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N° 353

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 mai 1996.

PROPOSITION DE LOI

tendant à institutionnaliser en chambres consulaires les chambres des professions libérales et assimilées actuellement constituées en associations, conformément à la loi du 1 er juillet 1901,

PRÉSENTÉE

Par MM. Jacques DELONG, Michel ALLONCLE, Henri BELCOUR, Jean BERNARD, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Robert CALMEJANE, Jean-Pierre CAMOIN, Auguste CAZALET, Désiré DEBAVELAERE, Jean-Paul DELEVOYE, Charles DESCOURS, Daniel ECKENSPIELLER, Yann GAILLARD, Philippe de GAULLE, Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Daniel GOULET, Georges GRUILLOT, Jean-Paul HUGOT, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Guy LEMAIRE, Mme Nelly OLIN, MM. Joseph OSTERMANN, Michel RUFIN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Maurice SCHUMANN et Alain VASSELLE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Professions libérales. - Chambres consulaires - Emploi - Fiscalité - Formation professionnelle -Jeunes - Maladie - Retraite.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Tous les groupes socioprofessionnels sont dotés d'organismes de représentativité officiels, à l'exception de celui des professions libérales. Les professions libérales ont de plus en plus de difficulté à s'insérer dans la société française. Les syndicats ou les associations auxquelles elles ont donné naissance ne peuvent plus avoir une influence suffisante et les professionnels libéraux ont le désir de prendre leurs responsabilités dans le domaine économique et social en participant, comme partenaires, aux organismes qui existent, tant sur le plan départemental que régional et national. Ils ont le désir aussi d'être dotés d'un organisme d'union, de concertation, de promotion et de services.

En septembre 1977 s'est constituée l'Assemblée permanente des chambres de professions libérales. De quatre chambres qui existaient à ce moment-là, la quasi-totalité des départements français, tant en métropole qu'en outre-mer, en sont pourvus actuellement. Elles ont mis en évidence l'importance considérable, économique et sociale, des 440 000 professionnels libéraux exerçant dans toute la France qui, avec les membres de leur famille et leurs collaborateurs, font vivre plusieurs millions de personnes. Représentant un éventail extrêmement nombreux et divers de professions, ils ne disposent pas d'une représentativité correspondant à leur importance économique, ce qui justifie l'impérieuse nécessité de réunir les 90 professions libérales, en tenant compte de leurs spécialités et de leurs rôles, ainsi que de la vocation qu'elles revendiquent, et en considérant les problèmes qui leur sont propres, la fiscalité, les préoccupations qui entourent la retraite et la couverture sociale, etc.

Il faut tout d'abord constater que la profession libérale est manifestement méconnue et ignorée. Elle l'est de toute évidence parce qu'elle n'a pas au sein de la Nation la représentation et la représentativité nécessaires.

L'exercice d'une profession libérale suppose d'abord une formation intellectuelle ou technique indispensable pour acquérir la compétence qui déterminera seule le succès ou l'échec. Ce critère est essentiel dans des activités où la concurrence est totale. Dès lors que le fondement de la relation qui s'établit avec le client repose sur la confiance réciproque, cela suppose une formation morale importante. Au-delà de toutes les qualités et connaissances acquises, le professionnel libéral doit être l'expression d'une personnalité vis-à-vis d'une profession qu'il exerce dans une liberté totale et pour la satisfaction d'autrui. Son essence même repose sur des qualités spécifiques qui sont :

- la qualité du service, exigée par l'évolution des sciences médicales, juridiques et techniques, qui entraîne une recherche constante et une formation permanente dont la mise en oeuvre appartient à chacune des professions. À cet égard, les chambres actuelles doivent apporter à leurs membres assistance au plan de la gestion et de l'organisation du cabinet ou de l'étude et solidarité au plan social. Elles doivent aussi garantir leur pérennité en assurant la formation et l'intégration des jeunes ;

- l'indépendance, qui est le critère fondamental de la profession libérale, une indépendance qui s'exerce à l'égard de toutes les pressions ;

- la responsabilité, corollaire de la confiance du client ; cette responsabilité est pleine et totale, tant au plan civil que pénal, mais aussi d'un point de vue moral et déontologique. Devant respecter les règles édictées par la profession à laquelle il appartient, le professionnel libéral répond à des fautes éventuelles devant les juridictions professionnelles ;

- l'insécurité qui fait le succès ou l'échec du professionnel libéral dépend de ses qualités morales, intellectuelles et techniques, mais aussi de multiples impondérables.

