Lutte contre les pénuries de médicaments et de vaccins (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 861

SÉNAT


SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 août 2022

PROPOSITION DE LOI


visant à lutter contre les pénuries de médicaments et de vaccins,


présentée

Par MM. Jean-Pierre DECOOL, Daniel CHASSEING, Claude MALHURET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MARC, Joël GUERRIAU, Jean-Louis LAGOURGUE, Pierre MÉDEVIELLE, Jean-Pierre GRAND, Dany WATTEBLED, Mme Sonia de LA PROVÔTÉ, MM. Philippe BONNECARRÈRE, Damien REGNARD, Alain HOUPERT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Mme Jocelyne GUIDEZ, MM. François BONHOMME, Jean-Luc FICHET, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Rachid TEMAL, Jean-François LONGEOT, Mme Nathalie DELATTRE, M. Yves DÉTRAIGNE, Mme Sylvie VERMEILLET, MM. Jean-Jacques PANUNZI, Antoine LEFÈVRE, Jacques LE NAY, Bernard FOURNIER, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, MM. Éric JEANSANNETAS, Jean-Claude TISSOT, Pierre LOUAULT, Marc LAMÉNIE, Mme Catherine DUMAS, MM. Sébastien MEURANT, Hugues SAURY, Éric GOLD, Yannick VAUGRENARD, Olivier CIGOLOTTI, Mme Brigitte LHERBIER, MM. Jean-Raymond HUGONET, Jean-Pierre MOGA, Jean-Noël CARDOUX, Mmes Françoise FÉRAT, Anne-Catherine LOISIER, Véronique GUILLOTIN, MM. Jean-Marie VANLERENBERGHE, Jean-Noël GUÉRINI, Claude KERN, Jean-Pierre CORBISEZ, Gilbert-Luc DEVINAZ, Mmes Corinne IMBERT, Claudine THOMAS et Pascale GRUNY,

Sénateurs et Sénatrices


(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi visant à lutter contre les pénuries de médicaments et de vaccins


Chapitre Ier

Renforcer la stratégie nationale de lutte contre les difficultés d’approvisionnement de médicaments


Article 1er

Après l’article L. 5121-29 du code de la santé publique, sont insérés des articles L. 5121-29-1 à L. 5121-29-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 5121-29-1. – Un conseil stratégique de lutte contre les difficultés d’approvisionnement de médicaments, placé sous l’autorité du Premier ministre, définit un plan national de prévention et de résolution des causes des ruptures d’approvisionnement de médicaments.

« À cet effet, il est chargé :

« 1° D’établir la liste des médicaments et substances pharmaceutiques actives essentiels à la sécurité sanitaire nationale ;

« 2° D’évaluer les besoins de médicaments exposés à un fort risque de tension ou rupture d’approvisionnement et de déterminer, le cas échéant, la quantité et la durée des stocks de sécurité susceptibles d’être constitués par les établissements de santé et les établissements pharmaceutiques pour ces médicaments ;

« 3° De coordonner la mise en œuvre de protocoles d’action pour la prévention et la gestion de tensions et ruptures d’approvisionnement de médicaments essentiels à la sécurité sanitaire nationale. Ces protocoles peuvent prévoir, le cas échéant, de confier à des établissements pharmaceutiques gérés par des établissements publics de santé, à des établissements de ravitaillement sanitaire du service de santé des armées ou à la pharmacie centrale des armées la production de certains médicaments essentiels à la sécurité sanitaire, en fonction de leur niveau de criticité ;

« 4° De proposer des orientations en faveur de la relocalisation en France de sites de production de médicaments et de substances pharmaceutiques actives essentiels à la sécurité sanitaire nationale et de l’amélioration des techniques et procédés de fabrication de ces produits.

« Art. L. 5121-29-2. – Le conseil mentionné à l’article L. 5121-29-1 comprend :

« 1° Des représentants des ministres chargés de la santé et de l’industrie ;



« 2° Des représentants de l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 ;



« 3° Des représentants d’établissements pharmaceutiques gérés par des établissements publics de santé, des établissements de ravitaillement sanitaire du service de santé des armées et de la pharmacie centrale des armées ;



« 4° Des représentants des médecins et des pharmaciens ;



« 5° Des représentants des grossistes-répartiteurs ;



« 6° Des représentants d’associations de patients ;



« 7° Des représentants des entreprises pharmaceutiques.



