N°539

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30 juin 1998.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 1998.

PROPOSITION DE LOI

relative à la titularisation des personnels de la

mission générale d'insertion de l'éducation nationale ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Yann GAILLARD, Pierre LAFFITTE et Martial TAUGOURDEAU,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Education nationale (ministère).

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

En dépit d'une baisse non négligeable du nombre de sorties sans diplôme de renseignement secondaire constatée depuis près de vingt ans (202 000 en 1980 contre 97 000 en 1995, soit 14 % du total de ces sorties), de trop nombreux jeunes quittent encore le système scolaire sans qualification.

Depuis le milieu des années quatre-vingt, l'éducation nationale a mis en place plusieurs dispositifs d'insertion destinés aux jeunes qui éprouvent des difficultés au moment d'aborder leur vie professionnelle.

Ces dispositifs sont animés pour l'essentiel par des personnels à statut précaire.

La présente proposition de loi a pour objet de consolider le statut de ces personnels qui, pour certains d'entre eux, se consacrent depuis plus de dix ans à la mission d'insertion de l'éducation nationale.


• Le dispositif d'insertion des jeunes de l'éducation nationale (DIJEN).

L'article 1 er de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 précise que le droit à l'éducation doit notamment permettre à chacun de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle. En application de ce principe, le DLFEN a été mis en place en 1985-1986 dans les collèges, les lycées professionnels et les SES, puis étendu en 1989 aux lycées d'enseignement général et technologique.

Le DUEN répondait ainsi au souci de faire de l'insertion des élèves une mission à part entière des établissements scolaires : un jeune ne doit plus quitter le système éducatif sans que son établissement d'origine sache ce qu'il est devenu et lui propose, s'il n'a pu trouver une solution d'insertion par lui-même, une mesure adaptée à sa situation.

Ce dispositif comportait six types de mesures spécifiques : entretiens préalables, sessions d'information et d'orientation, aides à la recherche d'emploi, cycles d'insertion professionnelle par alternance, formations complémentaires d'initiative locale.

Si le bilan du DUEN peut être considéré comme satisfaisant, puisqu'il accueillait près de 150000 jeunes en 1990-1991, certaines de ses aides ont été progressivement réintégrées dans les formations initiales :

- les entretiens préalables à l'établissement d'un projet de formation ne sont plus considérés comme une mesure spécifique, car la nouvelle mission d'insertion confie aux établissements l'accueil et le suivi de tout élève ;

- les sessions d'information et d'orientation ainsi que les actions d'aide à la recherche d'un emploi sont intégrées depuis 1990 dans les formations traditionnelles ;

- une baisse des effectifs d'élèves accueillis dans les actions destinées aux jeunes les plus en difficulté (CIPPA et formations intégrées) peut être constatée : un effort a été ainsi demandé aux académies à la rentrée 1995 pour accueillir ces publics en développant notamment des formations intégrées permettant d'accéder à un CAP.


• La mission générale d'insertion désormais assignée au système éducatif

La mission générale d'insertion professionnelle des jeunes de l'éducation nationale (MIGEN) a été réaffirmée par la loi quinquennale du 20 décembre 1993 : son article 54 pose le droit, pour 'l'ensemble des jeunes, avant qu'ils ne quittent le système éducatif, d'acquérir une formation professionnelle leur permettant de s'insérer dans la vie professionnelle.

Parce qu'elle s'adresse à tous les jeunes diplômés ou non, en difficulté scolaire ou non, en formation générale, technologique ou professionnelle, l'éducation nationale doit leur garantir une véritable intégration sociale et professionnelle à leur sortie du système éducatif.

Les dispositions de la loi quinquennale et du « nouveau contrat pour l'école» proposé par M. François Bayrou ont donc permis d'étendre le champ d'intervention de l'éducation nationale en matière d'insertion et le DIJEN n'apparaît plus en tant que tel puisque ses missions sont reprises et élargies dans le cadre plus large de cette mission d'insertion.


