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N°404

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996 - 1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 juin 1997.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 août 1997.

PROPOSITION DE LOI

relative à la prévention des licenciements économiques,

PRÉSENTÉE

Par MM. Robert PAGÈS, Michel DUFFOUR, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Cohen-Seat Nicole BORVO, M. Jean-Luc BÉCART, Mme Danielle BIDARD-REYDET, MM. Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Emploi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La prévention doit être une étape substantielle de la procédure à organiser en matière de licenciement économique.

Cette préoccupation existe déjà pour ce qu'on appelle les « plans sociaux », qui doivent contenir des mesures de reclassement, les magistrats des juridictions civiles (et non pas administratives) contrôlant l'effort de reclassement exigé de l'employeur. Si l'obligation à laquelle est soumis le patron n'est pas respectée, la procédure est nulle et les licenciements prononcés à son terme sont également nuls.

Ces dispositions ne concernent aujourd'hui que les licenciements collectifs touchant au moins dix salariés dans des entreprises de cinquante salariés au moins.

La jurisprudence actuelle a mis en évidence une obligation de reclassement à la charge de l'employeur pour tout licenciement économique. Mais les juges ne contrôlent le respect de cette obligation qu'à posteriori pour apprécier le bien-fondé du licenciement.

Il est proposé de faire de cette obligation une condition du licenciement quel qu'il soit : le licenciement ne devrait pas intervenir aussi longtemps que l'employeur n'aurait pas recherché un reclassement.

Cette phase de recherche de reclassement se situerait entre l'entretien préalable tel qu'il existe aujourd'hui et la notification du licenciement.

L'employeur devra faire des propositions de reclassement par écrit, il faut prévoir l'intervention des délégués du personnel, obligeant l'employeur à les consulter sur toute mesure de reclassement proposée.

La mesure existe déjà pour les salariés accidentés du travail déclarés inaptes lorsque la tentative de reclassement dans l'entreprise est faite.

Jusqu'à maintenant, cette obligation n'a été définie que par la jurisprudence. Il faudrait donc préciser à quel niveau situer l'effort de reclassement que l'employeur doit fournir et dans quel cadre la recherche de reclassement doit s'effectuer.

Pour que le reclassement puisse pleinement remplir sa fonction dissuasive à l'égard du licenciement, il faut également préciser le contenu de l'obligation de reclasser.

À l'heure actuelle, les contours de cette obligation sont mis en relief lors du contrôle judiciaire des reclassements proposés par l'employeur. Le juge exerce à cette occasion un double contrôle :

- contrôle de la qualité des reclassements proposés lors du licenciement individuel ou collectif ;

- contrôle du respect de la procédure d'élaboration du plan de reclassement dans le cadre d'un licenciement collectif.

Le contrôle de la qualité des reclassements se traduit bien par une évaluation de leur contenu. Depuis les arrêts Everit et Moët et Chandon, les mesures de reclassement doivent revêtir un caractère concret. L'employeur est tenu de préciser le nombre et la nature des emplois proposés. En revanche, le degré d'intensité de l'obligation de reclassement reste incertain.

On ne peut pas considérer qu'une proposition de reclassement à l'étranger ou un reclassement accompagné d'une forte diminution de rémunération peuvent être considérés comme un reclassement.

C'est le niveau du groupe qu'il convient de prendre en compte. Le reclassement doit être recherché dans un emploi identique à celui qu'occupait précédemment le salarié.

Au surplus, ce qui dans la procédure envisagée apparaît particulièrement important, c'est ce qui touche à la rapidité de la procédure. Il faut donc faire en sorte que la décision du conseil des prud'hommes saisi intervienne rapidement.

La procédure est celle qui existe à propos d'une demande de requalification des contrats à durée déterminée. L'article L. 122-3-13 du code du travail prévoit :

« Lorsqu'un conseil des prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est portée directement devant le bureau de jugement qui doit statuer au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine.

« La décision du conseil des prud'hommes est exécutoire de droit à titre provisoire. »

Ce qui signifie qu'elle est exécutoire malgré l'appel.

Pour donner une efficacité plus grande à la procédure envisagée, il faut encore prévoir une véritable sanction : ce ne peut être que la nullité de la procédure de licenciement avec réintégration immédiate du salarié.

C'est ce qu'a fait la Cour de cassation pour les « plans sociaux » alors que la loi ne prévoyait que la nullité du licenciement et non pas la réintégration (affaire de la Samaritaine).

Il est donc indispensable de prévoir les mêmes conséquences pour tout licenciement. Si l'obligation de respecter expressément l'obligation de reclassement n'est pas remplie, la procédure doit être déclarée nulle et de nul effet, et le salarié doit être réintégré immédiatement.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Il est inséré, dans le code du travail, un article L. 321-3-1 (nouveauté) ainsi rédigé :

« Art. L. 321-3-1. - Dans toute entreprise ou établissement, tout projet de licenciement économique, individuel ou collectif, est subordonné à la présentation écrite par l'employeur aux salariés concernés d'une proposition concrète de reclassement à un niveau similaire de rémunération et de qualification, ou même supérieur si les salariés présentent la compétence et l'expérience professionnelle leur permettant de s'y adapter.

« L'employeur doit à cet effet faire l'inventaire précis de toutes les possibilités de reclassement dans l'établissement, l'entreprise et le groupe, et les proposer aux salariés concernés.

« Les représentants du personnel sont consultés durant la procédure d'élaboration des mesures de reclassement individuelles et collectives.

« En cas de non-observation des dispositions précédentes, la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, et le salarié est réintégré dans le poste de travail qu'il occupait.

« Lorsque le conseil des prud'hommes est saisi sur une affaire de licenciement, celle-ci est portée directement devant le bureau de jugement, qui doit statuer au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine. La décision du conseil des prud'hommes est exécutoire de droit à titre provisoire. »

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