environ 27,4 % de la totalité des élèves formés. Ce taux est à rapprocher du taux de sélectivité du 1er concours d'accès qui est d'environ 14 % depuis 2011.

Par ailleurs, si environ 40 % des parents des lauréats du premier concours relèvent de la catégorie des professions et catégories socio-professionnelles supérieures, il convient de noter que les boursiers de l'enseignement supérieur issus du premier concours représentent plus d'un tiers des auditeurs de justice :

- 36,99 % pour la promotion 2016 ;

- 39,09 % pour la promotion 2017 ;

- 37,14 % pour la promotion 2018 ;

- 33,48 % pour la promotion 2019 ;

- 34,08 % pour la promotion 2020 ;

- 36,22 % pour la promotion 2021 ;

- 37,09 % pour la promotion 2022.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'article 37-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose, depuis la réforme constitutionnelle du 29 mars 2003 : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »

Le Conseil constitutionnel rappelle que « si, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle.350(*) »

Par ailleurs, ainsi que le précise le Conseil constitutionnel, « la loi organique portant statut des magistrats doit [...] déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées »351(*).

S'agissant de l'instauration du troisième concours d'accès à l'ENM et de la nomination sur titre d'auditeurs de justice (article 18-1 et 18-2) le Conseil a considéré, dans sa décision du 21 février 1992, que « si certaines mesures d'application des dispositions qui précèdent sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, il n'en résulte pas que le législateur organique soit, dans les différents cas envisagés, resté en deçà de sa compétence »352(*).

L'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature détermine ainsi les conditions de recrutement des magistrats et leur formation professionnelle (chapitre II) ainsi que les conditions du recrutement de juristes pour une durée limitée et ayant vocation à n'exercer qu'une part limitée des attributions juridictionnelles (chapitre V Bis intitulé « De l'intégration provisoire dans le corps judiciaire », relatif aux conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, au détachement judiciaire, aux magistrats exerçant à titre temporaire et aux magistrats honoraires).

Au vu de ce qui précède, la création d'un concours externe spécial doit être prévue par une loi organique.

En outre, le Conseil constitutionnel admet le principe de la diversification des voies de recrutements des magistrats de l'ordre judiciaire, tout en rappelant la nécessité pour le législateur de s'assurer que les règles de recrutement concourent à assurer le respect des principes d'égalité devant la justice, d'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions des magistrats ainsi recrutés, et d'égal accès des citoyens aux places et emplois publics tel qu'il est énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Dans plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a rappelé que des différences de situation ou un motif d'intérêt général peuvent justifier un traitement différencié institué par la loi, à condition cependant que celui-ci soit en lien avec l'objet de cette loi. Le Conseil constitutionnel considère en effet que « Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. »353(*).

Ainsi, après avoir rappelé ces principes et celui de l'égal accès des citoyens aux emplois publics qui impose qu'il ne soit tenu compte, pour le recrutement à ces emplois que de la capacité des vertus et des talents, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 24 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré « qu'en destinant le dispositif des emplois d'avenir professeur à des étudiants titulaires de bourses de l'enseignement supérieur, sous certaines conditions d'âge et de niveau d'études, et en permettant à ceux qui effectuent leurs études dans une académie ou une discipline connaissant des difficultés particulières de recrutement et qui, soit ont résidé dans une zone urbaine sensible, dans une zone de revitalisation rurale ou dans les départements d'outre-mer et dans certaines collectivités d'outre-mer, soit ont effectué, dans un établissement situé dans l'une de ces zones ou relevant de l'éducation prioritaire, une partie de leurs études secondaires, de bénéficier d'une priorité d'accès au dispositif social d'aide instauré, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec la finalité d'intérêt général qu'il s'est assignée ; qu'il n'a, dès lors, méconnu ni le principe d'égalité devant la loi ni le principe de la liberté contractuelle »354(*).

Le Conseil d'État adopte la même position.

En particulier, dans une décision du 13 juillet 2021355(*), saisi d'un recours en annulation de l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 formé par l'association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, le Conseil d'Etat a refusé de renvoyer devant le Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 aux motifs suivants :

« Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées dès lors que les différences de traitement qui en résultent répondent à des fins d'intérêt général qu'il appartient au législateur d'apprécier. 

Si le principe de l'égal accès des citoyens aux emplois publics, proclamé par l'article 6 de la Déclaration de 1789, impose que, dans les nominations de fonctionnaires, il ne soit tenu compte que de la capacité, des vertus et des talents, il ne s'oppose pas à ce que les règles de recrutement destinées à permettre l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à l'entrée dans une école de formation ou dans un corps de fonctionnaires soient différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service public.

En vue d'accroître la diversité des profils des personnes constituant la fonction publique, les dispositions des articles 1er à 4 de l'ordonnance du 3 mars 2021 autorisent, dans le cadre d'un dispositif expérimental se déroulant jusqu'en 2024, l'organisation, pour l'accès à certaines écoles ou certains organismes assurant la formation de fonctionnaires, d'un concours externe spécial, régi par les mêmes conditions de diplôme, comportant le même programme et les mêmes épreuves et faisant l'objet du même jury que le concours externe. Ce concours externe spécial, qui ne peut représenter une proportion supérieure à 15 % des recrutements opérés par la voie du concours externe, est ouvert aux personnes qui suivent ou ont suivi un cycle de formation préparant, notamment, à ce concours, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ce cycle de formation est accessible au regard de critères sociaux à l'issue d'une procédure de sélection tenant compte des parcours de formation, des aptitudes et de la motivation des candidats. Dès lors, ces dispositions prévoient l'organisation de concours externes spéciaux qui, d'une part, sont accessibles au regard de critères objectifs et rationnels en relation directe avec l'objet qui leur est assigné et, d'autre part, et contrairement à ce que soutient la requérante, reposent sur l'appréciation des mérites des candidats et répondent à la volonté de diversifier les profils des personnes recrutées dans la fonction publique et partant, à un motif d'intérêt général. En outre, dès lors que le législateur a prévu que l'accès à un cycle de formation permettant d'accéder au concours externe spécial est soumis notamment à des critères sociaux, il a pu renvoyer au décret en Conseil d'Etat le soin de définir les conditions de ressources exigées des candidats à cet égard, l'admission à concourir n'étant au demeurant pas directement fondée sur des critères sociaux, lesquels président uniquement à l'accès aux cycles de formation préparant à ces concours. Par suite, le moyen présenté par l'association requérante et tiré de ce que les dispositions de cette ordonnance, en tant que ses articles 1er à 4 instaurent une voie d'accès spécifique à des écoles de service public qui n'est justifiée ni par les mérites des candidats, ni par les besoins du service public et qui repose sur des critères sociaux insuffisamment définis, méconnaitraient le principe d'égal accès aux emplois publics énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 1er de la Constitution et l'étendue de la compétence du législateur ne soulève pas une question nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée. ».

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Comme évoqué en introduction, le statut de la magistrature s'insère dans un cadre européen et international et nombre de textes de l'ordre international ou européen, ont une influence, directe ou indirecte, sur le statut des magistrats.

Ainsi, sur le plan européen, la Charte européenne sur le statut des juges356(*) édictée par le Conseil de l'Europe considère que « Pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de la carrière ou la cessation de fonctions d'un juge, le statut prévoit l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs suivant des modalités garantissant la représentation plus large de ceux-ci. ».

Ladite Charte européenne rappelle que « le statut des juges doit tendre à assurer la compétence, l'indépendance et l'impartialité que toute personne attend légitimement des juridictions et de chacun et chacune des juges auxquels est confiée la protection de ses droits. Il exclut tout dispositif et toute procédure de nature à altérer la confiance en cette compétence, cette indépendance et cette impartialité ; que dans chaque Etat européen, les principes fondamentaux du statut des juges sont énoncés dans les normes internes du niveau le plus élevé et ses règles dans des normes du niveau au moins législatif. »

S'agissant plus particulièrement de la sélection, du recrutement et de la formation initiale, la charte prévoit, aux articles 2.1 à 2.3 :

« 2.1 Les règles du statut relatives à la sélection et au recrutement des juges fondent le choix, par une instance ou un jury indépendants, des candidats sur leur capacité à apprécier librement de façon impartiale les situations judiciaires qui leur seront soumises et à y faire application du droit dans le respect de la dignité des personnes. Elles excluent qu'un candidat ou une candidate puissent être écartés sur une considération déterminante tenant à leur sexe, à leur origine ethnique ou sociale ainsi qu'à leurs opinions philosophiques et politiques et à leurs convictions religieuses.

2.2. Le statut prévoit les conditions dans lesquelles est garantie, par des exigences liées aux diplômes obtenus ou à une expérience antérieure, l'aptitude à l'exercice spécifique des fonctions judiciaires.

2.3. Le statut assure au moyen de formations appropriées prises en charge par l'Etat la préparation des candidats choisis à l'exercice effectif de ces fonctions. L'instance visée au point 1.3. veille à l'adéquation des programmes de formation et des structures qui les mettent en oeuvre aux exigences d'ouverture, de compétence et d'impartialité liées à l'exercice des fonctions judiciaires. »

Le comité des ministres des États membres du Conseil de l'Europe357(*) a ainsi énoncé, qu'afin d'assurer pleinement le respect de l'indépendance judiciaire, « lorsque la procédure de recrutement prévoit une période probatoire ou une durée déterminée, la décision relative à la confirmation ou à la reconduction de la nomination ne devrait être prise que conformément au paragraphe 44 », soit « reposer sur des critères objectifs préétablis par la loi ou les autorités compétentes. Ces décisions devraient se fonder sur le mérite, eu égard aux qualifications, aux compétences et à la capacité à statuer sur les affaires en appliquant le droit dans le respect de la dignité humaine ».

