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N° 63

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996 - 1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 1996.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner les modalités d'organisation et les conditions de fonctionnement des services de police et de gendarmerie dans leurs missions de police judiciaire et de vérifier l'application, par ces services, des dispositions du code de procédure pénale concernant la direction, le contrôle et la surveillance de la police judiciaire,

PRÉSENTÉE

Par M. Hubert HAENEL,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation,

du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)

Police judiciaire.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les relations entre la Justice et la police judiciaire sont régulièrement un sujet de polémique. Au fil des ans et des « affaires », la tension monte, le débat prend parfois même des tournures difficilement admissibles dans un État de droit.

Les réactions des uns et des autres et à tous les niveaux de la hiérarchie judiciaire ou policière ne respectent plus le minimum de devoir de réserve qu'on serait en droit d'attendre des magistrats ou des fonctionnaires de police. Les ministres de l'Intérieur soutiennent, au-delà du simple commentaire, leurs services, donnant parfois le sentiment de « couvrir » sans que pour autant les ministres de la Justice ne réagissent pour rappeler le droit en vigueur.

Une récente affaire opposant le directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris à un juge d'instruction suivie d'un arrêt, outrageusement commenté et jugé, de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, a révélé l'ampleur des difficultés d'application des principes et des textes en vigueur.

Certes, tout ceci n'est pas nouveau, il suffit de se reporter aux polémiques suscitées par les affaires « Javilley », « de Broglie », « Gaudino », « Piat », « Boulin », etc., pour mesurer la constance des difficultés et des ambiguïtés.

Les différends, souvent de fond, qui opposent les services de police judiciaire relevant du Ministère de l'Intérieur aux autorités judiciaires (Direction des Affaires criminelles et des Grâces de la Chancellerie, Procureurs généraux, Procureurs, Chambres d'accusation et Juges d'instruction) doivent être identifiés, les textes mis à plat et des solutions proposées pour y mettre fin.

Il me paraît urgent que le Parlement intervienne, et notamment le Sénat. En effet, les relations justice-police judiciaire relèvent du domaine de la liberté individuelle, des libertés publiques, de l'égalité devant la loi et devant la justice. Par ce biais, c'est tout le fragile équilibre institutionnel qui est en cause. N'est-ce pas en effet la vie privée (perquisition), l'honneur (arrestation et suspicion), la liberté (garde à vue) de nos concitoyens qui peuvent être au premier chef en danger.

Dans ce type d'affaires, la justice semble être narguée. Nos concitoyens, non seulement ne comprennent plus rien au fonctionnement de l'État mais s'inquiètent des conséquences. Tout ceci devient très dangereux. La confiance des Français dans leurs institutions spécialement chargées de la protection, de la sécurité et de la justice, s'effrite dangereusement.

Le Sénat a démontré à de nombreuses reprises qu'il pouvait se pencher sur de tels problèmes complexes et délicats et enquêter en toute sérénité et objectivité, et à la satisfaction générale. Quelques exemples : commission d'enquête sur les événements étudiants de décembre 1986, commission de contrôle sur le fonctionnement de la justice de décembre 1990, commission d'enquête sur le fonctionnement de la S.N.C.F. de décembre 1992, pour ne citer que celles-là.

Pour se convaincre de la nécessité de la mise en place d'une telle commission, examinons successivement :

I. - Les principes,

II. - Le constat : la police judiciaire « coincée entre deux tutelles »,

III. - Les propositions réalistes formulées par le Sénat et non suivies d'effet,

IV. - Les tentatives avortées et les questions posées trop souvent éludées.

I. - LES PRINCIPES

Les principes régissant le rôle et les pouvoirs respectifs des autorités judiciaires, d'une part, et de leurs mandataires, les officiers de police judiciaire (O.P.J.), d'autre part, paraissent établis. Les textes fondamentaux sont de nature constitutionnelle, les grandes règles d'application sont pour la plupart de nature législative. Mais qu'en est-il réellement ?

L'article XVI de la Déclaration des Droits de l'Homme dispose que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n `a point de Constitution ».

L'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 confie à l'autorité judiciaire le rôle de gardien suprême de la liberté : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

Les articles 12, 13, 41 et Dl er du code de procédure pénale disposent que la police judiciaire est exercée « sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation ».

À plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rappelé ces grands principes.

Selon le Juris Classeur, édition 1992 :

« Les articles 13 et 38 du code de procédure pénale disposent : que la police judiciaire est exercée, dans le ressort de chaque cour d'appel, sous « la surveillance » du procureur général - que ce magistrat peut charger les Officiers de police judiciaire et Agents de Police Judiciaire de son ressort de recueillir tous renseignements qu'il estime utiles à une bonne administration de la justice.

