N°153

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 1997.

PROPOSITION DE LOI

relative à l'attribution de la carte de combattant aux soldats polonais ayant servi dans l'armée française,

PRÉSENTÉE

Par MM. Ivan RENAR, Pierre LEFEBVRE, Robert PAGES, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Anciens combattants et victimes de guerre. - Carte de combattants - Pologne.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Peu de personnes connaissent l'historique des 19 e et 29 e groupements d'infanterie polonaise constitués en France en septembre 1944.

Peu de personnes connaissent l'historique des unités de volontaires d'origine polonaise, provenant de différentes régions industrielles de France. Elles étaient composées, en majorité, d'anciens résistants d'origine polonaise.

Ces volontaires, engagés dans l'armée française, fidèles à la tradition de leurs ancêtres, qui ont combattu dans l'armée napoléonienne pour recouvrir l'indépendance de la Pologne, ont voulu, cent cinquante ans plus tard, sous la noble devise « Pour votre et notre liberté », en créant leurs propres unités, se singulariser et manifester ainsi leur attachement à la mère patrie et à la France.

Avec leur accord, ils ont été regroupés pour le Nord - Pas-de-Calais en trois centres : ceux du Pas-de-Calais, au nombre de cinq cents, furent casernes au fort de Seclin, près de Lille, quatre cents autres à Guesnain, près de Douai, dans une brasserie désaffectée, et près de trois cents à Hérin, près de Valenciennes.

Fin décembre, un train spécial au départ de Douai les a tous emmenés dans les Vosges, sur la zone des combats, plus précisément à Bruyères, à Eponges, et à Laval.

Ils étaient encadrés par des officiers français et polonais, et la solde était assurée par l'état-major de la première région de Lille. Dans les jours qui ont suivi, ils ont été rejoints par des volontaires d'origine polonaise, cinq cents de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), quatre cents de Saint-Étienne (Loire), trois cents des Cévennes, et d'autres de la région lyonnaise, et de Paris.

Au total, plus de 2 500 engagés, que le commandement français voulait initialement verser dans la Légion étrangère. Les responsables polonais s'y opposèrent énergiquement. « Nous sommes, ont-ils dit, des combattants de la Résistance française ; notre place est dans la première armée française. »

Par-delà toutes les discussions et formalités d'affectation, ces unités ne sont pas restées inactives. Le commandement de la première armée les a largement utilisées dans différentes opérations, notamment lors de la contre-offensive allemande : transport de munitions, ravitaillement, dépôt d'essence, contrôle de police militaire, etc.

C'est au cours du mois de janvier 1945 que le général de Lattre de Tassigny ouvrit les rangs de la première armée française aux volontaires polonais, en les intégrant au 201 e régiment de pionniers nord-africains.

Ils ont été alors organisés en deux unités, les 19 e et 29 e groupements polonais, chacun composé de quatre compagnies de 290 hommes. Ils ont obtenu l'autorisation de conserver leur identité nationale, langue, fanions, insignes, distinctifs sur l'uniforme français.

Ils étaient placés sous le commandement des colonels Thévenot et Huret, ainsi que des officiers polonais, notamment les commandants Jelen, Maszlankiewicz et Ghérard.

Fin janvier 1945, ils prenaient part aux combats, comme en témoigne l'ordre général n° 1109, délivré par le général de Lattre de Tassigny.

Après la victoire du 8 mai 1945, ils sont restés en occupation jusqu'en octobre, et leur départ pour la Pologne.

Avec l'autorisation des autorités militaires françaises et alliées, ils sont partis en Pologne, en novembre 1945, avec leurs uniformes, leurs armes, leur étendard aux couleurs françaises et polonaises, ainsi que leur écusson « Rhin et Danube ».

Le 18 novembre 1945, dans Varsovie en ruines, en présence du corps diplomatique de la mission militaire française, et d'une foule très nombreuse, le maréchal Rolazymierski, au cours d'une prise d'armes, passe en revue les 19 e et 29 e groupements.

Le 18 novembre 1945, une page glorieuse de l'histoire est tournée ; les 19 e et 29 e groupements d'infanterie polonaise décident volontairement leur autodissolution.

Une partie des militaires reste en Pologne. Les autres décident de rentrer en France, dans leurs foyers, et reprendre leur activité professionnelle.

Approchant l'âge de soixante ans, forts de l'appui de la citation qui a été remise personnellement à chaque militaire, certains de nos camarades ont demandé la reconnaissance de leur qualité d'ancien combattant.

Celle-ci a été rejetée par les offices départementaux, parce que, paraît-il, ils ne totalisaient que trente-trois jours de présence au 201 e régiment de pionniers nord-africains, auquel ils ont été intégrés administrativement le 1 er avril 1945.

Le 201 e régiment de pionniers nord-africains a été reconnu unité combattante pour la période du 8 octobre 1944 au 8 mai 1945. Les 19 e et 29 e groupements d'infanterie polonaise étaient donc bien partie intégrante au cours de cette période du 201 e régiment de pionniers nord-africains.

Les intéressés sont en droit de prétendre à la qualité d'ancien combattant, puisque c'est en janvier 1945 que les 19 e et 29 e groupements d'infanterie polonaise ont été rattachés au 201 e régiment de pionniers nord-africains.

Compte tenu de la situation de l'époque, il est possible que la transcription administrative ait été faite avec retard. Cependant, ceux qui sont lésés s'interrogent s'il n'y a pas une mesure discriminatoire prise à leur égard.

Ils demandent simplement que soit reconnue la réalité de leur action. Il s'agit, pour eux, d'une question de dignité morale et de patriotisme.

La littérature, l'histoire et les hommes politiques ont exalté le comportement patriotique, et cité en exemple l'intégration parfaitement réussie de l'immigration polonaise en France.

Ce sont là des valeurs que l'on ne doit pas sous-estimer. Les enfants et petits-enfants s'interrogent sur les raisons qui motivent la discrimination dont sont l'objet leurs parents.

Malheureusement, nombreux sont décédés, en raison de leur âge, ou de suite de la silicose qu'ils ont contractée pendant leur dur labeur à la mine.

Cependant, pour les survivants, leurs enfants et leurs camarades de combats, Français et Polonais, c'est une question de principe et de reconnaissance.

Au nom de la fraternité d'armes, et l'amitié séculaire qui unit nos deux peuples, nous demandons qu'une décision d'attribution de la carte du combattant soit prise pour l'adoption de la présente proposition de loi pour tous les survivants des 19 e et 29 e groupements d'infanterie polonaise, qui ont reçu nommément, par ordre général n° 1109 de corps d'armée, le témoignage de satisfaction du général de Lattre de Tassigny, commandant en chef de la première armée française.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

I. - La carte d'ancien combattant est attribuée aux survivants des 19 e et 29 e groupements d'infanterie polonaise, constitués au fort de Seclin, en septembre 1944, intégrés en janvier 1945 au 201 e régiment de pionniers nord-africains de la première armée française qui ont participé à tous les combats sur le front, jusqu'à la victoire finale du 8 mai 1945.

II - La qualité d'ancien combattant est reconnue aux militaires engagés dans l'armée polonaise reconstituée en France en 1939 et placée sous le commandement français qui ont été contraints de se replier sur la Suisse et ont été internés durant toute l'Occupation dans ce pays.

Article 2

Les dépenses entraînées par l'application des dispositions de l'article premier sont compensées par une taxe fiscale assise sur les entreprises privées travaillant pour la défense nationale dont le taux sera fixé par décret.

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