Le Conseil consultatif des juges européens (ci-après CCJE) « recommande une formation initiale obligatoire avec programmes adaptés à l'expérience professionnelle des candidats retenus », estimant « que la formation des juges doit tenir compte des spécificités des modes de recrutements pour cibler et adapter les programmes de formation de manière appropriée, les juristes expérimentés devant recevoir exclusivement celle requise par leur nouvelle profession ». Constatant que de nombreux pays subordonnent l'accès aux fonctions judiciaires à une expérience professionnelle antérieure, qu'il n'apparait pas possible d'imposer à tous un tel modèle et que l'adoption d'un système mêlant différents types de recrutement peut aussi présenter l'avantage de la diversité de l'origine des juges, le CCJE considère que « il importe que la période de formation initiale comporte, pour les candidats issus de l'université, des stages d'une durée significative dans le milieu professionnel »358(*).

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En Belgique, la cellule Diversité, créée au sein du Service public fédéral Personnel et Organisation (SPF P&O) propose et de développe des initiatives pour offrir à tous les mêmes chances d'accéder à un emploi et de développer une carrière dans la fonction publique359(*).

Au Royaume-Uni, la Stratégie sur la diversité et l'inclusion des juges 2020-2025360(*) a été adoptée afin notamment de renforcer la diversité du corps judiciaire.

L'expression « diversité personnelle et professionnelle », fait référence aux caractéristiques protégées par la loi sur l'égalité de 2010 (âge, handicap, changement de sexe, mariage et partenariat civil, race, religion ou croyance, sexe, orientation sexuelle) et d'autres différences telles que le milieu socio-économique, les responsabilités familiales et l'identité de genre ; ainsi que la diversité professionnelle, telle que les parcours de carrière individuels et les contextes juridictionnels.

Au niveau législatif, la loi sur l'égalité de 2010, (Equality act 2010361(*)) instaure à l'article 149 une obligation d'égalité dans le secteur public. Ainsi, les autorités publiques ont l'obligation, dans l'exercice de leurs fonctions, de tenir compte de la nécessité d'éliminer la discrimination et de promouvoir l'égalité des chances. La loi de 2005 sur la réforme constitutionnelle (Constitutional Reform Act 2005) régissant la procédure de nomination des juges à la Cour suprême (sections 25 à 31 et annexe 8) intègre depuis 2013 la question de la parité à la politique de recrutement des magistrats. Ainsi, face à des candidats de mérite équivalent, la commission de nomination des juges est encouragée à favoriser le candidat qui permet d'augmenter la diversité au sein du corps des magistrats.

Enfin, une initiative visant à attirer des juristes et des universitaires ayant des profils plus diversifiés pour siéger à la Haute Cour de Londres est à l'essai. Il comprend un programme de mentorat judiciaire (Judicial Mentoring Scheme)362(*).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'ENM, qui s'est employée à démocratiser ses concours d'accès, a également créé depuis 2008 six classes préparatoires intégrées qui ont permis le recrutement de 167 auditeurs de justice entre 2008 et 2021, soit 26,6 % des élèves formés au sein de ces préparations. Néanmoins, les résultats des préparationnaires sont moins satisfaisants depuis trois ans et la proportion d'auditeurs de justice issus des catégories socio-professionnelles les moins favorisées reste faible. Ainsi, au sein de la promotion 2023, composée de 380 auditeurs de justice dont 233 issus du premier concours, seulement 11 auditeurs sont issus des classes préparatoires de l'ENM, représentant seulement 5 % des auditeurs de justice du premier concours363(*).

Aussi, afin de favoriser la diversité des profils des lauréats du premier concours et d'ouvrir la magistrature à des profils différents, un premier concours spécial pour le recrutement d'auditeurs de justice au profit des élèves des classes « Prépas Talents » va être expérimenté. L'objectif de l'expérimentation tend à permettre le recrutement, au titre de ce concours spécial, d'auditeurs dont le nombre pourra aller jusqu'à 15 % des places offertes au premier concours, boursiers et issus des quartiers « politique de la ville » ou d'une « zone de revitalisation rurale ».

L'ENM rejoindra ainsi les autres grandes écoles de service public, avec lesquelles elle partage d'ores et déjà un tronc commun de formation, qui expérimentent une telle voie d'accès depuis 2021.

Enfin, comme indiqué supra, une telle expérimentation ne peut être envisagée que par le vecteur d'une loi organique, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel364(*).

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de cette mesure expérimentale est triple.

Il vise, d'une part, à poursuivre les efforts de diversification et d'ouverture des voies de recrutement à l'ENM en créant un premier concours spécial pour le recrutement d'auditeurs de justice au profit des élèves des classes « Prépas Talents ». Cet effort d'ouverture supplémentaire permettra à la magistrature d'être plus représentative de la société française, en la reflétant mieux dans sa diversité.

Il a, d'autre part, pour objectif de rapprocher l'ENM des autres grandes écoles de service public avec lesquelles elle partage déjà un tronc commun de formation, écoles qui expérimentent depuis 2021 une telle voie d'accès.

Enfin, ce concours permettra d'accroître l'égalité des chances et de favoriser la lutte contre les inégalités sociales et territoriales. En effet, ouvert aux élèves boursiers et adossé aux six classes « prépa talents » situées en divers points du territoire (Paris, Douai, Bordeaux, Lyon, Orléans, Besançon) et disposant de places réservées pour les élèves résidant en Nouvelle-Calédonie, ce dispositif devrait créer un appel d'air à destination de jeunes dont les origines sociales ou géographiques pourraient constituer un obstacle à leur ascension professionnelle, en dépit de l'excellence de leur parcours universitaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ENVISAGÉES

Compte tenu des moyens d'ores et déjà engagés par l'ENM dans le cadre du dispositif « Prépa Talents »365(*) et du bilan de ces préparations d'une part, de la part des boursiers parmi les candidats admis d'autre part, la question de l'opportunité d'instituer une nouvelle voie d'accès dans le cadre d'une expérimentation déconnectée de celle actuellement en cours pour les autres grandes écoles de service public se posait.

Il aurait en tout état de cause pu être envisagé d'attendre l'issue de l'expérimentation engagée dans la fonction publique par l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 pour s'assurer de son bien-fondé. En effet, le dispositif mis en oeuvre dans les écoles de la fonction publique par l'ordonnance précitée doit faire l'objet d'une évaluation au cours de l'année 2024, année au terme de laquelle l'expérimentation doit s'achever, conformément à l'article 1 de l'ordonnance. L'article 5 de l'ordonnance prévoit la remise au Parlement d'un rapport portant sur l'évaluation de la mise en oeuvre des concours externes spéciaux au plus tard le 30 juin 2024.

Cette option n'a pas été retenue compte tenu de l'opportunité offerte par la présente loi organique et de la nécessité de favoriser la mobilité sociale.

3.2. OPTION RETENUE

La mesure proposée vise à expérimenter jusqu'au 31 décembre 2026, l'organisation d'un premier concours spécial pour le recrutement d'auditeurs de justice.

Ce concours sera ouvert aux personnes qui suivent, à la date de clôture des inscriptions, ou ont suivi, dans les quatre années civiles précédant l'année au cours de laquelle le concours est ouvert, un cycle de formation préparant au premier concours mentionné au 1° de l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, cycle de formation accessible sur critères sociaux et à l'issue d'une procédure de sélection.

Il concernera en conséquence l'ensemble des élèves admis dans l'une des classes « Prépas Talents », définies par l'arrêté du 5 août 2021366(*), préparant au premier concours de recrutement d'auditeurs de justice, animées par l'ENM, par un établissement public d'enseignement supérieur ou un établissement ayant passé une convention avec l'ENM, ou par l'un des établissements mentionnés à l' article 3 du décret n° 2021-239 du 3 mars 2021367(*). La liste des « Prépas Talents » relevant de ce dispositif est établie par un autre arrêté du 5 août 2021368(*).

Outre les conditions requises pour concourir, ces élèves doivent justifier lors de l'admission au cycle des conditions de ressources fixées pour bénéficier d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux prévue en application de l' article L 821-1 du code de l'éducation.

Les élèves ayant suivi, dans les quatre années civiles précédant l'année d'ouverture du concours, un cycle de formation organisé par l'ENM dans le cadre des anciennes classes préparatoires prévues par l'arrêté du 22 mai 2008 relatif à l'organisation des classes préparatoires au premier concours d'accès à l'École nationale de la magistrature, sélectionnés notamment en fonction de leur origine géographique, de leurs ressources et de celles de leurs parents, pourront également s'inscrire à ce concours spécial.369(*)

Les candidats pourront s'inscrire à ce seul concours spécial ou choisir de s'inscrire en même temps au premier concours s'agissant des mêmes épreuves.

Le jury de ce concours, les programmes et les épreuves seront les mêmes que pour le premier concours d'accès à l'ENM, à savoir s'agissant de :

- L'admissibilité :

1° Une composition, rédigée en cinq heures, portant sur une question posée aujourd'hui à la société française dans ses dimensions judiciaires, juridiques, sociales, politiques, historiques, économiques, philosophiques et culturelles (coefficient 4) ;

2° Une composition, rédigée en cinq heures, portant au choix du jury soit sur un sujet de droit civil et de procédure civile, soit sur un sujet de droit pénal et de procédure pénale (coefficient 4) ;

3° Un cas pratique, rédigé en trois heures, portant soit sur un sujet de droit civil et de procédure civile, soit sur un sujet de droit pénal et de procédure pénale, dans la matière autre que celle choisie par le jury pour l'épreuve prévue au 2° (coefficient 4) ;

4° Une note de synthèse, rédigée en cinq heures, à partir de documents se rapportant à des problèmes judiciaires, juridiques ou administratifs (coefficient 3) ;

5° Une épreuve de droit public d'une durée de trois heures portant sur deux questions (coefficient 2).