La surveillance de la mission de police judiciaire est, en fait, assumée par les procureurs de la République du ressort ; c'est à ces derniers que les chefs de service de police ou de gendarmerie rendent compte de l'activité de leurs enquêteurs. Le chef du service régional de police judiciaire informe le procureur général des affaires présentant une certaine importance ou de particulières difficultés (circ. direct. cent. P., 21 avril 1967).

... Selon les articles 34 et suivants et D. 44 du code de procédure pénale, il incombe à ce magistrat de tenir en permanence, au parquet général, un « dossier individuel concernant l'activité, en tant qu'officier de police judiciaire et pour l'ensemble du ressort, de chacun des fonctionnaires civils et militaires ayant cette qualité ». Ce dossier renferme : « tous documents se rapportant à la notion de surveillance générale (rapports, enquêtes, plaintes, etc.) » (art. C. 35) - un exemplaire du « bulletin de notes » établi chaque année par le procureur de la République dans le ressort duquel l'officier de police judiciaire a instrumenté (art. D. 45). Pour les officiers de police judiciaire à compétence étendue (ceux, d'un service régional de police judiciaire, par exemple), le procureur général établit un même bulletin, en faisant la synthèse des appréciations des procureurs du ressort de la cour. Le procureur général de Paris note les officiers de police judiciaire à compétence nationale (ceux des offices centraux de la direction centrale de la police judiciaire ou de la direction de la surveillance du territoire, par exemple), après avoir recueilli l'avis des procureurs généraux dans le ressort desquels ces officiers de police judiciaire ont instrumenté. Il revient au procureur général de transmettre, soit au ministre de l'intérieur, soit au ministre de la défense, selon la qualité de l'officier de police judiciaire, un exemplaire de la notice individuelle annuelle de l'officier de police judiciaire, lequel doit en recevoir copie.

Il appartient au procureur général : « de prévenir les fautes professionnelles des officiers de police judiciaire et d'en empêcher le renouvellement », de coordonner à l'échelon régional, par ses rapports avec les chefs de service de police et de gendarmerie, l'action de ceux-ci.

...La mission de surveillance du procureur général sur la police judiciaire a été renforcée par la loi n° 66-493 du 9 juillet 1966 (C. proc. pén. art. 16) et ses décrets d'application, afférents, d'une part à l'octroi par ce magistrat de l'habilitation à exercer effectivement les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire, d'autre part aux mesures de suspension et de retrait de cette habilitation.

« L'article 16 du code de procédure pénale (7 e alinéa) dispose que :

Les fonctionnaires mentionnés aux et 3° ci-dessus (il s'agit des officiers de police judiciaire de la gendarmerie nationale et de la police nationale, à l'exclusion - en application du 6 e alinéa - des personnes exerçant les fonctions de directeur ou sous-directeur de la police judiciaire relevant du ministre de l'intérieur et de directeur ou sous-directeur de la gendarmerie) ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d'officier de police judiciaire ni se prévaloir de cette qualité que s'ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d'une décision du procureur général près la cour d'appel les y habilitant personnellement (...).»

D'autres textes rappellent le même principe : 1° la loi n° 66-492 du 9 juillet 1966, portant organisation de la police nationale, dispose que celle-ci « relève du ministre de l'intérieur, sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la police judiciaire » (art. premier) ; 2° le décret n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant code de déontologie de la police nationale, énonce que celle-ci est placée « sous l'autorité du ministre de l'intérieur, sous réserve des règles posées par le code de procédure pénale en ce qui concerne les missions de police judiciaire ».

C'est donc tout naturellement qu'un arrêt récent de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris tirant les conséquences de ces textes a rappelé que : « les Officiers de police judiciaire, à l'occasion d'enquête ou de l'exécution d'une commission rogatoire, ne peuvent recevoir des ordres que de l'autorité judiciaire ».

Tels sont, sommairement rappelés, les grands principes régissant l'exercice des missions de police judiciaire par les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie. Mais, en pratique, la police judiciaire se trouve trop souvent « tiraillée » entre deux tutelles, celle de ses mandants naturels et permanents que sont les autorités judiciaires et celle de ses supérieurs hiérarchiques, c'est-à-dire toute la chaîne de commandement qui remonte jusqu'au ministre de l'Intérieur. Tous les observateurs et initiés s'accordent sur le même constat : la police judiciaire est souvent « coincée entre deux tutelles ».