« Le ministre chargé de la santé assure la vice-présidence du conseil.



« Art. L. 5121-29-3. – La composition, l’organisation et le fonctionnement du conseil mentionné à l’article L. 5121-29-1 sont fixés par décret en Conseil d’État. »


Chapitre II

Améliorer la transparence de l’information disponible sur les difficultés d’approvisionnement de médicaments


Article 2


Le troisième alinéa de l’article L. 5121-31 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les plans de gestion des pénuries sont rendus publics sur le site internet de l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1. »


Article 3

Après l’article L. 5121-32 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5121-32-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 5121-32-1 A. – Une plateforme d’information dédiée au suivi actualisé des situations de pénurie ou tension d’approvisionnement de médicaments est accessible à l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1, aux médecins et pharmaciens, aux établissements autorisés au titre d’une activité de grossiste-répartiteur et aux entreprises pharmaceutiques dans des conditions déterminées par décret. »


Chapitre III

Sanctionner les comportements entravant l’approvisionnement approprié et continu du marché national en médicaments


Article 4


Le 1° de l’article L. 5423-9 du code de la santé publique est complété par les mots : « et de ne pas permettre aux établissements autorisés au titre d’une activité de grossiste-répartiteur de remplir les obligations de service public mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5124-17-2 ».


Article 5


Au deuxième alinéa du III de l’article L. 5471-1 du code de la santé publique, les mots : « le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d’un » sont remplacés par les mots : « l’ensemble des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux commercialisés, dans la limite de trois ».


Chapitre IV

Prendre en compte les impératifs d’approvisionnement dans les conditions encadrant la commercialisation des médicaments


Article 6

L’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le II est complété par des 8° et 9° ainsi rédigés :

« 8° La soutenabilité des capacités de production de l’entreprise exploitant le médicament et leur adéquation à la demande projetée de la spécialité concernée ;

« 9° La place de la spécialité dans l’arsenal thérapeutique disponible sur le territoire français pour le traitement des indications concernées. » ;

2° Après le même II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – À la demande de l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 du code de la santé publique, le prix de vente mentionné au I du présent article peut être fixé à un niveau supérieur par convention ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé pour tenir compte du risque d’exposition d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur mentionné à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique à des ruptures d’approvisionnement récurrentes et des conditions financières et industrielles de son exploitation. »


Chapitre V

Garantir l’approvisionnement continu de médicaments et substances pharmaceutiques actives essentiels à la sécurité sanitaire nationale


Article 7

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 5124-9-1, il est inséré un article L. 5124-9-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 5124-9-2. – Les activités mentionnées à l’article L. 5124-1 portant sur des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4 pour lesquels un arrêt de commercialisation ou des ruptures d’approvisionnement récurrentes sont constatés par l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 peuvent être réalisées, à titre exceptionnel et pour une durée limitée, par des établissements publics dans des conditions et selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État.

« Le décret mentionné au premier alinéa du présent article précise :

« 1° Les conditions du transfert de l’autorisation de mise sur le marché du médicament concerné à l’établissement public ;

« 2° Les conditions de fixation du prix de vente du médicament dont la production est confiée à l’établissement public ;

« 3° Les conditions dans lesquelles un médicament protégé par un brevet peut être soumis au régime de la licence d’office prévu à l’article L. 613-16 du code de la propriété intellectuelle afin que sa production et son exploitation puissent être confiées à un établissement public. » ;

2° Aux I et II de l’article L. 5421-2, après la référence : « L. 5121-9-1 », sont insérés les mots : « ou à l’article L. 5121-9-2 ».


Article 8

À titre expérimental et par dérogation à l’article L. 5125-1 du code de la santé publique, pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, des officines peuvent être autorisées à céder à d’autres officines des médicaments signalés en rupture ou tension d’approvisionnement en application de l’article L. 5121-30 du même code en vue de leur revente au public, sur décision du directeur général de l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 dudit code, publiée sur son site internet. Les conditions de la cession entre officines d’une spécialité, notamment les volumes et prix de cession autorisés et les officines concernées, sont fixées par l’agence mentionnée au même L. 5311-1, après consultation des représentants des établissements autorisés au titre d’une activité de grossiste-répartiteur et des établissements affectés à la dispensation au détail de médicaments.