- L'admission :

1° Une épreuve orale de langue anglaise d'une durée de trente minutes comportant le compte rendu d'un texte suivi d'une conversation (coefficient 2) ;

2° Une épreuve orale d'une durée de vingt-cinq minutes se rapportant, au choix du candidat exprimé lors du dépôt de sa candidature, soit au droit de l'Union européenne, soit au droit international privé, soit au droit administratif (coefficient 4) ;

3° Une épreuve orale d'une durée de vingt-cinq minutes se rapportant, au choix du candidat exprimé lors du dépôt de sa candidature, soit au droit social, soit au droit des affaires (coefficient 4) ;

4° Une épreuve de mise en situation et d'entretien avec le jury (coefficient 6). Cette épreuve comporte successivement :

a) Une mise en situation, d'une durée de trente minutes sans préparation, au cours de laquelle un groupe de candidats analyse un cas concret devant le jury. Les candidats admissibles, sauf en cas d'absence ou de défaillance d'un des candidats et sur décision écrite et motivée du président du jury, sont répartis en groupes d'importance égale comportant au moins trois membres. Le président du jury veille à ce que chaque candidat dispose d'un temps de parole minimum fixé en fonction de la taille du groupe et d'au moins cinq minutes ;

b) Un entretien avec le jury, d'une durée de quarante minutes, comprenant un exposé du candidat sur une question d'actualité posée à la société française ou sur une question de culture générale ou judiciaire, suivi d'une conversation avec le jury permettant notamment d'apprécier la personnalité du candidat et portant sur le parcours et la motivation de celui-ci et sur sa participation à la mise en situation. La conversation s'appuie sur une fiche individuelle de renseignements remplie par le candidat admissible.

Le nombre de places offertes au premier concours spécial sera fixé chaque année, comme pour les autres concours prévus à l'article 17 de l'ordonnance statutaire, par arrêté du garde des sceaux, sans pouvoir être supérieur à 15 % des places offertes au premier concours, à l'instar du taux retenu dans l'expérimentation en cours dans les écoles de formation de fonctionnaires370(*) et aux propositions de la mission haute fonction publique371(*).

Les lauréats de cette nouvelle voie de recrutement suivront leur scolarité dans les mêmes conditions que les élèves issus du concours externe.

Un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités de mise en oeuvre de cette expérimentation.

Un comité de pilotage comprenant notamment des représentants des enseignants et des élèves des classes « Prépa Talents », des enseignants de l'ENM sera chargé du suivi de l'expérimentation, accompagné par les services de la direction des services judiciaires.

Il veillera notamment à recueillir des données quantitatives et qualitatives sur l'ensemble des candidats à l'intégration de classes « Prépa Talents », et sur les candidats admis à l'ENM ayant suivi une classe « Prépa Talents » (nombre, répartition par sexe, origines géographiques, sociales, âges, professions des parents, insertion professionnelle des élèves non admis au concours, déroulement de la scolarité des candidats admis, etc.).

Six mois au moins avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport sur l'évaluation de la mise en oeuvre du premier concours spécial pour le recrutement d'auditeurs de justice.

L'évaluation de cette expérimentation, qui sera faite par le comité de pilotage en lien avec la direction des services judiciaires, contiendra des informations sur son déroulement et ses résultats, notamment :

- le nombre de candidats présents et absents à la sélection et aux épreuves, déclarés admissibles au concours ainsi que, le cas échéant, le nombre de candidats admis ayant ensuite renoncé au bénéfice de l'admission au concours,

- leur répartition selon le barème des ressources fixé pour l'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux,

- les appréciations portées par le jury d'évaluation des auditeurs de justice en fin de scolarité, les appréciations des responsables du cycle de formation ainsi que de la direction de l'École nationale de la magistrature sur la scolarité de ces élèves, l'appréciation par les élèves des apports du cycle de formation et du déroulement de leur scolarité,

- les modalités d'insertion professionnelle des élèves des cycles de formation qui n'ont pas été admis au premier concours externe spécial, en précisant notamment le nombre de ceux ayant réussi un autre concours de la fonction publique ou qui ont été recrutés par contrat de droit public ou privé,

- ainsi que tout élément permettant d'apprécier les effets du premier concours externe spécial sur la diversité sociale et géographique des candidats admis.

Ce rapport proposera au Parlement le maintien ou non, avec ou sans limitation de durée, de ce concours en l'assortissant de propositions de modifications éventuelles relatives notamment à leurs conditions d'accès.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne

S'agissant d'une expérimentation, les dispositions relatives au premier concours spécial ne seront pas intégrées à l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités d'application du présent article, notamment les cycles préparatoires autorisant l'inscription au concours spécial, les modalités d'organisation du concours, les possibilités offertes au jury concernant les reports de places non pourvues à l'un des concours, les modalités de proclamation des résultats et le contenu de l'évaluation de l'expérimentation.

L'éventuelle pérennisation du dispositif impliquera une insertion du dispositif au sein de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne

La mesure envisagée est conforme aux principes européens mentionnés supra en qu'est seule prohibée la discrimination tendant à écarter un candidat en raison de son origine sociale et non celle visant à favoriser les candidats sur ce fondement.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS

4.2.1. Impacts macroéconomiques

Néant.

4.2.2. Impacts sur les entreprises

Néant.

4.2.3. Impacts budgétaires

L'impact de la mesure est faible puisqu'il consiste aux frais liés à l'organisation des épreuves du premier concours externe, grâce au dispositif de bi-inscription adossé au concours externe.

Ce concours n'est donc, par principe, censé ne générer aucun coût supplémentaire.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Néant.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Néant.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

4.5.1. Impacts sur la société

Le premier concours spécial doit permettre à la magistrature de mieux refléter la diversité de la société française.

4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap

Néant.

4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes

Néant.

4.5.4. Impacts sur la jeunesse

Outre que l'augmentation des recrutements dans le cadre du plan quinquennal ouvrira de nouvelles opportunités professionnelles aux étudiants justifiant des conditions de diplômes requises pour candidater au premier concours externe, le premier concours spécial permettra d'accroître l'égalité des chances.

4.5.5. Impacts sur les professions réglementées

Néant.

4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Par la diversification des origines socio-professionnelles des magistrats recrutés, la magistrature pourra refléter plus fidèlement la société, permettant ainsi d'accroître la confiance des citoyens dans le système judiciaire.

4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

Néant.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission permanente d'étude du ministère de la justice a également été consultée les 2 et 21 mars 2023 en application de l'article 2 de l'arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès du premier président de cour d'appel. Cette consultation est facultative car, si elle est chargée de donner un avis sur les problèmes concernant le statut des magistrats, aux termes de l'alinéa de cet article : « Elle peut, en outre, être consultée sur les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés à l'initiative du ministère de la justice et ayant une incidence directe sur le fonctionnement des juridictions ».

Le Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux près les cours d'appels, des présidents de tribunal judiciaire et des procureurs de la République près les tribunaux judiciaires ont été consultés de manière informelle.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION

5.2.1. Application dans le temps

L'article 11 du présent projet de loi entre en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi au Journal officiel de la République française.

5.2.2. Application dans l'espace

Les dispositions relatives au statut de la magistrature s'appliquent par nature à l'ensemble du territoire de la République quel que soit le lieu d'exercice et indépendamment de toute considération géographique.

Les dispositions envisagées dans le projet de loi organique s'appliqueront donc de plein droit sur l'ensemble du territoire de la République.

5.2.3. Textes d'application

Les dispositions envisagées impliquent l'édiction d'un nouveau décret en Conseil d'Etat relatif aux modalités du recrutement de magistrats par le biais du concours spécial nouvellement créé à titre expérimental, notamment les modalités de mise en oeuvre de cette expérimentation, le contenu et les modalités de son évaluation de l'expérimentation.


* 1 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 ; Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 3

* 2 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 7 ; 19 juin 2001, n° 2001-445, cons. 4.

* 3 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 ; 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 3.

* 4 Cons. cons. 19 juin 2001 n° 2001-445 DC cons 4

* 5 Cons. cons. 22 juillet 1980, n° 80-119 DC

* 6 CE, n° 359716, 21 février 2014

* 7 La consultation de la commission permanente d'étude mise en place par l' arrêté du 8 décembre 2014 portant création d'une commission permanente d'études au ministère de la justice et d'une commission permanente d'études de service déconcentré placée auprès de chaque premier président de cour d'appel n'est pas obligatoire et cette dernière ne peut pas émettre de vote. La commission d'avancement visée à l' article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 n'est pas une instance de dialogue social mais un organe qui intervient dans la carrière du magistrat.

* 8 Il intervient à la fois en matière de discipline (article 65 de la constitution), qu'en matière de nomination (article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958), et en matière d'intégration dans le corps (Article 41-12 de l'ordonnance du 22 décembre 1958).

* 9 Dispositions des articles 32 à 54 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, abrogées et codifiées au titre Ier du livre V du code général de la fonction publique et ses décrets d'application concernant les positions : décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions) mais également les dispositions liées aux instances médicales et aux régimes juridiques afférents, décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique

* 10 CEDH, 23 juin 1981, série A n° 43, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique.

* 11 CEDH, 28 juin 1984, série A n° 80, Campbell et Fell c. Royaume-Uni.

* 12 CEDH, 28 juin 1984, série A n° 80, Campbell et Fell c. Royaume-Uni.

* 13 CEDH, 26 août 2003, Filippini c. Saint-Marin.

* 14 CEDH, 22 juin 1989, série A n° 155, Langborger c. Suède ou CEDH, 23 novembre 1993, série A n° 279, Holm c. Suède.

* 15 Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l'Europe, 8-10 juillet 1998.