La question de fond est donc celle-ci : l'autorité judiciaire peut-elle être indépendante si une autre autorité, en l'espèce l'Exécutif via le ministre de l'Intérieur, peut interférer dans les enquêtes préliminaires diligentées par les Parquets et les commissions rogatoires délivrées par les Juges d'instruction.

Les principes essentiels sans lesquels une société n'a point de Constitution sont-ils mis en cause par les règles et les usages qui régissent les relations Justice-police judiciaire et notamment dans l'exercice ambigu de l'autorité du ministre de l'Intérieur sur les services de police judiciaire. Il appartiendra à la commission d'enquête de dresser un état complet des lieux. »

II. - LE CONSTAT : LA POLICE JUDICIAIRE

« COINCÉE » ENTRE DEUX TUTELLES

Si les enquêteurs doivent obéir strictement aux magistrats, ils dépendent étroitement d'un autre ministre, celui de l'Intérieur.

Depuis des décennies, les uns et les autres soulignent les difficultés existant entre la justice et les services de police, ces difficultés, malgré les textes de principe rappelés ci-dessus, tiennent pour l'essentiel au fait que les attributions respectives des uns et des autres ne sont pas en pratique clairement définies et lorsqu'elles le sont (par exemple pour le contrôle des Officiers de Police judiciaire par l'autorité judiciaire), les problèmes rencontrés dans leur mise en oeuvre s'expliquent par des divergences d'interprétation sur les missions respectives de chacun au plus haut niveau et sur la portée des textes eux-mêmes.

La situation présente s'explique d'abord historiquement. Les forces de police (sauf la gendarmerie) étaient jusqu'à l'époque moderne insignifiantes en nombre et leurs activités, en terme de lutte contre la délinquance, assez marginales. Les premières forces spécialisées remontent aux célèbres Brigades du Tigre.

L'on a assisté ensuite à une croissance sans précédent des forces de police générale (la France est le premier pays européen en ce qui concerne le taux de policiers et gendarmes par habitant) et à une multiplication, au fur et à mesure que croissaient les formes et l'organisation de la délinquance et les législations techniques des forces de police spécialisées. Le poids sans cesse plus important du Ministère de l'Intérieur et des préfets a complété cette évolution.

L'institution judiciaire, « en réaction », s'est vue naturellement conférer un rôle de contrepoids en terme de garantie des libertés individuelles. Ce rôle s'est notamment exprimé par le monopole de la Chancellerie en ce qui concerne la définition des mesures juridiques de coercition que porte le dispositif normatif instauré en 1958-1959 (la Constitution et le Code de Procédure Pénale qui attribuent à la Justice le rôle éminent de direction et de contrôle de la police judiciaire et des enquêtes individuelles). Toutefois, jusqu'à une date récente, qui coïncide avec le contrôle des gardes à vue et l'expérimentation du traitement en temps réel des infractions, la saisine de la Justice par les services d'enquête marque le début de son intervention.

Les conséquences de ces divergences d'interprétation des textes et ces ambiguïtés sont dangereuses.

Les missions et les enquêtes de police judiciaire sont traditionnellement dans notre pays sous l'étroite dépendance administrative et parfois politique du Ministre de l'Intérieur qui peut interférer, via l'autorité hiérarchique qu'il exerce sur l'ensemble des services de police, y compris ceux dont les missions sont exclusivement judiciaires, s'ingérer, accélérer ou « engluer » une enquête et une instruction dans les dossiers « suivis » et pointus alors même que les procureurs de la République sont censés diriger les services de police judiciaire placés sous le contrôle des procureurs généraux et des chambres d'accusation. Cette affirmation est étayée par de nombreux témoignages de la plupart des ministres de la Justice, qu'ils soient membres du P.S., du C.D.S. ou du R.P.R. entendus par la commission de contrôle sénatoriale sur le fonctionnement de la Justice.

La commission « Justice pénale et Droits de l'homme », dirigée par Mme Mireille Delmas-Marty, relevait, à propos du contrôle de la police judiciaire par les parquets et les Juges d'instruction : «... affirmé dans son principe, le contrôle, qui revêt un certain nombre de modalités concrètes, est souvent plus théorique que réel...».

Autre illustration de ces interférences, pas toujours aussi anodines : le témoignage, M. Valéry Turcey, président de l'union syndicale des magistrats (Cf. Le Monde du 18 février 1993).

