Instrument du marché unique pour les situations d'urgence (PPRE) - Texte déposé - Sénat

N° 490

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mars 2023

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE


au nom de la commission des affaires européennes,
en application de l’article 73 quater du Règlement,


sur l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence,


présentée

Par Mmes Amel GACQUERRE, Christine LAVARDE et M. Didier MARIE,

Sénatrice et Sénateurs


(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)




Proposition de résolution européenne sur l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 4, 21, 26, 36, 45 et 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu les articles 7, 8, 16, 17 et 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 5 mai 2021 sur le mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020, intitulé « Bâtir un marché unique plus fort pour la reprise de l’Europe », (COM(2021) 350 final),

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 19 octobre 2021 présentant son programme de travail pour 2022, intitulée « Ensemble pour une Europe plus forte », (COM(2021) 645 final),

Vu les conclusions sur le renforcement de la préparation, de la capacité de réaction et de la résilience face aux crises à venir, adoptées par le Conseil des affaires générales lors de sa session du 23 novembre 2021,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un instrument du marché unique pour les situations d’urgence et abrogeant le règlement (CE) nº 2679/98 du Conseil, présentée par la Commission européenne le 19 septembre 2022, (COM(2022) 459 final),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures visant à faciliter l’approvisionnement en biens utiles en situation de crise dans le contexte d’une situation d’urgence pour le marché unique et modifiant le règlement (UE) 2016/424, le règlement (UE) 2016/425, le règlement (UE) 2016/426 et le règlement (UE) 2019/1009, présentée par la Commission européenne le 19 septembre 2022, (COM(2022) 461 final),



Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2000/14/CE, 2006/42/CE, 2010/35/UE, 2013/29/UE, 2014/28/UE, 2014/29/UE, 2014/30/UE, 2014/31/UE, 2014/32/UE, 2014/33/UE, 2014/34/UE, 2014/35/UE, 2014/53/UE et 2014/68/UE et introduisant des procédures d’urgence pour l’évaluation de la conformité, l’adoption de spécifications communes et la surveillance du marché dans le contexte d’une situation d’urgence pour le marché unique, présentée par la Commission européenne le 19 septembre 2022, (COM(2022) 462 final),



Sur la mise en place d’un instrument du marché unique pour les situations d’urgence :



Considérant que le marché unique est un atout important pour l’Union européenne dans la compétition économique mondiale et bénéficie aux consommateurs, aux travailleurs et aux entreprises de l’Union européenne ;



Considérant que, lors de la crise de la COVID-19, les restrictions à la libre circulation des personnes, des biens et des services sur le marché intérieur, mises en place unilatéralement par des États membres, ont eu des conséquences significatives, en particulier sur les chaînes d’approvisionnement, la fourniture de services et les déplacements transfrontières ;



Approuve le principe de la création d’un instrument d’urgence à l’échelon européen, destiné à permettre à l’Union européenne d’anticiper les conséquences des crises sur le marché unique, de s’y préparer et d’y faire face de manière coordonnée, cohérente et solidaire ; relève à cet égard qu’il est en particulier indiqué que toute restriction devrait tenir compte de la situation des régions frontalières ;



Estime toutefois indispensable de préciser la définition de la notion de crise figurant à l’article 3 du texte COM(2022) 459, en particulier pour en décrire le périmètre ;



Observe à cet égard que le considérant 36 dudit texte précise que « le règlement respecte les droits fondamentaux », en particulier « le droit de négociation et d’actions collectives protégé à l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », et que la mise en œuvre dudit droit ne saurait être constitutive d’une situation d’urgence relevant de ce périmètre ;



Convient qu’il est indispensable de veiller à la disponibilité de biens et de services essentiels en cas de crise mais estime que les définitions des « biens et services d’importance stratégique » et des « biens et services nécessaires en cas de crise » doivent être précisées et que des critères d’évaluation de leur caractère stratégique doivent être établis ;