* 16 Conseil consultatif des juges européens, Magna Carta des juges (ou Charte des Principes fondamentaux), Strasbourg, 1719 novembre 2010

* 17 Statistiques provenant de la Sous-direction des ressources humaines de la magistrature (Direction des services judiciaires - Ministère de la justice).

* 18 L'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État a créé l'Institut national du service public pour remplacer l'École nationale d'administration.

* 19 Dont 3 sur liste complémentaire.

* 20 Le nouveau calendrier du concours complémentaire s'est traduit par une « année blanche » en 2020.

* 21 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 ; Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 3.

* 22 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 37.

* 23 Cons. cons., 10 janvier 1995, n° 94-355 DC, cons. 28 à 34.

* 24 Loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour d'appel en service extraordinaire.

* 25 Cons. cons., 19 février 1998, n° 98-396 DC, cons. 3, 7, 8, 9.

* 26 Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 41.

* 27 Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 44.

* 28 Cons. Cons., 19 février 1998, n° 98-936 DC, cons. 8.

* 29 Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l'Europe, 8-10 juillet 1998.

* 30 Comité des Ministres, le 17 novembre 2010, Recommandation CM/Rec (2010) 12 du Comité des Ministres aux États membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités.

* 31 CCJE, avis n° 4, 2003, sur la formation des juges.

* 32 Systèmes judiciaires européens - Rapport d'évaluation de la CEPEJ - Cycle d'évaluation 2022.

* 33 CCJE, avis n° 1, 2001, sur les normes relatives à l'indépendance et à l'inamovibilité des juges.

* 34 Rendre justice aux citoyens - Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021 - avril 2022).

* 35 CE, 8 septembre 2021, n° 453471.

* 36 Décret n° 2008-483 du 22 mai 2008 modifiant le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'École nationale de la magistrature et le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature.

* 37 Cette bourse est versée par l'ENM en application de l'article 24-1 du Règlement intérieur de l'École nationale de la magistrature.

* 38 Cons. cons., 19 juillet 2010, n° 2010-611 DC.

* 39 Décision Cons. Cons. 19 février 1998, n° 98-936 DC, cons 8.

* 40 Rendre justice aux citoyens - Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021 - avril 2022).

* 41 La prudence et l'autorité. L'office du juge au XXIe siècle, Rapport de l'IHEJ (mai 2013).

* 42 Ainsi, entre 2017 et 2022, on note une augmentation de 51 % du nombre de candidats au concours complémentaire du 2nd grade ; une multiplication par plus de 8 du nombre de juristes-assistants candidats au recrutement dans la magistrature ; une augmentation de 19% du nombre d'inscrits au 1er concours.

* 43 En 2022, 81 candidats à l'intégration dans le corps de la magistrature ont présenté une candidature sur plusieurs fondements de l'ordonnance statutaire.

* 44 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 45 L'évaluation dite à 360 degrés, encore appelée « feedback », est une méthode d'analyse et de développement des compétences managériales tant individuelles que collectives. Elle est mise en oeuvre par un organe spécialisé, interne ou externe à la structure, et mobilise différents acteurs : supérieurs hiérarchiques, collègues, collaborateurs, subordonnés et partenaires extérieurs. Ces personnes, constituant un « panel » d'évaluateurs spécialement défini, sont, à partir d'un référentiel adapté, appelées à répondre confidentiellement à un questionnaire, par écrit ou dans le cadre d'entretiens individuels. La synthèse de ces consultations est restituée par l'évaluateur à l'intéressé afin de lui permettre de progresser dans l'exercice de ses fonctions. Cette méthode est conçue comme un outil essentiellement destiné au développement personnel permettant à l'évalué de faire le point sur ses compétences managériales et d'en tirer les conséquences. Dans certains cas, cette méthode peut être aménagée pour être utilisée à la gestion de carrière à des fins de promotion ou de nomination.

* 46 Circulaire n° 6346-SG du 20 avril 2022 relative aux lignes directrices de gestion interministérielle.

* 47 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 et 7.

* 48 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 16.

* 49 Cons. cons., 27 janvier 1994, n° 93-336 DC, cons. 27.

* 50 Cons. cons., 28 décembre 2006, n° 2006-545 DC, cons. 24 ; Cons. cons., 3 décembre 2009, n° 2009-595 DC, cons. 4 ; Cons. cons. 29 novembre 2013, n° 2013-356 QPC, cons. 5.

* 51 A savoir, le droit à un procès équitable, le délai raisonnable, l'exigence d'un tribunal indépendant et impartial, le droit à un recours effectif.

* 52 CEDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume Uni ; CEDH, 27 janvier 2015, Toni Kostadinov c. Bulgarie ; CEDH, 23 juin 2016, Baka c. Hongrie ; CEDH, 18 octobre 2018, Thiam c. France ; CEDH, 22 juin 2004, Pabla Ky c. Finlande.

* 53 CEDH, 6 octobre 2011, Agrokompleks c. Ukraine ; CEDH, 22 décembre 2009, Parlov-Tkalèiæ c. Croatie.

* 54 CCJE, avis n° 17, 2014, L'évaluation du travail des juges, la qualité de la justice et le respect de l'indépendance judiciaire.

* 55 CCJE, avis n° 19, 2016, Le rôle des présidents des tribunaux.

* 56 CEDH, 18 octobre 2018, Thiam c. France.

* 57 CCPE, avis n° 9, 2014 sur Les normes et principes européens concernant les procureurs.

* 58 CCPE, Avis n° 13, 2018, Indépendance, responsabilité et éthique des procureurs ; Avis n° 11, 2016 sur la qualité et l'efficacité du travail des procureurs.

* 59 Article 151 1° : Les juges sont indépendants dans l'exercice de leurs compétences juridictionnelles. Le ministère public est indépendant dans l'exercice des recherches et poursuites individuelles, sans préjudice du droit du ministre compétent d'ordonner des poursuites et d'arrêter des directives contraignantes de politique criminelle, y compris en matière de politique de recherche et de poursuite.

* 60 Voir notamment Approche méthodologique des coûts de la justice - Enquête sur la mesure de l'activité et l'allocation des moyens des juridictions judiciaires, Cour des comptes - décembre 2018 ; Améliorer la gestion du service public de la justice, Cour des comptes - octobre 2021

* 61 Rendre justice aux citoyens - Rapport du comité des Etats généraux de la justice (octobre 2021 - avril 2022)

* 62 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 ; Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 3.

* 63 Rendre justice aux citoyens - Rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021 - avril 2022).

* 64 Avis de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature du 24 septembre 2021.

* 65 En application du décret n° 95-735 relatif à la rémunération des membres du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que des membres du secrétariat général de ce conseil, les membres du CSM perçoivent une indemnité de fonction mensuelle, non soumise à retenue pour pension, à caractère forfaitaire. Cette indemnité est d'un montant de 3 033 € à 4 550 € correspondant un pourcentage allant de 50 % à 75 % de la moyenne des traitements bruts mensuels minimum et maximum de conseiller à la Cour de cassation, soit 6 067 €. L'avocat et les personnalités qualifiées qui ne peuvent continuer à exercer leur activité professionnelle bénéficient en outre d'une indemnité mensuelle égale au traitement brut mensuel moyen dont bénéficient les conseillers à la Cour de cassation, soit 6 097 €.

* 66 La commission d'avancement dresse et arrête chaque année le tableau d'avancement, lequel contient les noms des magistrats pouvant accéder au premier grade dès lors qu'ils remplissent les conditions prévues par l'article 15 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 (sept années d'ancienneté dont cinq ans de services effectifs en position d'activité ou de détachement depuis leur première installation). De même que les décrets portant nomination, les décrets portant promotion de grade sont pris par président de la République sur proposition du garde des sceaux, après avis conforme de la formation du CSM compétente, selon le cas, pour les magistrats du siège ou du parquet.

* 67 Arrêté du 12 novembre 2010 fixant la liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un 8e échelon. Il s'agit, pour l'essentiel, de fonctions d'encadrement (tous les emplois de président et de procureur de la République qui ne sont pas placés hors hiérarchie, certains emplois de premier vice-président et procureur de la République adjoint, certains emplois de premier vice-président adjoint et premier vice-procureur de la République, l'emploi de directeur de l'Ecole nationale des greffes) et tous les emplois d'inspecteur de la justice.

* 68 Arrêté du 10 octobre 2022 modifiant l'arrêté du 12 novembre 2010 fixant la liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un 8e échelon

* 69 Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

* 70 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 11 ; 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 7.

* 71 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 et 7.

* 72 Cons. cons., 10 janvier 1995, n° 94-355 DC, cons. 4 ; 27 janvier 1994, n° 93-336 DC, cons. 4 ; 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 4 ; 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 36.

* 73 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 26.

* 74 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 12, 20 ; 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 12, 20, 24 ; 27 janvier 1994, n° 93-336 DC, cons. 29 ; 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 26.

* 75 Cons. cons., 21 février 1992, n° 2001-445 DC, cons. 11, 12.

* 76 La procédure de diffusion des projets de nomination relevant du pouvoir de proposition du garde des sceaux (projets de nomination aux fonctions du siège autres que celles de magistrat du siège à la Cour de cassation, de premier président de cour d'appel ou de président de tribunal judiciaire, et aux fonction du parquet) est prévue à l'article 27-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui dispose que « Le projet de nomination à une fonction du premier ou du second grade et la liste des candidats à cette fonction sont communiqués pour les postes du siège ou pour ceux du parquet à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. / Ce projet de nomination est adressé aux chefs de la Cour de cassation, aux chefs des cours d'appel et des tribunaux supérieurs d'appel, à l'inspecteur général, chef de l'inspection générale de la justice, ainsi qu'aux directeurs et chefs de service de l'administration centrale du ministère de la justice, qui en assurent la diffusion auprès des magistrats en activité dans leur juridiction, dans le ressort de leur juridiction ou de leurs services. Ce document est adressé aux syndicats représentatifs de magistrats et, sur leur demande, aux magistrats placés dans une autre position que celle de l'activité. / Toute observation d'un candidat relative à un projet de nomination est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, et au Conseil supérieur de la magistrature. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux propositions de nomination prévues à l'article 26, ni aux projets de nomination pris pour l'exécution des décisions prévues aux 2°, 3° et 5° de l'article 45 et au second alinéa de l'article 46. ».