«... Lorsque j'étais Juge d'instruction, j'ai rencontré un jour à Lille le chef de Cabinet du Préfet. Il m'a prévenu que j'allais recevoir bientôt une information importante dans un de mes dossiers d'abus de biens sociaux et il attirait même mon attention sur le procès-verbal de synthèse de la police, qu'il jugeait très intéressant! J'ai reçu ce procès-verbal quelques jours plus tard, mais il l'avait lu avant moi puisque les officiers de police judiciaire adressent un exemplaire de leurs procès-verbaux à leur hiérarchie ! »

D'autres exemples, qui sont loin d'être limitatifs, sont révélateurs de tensions permanentes entre la place Beauveau et la place Vendôme à propos des pouvoirs respectifs des uns et des autres en matière de police judiciaire. Pourquoi le Directeur des Affaires criminelles et des Grâces s'est-il cru obligé, dans une lettre en date du 12 octobre 1994 adressée au Directeur Général de la police nationale, de rappeler :

« Mon attention vient d'être appelée sur la note de service, ci-jointe en copie, adressée par la direction centrale de la sécurité publique aux directeurs départementaux de la sécurité publique relative à la notation des officiers de police judiciaire.

Je déplore que dans cette note relative à l'article 19-1 du code de procédure pénale - issu de la loi du 4 janvier 1993 - qui prévoit que la notation par le Procureur Général de l'officier de police judiciaire habilité est prise en compte pour toute décision d'avancement, le directeur central de la sécurité publique ait cru bon de polémiquer, en informant ses services des actuelles discussions interministérielles relatives à la réforme des articles D. 44 à D. 47 et la position qu'il a cru devoir y observer.

La rédaction et la diffusion de telles notes, dont l'aspect réducteur de la volonté du législateur est contestable, me paraît non seulement de nature à nuire à la sérénité des débats entre nos ministères, mais aussi contraire à toutes les règles présidant à la nécessaire coopération gouvernementale dans l'élaboration des textes.

Je vous serais obligé de bien vouloir veiller à ce que de tels dysfonctionnements ne puissent plus se reproduire ».

Sur le terrain, les relations sont tout autant ambiguës. Récemment un procureur général qui avait demandé le rapport établi par l'inspection, qui avait contrôlé le S.R.P.J. du ressort, s'est vu répondre par le Directeur central de la police judiciaire :

« Comme vous le savez, les rapports d'audit des services relevant de la Direction Centrale de la Police Judiciaire tels qu'ils sont élaborés par l'Inspection Générale de la Police Nationale sont communiqués à la seule autorité compétente en la matière, le Directeur Général de la Police Nationale. Celui-ci l'adresse au Directeur Central directement concerné, en l'occurrence le Directeur Central de la Police Judiciaire. Les autorités préfectorales n'en sont donc pas destinataires.

Les audits visent à évaluer, aux plans administratif et budgétaire, l'organisation et le fonctionnement des services relevant de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, compte tenu des moyens en personnels et en équipements mis à leur disposition par le budget de la Police Nationale au Ministère de l'Intérieur.

Ces audits s'inscrivent donc exclusivement dans le cadre de l'exercice du contrôle hiérarchique d'une administration centrale par rapport à ses services déconcentrés. »

À propos d'un différend récent entre police judiciaire et Justice, le Directeur général de la police nationale recevait la nécessité de clarification en ces termes :

« Cette affaire illustre le fait que nous avons dans notre réglementation des points d'ombre entre la police et la Justice. Il serait bon que ces points d'ombre soient éclairés par des textes plus nets. La décision de la Chambre d'accusation est significative : elle fait référence à des précédents car les textes ne sont pas suffisamment explicites. Je crois qu'il faut profiter de cette circonstance malheureuse pour combler certaines lacunes ». (Cf. Le Figaro, page C9, du jeudi 24 octobre 1996).

N'a-t-on pas vu aussi, le 13 mai 1996, des gendarmes (officiers de police judiciaire) refuser d'interpeller des malfaiteurs corses, et ce contrairement aux directives données par des magistrats ? Comme on le voit, dans les affaires sensibles, les officiers de police judiciaire ne sont pas toujours libres d'obéir aux ordres donnés par l'autorité judiciaire.

La commission d'Enquête pourra donc utilement se pencher sur ce type de malentendus et refus, en analyser les causes et essayer d'y trouver les justifications, afin « d'apaiser », comme le souhaite d'ailleurs le Garde des Sceaux qui déclarait récemment à l'Assemblée nationale qu'il était dans « l'intérêt général de la France d'éviter par tous les moyens qu'il ne se crée un conflit entre la police et la Justice... L'intervention parlementaire sur le fond même des différends Justice-police judiciaire me paraît de nature à clarifier les données du débat et à apaiser la polémique.