Constate, de manière générale, l’imprécision de la définition de plusieurs notions clés figurant dans la proposition de règlement ainsi que de certaines des obligations susceptibles d’être imposées aux États membres ;



Appelle en conséquence à des clarifications et à des précisions pour améliorer la sécurité juridique et la prévisibilité du mécanisme proposé ;



Souligne que les mesures prises en cas de crise doivent respecter les libertés et les droits fondamentaux, et être proportionnées à la gravité de la situation ;



Sur l’architecture de gestion de crise à trois niveaux :



Considérant que la Commission européenne propose un mécanisme de gestion de crise du marché unique comportant trois niveaux : un cadre de planification des mesures d’urgence, un mode alerte et un mode urgence ;



Considérant que cette architecture de gestion de crise est destinée à permettre une gestion coordonnée à l’échelon européen des crises pour préserver le bon fonctionnement du marché unique, en particulier la libre circulation des biens, des services et des personnes, et assurer l’accès des européens et des entreprises aux biens et aux services essentiels ;



Soutient le principe d’une approche coordonnée, graduée et réversible pour minimiser l’impact des crises sur le marché intérieur ;



Approuve la priorité donnée à la préservation des libertés de circulation des produits, des services et des personnes ;



Souligne que l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence n’a pas vocation à traiter les dépendances structurelles qui relèvent de la stratégie industrielle de l’Union ;



Estime indispensable de définir l’articulation du mécanisme proposé avec d’autres dispositifs d’urgence européens, comme le mécanisme de protection civile de l’Union, les régimes sectoriels de crise existants ou en cours d’adoption, par exemple en matière de semi-conducteurs, de médicaments, d’instruments médicaux ou encore de matières premières stratégiques, afin d’éviter les doublons, ou encore avec le dispositif intégré pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise (IPCR) ;



Considérant qu’il est proposé qu’un cadre de prévention des urgences, comportant des protocoles de crise et de communication de crise, des formations, des simulations et des dispositifs d’alerte précoce, soit mis en place de manière permanente ;



Préconise que ce cadre de prévention prévoie la mise en place de points de contact nationaux et européens ainsi que d’un système d’information commun afin que ceux-ci puissent être immédiatement opérationnels en cas de crise ;



Demande que ce cadre définisse une architecture harmonisée pour la collecte et la communication, par les États membres et les opérateurs économiques, des données nécessaires pour répondre aux crises afin d’en permettre le traitement, l’agrégation et l’interopérabilité ;



Considérant qu’en situation d’urgence pour le marché intérieur, il serait possible d’activer, pour des durées limitées, les modes alerte ou urgence, ce qui permettrait de prendre des mesures ciblées pour faire face à la crise ;



Estime que la gravité de la menace de nature à justifier l’activation du mode alerte ou du mode urgence doit être mesurée à l’aune de critères d’évaluation des conséquences, potentielles ou effectives, de la menace, et que ces critères doivent être définis par le règlement ;



Sur la gouvernance de l’instrument d’urgence pour le marché unique :



Considérant que la gouvernance de l’instrument d’urgence serait confiée à la Commission européenne, conseillée par un groupe consultatif réunissant, sous sa présidence, des représentants des États membres ;



Demande que les modalités de fonctionnement et de décision du groupe consultatif soient précisées, en particulier les règles de majorité ;



Recommande que les partenaires sociaux, syndicats et entreprises, avec lesquels il est précisé que les États membres doivent assurer un dialogue permanent sur les mesures restreignant la liberté de circulation des personnes, des biens et des services, en cas de crise, soient associés aux travaux du groupe consultatif afin d’éclairer ses discussions sur la pertinence, l’impact et la faisabilité des mesures envisagées ;



Estime que, pour être en mesure d’assurer la gouvernance de l’instrument d’urgence, la Commission devrait être dotée d’une organisation et de moyens adaptés et adaptables ;