La procédure de diffusion des propositions de nominations faites par le CSM (nomination aux fonctions de magistrat du siège à la Cour de cassation, de premier président de cour d'appel ou de président de tribunal judiciaire) est prévue à l'article 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le CSM : « (...) / Pour chaque nomination de magistrat du siège à la Cour de cassation, de premier président de cour d'appel ou de président de tribunal judiciaire, la formation compétente du Conseil supérieur arrête, après examen des dossiers des candidats et sur le rapport d'un de ses membres, la proposition qu'elle soumet au Président de la République. / (...) ».

* 77 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC cons. 19, 20 ; 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 19, 20 ; 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 27.

* 78 Cons. cons., 27 janvier 1994, n° 93-336 DC, cons. 21.

* 79 Cons. cons., 27 janvier 1994, n° 93-336 DC, cons. 27.

* 80 Cons. cons., 21 février 1992, n° 2001-445 DC, cons. 14.

* 81 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 37, 57.

* 82 Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, Assemblée générales des Nations unies, 1985, §13

* 83 Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l'Europe, 8-10 juillet 1998.

* 84 Comité des Ministres, le 17 novembre 2010, Recommandation CM/Rec (2010) 12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités.

* 85 CCJE, 17 novembre 2010, Magna carta des juges.

* 86 CCJE, avis n° 1, 2001, Normes relatives à l'indépendance et à l'inamovibilité des juges.

* 87 Systèmes judiciaires européens - Rapport d'évaluation de la CEPEJ - Cycle d'évaluation 2022

* 88 Loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

* 89 L'attractivité des postes de premier président de Cour d'appel et président de tribunal judiciaire, Conseil supérieur de la magistrature, février 2021

* 90 Décret n° 2022-1452 du 23 novembre 2022 modifiant le statut particulier du corps des administrateurs de l'Etat.

* 91 Décret n° 2022-1454 du 23 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives à l'échelonnement indiciaire applicable à l'encadrement supérieur de l'Etat

* 92 Décret n° 2022-1452 du 23 novembre 2022 modifiant le statut particulier du corps des administrateurs de l'Etat.

* 93 Décret n° 2022-552 du 14 avril 2022 modifiant les dispositions relatives à l'avancement au sein du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

* 94 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 95 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 26.

* 96 Les emplois placés hors hiérarchie sont listés à l' article 3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature et à l' article 2 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour son application.

* 97 Cette dérogation est actuellement prévue à l' article 40 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature qui permet une nomination directe aux fonctions placées hors hiérarchie.

* 98 Décret n° 2022-1454 du 23 novembre 2022 portant diverses dispositions relatives à l'échelonnement indiciaire applicable à l'encadrement supérieur de l'Etat.

* 99 Rendre justice aux citoyens - Rapport du comité des Etat généraux de la justice (octobre 2021 - avril 2022).

* 100 Article L. 211-10, D. 211-5, D. 211-6, D. 211-6-1 et tableau VI du code de l'organisation judiciaire et D. 331-1-1, D. 631-1, D. 631-2, D. 521-6, D. 716-12 et D. 722-6 du code de la propriété intellectuelle.

* 101 Cons. cons., 24 octobre 1980, n° 80-123 DC ; 10 janvier 1995, n° 94-355 DC, cons. 37.

* 102 Cons. cons., 24 octobre 1980, n° 80-123 DC, cons. 4.

* 103 Cons. cons., 10 janvier 1995, n° 94-355 DC, cons. 37.

* 104 CEDH, 23 juin 1981, série A n° 43, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique.

* 105 CEDH, 28 juin 1984, série A n° 80, Campbell et Fell c. Royaume-Uni.

* 106 CEDH, 24 avril 1991, Vocaturo c. Italie, §17 ; CEDH, 24 janvier 1992, Cappello c. Italie, §17

* 107 CEDH, 22 septembre 1992, Boddaert c Belgique, §39.

* 108 Article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire.

* 109 Articles L. 312-1, L. 312-2, R. 312-1 et R. 312-7 du code de l'organisation judiciaire.

* 110 Article 3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 111 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 112 A rticle L. 121-3 du code de l'organisation judiciaire.

* 113 Loi n° 87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale.

* 114 Article 191 du code de procédure pénale dans sa version en vigueur du 3 février 1981 au 31 décembre 1987.

* 115 Article 2 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dans sa version en vigueur du 7 janvier 1994 au 1er janvier 2002. Le décret n° 93-1448 du 31 décembre 1993 modifiant le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 a ajouté à cet article 2 du décret du 7 janvier 1993 (qui énumérait alors les fonctions pouvant être exercées par les magistrats du second grade) la fonction de conseiller de cour d'appel.

* 116 Article 3 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa version en vigueur du 7 janvier 1994 au 1er janvier 2002.

* 117 Décret n° 2001-1380 du 31 décembre 2001 modifiant le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 118 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 et 11.

* 119 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 120 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 13.

* 121 Décision n° 2001-445 DC, 19 juin 2001, cons. 41 et 43.

* 122 Rendre justice aux citoyens - Rapport du comité des Etats généraux de la justice (octobre 2021 - avril 2022).

* 123 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 124 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 et 11.

* 125 Décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 126 Juge des enfants, juge d'instruction, juge d'application des peines, juge des libertés et de la détention, juge des contentieux de la protection.

* 127 Pour les magistrats placés : Loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980 relative au statut de la magistrature, Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

Pour les fonctions spécialisées et de chefs de juridiction : Loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

Pour les fonctions de conseiller et avocat général référendaire : article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dès sa version initiale.

* 128 Cons. cons., 26 janvier 1967, n° 67-31 DC ; 12 juillet 1967, n° 67-33 DC ; 19 juin 2001, n° 2001-445 DC.

* 129 Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 27 à 32.

* 130 Voir notamment Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC ; 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC.

* 131 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 26.

* 132 Voir notamment Guide sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

* 133 CEDH, 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e Sa c. Portugal.

* 134 CEDH, 8 novembre 2021, Dolinska-Ficek et Ozimek c. Pologne, §316.

* 135 CEDH, 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, §99-100.

* 136 CEDH, 1er décembre 2020, Gudmundur Andri Astraosson c. Islande, §234.

* 137 CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c. Belgique.

* 138 Loi n° 71 du 17 juin 2022, article 12 : LEGGE 17 giugno 2022, n. 71 - Normattiva.

* 139 Présentation synthétique de la réforme Cartabia sur le site de la chambre des députés italienne : Riforma dell'ordinamento giudiziario e del CSM (camera.it).

* 140 Conseil supérieur de la magistrature, rapport annuel d'activité, 1999.

* 141 Juge d'instruction, juge d'application des peines, juge des enfants, juge des libertés et de la détention, juge des contentieux de la protection.

* 142 Un changement de fonction ou de juridiction amène un magistrat à se confronter à d'autres pratiques professionnelles et à faire évoluer sa propre pratique (pratique de la collégialité, technique rédactionnelle et organisationnelle, mise à jour de ses connaissances juridiques, échanges et soutien entre les services, coordination des services, relations avec les partenaires extérieurs).

* 143 CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c. Belgique ; CEDH, 7 juin 2001, Kress c. France.

* 144 Juge d'instruction, juge d'application des peines, juge des enfants, juge des libertés et de la détention, juge des contentieux de la protection

* 145 Décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice.

* 146 CE, Ass., 19 février 2009, avis n° 382.293. Voir rapport public du Conseil d'État de 2009, édition 2010, p. 398.

* 147 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 3, 27.

* 148 Cons. cons., 26 janvier 1967, n° 67-31 DC.

* 149 Cons. cons., 12 juillet 1967, n° 67-33 DC.

* 150 Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 27 à 32 ; Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 20 et 24.

* 151 Belgique, République Tchèque, France, Italie, Lituanie, Monténégro, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Serbie, Slovénie, Espagne, Royaume-Uni.

* 152 Charte européenne de déontologie des services d'inspection nationaux

* 153 Décret n° 2017-1010 du 10 mai 2017 portant statut d'emplois d'inspecteur général et d'inspecteur de la justice.

* 154 Cons. Cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 27 à 32.

* 155 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 156 La position « sous les drapeaux » n'existe plus. L'ordonnance statutaire évoque toujours le service détaché alors que le statut général des fonctionnaires évoque le détachement depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l'Etat.

* 157 L'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État a créé l'Institut national du service public pour remplacer l'École nationale d'administration.

* 158 Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

* 159 Article 47 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : pour élever un enfant âgé de moins de douze ans ; pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire avec lequel l'intéressé est lié par un pacte civil de solidarité, à un ascendant à la suite d'un accident ou d'une maladie grave ou atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne ; pour suivre son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité lorsque celui-ci est astreint à établir sa résidence habituelle, à raison de sa profession, en un lieu éloigné du lieu d'exercice des fonctions du fonctionnaire.

* 160 Décret n° 2020-529 du 5 mai 2020 modifiant les dispositions relatives au congé parental des fonctionnaires et à la disponibilité pour élever un enfant.

* 161 Décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions.

* 162 Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 163 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 33 à 40.

* 164 CSM, Rapport d'activité pour l'année 2000, pages 30 et suivantes.

* 165 Primes prévues par le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire.