Tout récemment, M. François Léotard, ancien Ministre de la Défense, déclarait à Sept sur Sept, sur TF1 :

« Ce n'est pas au ministre de l'Intérieur d'apprécier si les poli c iers doivent ou non répondre aux demandes des juges. On ne me fera pas croire que c'est M. X. lui-même, qui est un excellent policier, estimé par tous ses collègues, qui a pris la décision. » C'est sans doute aussi, pour des raisons similaires, qu'en 1981, le candidat François MITTERRAND avait inscrit dans ses 101 propositions « pour réformer la France et changer la vie » le rattachement de la police judiciaire au ministre de la Justice. Il n'en fut rien. Pourquoi ?

L'actuel Garde des Sceaux ne déclarait-il pas, aussi, en janvier 1990 :

«... Il est maintenant nécessaire (...) de rendre véritablement indépendante l'autorité judiciaire (...) en la détachant juridiquement du pouvoir politique, de façon à faire cesser toute possibilité ou soupçon d'ingérence dans des affaires particulières. » Le moment n'est-il donc pas venu, dans la sérénité d'une commission d'enquête parlementaire, de se demander ce qui a empêché toutes ces bonnes intentions de se concrétiser ?

III. - UN ÉTAT DES LIEUX SANS COMPLAISANCE

ET DES PROPOSITIONS RÉALISTES

NON SUIVIES D'EFFET

Le 13 décembre 1990, le Sénat constituait une commission de contrôle ( ( * )1) .

Le 4 juin 1991, cette commission adoptait à l'unanimité un rapport publié depuis sous le titre « Justice sinistrée : Démocratie en danger » préfacé par Jean-Denis BREDIN.

À propos des relations Justice-Police judiciaire, la commission déplorait : « ... L'absence de maîtrise de la police judiciaire et les interférences de l'Intérieur et de la Défense » en relevant que « Les véritables atteintes à l'indépendance sont moins évidentes pour le public et pourtant il convient de les mettre en lumière. Ainsi le bras séculier du Parquet qu `est la police judiciaire est certes placé sous la direction de celui-ci, mais il ne relève pas de son autorité, et la diligence plus ou moins exacte de la police, quand ce n'est pas son obstruction ou la transmission tardive des informations, constitue indiscutablement une atteinte à l'indépendance.

La plupart des auditions de magistrats auxquelles la commission de contrôle a procédé ont révélé l'existence d'un grave malaise dans les rapports entre le corps judiciaire et les services de police ou de gendarmerie habilités à exercer des fonctions de police judiciaire. »

1. Les textes sont très clairs : les magistrats ont la direction de la police judiciaire.

La loi confie aux magistrats la direction, la surveillance et le contrôle de la police judiciaire. Les textes sont, sur ce point, sans ambiguïté :

- l'article 12 du code de procédure pénale énonce que « la police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers, fonctionnaires et agents désignés au présent titre » ;

- selon l'article 13 du même code, la police judiciaire « est placée dans chaque ressort de cour d'appel, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation » ;

- enfin, aux termes de l'article 41, « le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale. À cette fin, il dirige l'activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal ».

La police judiciaire comprend notamment les O.RJ. (officiers de police judiciaire) et les A.P.J. (agents de police judiciaire des articles 20 et 21) ainsi que, aux termes de l'article 15, les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire.

2. En pratique, cette direction leur échappe largement.

Dans la réalité, et contrairement à la lettre des textes qui viennent d'être rappelés, la direction, la surveillance et le contrôle de la police judiciaire échappent, bien souvent, aux magistrats qui n'ont ni la volonté ni les moyens matériels d'exercer cette mission, pourtant essentielle au regard de la garantie de l'État de droit et de la sauvegarde des libertés publiques et individuelles.

Le ministre de l'Intérieur, et dans une moindre mesure le ministre de la Défense, apparaissent comme les véritables chefs de la police judiciaire.

En méconnaissance totale des règles en vigueur, le ministre de l'Intérieur et ses services assurent en fait la direction de la police judiciaire. Le souci d'efficacité l'emporte là sur toute autre considération touchant à l'État de droit ou aux libertés.

Il est ainsi apparu à la commission de contrôle que le ministre de l'Intérieur est étroitement mêlé à la conduite de l'action publique et à l'exercice de l'opportunité des poursuites. La manière dont sont accomplies les missions de police judiciaire dépend donc de la bonne volonté de ce ministre et de ses services.

La police judiciaire, dépendante de la direction générale de la police nationale par l'intermédiaire de la direction centrale de la police judiciaire, du préfet de police à Paris et des préfets et préfets délégués pour la police dans les départements, est en réalité entre les mains du seul ministre de l'Intérieur. De nombreux exemples de cette dépendance ont été observés par la commission de contrôle lors de ses travaux.

