N°172

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 décembre 1997.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

portant titre II à la Déclaration des droits de l'homme

et du citoyen du 26 août 1789,

PRÉSENTÉE

Par MM. Michel PELCHAT, Jean BOYER, Jean-Claude CARLE, Jean DELANEAU, Roland du LUARD, Jean PUECH, Bernard, SEILLIER et François TRUCY,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Droits de l'homme et libertés publiques.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La République nous appelle... La liberté guide nos pas.

Il y a plus de 200 ans, les représentants du peuple français ont tracé l'architecture du projet de société qu'ils voulaient construire : la démocratie politique, en termes de libertés, conformément à leur philosophie de progrès.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 est ce projet que leurs successeurs, génération après génération, se sont efforcés de réaliser et dans lequel de nombreux peuples se sont eux-mêmes reconnus jusqu'au jour où, le 20 décembre 1948, à Paris, l'ensemble des Nations unies, réunies en assemblée générale, en ont fait la première loi commune à toute l'humanité : la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Convaincus de l'universalité des droits de l'homme, les députés étaient, cependant, conscients que leur oeuvre n'était pas achevée et que le monde évoluerait par la suite, nécessitant alors l'adjonction de nouveaux articles à leur Déclaration, afin, selon son préambule : « que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens fondées désormais sur plus de principes simples et incontestables tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ».

Voilà pourquoi, dès le 27 août 1789, sur proposition d'un député de Provence, Mougins de Roquefort, ils votaient une motion qui stipule : « L'Assemblée nationale décrète qu'elle borne quant à présent la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aux dix-sept articles qu 'elle a arrêtés, et qu 'elle va procéder sans délais à fixer la Constitution de la France pour assurer la prospérité publique, sauf à ajouter après le travail de la constitution les articles qu'elle croirait nécessaires pour compléter la Déclaration des droits ».

En conséquence, nous parlementaires français, à la veille du troisième millénaire, respectueux de cette volonté clairement exprimée, prenant en compte les mutations économiques, sociales, culturelles et scientifiques du monde, proposons sans modifier la Déclaration des droits de l'homme, en s'appuyant sur son socle ; de définir à notre tour le projet de société de la France, selon leur méthode, par la reconnaissance de droits nouveaux, ce qui implique autant de devoirs, comme ils l'ont rappelé eux-mêmes en préambule.

Le titre II à la Déclaration des droits de l'homme, qui reprend en articles le contenu du préambule de notre Constitution de 1946, tout en supprimant des dispositions caduques, telles que celles portant sur l'Union française, proclame notre volonté collective, tout en continuant la lutte historique pour la défense des droits acquis, d'établir, pour la première fois, que les droits de l'homme sont une dynamique qui suppose, comme l'ont voulu nos prédécesseurs, une évolution séculaire.

Si notre philosophie nationale des libertés ne saurait s'imposer au monde, il sera cependant du devoir de nos gouvernements, ultérieurement, d'essayer d'en faire passer le message à l'Europe puisque ce continent n'a pas encore arrêté les bases du modèle que les peuples qui le composent cherchent à édifier ensemble, puis aux Nations unies, dont la Déclaration universelle ne pouvait prendre en compte, dès 1948, certains problèmes contemporains.

Ainsi, la France, patrie des droits de l'homme pour le passé, le demeurera pour l'avenir, fidèle à l'esprit simple, pédagogique qui éclairait la démarche de nos ancêtres.

Telles sont, Mesdames et Messieurs, les raisons pour lesquelles nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi constitutionnelle.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1 er

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 est complétée par un titre II ainsi rédigé :

« Titre II :

« Article XVIII : Tout être humain a droit au respect de sa dignité.

« Article XIX : La paix est un droit fondamental de l'homme. L'application des conventions qui assurent un règlement pacifique et juste des conflits est un devoir. Il n'est de paix durable sans imprescriptibilité des génocides et de tout autre crime contre l'humanité.

« Article XX : Vivre dans un environnement sain conditionne la mise en oeuvre de tous les autres droits de la personne. La protection de la diversité biologique et de l'écosystème en est la garantie.

« Article XXI : Chaque individu a droit au respect de son intégrité physique, psychique et génétique qui ne peut, même en partie, faire l'objet d'un commerce. Ni la sélection ni la modification du patrimoine humain ne peuvent être autorisées à des fins autres que thérapeutiques, et sous réserve d'un consentement explicite de l'intéressé.

« Article XXII : L'espace extra-atmosphérique est un bien commun à toute l'humanité. Il ne peut être approprié par quiconque. Son exploitation doit être pacifique et n'avoir d'autre but que l'intérêt général de tous les peuples.

« Article XXIII : Il n'y a pas d'égalité entre les hommes sans un Etat laïc.

« Article XXIV : En cas de menace sur sa vie résultant d'une situation économique dégradée, d'un cataclysme naturel ou d'un conflit, nul ne pourra être privé du droit de recevoir une aide humanitaire. La solidarité est un devoir national et international qui s'exerce dans le respect de la souveraineté des Etats.

« Article XXV : La liberté d'entreprendre est légitime pourvu que le but poursuivi ne soit pas contraire aux droits de l'homme reconnus. Toute personne qui contribue à l'entreprise a droit de participer aux décisions et aux bénéfices, directement ou par ses représentants.

« Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

« Article XXVI : Chaque homme, chaque peuple a le droit de bénéficier du développement général soit par son travail, soit, en cas d'incapacité, par une solidarité nationale ou internationale.

« Article XXVII : Les enfants, les handicapés et les personnes âgées, étant, par nature, plus menacés, la collectivité doit, au moyen d'une législation particulière, leur assurer une protection adaptée.

« Article XXVIII : Le libre accès à l'enseignement, à l'éducation permanente et à la culture est un droit. L'enseignement public obligatoire, respectueux des convictions privées, est gratuit.

« Article XXIX : Tout homme, tout peuple a droit au respect et à l'expression de sa culture, pour autant qu'elle ne porte pas atteinte aux droits de l'homme reconnus universellement. »

Article 2

Avant l'article 1 er de la Déclaration précitée, il est inséré un intitulé ainsi rédigé :

« Titre I er »

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