* 166 Décret n° 2020-529 du 5 mai 2020 modifiant les dispositions relatives au congé parental des fonctionnaires et à la disponibilité pour élever un enfant.

* 167 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 19, 20 ; 27 janvier 1994 DC, n° 93-336 DC, cons. 20, 21.

* 168 Articles L. 133-7-1 et L. 233-7 du code de justice administrative dans leur rédaction résultant du X de l'article 10 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat dans sa rédaction résultant du XV de l'article 10 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 169 Cons. cons., 22 décembre 1986, n° 86-219 DC ; 5 janvier 1988, n° 87-238 DC.

* 170 Cons. cons., 22 décembre 1986, n° 86-220 DC, cons. 6 à 8, cons. 10.

* 171 Articles 383 et suivants du Code judiciaire.

* 172 Article 386 de la Ley Organica 6/1985 del Poder Judicial

* 173 Article 5 du décret n° 511 du 31 mai 1946

* 174 Article 117 de la Constitution néerlandaise

* 175 Loi sur les tribunaux § 48

* 176 Infostat Justice n° 161, « Les magistrats : un corps professionnel féminisé et mobile »

* 177 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC

* 178 cf. notamment Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC ; 26 juillet 2016, n° 2016-732 DC

* 179 Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 55 à 58

* 180 CE, 8 novembre 2019, n° 401264, Briex contre Min.de la justice

* 181 CE, 16 octobre 2015, n° 380603.

* 182 A la différence des magistrats du siège et du parquet placés respectivement auprès du premier président et du procureur général d'une cour d'appel, mentionnés au 2° du I de l'article 1er de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, et qui sont « rattachés » à une cour d'appel et non nommés dans une juridiction.

* 183 Ainsi, par exemple, du décret n° 62-138 du 2 février 1962 relatif à l'organisation judiciaire dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, dont les dispositions des articles 15 et 16 ont été codifiées dans le code de l'organisation judiciaire au sein respectivement des articles R. 312-4 et R. 312-17.

* 184 Le code de l'organisation judiciaire connait également des dispositifs de délégation pour les agents de greffe, en ses articles R. 123-17, R 123-17-1, R. 212-17-3 et R. 563-3.

* 185 v. not. Conseil d'Etat, INT, avis n° 392557 du 8 février 2017.

* 186 Article 137-1-1 du code de procédure pénale : « Le juge des libertés et de la détention peut être suppléé en cas de vacance d'emploi, d'absence ou d'empêchement, par un magistrat du siège du premier grade ou hors hiérarchie désigné par le président du tribunal judiciaire. En cas d'empêchement de ces magistrats, le président du tribunal judiciaire peut désigner un magistrat du second grade.

Pour l'organisation du service de fin de semaine ou du service allégé pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, le juge des libertés et de la détention d'un tribunal judiciaire peut être désigné afin d'exercer concurremment ces fonctions dans, au plus, deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d'appel ; cette désignation est décidée par ordonnance du premier président prise à la demande des présidents de ces juridictions et après avis du président du tribunal judiciaire concerné ; elle en précise le motif et la durée, ainsi que les tribunaux pour lesquels elle s'applique ; la durée totale d'exercice concurrent des fonctions de juge des libertés et de la détention dans plusieurs tribunaux judiciaires ne peut excéder quarante jours au cours de l'année judiciaire.

La désignation prévue à l'alinéa précédent peut également être ordonnée, selon les mêmes modalités et pour une durée totale, intermittente ou continue, qui ne peut excéder quarante jours, lorsque, pour cause de vacance d'emploi ou d'empêchement, aucun magistrat n'est susceptible, au sein d'une juridiction, d'exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention. »

* 187 « Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature.

Une loi organique porte statut des magistrats.

Les magistrats du siège sont inamovibles. ».

* 188 Voir décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, cons. 24 ; décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, cons. 4 ; décision n° 2013-356 QPC du 29 novembre 2013.

* 189 « Art. L. 121-5. - Lorsque le renforcement temporaire et immédiat des tribunaux judiciaires apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, le premier président peut, par ordonnance, déléguer au sein de ces tribunaux les magistrats exerçant à titre temporaire ou les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles mentionnées à l'article 41-25 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dans une juridiction du ressort de la cour d'appel.

Un magistrat ainsi délégué exerce ses fonctions dans les conditions fixées par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée.

Il ne peut être délégué plus de trois fois au cours de la même année judiciaire. Ses délégations ne peuvent excéder une durée totale de trois mois.

L'ordonnance mentionnée au premier alinéa précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué. »

« Art. L. 125-1. - Sans préjudice des articles L. 121-4 et L. 513-4, lorsque la nécessité de garantir la continuité du service public de la justice le rend indispensable, des magistrats de la cour d'appel de Paris peuvent, à titre exceptionnel, compléter les effectifs d'une juridiction d'outre-mer à la demande du premier président ou du procureur général de la cour d'appel du département, de la région ou de la collectivité d'outre-mer concernée.

Ces magistrats sont désignés, avec leur accord, par le premier président de la cour d'appel de Paris, s'agissant des magistrats du siège, ou par le procureur général près la cour d'appel de Paris, s'agissant des magistrats du parquet, sur une liste arrêtée par eux pour chaque année civile. Ils complètent les effectifs de la juridiction d'outre-mer pendant une période ne pouvant excéder trois mois.

Lorsque la venue des magistrats ainsi désignés n'est pas matériellement possible soit dans les délais prescrits par la loi ou le règlement, soit dans les délais exigés par la nature de l'affaire, ces magistrats participent à l'audience et au délibéré du tribunal depuis un point du territoire de la République relié, en direct, à la salle d'audience, par un moyen de communication audiovisuelle.

Les modalités d'application du deuxième alinéa du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

* 190 Cons. cons., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, cons. 384 à 386.

* 191 https://www.gesetze-im-internet.de/drig/

* 192 https://www.ejustice.just.fgov.be/wet/loi.htm.

* 193 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-1985-12666.

* 194 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-1982-837.

* 195 https://legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/1980/03/07/n1/jo.

* 196 https://www.normattiva.it/uri-res/N2Ls?urn:nir:stato:regio.decreto:1941-01-30;12.

* 197 https://www.normattiva.it/uri-res/N2Ls?urn:nir:stato:legge:2001;48.

* 198 Quotas actuels : décret du 23 mars 2022 https://www.giustizia.it/giustizia/it/mg_1_8_1.page?contentId=SDC372955.

Conditions prévues dans le décret ministériel du 27 décembre 2021 https://www.giustizia.it/giustizia/it/mg_1_8_1.page?contentId=SDC360539&previsiousPage=mg_14_7.

* 199 https://www.csm.it/web/csm-internet/-/circolare-in-materia-di-supplenze-assegnazioni-applicazioni-e-magistrati-distrettuali.

* 200 Cons. cons. 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6.

* 201 CE, int., 30 juillet 2015, avis n° 390291, §23.

* 202 Cons. cons., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC.

* 203 Ce dispositif s'intégrera dans le code de l'organisation judiciaire en suite du décret n° 2023-39 du 27 janvier 2023 instaurant un dispositif général de délégation d'agents de greffe dans les juridictions d'outre-mer et de Corse, dispositif prévu pour les mêmes motifs.

* 204 En raison de cette logique externe à la juridiction, la suppléance de magistrats dans une section détachée organisée à l'article R. 552-20 du code de l'organisation judiciaire n'est pas affectée par ce rehaussement du niveau de norme, dans la mesure où la section détachée demeure un démembrement du tribunal de première instance. De même, sont maintenus en l'état les articles R. 212-4 et R. 212-14 du code de l'organisation judiciaire, qui organisent respectivement l'intérim du président et du procureur de la République au sein de la juridiction.

* 205 Les dispositions sont, en cohérence, supprimées du code de procédure pénale aux termes de l'article 15 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice.

* 206A titre d'exemple, l'article LO.552-9-1 est ainsi rédigé : « En cas d'absence ou d'empêchement, le procureur de la République est suppléé avec son accord par un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet du tribunal de première instance désigné par le procureur général.

En cas d'absence ou d'empêchement du magistrat ainsi désigné, le procureur de la République est remplacé par le magistrat du parquet du tribunal de première instance le plus ancien dans le grade le plus élevé. »

* 207 Le déclassement a été réalisé par le Conseil d'Etat, lors de la refonte du code de l'organisation judiciaire en 2006. V. note séance du 1er juin 2006 n° 373.099 et 373.114.

* 208Article R. 122-2 du code de l'organisation judiciaire : « En cas de vacance d'emploi ou d'empêchement d'un ou plusieurs magistrats ou lorsque le renforcement temporaire et immédiat des juridictions du premier degré apparaît indispensable pour assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable, le procureur général peut déléguer, pour remplir les fonctions du ministère public près les tribunaux du ressort de la cour d'appel, un magistrat du parquet général ou un magistrat du parquet d'un tribunal judiciaire du ressort de cette cour. Cette délégation ne peut excéder une durée de trois mois.

La décision mentionnée au premier alinéa précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué. » ;

Article R. 122-4 du code de l'organisation judiciaire : « Pour l'organisation du service de fin de semaine ou du service allégé pendant la période au cours de laquelle les magistrats bénéficient de leurs congés annuels, le procureur général peut désigner, après avis des procureurs de la République concernés, un magistrat du parquet d'un tribunal judiciaire de son ressort pour exercer également les compétences du ministère public près d'au plus deux autres tribunaux judiciaires du ressort de la cour d'appel.

La décision portant désignation en précise le motif et la durée ainsi que les tribunaux pour lesquels elle s'applique. »

* 209 CE, Section de l'Intérieur, 21 février 2012, n° 385.848.

* 210 Les dispositions sont, en cohérence, supprimées du code de procédure pénale par le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice.