Ce sont les services du ministre de l'Intérieur qui décident, seuls, du nombre et de la qualité des O.P.J. et A.P.J. affectés à une enquête, de l'urgence des investigations, et qui peuvent à leur guise accélérer, ralentir ou « engluer » une enquête ou la juger inopportune.

Ce sont ces seuls services qui décident de la répartition des compétences entre les services de police judiciaire d'un même ressort de tribunal de grande instance, comme c'est le cas à Marseille par exemple.

Les protocoles d'accord en matière de police judiciaire entre la gendarmerie et la police nationale sont négociés et décidés en l'absence des services du ministre de la Justice.

C'est le ministre de l'Intérieur qui informe le plus souvent dans les « affaires difficiles » son homologue de la justice, de la naissance ou du développement d'une enquête ou de l'ouverture d'une information judiciaire.

Les O.P.J. sont mutés ou promus sans que l'autorité judiciaire soit consultée ou même informée.

Le titre d'agent de police judiciaire est donné à ceux des agents auxquels on entend accorder le bénéfice de la prime attachée à cette qualité.

Les services de police sont déployés, restructurés, départementalisés sans que les autorités judiciaires soient associées à la décision.

Le pouvoir disciplinaire à l'égard des O.RJ. n'est exercé, dans les faits, que par le seul ministre de l'Intérieur ( ( * )2) qui annonce que l'enquête concernant l'assassinat d'un ancien ministre est close avant même d'avoir commencé, ou qui s'exprime lors de la violation de sépulture à Carpentras, en qualité de ministre de la police judiciaire.

Au demeurant, l'opinion publique, les journalistes et les parlementaires même ne s'y trompent pas, puisque c'est le ministre de l'Intérieur qui est, la plupart du temps, interrogé sur le développement ou les suites d'une enquête judiciaire ( ( * )3) .

« La constatation et la poursuite de certaines infractions échappent au Parquet.

Lorsque des infractions sont relevées par les agents des Douanes placés sous la tutelle du ministre chargé du Budget, le Parquet est totalement maintenu à l'écart.

Ces agents, quel que soit leur grade, n'ont pas la qualité d'O.P.J. ou d'A.P.J., ce qui est sans doute regrettable ; ils disposent pourtant de pouvoirs de contrôle, d'enquête, de constatation et d'investigation, égaux ou supérieurs à ceux des O.P.I. (voir ci-après), sans que le procureur de la République ait, au moins dans les faits, un quelconque pouvoir général de direction, de contrôle ou de surveillance sur leur activité « quasi judiciaire ».

De récentes affaires judiciaires impliquant des agents des douanes dans l'exercice de leurs pouvoirs de constatation, de contrôle et d'enquête ont bien montré que la préoccupation de la commission de contrôle est fondée.

Il importe que le Gouvernement tranche et affiche clairement sa position, soit en affirmant que la police judiciaire fonctionne à la satisfaction générale et que le droit en vigueur doit être mis en conformité avec la pratique, - la direction, le contrôle et la surveillance de la police judiciaire doivent être alors confiés au ministre de l'intérieur -, soit qu'il y a lieu au contraire d'appliquer la loi.

De même, la situation des agents des douanes doit absolument être clarifiée.

Les observations ainsi formulées permettent de constater que la question de l'indépendance est complexe mais qu `il convient sans nul doute d'opérer une distinction claire, d'une part, entre le Siège et le Parquet, d'autre part, entre l'image de dépendance fondée sur quelques « affaires » hâtivement présentées et habilement exploitées auprès du public et certaines atteintes effectives mais rarement dénoncées. C'est la combinaison de ces divers éléments qui, une fois encore, alimente le malaise des magistrats. »

À la suite de ces constatations, la commission proposait, sans envisager le rattachement de la police judiciaire au ministère de la Justice, de « clarifier les rapports entre l'Exécutif et l'Autorité judiciaire ».

« La commission propose que soient nettement distinguées, dans l'organisation administrative, les fonctions de police administrative et les fonctions de police judiciaire :

- la police administrative, placée sous l'autorité du ministre de l'Intérieur au niveau national, doit être dirigée par les préfets au niveau départemental ;

- la police judiciaire, placée sous la responsabilité du Garde des Sceaux doit être, quant à elle, exclusivement dirigée par les procureurs de la République dans les ressorts des tribunaux départementaux.

En application de cette règle, la commission de contrôle est amenée à présenter les propositions suivantes :

a) L'application stricte par le Parquet du code de procédure pénale.

Les procureurs généraux et procureurs de la République doivent appliquer strictement les dispositions des articles 12, 13 et 41 du code de procédure pénale.

b) L'interdiction faite aux préfets de s'ingérer dans les enquêtes judiciaires.