• Les CIPPA : les parents pauvres de l'insertion.

Créés en 1986 pour prendre en charge les jeunes qui ont quitté l'école dès la fin de l'obligation scolaire sans aucun projet d'insertion professionnelle ou de poursuite d'études, les cycles d'insertion professionnelle par alternance ont vu leur dotation se réduire progressivement.

En conséquence, les enseignants titulaires, qui étaient nombreux dans les CIPPA les premières années, tendent à disparaître et sont remplacés peu à peu par des animateurs-formateurs contractuels.

Ce phénomène a été accentué par la loi quinquennale de 1993, qui a donné compétence aux régions en matière d'insertion et de formation professionnelle des jeunes, lesquelles préfèrent financer des dispositifs d'insertion placés sous leur contrôle.

Cette évolution est d'autant plus regrettable que les CIPPA ne sont pas des classes traditionnelles destinées à conduire un groupe d'élèves homogène d'un niveau à un autre mais un cycle spécifique qui permet un accompagnement personnalisé et progressif de chaque jeune.

Chaque CIPPA repose sur la mise en oeuvre d'un projet pédagogique spécifique adapté aux jeunes prenant en compte son lieu d'implantation et son bassin d'emploi.


• La précarité du statut des personnels chargés de l'insertion.

La réduction des dotations affectées aux CIPPA depuis 1986 a eu pour conséquence d'écarter de ces structures les enseignants titulaires, qui ont été remplacés par des animateurs-formateurs contractuels.

Leur rôle est d'accompagner les jeunes en rupture scolaire ou sociale pendant un an : d'après la circulaire n° 92 du 31 mars 1992, ils sont chargés de faire le point sur la situation des jeunes dans le cadre scolaire et de choisir, en liaison avec l'équipe éducative, les moyens appropriés à leur entrée dans la vie active.

Ces animateurs-formateurs sont recrutés depuis 1986 par les académies pour assurer la mise en place du DUEN, qui est désormais intégré dans les mesures relevant de la mission générale d'insertion des jeunes.

Ils ont été recrutés soit sous contrat de formation continue (en 1986-1987), soit sous contrat de formation initiale (après 1987).

La circulaire n° 96-293 du 13 décembre 1996 précise que ces personnels sont désormais recrutés par les recteurs et classés par ces

derniers en fonction de leurs titres universitaires ou de leur qualification professionnelle antérieure dans une des quatre catégories prévues. L'indice de rémunération du candidat est fonction de la catégorie dans laquelle celui-ci a été classé.

En application du décret n° 81-535 du 12 mai 1989 modifié, leur contrat est conclu pour une année scolaire. Quel que soit leur niveau d'études ou de qualification, de bac + 3 à bac + 5 en général, ces personnels sont utilisés parfois depuis douze ans sur des contrats conclus pour une année scolaire.

Ces contrats sont renouvelables à la demande des intéressés après décision favorable du recteur en fonction des besoins des académies et dans la limite des crédits attribués.

Force est de constater que le statut des animateurs n'a pas connu la moindre évolution depuis 1986 et que la grille indiciaire qui les protégeait a été supprimée depuis 1997.

Afin de remédier à la précarité d'une situation qui ne concerne que des effectifs réduits (environ 700 animateurs), il conviendrait donc de lever les obstacles législatifs qui s'opposent à la titularisation et à la mise en place d'une carrière pour ces personnels.


• Les obstacles s'opposant à la titularisation de ces personnels

Il convient de rappeler que le concours reste le mode légal de recrutement des fonctionnaires : il n'est donc pas possible d'accéder à un corps de personnels de l'enseignement du second degré, sur titre ou par voie d'intégration, pour des agents qui n'ont pas déjà acquis la qualité de fonctionnaire.

Les personnels non titulaires chargés de l'insertion, s'ils justifient de l'un des diplômes ou titres requis, ne peuvent donc se présenter qu'à un concours externe de recrutement de professeurs du second degré, de conseillers principaux d'éducation.