* 211 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 60 à 62

* 212 CE, 22 avril 1966, n° 59340.

* 213 Cons. cons., 25 juillet 1989, n° 89-257 DC ; Cons. cons., 16 août 2007, n° 2007-556 DC.

* 214 Cons. cons., 19-20 janvier 1981, n° 80-127 DC.

* 215 Cons. cons., 25 juillet 1979, n° 79-105 DC, cons. 1.

* 216 Depuis 1958, trois régimes d'interdiction ont été adoptés ou confirmés par la loi, celui des personnels du service des transmissions du ministère de l'Intérieur, celui relatif aux ingénieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile et enfin celui des militaires.

* 217 Cons. cons., 28 avril 2005, n° 2005-514 DC ; Cons. cons., 11 avril 2014, n° 2014-388 QPC, CGT-FO et a.

* 218 Cons. cons., 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC.

* 219 Cons. cons., 9 déc. 2011, n° 2011-205 QPC, Patelise F., cons. 7. Pour une première application du principe de participation des travailleurs à des agents publics, v. déc. du 28 janvier 2011, n° 2010-91 QPC, Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux.

* 220 Cons. cons., 28 juillet 1987, n° 87-230 DC, cons. 12.

* 221 Cons. cons., 25 juillet 1979, n° 79-105 DC, cons. 5.

* 222 Cons. cons., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, cons. 11 ; Cons. cons., 7 août 2008, n° 2008-569 DC, cons. 9.

* 223 E. Marc et Y. Struillou, « Droit du travail et droit de la fonction publique : des influences réciproques à l'émergence d'un “droit de l'activité professionnelle” ? », RFDA, 2010, p. 1169.

* 224 Cons. cons., 27 janvier 1994, n° 93-337 DC, cons. 5 et 6.

* 225 Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l'Europe, Strasbourg 8-10 juillet 1998

* 226 CEDH, Demir et Baykara c. Turquie, 12 novembre 2008.

* 227 Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l'Europe, Strasbourg 8-10 juillet 1998.

* 228 CCJE, 17 novembre 2010, Magna carta des juges.

* 229 Mission haute fonction publique - Propositions - 30 janvier 2020

* 230 CE, 10 octobre 2007, n° 295455

* 231 CE, Ass., 23 mars 1973, n° 76767, Fédération du personnel de la défense nationale CFDT, Lebon, s'agissant des accords de Grenelle du 27 mai 1968 ; CE, 6 novembre 1998, n° 185332, Alcamo, Lebon, s'agissant des accords « Durafour » ; CE, 29 novembre 2002, n° 233627, Fédération de la santé et de l'action sociale CGT.

* 232 Article abrogé avec l'entrée en vigueur du code général de la fonction publique (CGFP) ; disposition reprise à l'article L. 222-1 du CGFP.

* 233 L'opt-in est l'adhésion aux accords conclus. L'opt-out est la renonciation aux accords.

* 234 Accord égalité hommes femmes du 20 juillet 2020.

* 235 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 64 ; 10 janvier 1995, n° 94-355 DC, cons. 8 ; 20 février 2003, n° 2003-466 DC, cons. 4 ; 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 73 ; 17 décembre 2021, n° 2021-829 DC, cons. 3

* 236 Cons. cons., 20 février 2003, n° 2003-466 DC, cons. 4

* 237 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 74 et 78 ; 21 mars 2019, n° 2019-779 DC, cons. 9 ; 17 décembre 2021, n° 2021-829 DC, cons. 9, 10, 16, 17

* 238 Cons. cons., 8 juillet 2011, n° 2011-147 QPC, M. Tarek J., cons. 4 et 5

* 239 Cons. cons., 1er avril 2016, n° 2016-532 QPC, M. Jean-Marc E. et autres, cons. 5

* 240 Cons. cons., 29 août 2002, n° 2002-461 DC, Loi d'orientation et de programmation pour la justice, cons. 18.

* 241 CJCE, 22 novembre 2005, Mangold, aff. C-144/04 ; CJCE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdeveci contre Swedex, aff. C-555/07

* 242 CJUE, 26 septembre 2013, Dansk Jurist, C-546/11, §41

* 243 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 64 ; 10 janvier 1995, n° 94-355 DC, cons. 8 ; 20 février 2003, n° 2003-466 DC, cons. 4 ; 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 73 ; 17 décembre 2021, n° 2021-829 DC, cons. 3

* 244 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 74 et 78 ; 21 mars 2019, n° 2019-779 DC, cons. 9 ; 17 décembre 2021, n° 2021-829 DC, cons. 9, 10, 16, 17

* 245 Dans le cadre de la préparation de l'avant-projet de loi organique relative à l'indépendance des magistrats et à l'ouverture du corps judiciaire, ayant donné lieu à l'adoption de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, la Direction des services judiciaires a organisé plusieurs concertations avec les organisations syndicales représentatives de magistrats (bilatérales DSJ/USM des 20 octobre 2014 et 15 janvier 2015, DSJ/SM des 21 octobre 2014 et 15 janvier 2015, DSJ/FO des 22 octobre 2014 et 15 janvier 2015). Les organisations syndicales se sont unanimement déclarées favorables à l'abaissement de l'âge maximal des magistrats honoraires juridictionnels à 72 ans.

* 246 Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, art 18.

* 247 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature,
art 50-3.

* 248 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, art 63.

* 249 Cons. cons., 1er mars 2007, n° 2007-551 DC, cons. 11.

* 250 Cons. cons., 19 juillet 2010, n° 2010-611 DC, cons. 16 à 22.

* 251 Rapport sur l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire dans les États membres du Conseil de l'Europe en 2017. Établi par le Bureau du CCJE sur proposition du Secrétaire général du Conseil de l'Europe.

* 252 CEDH, 9 janvier 2013, Volkov c. Ukraine, n° 21722.

* 253 CEDH, 30 avril 2015, Mitrinovski c. l'ex-République yougoslave de Macédoine, n° 6899/12.

* 254 CEDH, 7 janvier 2016, Gerovska Popèevska c. l'ex-République yougoslave de Macédoine, n° 48783/07.

* 255 CEDH, 23 juin 2016, Baka c. Hongrie, n° 20261/12.

* 256 Avis n° 3 du Conseil Consultatif des Juges Européens (CCJE) à l'attention du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur les principes et règles régissant les impératifs professionnels applicables aux juges et en particulier la déontologie, les comportements incompatibles et l'impartialité en date du 19 novembre 2002.

* 257 Guy Canivet, Julie Joly-Hurard, « La responsabilité des juges, ici et ailleurs », Revue internationale de droit comparé, n° 4, 2006, p. 1049.

* 258 Rapport n° 635 (2008-2009) - projet de loi organique relatif à l'article 65 de la Constitution

* 259 CE, 23 mars 2018, nOS  406066, 406497, 406498 et 407474.

* 260 Avis au Président de la République, formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, 24 septembre 2021.

* 261 Rapport d'activité 2021, Conseil supérieur de la magistrature.

* 262 Rapport annuel d'activité 2014, Conseil supérieur de la magistrature.

Rapport annuel d'activité 2015, Conseil supérieur de la magistrature.

Rapport annuel d'activité 2016, Conseil supérieur de la magistrature.

Rapport annuel d'activité 2019, Conseil supérieur de la magistrature.

Rapport annuel d'activité 2021, Conseil supérieur de la magistrature.

* 263 Article 50-2 : « Le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d'appel ou les présidents de tribunal supérieur d'appel. »

Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui peut demander une enquête à l'inspection générale de la justice. »

Article 63 : « Le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adresse le garde des sceaux, ministre de la justice.

Le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent les procureurs généraux près les cours d'appel ou les procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d'appel.

Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui peut demander une enquête à l'inspection générale de la justice. »

* 264 Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 265 L'article 66 de l'ordonnance statutaire énonce que lorsque le garde des sceaux entend prendre une sanction plus grave que celle proposée par la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, il saisit le CSM de son projet de décision motivée. Celui-ci émet alors un nouvel avis.

L'article 69 de l'ordonnance statutaire permet de mettre une procédure spécifique à l'égard d'un magistrat dont l'état de santé apparait incompatible avec l'exercice de ses fonctions. Dans l'attente de l'avis du comité médical, le garde des sceaux peut suspendre le magistrat après avis du CSM.

* 266 CE, 24 juillet 1987, no 53676 , CE, 17 janvier 1996, no 156833 ; CE, 6 avril 2001, n° 218264 ; CE, 26 juillet 2007, n° 297930 , CE, 22 octobre 1999, n° 196400.

* 267 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC.

* 268 Rapport annuel d'activité 1999, Conseil supérieur de la magistrature.

* 269 Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC.

* 270 Charte européenne sur le statut des juges, 10 juillet 1998.

* 271 Conseil Consultatif des Juges Européens (CCJE), avis n° 3 sur les principes et règles régissant les impératifs professionnels applicables aux juges et en particulier la déontologie, les comportements incompatibles et l'impartialité, 19 novembre 2002.

* 272 CEDH, 31 janv. 2023, n° 37058/19, François Thierry c/ France s'agissant d'une sanction prononcée à l'encontre d'un officier de police judiciaire.

* 273 CE, 19 juin 1989, n° 68976, Benhamou ;CE, 28 sept. 1990 , n° 83066, CH spécialisé Maison-Blanche

* 274 Avis au Président de la République, formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, 24 septembre 2021.

* 275 Cons. cons., 17 mars 2022, n°  2022-839 et 2022-838 DC.

* 276 CEDH, 18 oct. 2011, n° 10247/09, Sosinowska c/ Pologne ; CEDH, 12 février 2008, n° 14277/04, Guja c/ Moldavie.