Les préfets doivent se voir interdire toute immixtion dans les enquêtes judiciaires, interdiction leur étant notamment faite de recueillir toute information ou document liés à ces affaires.

c) La vocation exclusive du Garde des Sceaux et des Parquets à s'exprimer sur l'activité de la police judiciaire.

Le ministre de la Justice doit être seul habilité à répondre à toute question concernant l'activité générale des services de police judiciaire ; dans chaque département, ce rôle doit incomber aux procureurs de la République.

d) La compétence exclusive du Garde des Sceaux pour trancher les conflits de compétence en matière de police judiciaire.

Le ministre de la Justice doit être seul compétent pour régler les conflits de compétence entre les différents services de police judiciaire, notamment la police nationale et la gendarmerie nationale.

e) La nomination d'un magistrat à la tête de la police judiciaire.

C'est un magistrat de l'ordre judiciaire qui devra être nommé à la tête de la direction centrale de la police judiciaire.

f) La création d'une inspection générale de la police judiciaire.

Cette inspection relèvera exclusivement du ministère de la Justice et comprendra des magistrats, des policiers, des gendarmes et des agents des douanes. Elle aura compétence exclusive pour toute investigation ou enquête mettant en cause un O.P.J. ou un A.P.J. dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

g) L'exercice par l'autorité judiciaire de la discipline de la police judiciaire.

La discipline des O.P.J. ou des A.P.J. relèvera de la seule compétence de l'autorité judiciaire ; le ministère de l'Intérieur n'intervenant que pour tirer les conséquences administratives de la décision des autorités judiciaires (suspension, rétrogradation, révocation), le judiciaire tenant le disciplinaire en l'état.

h) Le contrôle par le magistrat des effectifs de police judiciaire mise à sa disposition

Lorsqu'une enquête préliminaire est engagée ou une instruction ouverte, les services compétents de police ou de gendarmerie devront mettre à la disposition du magistrat du Parquet ou du juge instructeur une liste nominative des O.P.J. affectés à cette affaire. Le nombre de ces fonctionnaires ne pourra être réduit qu'avec l'accord du magistrat intéressé.

i) L'attribution aux agents des douanes de la qualité d'O.P.J. ou d'A.P.J.

Les agents des douanes devront, selon leur degré de qualification, recevoir la qualité d'O.P.J. ou d'A.P.J. Ils relèveront à ce titre des dispositions des articles 12, 13 et 41 du code de procédure pénale. D'une manière générale, cette règle devra s'appliquer à tous les agents chargés de constater les infractions. Sur ce point, il semble que, dans certaines villes, il se posait un vrai problème en matière de polices urbaines et que des mesures urgentes s'imposaient.

On observera que ces différentes mesures qui touchent aux libertés publiques n'auront aucune incidence budgétaire. La plupart relèvent en outre du domaine réglementaire, voire de simples circulaires, et pourraient être mises en oeuvre très rapidement. »

IV. - DES TENTATIVES AVORTÉES

ET DES QUESTIONS SOUVENT ÉLUDÉES

En dehors du Sénat et en vingt ans, pas moins de huit commissions ont travaillé sur cette question ou des questions voisines sous la présidence de parlementaires, membres du Conseil d'État, magistrats de l'ordre judiciaire. Citons les rapports Tricot en 1972, Bezio en 1975, Racine en 1976 et 1978, Bellorgey en 1982, Lalannes en 1987, Jean Cabannes en 1987. Ces travaux ont reçu l'approbation des plus hautes autorités de l'État.

Depuis quatre années, pendant une semaine, dans le cadre d'une formation permanente commune à l'École nationale de la Magistrature, à l'École nationale de Police et à l'École nationale de la Gendarmerie, magistrats et officiers supérieurs de gendarmerie réfléchissent et travaillent sur cette question des relations justice-police judiciaire.

Cela prouve qu'il y a matière à discussion.

De leur côté, certains parlementaires tentent de faire passer les intentions en actes, sous forme d'amendement. (Sénat-Débats séance du 15 novembre 1993, p. 4517.) Les ministres reconnaissent, approuvent et promettent...

Les réponses aux questions écrites et les engagements contenus dans celles-ci restent lettre morte. Exemple : question écrite n° 4157 du 23 décembre 1993 relative à la création d'une inspection générale de la police judiciaire posée dans le droit fil du rapport de la commission de contrôle sénatoriale. Réponse parue au Journal officiel du 10 février 1994 :

« Le Garde des Sceaux assure l'Honorable Parlementaire de sa très ferme détermination, rappelée lors des récents débats parlementaires, à permettre aux autorités judiciaires d'exercer de façon effective les pouvoirs de surveillance, de contrôle et de direction de la police judiciaire que la loi leur confie expressément.