Les professionnels libéraux se doivent aussi de relever le défi de la mutation de la société. La civilisation industrielle engendre aujourd'hui une civilisation nouvelle et scientifique. De nouveaux équilibres doivent être trouvés et les professionnels libéraux en sont un des facteurs par la responsabilité qu'ils détiennent de par leur contact permanent avec l'individu. On est en droit aujourd'hui de constater la réussite des chambres départementales des professions libérales. À l'exemple des chambres de commerce en 1898, des chambres d'agriculture en 1924 et des chambres des métiers en 1925, il est nécessaire de les officialiser en chambres consulaires avec pour vocation d'être un instrument permettant d'être à l'écoute de l'usager et d'améliorer le service rendu. Elles seront aussi l'interlocuteur qui va privilégier l'information et conduire certaines actions, telles que l'emploi des jeunes et la formation professionnelle.

L'activité de la profession libérale passe aussi par l'examen de certains problèmes qui sont le statut fiscal en vigueur actuellement et une redéfinition de la couverture sociale tant au point de vue de l'assurance maladie qu'au plan de la retraite.

Le libéral est considéré au plan fiscal tantôt comme une entreprise (taxe professionnelle), tantôt comme une personne physique (impôt sur le revenu). En ce qui concerne la taxe professionnelle, les chambres des professions libérales proposent que l'opération se fasse en collaboration avec les représentants des groupes socioprofessionnels qui y sont soumis. Dans l'état actuel de la fiscalité, on constate qu'il y a inégalité des professionnels libéraux vis-à-vis des autres assujettis à l'impôt sur le revenu. En accordant, du moins à ceux qui adhérent à un centre de gestion agréé, la possibilité d'un abattement dégressif de 20 à 10 % sur le revenu imposable, il a été permis d'établir un équilibre devant l'impôt entre les revenus des travailleurs indépendants et ceux des salariés. Cet abattement étant lié à l'obligation de la tenue d'une comptabilité cautionnée par des associations agréées, elles-mêmes contrôlées et suivies par les agents de l'Administration, il y a de ce fait identification des professionnels libéraux avec leurs homologues salariés. Toutefois, un plafond de recette intervenant pour limiter cet abattement semble pénaliser la libre entreprise d'une façon injuste.

Dans le domaine de la retraite comme celui de la couverture « maladie », les libéraux ne bénéficient pas, bien évidemment, des mêmes avantages que les salariés. Cette absence d'avantages sociaux est aussi un critère propre à la profession libérale. En ce qui concerne les régimes d'assurance vieillesse, les intéressés souhaitent que l'initiative d'un quelconque progrès leur en soit laissée. En effet, l'institution de régimes obligatoires d'assurance vieillesse complémentaire devra être décidée par décret, mais sur proposition des professions intéressées. Conscients, en outre, de la fragilité du principe de la répartition qui caractérise la plupart des systèmes collectifs et obligatoires, ils n'excluent pas la solution de la constitution d'une retraite dans un système individuel et volontaire nécessitant un effort personnel. Fermement attachés à la notion de solidarité nationale, les professionnels libéraux souhaitent poursuivre leurs efforts pour améliorer leur protection sociale en respectant certaines spécificités. Ainsi, les prestations en nature de l'assurance « maladie » devraient s'aligner sur celles dont bénéficient les salariés. Dans la situation actuelle, le régime des non-salariés non agricoles groupe tous les travailleurs indépendants non agricoles, sans distinction de groupes socioprofessionnels. Dans les caisses d'assurance de cette catégorie, les professions libérales ne représentent que 7 % de l'effectif. Des solutions existent alors pour donner sa pleine vocation à la loi du 12 juillet 1966 instaurant ce régime de protection sociale, en permettant une couverture sociale moins restrictive qu'actuellement par un système de prestations supplémentaires ne s'incorporant pas dans le régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés.

Les chambres des professions libérales ont un rôle à jouer pour que soient pris en compte leurs problèmes. Elles ne sont ni des ordres non concernés par ces questions ni des syndicats professionnels qui ne peuvent qu'avoir une position justifiée de défense spécifique pour chacune des professions libérales. Elles souhaitent être une force de proposition, capable de jouer un rôle conciliateur et un rôle de coordination. Elles affirment l'utilité de l'action syndicale mais estiment que cette action doit être complétée par une représentation élective dans le cadre départemental, régional et national. L'objectif d'assurer la promotion de la profession libérale dans l'intérêt de tous, par la concertation et l'information, passe par l'institution des chambres consulaires des professions libérales. La structure d'établissement public dont elles bénéficieront permettra de leur donner une compétence juridique se situant sur le plan de la représentation globale, de la consultation concernant leur fonction économique, et de la gestion de services communs. N'empiétant pas sur le rôle des ordres, compagnies judiciaires ou autres organismes ayant en charge l'éthique, l'organisation et le contrôle disciplinaires de ses membres, garant de l'indépendance des professionnels libéraux par leur participation de plein droit, ne concurrençant pas les syndicats professionnels, les chambres consulaires organisant les professions libérales dans leur ensemble répondront à une véritable vocation de service public. Les perspectives ouvertes sont nombreuses :