* 277 Ley Orgánica 6/1985, de 1 de julio, del Poder Judicial

* 278 Article 36 du règlement du Conseil supérieur de la magistrature italien

* 279 Loi canadienne du 15 avril 2007

* 280 Loi italienne n° 179 du 30 novembre 2017

* 281 Accord du 30 novembre 2018 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, paru le 1er février 2019.

* 282 Conseil d'Etat, 6ème / 1ère SSR, 11 février 2015, n° 372359, cons. 2.

* 283 Le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger.

* 284 CEDH, Grande chambre, 12 février 2008, n° 14277/04, Guja c/ Moldova.

* 285 Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

* 286 Hors Hiérarchie

* 287 Premier grade

* 288 Second grade

* 289 Données issues des baromètres 2019 et 2021 égalité femmes-hommes

* 290 Premier président de la cour d'appel (fonction placée hors hiérarchie).

* 291 Président de tribunal judiciaire placé hors hiérarchie.

* 292 Président de tribunal judiciaire du premier grade de la hiérarchie judiciaire.

* 293 Procureur général près une cour d'appel (fonction placée hors hiérarchie).

* 294 Procureur de la République près un tribunal judiciaire placé hors hiérarchie.

* 295 Procureur de la République près un tribunal judiciaire du premier grade de la hiérarchie judiciaire.

* 296 L'action 11 de l' accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au ministère de la justice vise à construire avec les organisations syndicales un diagnostic relatif aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Dans le cadre de la déclinaison de cette action, des travaux non rendus publics ont été menés concernant les écarts de rémunérations entre les magistrats femmes et hommes.

* 297 Arrêté du 12 novembre 2010 modifié fixant la liste des emplois du premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un 8ème échelon.

* 298 Arrêté du 10 octobre 2022 fixant pour les magistrats de l'ordre judiciaire la liste des emplois éligibles à la nouvelle bonification indiciaire et le montant de la nouvelle bonification indiciaire attribué à chacun d'eux.

* 299 Cons. cons., 18 novembre 1982, n° 82-146 DC.

* 300 Cons. cons., 16 mars 2006, n° 2006-533 DC.

* 301 Cons. cons., 24 avril 2015, n° 2014-465 QPC.

* 302 CEDH, 8 juin 1976, n° 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72 et 5370/72, Engel et a. c/ Pays-Bas, §72.

* 303 CEDH, 21 décembre 1999, n° 33290/96, Salgueiro Da Silva Mouta c/ Portugal, § 28 ; CEDH, 30 avril 2009, n° 13444/04, Glor c/ Suisse, § 80 ; CEDH, 18 février 2020, n° 3891/19, Cinta c/ Roumanie, § 66 ; CEDH, 8 juin 1976, Engel et a., § 72 et CEDH, 16 mars 2010, n° 42184/05, Carson et a. c/ Royaume-Uni, Gr. Ch., §§ 70-71.

* 304 CEDH, 13 juillet 2010, n° 7205/07, Clift c/ Royaume-Uni, §§ 56-58.

* 305 CEDH, 22 mars 2016, n° 23682/13, Guberina c/ Croatie et CEDH, 19 décembre 2018, n° 20452/14, Molla Sali c/ Grèce, Gr. ch.

* 306 Les éléments sont issus d'une étude du bureau du droit comparé et de la diffusion du droit du ministère de la justice, actualisés au 1er juin 2017, sauf date plus récente mentionnée.

* 307 En Allemagne, il existe de nombreux textes, de nature constitutionnelle ou légale. Certains textes ont une portée générale : c'est notamment le cas de l'alinéa 3 de la Loi fondamentale sur l'égalité entre hommes et femmes ou de certains textes de loi, telles que la loi de 1994 relative à la représentation des femmes et des hommes dans les commissions relevant du champ d'intervention de la Fédération ou celle de 2006 transposant quatre directives européennes de lutte contre la discrimination. Chaque Land vote sa propre « Gleichstellungsgesetz » (loi relative à l'égalité hommes-femmes) et ses propres lois relatives à la fonction publique, lesquelles peuvent contenir des dispositions en vue de favoriser l'égalité hommes-femmes

* 308 arrêté royal du 2 juin 2012 ; Il n'y a pas de processus de recrutement et de structure de formation des magistrats, comparables à l'Ecole nationale de la magistrature en France. Traditionnellement, les juges anglais sont choisis en priorité parmi les avocats talentueux et distingués par la profession.

* 309 Ley Orgánica 3/2007, de 22 de marzo, para la igualdad efectiva de mujeres y hombres

* 310 Composition du comité

* 311 Stratégie sur la diversité et l'inclusion des juges 2020-2025 - Judicial Diversity and Inclusion Strategy

* 312 Concernant les personnalités qualifiées désignées par le Président de la République, conformément au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, la commission permanente compétente de chaque assemblée doit être consultée. Il ne peut être procédé à la nomination lorsque l'ensemble des votes négatifs des deux commissions représente au moins 3/5ème des suffrages exprimés.

* 313 Article 1er de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

* 314 Article 2 de la loi organique du 5 février 1994.

* 315 Article 4-1 de la loi organique du 5 février 1994.

* 316 Alinéas 6 et 7 de l'article 65 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège. »

* 317 Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC.

* 318 Cons. cons., 19 juillet 2010, n° 2010-611 DC, cons. 6.

* 319 Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l'Europe, 8-10 juillet 1998.

* 320 « Les juges : indépendance, efficacité et responsabilités », recommandation CM/Rec(2010)12, Comité des ministres des Etats membres du Conseil de l'Europe, 17 novembre 2010,

* 321 CCJE, avis n° 24, 2021, « Evolution des Conseils de justice et leur rôle dans des systèmes judiciaires indépendants et impartiaux ».

* 322 CEDH, 9 janvier 2013, Oleksandr Volkov c. Ukraine, §109 à 117.

* 323 Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 324 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC.

* 325 Cons.cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC.

* 326 CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique.

* 327 CEDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume-Uni.

* 328 CEDH, 26 août 2003, Filippini c. Saint-Marin.

* 329 CEDH, 22 juin 1989, Langborger c. Suède ; CEDH, 25 novembre 1993, Holm c. Suède.

* 330 Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, Nations unies, 1985.

* 331 Conseil de l'Europe, Charte européenne sur le statut des juges, Strasbourg, 8-10 juillet 1998

* 332 Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

* 333 Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 334 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

* 335 Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 336 Loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

* 337 Délibération n° 2022-002 du 13 janvier 2022 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'Etat relatif au dossier individuel des magistrats de l'ordre judiciaire et à sa gestion sur support électronique.

* 338 CE, 19 août 2022, n° 454531.

* 339 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 17.

* 340 Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 65 et 70.

* 341 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD).

* 342 Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.

* 343 Loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel.

* 344 Articles 17, 18-1, 21-1, 22, 23, 40, 41-9 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Pour une présentation exhaustive, se reporter à l'état des lieux de l'article 1er de la présente étude.

* 345 En 2021, 150 auditeurs de justice ont été recrutés par la voie du 1er concours sur 335 recrutements au total.

* 346 Décret n° 2019-99 du 13 février 2019 relatif aux concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature

* 347 Décret n° 2008-1511 du 31 décembre 2008 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature

* 348 Mission haute fonction publique - Propositions, 30 janvier 2020

* 349 Versée en application de l'article 24-1 du Règlement intérieur de l'École nationale de la magistrature

* 350 Cons. cons., 21 décembre 2020, n° 2020-810 DC, cons. 43 ; Cons. cons., 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, cons 311

* 351 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 ; Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 3.

* 352 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 37.

* 353 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 12, 20 ; Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 12, 20, 24 ; Cons. cons., 27 janvier 1994, n° 93-336 DC, cons. 29 ; Cons. cons., 28 juillet 2016, n° 2016-732 DC, cons. 26 ; Cons. cons., 19 mars 2021, n° 2020-890 QPC, cons. 5.

* 354 Cons. cons., 24 octobre 2012, n° 2012-656 DC, cons. 9.

* 355 CE, 13 juillet 2021, n° 452060.

* 356 Charte européenne sur le statut des juges, Conseil de l'Europe, 8-10 juillet 1998.

* 357 Comité des Ministres, le 17 novembre 2010, Recommandation CM/Rec (2010) 12 du Comité des Ministres aux États membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités.

* 358 CCJE, avis n° 4, 2003, sur la formation des juges.

* 359 Présentation de la cellule Diversité

* 360 Stratégie sur la diversité et l'inclusion des juges 2020-2025 - Judicial Diversity and Inclusion Strategy

* 361 Equality Act 2010 ; Constitutional Reform Act 2005

* 362 Présentation du programme

* 363 Profil de la promotion 2023 des auditeurs de justice

* 364 Cons. cons., 21 février 1992, n° 92-305 DC, cons. 6 ; Cons. cons., 19 juin 2001, n° 2001-445 DC, cons. 3.

* 365 Total des dépenses des classes « Prépas Talents » pour l'année 2022 : 834 586 euros

* 366 Arrêté du 5 août 2021 relatifs aux cycles de formation dénommés « Prépa Talents » préparant aux concours d'accès à certaines écoles ou organismes assurant la formation de fonctionnaires ou de magistrats de l'ordre judiciaire

* 367 Institut national du service public, Centre nation de la fonction publique territoriale, École des hautes études de santé publique, École nationale supérieure de la police, Institut national du service public pénitentiaire, établissement

* 368 Arrêté du 5 août 2021 fixant la liste des cycles de formation dénommés « Prépas Talents » préparant aux concours d'accès à certaines écoles ou organismes assurant la formation de fonctionnaires ou de magistrats de l'ordre judiciaire

* 369 Arrêté du 22 mai 2008 relatif à l'organisation des classes préparatoires au premier concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature

* 370 Article 3 de l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public

* 371 Mission haute fonction publique - Propositions, 30 janvier 2020

Les thèmes associés à ce dossier