Considérant que la Commission serait seule compétente pour activer le mode alerte par un acte d’exécution listant les produits et les services d’importance stratégique et définissant les mesures que les États membres devraient prendre en matière de suivi des chaînes d’approvisionnement, de recensement des opérateurs économiques les plus pertinents établis sur leur territoire, de demande d’informations aux opérateurs les plus concernés ou encore de constitution de réserves stratégiques de biens, en les assortissant éventuellement d’objectifs individuels ;



Considérant que le mode urgence serait activé par le Conseil, à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission (régime dit de « double activation »), mais que celle-ci serait seule compétente pour établir une liste des biens et des services pertinents pour répondre à la crise en adoptant des actes d’exécution et pour prendre de nouvelles mesures ;



Estime que le rôle confié à la Commission européenne dans la gouvernance de l’instrument d’urgence du marché intérieur ne saurait priver les États membres de la possibilité de demander l’activation du mode alerte, sa prolongation ou sa désactivation, ou de prendre l’initiative de décider l’activation, la prolongation ou la désactivation du mode urgence ;



Sur les obligations pesant sur les opérateurs économiques :



Considérant qu’en cas d’activation du mode alerte, les États membres pourraient être appelés par la Commission à demander aux opérateurs économiques établis sur leur territoire et les plus concernés tout au long des chaînes d’approvisionnement en biens et en services stratégiques, de leur transmettre, sur une base volontaire, des informations, en particulier sur l’état de leurs stocks ;



Considérant qu’il est prévu que des amendes pourraient être infligées aux entreprises qui ne répondraient pas aux demandes d’informations alors que le mode urgence a été activé ;



Rappelle que les opérateurs économiques sont directement affectés en cas de crise, en particulier en cas de difficultés d’approvisionnement, de transport et d’accès aux marchés, et qu’il est important de veiller à ce qu’ils puissent poursuivre leurs activités sans les surcharger inutilement ;



Préconise en conséquence une approche proportionnée afin de ne pas faire peser des charges administratives excessives sur les opérateurs économiques, en particulier sur les petites et moyennes entreprises (PME) ;



Attire par ailleurs l’attention sur la nécessité d’assurer la protection des secrets d’affaires (secrets industriels et commerciaux) des opérateurs économiques, en particulier en encadrant l’accès aux informations qu’ils transmettent, les modalités de diffusion de ces informations et la durée de leur conservation ;



Considérant qu’en mode urgence, la Commission pourrait inviter un ou plusieurs opérateurs économiques des chaînes d’approvisionnement critiques à accepter des commandes prioritaires et qu’en cas de refus, les raisons invoquées par l’opérateur pourraient être rendues publiques et une amende lui être infligée ;



Demande que la priorisation des commandes soit encadrée par des critères précis et prenne en compte les contrats déjà conclus par les entreprises, en particulier avec des pays tiers ;



Considérant qu’il est proposé qu’en mode urgence, les règles harmonisées applicables aux produits nécessaires à la gestion de crise puissent être temporairement assouplies dans quatorze secteurs, ce qui leur permettrait de bénéficier d’une autorisation temporaire de mise sur le marché ;



Rappelle que toute dérogation doit être justifiée et que la souplesse autorisée ne doit pas réduire le niveau de protection de la santé et de l’environnement.



Sur l’établissement de rapports et examens :



Considérant qu’il est prévu que la Commission présente tous les cinq ans un rapport sur le fonctionnement de la planification des mesures d’urgence et du système de réaction d’urgence du marché unique ;



Considérant que ce rapport devrait comporter une évaluation des travaux du groupe consultatif dans le cadre d’urgence ainsi que de leurs liens avec ceux d’autres organes compétents de gestion des crises au niveau de l’Union ;



Estime nécessaire de prévoir une évaluation a posteriori de l’efficacité et de la pertinence de l’instrument d’urgence lorsque le mode alerte ou le mode urgence a été activé ;



Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours et à venir au Conseil.

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