Un décret en Conseil d’État définit les modalités de l’expérimentation et de son évaluation. L’évaluation de l’expérimentation est transmise sans délai au Parlement.


Article 9

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5125-1-1 B ainsi rédigé :

« Art. L. 5125-1-1 B. – À titre exceptionnel et pour une durée limitée, le pharmacien d’officine est autorisé, lorsqu’un patient s’est vu prescrire un médicament signalé en rupture d’approvisionnement en application de l’article L. 5121-30, à lui proposer un autre médicament susceptible d’être prescrit pour la même indication thérapeutique, lorsque l’accord du médecin prescripteur ne peut être obtenu dans un délai compatible avec la poursuite efficace du traitement. Les conditions et la durée de cette faculté de substitution sont fixées par le directeur général de l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1, après avis des représentants des sociétés savantes médicales ou scientifiques concernées, et publiées sur son site internet. » ;

2° Au 6° de l’article L. 5125-32, après la référence : « L. 5125-1-1 », est insérée la référence : « , L. 5125-1-1 B ».


Chapitre VI

Recréer les conditions d’une production pharmaceutique de proximité


Article 10

I. – L’assiette des contributions prévues aux I et VI de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale fait l’objet d’abattements dans la limite d’un montant total de 200 000 € par année d’imposition, pour une durée maximale de cinq ans, lorsque les entreprises assurant l’exploitation en France, au sens de l’article L. 5124-1 du code de la santé publique, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques s’engagent, dans le cadre d’une convention avec l’État, à mettre en œuvre un plan d’investissement dans des immobilisations créées ou acquises à l’état neuf en France et affectées directement à la réalisation d’opérations de fabrication d’un ou plusieurs médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4 du même code ou de substances pharmaceutiques actives entrant dans la composition de tels médicaments.

Le taux des abattements est égal à 25 % de l’assiette des contributions prévues aux I et VI de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale dues au titre de chacune des années de mise en œuvre du plan d’investissement, dans la limite de cinq années. Ce taux est majoré de 15 % lorsque le plan d’investissement inclut des projets d’immobilisations affectées à la production de substances pharmaceutiques actives entrant dans la composition de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique.

II. – Pour bénéficier des abattements prévus au I, l’entreprise soumet un plan d’investissement, au plus tard le 31 décembre 2024, à l’administration fiscale. Celle-ci notifie sa décision à l’entreprise sur son éligibilité aux abattements dans un délai de six mois à compter de la date de dépôt du plan. En cas d’éligibilité, une convention entre l’État et l’entreprise précise la nature, le montant et le calendrier prévisionnels des projets d’investissements.


Article 11


Les entreprises pharmaceutiques soumises dans les conditions de droit commun à l’impôt sur les sociétés qui investissent dans des immobilisations créées ou acquises à l’état neuf en France et affectées directement à la réalisation d’opérations de fabrication d’un ou plusieurs médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique ou de substances pharmaceutiques actives entrant dans la composition de tels médicaments, dans un délai de cinq ans à compter du 1er octobre 2023, sont exonérées de cet impôt à raison des bénéfices réalisés jusqu’au terme du soixantième mois suivant leur création, à l’exception des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d’actif.


Article 12

I. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, les immobilisations créées ou acquises à l’état neuf en France et affectées directement à la réalisation d’opérations de fabrication d’un ou plusieurs médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique ou de substances pharmaceutiques actives entrant dans la composition de tels médicaments peuvent être exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant quatre années à compter de l’année suivant leur création ou leur acquisition.

II. – Dans le cadre de l’expérimentation mentionnée au I, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis du code général des impôts, exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour la part non exonérée au titre du I du présent article, les immobilisations créées ou acquises à l’état neuf en France et affectées directement à la réalisation d’opérations de fabrication d’un ou plusieurs médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique ou de substances pharmaceutiques actives entrant dans la composition de tels médicaments, pendant la même durée que l’exonération prévue au I du présent article.

III. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités de l’expérimentation et de son évaluation. L’évaluation de l’expérimentation est transmise sans délai au Parlement.


Article 13

I. – Les conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Les thèmes associés à ce texte

Page mise à jour le