Par ailleurs, l'accès aux concours internes ou spécifiques ouverts aux personnels non titulaires de l'éducation nationale est limité aux candidatures des agents non titulaires ayant la qualité de personnels enseignants ou d'éducation ou d'orientation et d'information justifiant des diplômes requis et d'une certaine durée de service : trois années de services publics pour les concours internes et cinq années de services d'enseignement ou d'éducation ou d'information et d'orientation dans les établissements d'enseignement public du second degré ou dans les établissements publics relevant de l'éducation nationale pour les concours spécifiques.

Enfin, les concours réservés créés par l'article 1 er de la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire ayant pour objet de résorber l'emploi précaire dans la fonction publique, ne sont pas ouverts aux personnels contractuels chargés de l'insertion : seuls les personnels recrutés à titre essentiellement précaire, ce qui n'est pas le cas des personnels contractuels, peuvent bénéficier d'un dispositif visant surtout les maîtres auxiliaires.

Comme les personnels non titulaires de la mission d'insertion n'exercent pas de fonction d'enseignement, d'éducation ou d'information et d'orientation dans des établissements relevant de l'éducation nationale, leur candidature aux concours internes spécifiques ou réservés organisés par l'éducation nationale n'est actuellement pas recevable.


• La position exprimée par le ministre.

Répondant à de nombreuses interventions parlementaires sur ce problème, le ministre a manifesté son souci d'améliorer la situation de ces personnels qui participent de façon efficace et appréciée à la préparation de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Il a indiqué que les services du ministère étudiaient les conditions qui leur permettraient de se présenter aux différents concours de recrutement de personnels enseignants, d'éducation et d'orientation, dans le cadre des corps, sections et options définies dans une note de service n° 97-168 du 30 juillet 1997.

Lors de la discussion de la question orale sans débat n° 187 au Sénat, le 3 mars 1998, il a notamment invité son auteur à déposer une proposition de loi permettant l'intégration de ces personnels et a exprimé son souhait personnel de pouvoir les intégrer.

Il n'a pas exclu, sans en prendre l'engagement, qu'intervienne une mesure qui permettrait d'en intégrer un certain nombre, ce qui ne représenterait pas un gros problème budgétaire compte tenu du nombre réduit de ces personnels, et a regretté, d'une manière générale, que l'éducation nationale soit toujours plus souple à l'égard de personnels enseignants qu'à l'égard d'autres personnels aux statuts « beaucoup plus exotiques » recrutés au fil du temps.

En conséquence, quelle que soit l'évolution future de la mission d'insertion de l'éducation nationale, il paraît indispensable de consolider la situation de ces personnels, qui ont surtout le tort d'être peu nombreux et d'assurer l'insertion de ces animateurs qui ont la charge d'insérer les jeunes.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

Son article 1 er tend à compléter le quatrième alinéa de l'article 1 er de la loi du 16 décembre 1996 pour ouvrir les concours réservés créés afin de résorber l'emploi précaire dans la fonction publique aux candidats qui ont exercé en qualité de contractuel dans le cadre de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale.

L'article 2 a pour objet de permettre aux personnels de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale d'être titularisés par la voie de concours internes et spécifiques.

Il précise que ces concours organisés par l'éducation nationale consisteront en un entretien avec un jury et prendront en compte la qualification et l'expérience acquise dans l'exercice de leur fonction d'insertion.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le quatrième alinéa (3 e ) de l'article 1 er de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire est complété par les mots suivants : « ou exercer en qualité de professeur contractuel dans le cadre de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale ; ».

Article 2

Les personnels de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale peuvent être titularisés par voie de concours internes et spécifiques à l'issue d'un entretien avec un jury ; celui-ci est chargé d'apprécier la qualification et l'expérience acquise par les candidats dans l'exercice de leur fonction d'insertion.

Article 3

Les majorations des charges résultant des dispositions de la présente loi sont compensées par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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