- l'union de tous les professionnels libéraux, tout d'abord parce que leurs représentants dans les chambres consulaires seront élus par tous les professionnels libéraux, sans aucune exclusive. Cette représentation sera élective et responsable, générale et permanente ;

- la fonction de la profession libérale, ensuite pour laquelle les , chambres consulaires devront être le garant de leur avenir en leur permettant sereinement d'envisager un accroissement de leurs initiatives et de leurs investissements. Elles auront aussi un rôle de promotion des hommes, en participant à l'installation de nouveaux professionnels libéraux, en pratiquant une politique dynamique de l'emploi ;

- la concertation, également, pour ce qui concerne les problèmes communs des intéressés mais aussi pour participer aux grands choix socio-économiques locaux. La concertation est nécessaire comme force de décentralisation pour dynamiser l'esprit d'entreprise ;

- l'information qui sera essentielle pour diffuser l'étendue des services assurés par les professions libérales et dont la qualité est maintenue au plus haut niveau. L'information contribuera aussi au développement de l'économie en assurant une formation professionnelle mais aussi en utilisant les capacités de créations d'emplois, 30 % des emplois créés dans vingt ans le seront par des professions indépendantes.

Il importe, pour tous les motifs exposés, d'institutionnaliser les chambres consulaires des professions libérales.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

Il est créé dans chaque département et chaque région une chambre consulaire des professions libérales et assimilées qui a pour mission d'être des interlocuteurs des pouvoirs publics dans le domaine de la concertation, de l'information et de la formation professionnelle.

Art. 2.

Les chambres départementales sont composées de représentants élus au scrutin de liste proportionnel par les membres des professions libérales du département. Les chambres régionales sont composées de représentants élus, dans les mêmes conditions, par les membres des chambres départementales de la région.

Art. 3.

L'Assemblée permanente des présidents des chambres consulaires des professions libérales et assimilées est au niveau national l'organe consultatif et représentatif des intérêts généraux des professions libérales. Elle est composée des présidents des chambres départementales et régionales, lesquels peuvent être suppléés par un délégué élu dans chaque chambre.

Art. 4.

Les chambres consulaires des professions libérales et assimilées bénéficient du statut d'établissement public doté de la personnalité morale. Elles peuvent former des groupements en vue de la promotion d'intérêts communs à certaines d'entre elles. Ces groupements ont les mêmes capacités et sont soumis aux mêmes règles que les chambres.

Art. 5.

Les chambres consulaires des professions libérales et assimilées oeuvrent à la promotion de la profession libérale en valorisant son image de marque et en préservant son éthique. Leurs activités s'exercent dans le respect des institutions ou organisations régissant les différentes professions. Elles ont pour attributions :

1° de donner aux pouvoirs publics les avis et renseignements qui leur sont demandés ;

2° d'assurer, sous réserve des autorisations prévues à l'article 6, l'exécution des travaux et l'administration des services nécessaires ( aux intérêts dont elles ont la garde ;

3° de prendre toutes initiatives en vue de la défense ou de la promotion des professions libérales.

Art. 6.

Les chambres consulaires des professions libérales et assimilées peuvent être autorisées à fonder et à administrer des établissements à l'usage de leurs ressortissants.

L'administration de ceux de ces établissements qui ont été fondés par l'initiative privée peut être remise aux chambres concernées d'après le voeu des souscripteurs ou donateurs. Cette administration peut leur être déléguée pour les établissements de même nature qui seraient créés par l'État, le département ou la commune.

Art. 7.

Il est pourvu aux dépenses ordinaires des chambres consulaires des professions libérales et assimilées au moyen d'une imposition additionnelle à la taxe professionnelle ou à toute taxe la remplaçant.

Il est pourvu aux dépenses ordinaires des chambres régionales par une contribution des chambres départementales, déterminée pour chacune en fonction de l'assiette de sa propre imposition.

Il en est de même pour l'Assemblée permanente des présidents des chambres consulaires des professions libérales et assimilées. Les comptes de gestion ainsi que les projets de budget de ces établissements publics sont approuvés par l'autorité compétente.

Art. 8.

Des décrets pris en Conseil d'État régleront les modalités d'application pratique de la présente loi ainsi que les critères en fonction desquels est déterminée l'appartenance aux professions libérales.

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