La création d'un corps d'inspection de la police judiciaire placée sous l'autorité du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui serait composée de magistrats, d'officiers de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie paraît de nature à répondre à cet impératif.

Une réflexion portant sur les conditions et les modalités concrètes d'élaboration d'une telle structure, ainsi que sur les missions précises qui pourraient lui être imparties, a d'ores et déjà été engagée par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice.

La concertation interministérielle que suppose la réalisation d'un projet aussi ambitieux, devant réunir les ministres de la Justice, de l'Intérieur et de la Défense, débutera donc très prochainement.

Définie comme l'une des lignes de recherche prioritaire de la Chancellerie pour l'année 1994, la mise en place de ce corps d'inspection sera prise en compte dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle pour la Justice. »

Il n'en fut rien. Une levée de boucliers a fait reculer le ministre d'État et son successeur ne s'est pas risqué à tenir ces engagements.

Autre exemple : création au sein des services de la Chancellerie d'une sous-direction de la police judiciaire. Question n° 4158 du 23 décembre 1993, réponse Journal officiel du 10 février 1994.

« Le Garde des Sceaux est en mesure d'assurer l'Honorable Parlementaire que, conformément aux engagements souscrits devant le Sénat, il a été décidé de créer, au sein du ministère de la Justice, une structure spécifique chargée de suivre les problèmes de police judiciaire.

Outre la détermination des orientations générales relatives au rôle de la justice en matière de police judiciaire, celle-ci aura pour mission la mise en oeuvre et le suivi de l'application des textes ayant trait à la direction, au contrôle et à la surveillance des officiers et agents de police judiciaire, et de ceux relatifs à la procédure pénale applicable à l'enquête de police.

D'autres attributions concernant, notamment, les fichiers de police et de gendarmerie, la police technique et scientifique ou la médecine légale seront confiées à ce service, qui sera associé à la préparation et à l'élaboration des textes législatifs et réglementaires ressortant à sa compétence.

La mise en oeuvre et le respect des règles déontologiques qui doivent régir les activités de police judiciaire relèveront également de son champ d'activité.

Il est apparu que la structure dont il est fait état devait, afin d'être pleinement efficace, prendre la forme d'un bureau au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces.

La création de ce nouveau service pourra ainsi intervenir dans le courant du premier semestre 1994. »

Un simple bureau a vu le jour...

CONCLUSION

LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION

ET L'INDISPENSABLE APAISEMENT

Une solution apparaît aujourd'hui non seulement nécessaire mais urgente. Les rappels ci-dessus mentionnés, loin d'être exhaustifs, montrent si besoin était que la crise jusqu'ici larvée entre l'autorité judiciaire et la hiérarchie du ministère de l'Intérieur a pris une telle ampleur et révèle de tels dysfonctionnements institutionnels et administratifs qu'il y a péril si aucune initiative n'est prise pour y remédier.

Le Sénat doit donc se pencher sur l'ensemble des questions soulevées, dresser un état complet des lieux et mener une réflexion d'ampleur sur ce sujet. Cette réflexion de sérénité conforme à la tradition sénatoriale répondra aux aspirations profondes de nos concitoyens en matière de justice et de sécurité. Le Sénat jouera ainsi pleinement un de ses rôles essentiels qui consiste, en complément de son activité législative, à exercer pleinement ses fonctions éminentes de contrôle du Gouvernement et des administrations.

L'opportunité d'une telle enquête ne fait donc aucun doute. Les Français, de plus en plus insatisfaits, parfois même révoltés face aux dysfonctionnements de l'État, ne comprennent pas et n'acceptent plus ces « bras de fer » au grand jour et au plus haut niveau entre deux institutions aussi indispensables l'une que l'autre au bon fonctionnement de la démocratie, à la sécurité des personnes et des biens et à la protection des libertés.

La création d'une commission d'enquête est indispensable.

Elle ne saurait être remplacée par la création d'une simple mission d'information. En effet, une commission d'enquête est dotée de réels pouvoirs d'investigations. Deux autres raisons militent, selon moi, en faveur de la commission d'enquête : le contrôle parlementaire se situerait, d'une part, dans le prolongement de la commission de contrôle sur le fonctionnement de la justice (1991) et interviendrait, d'autre part, dans un cadre solennel avec de vrais moyens de procédure ainsi que l'exige, selon moi, le fait d'enquêter dans un domaine aussi éminemment régalien du fonctionnement de l'État.

Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.

Article unique.

Il est créé une commission d'enquête chargée d'examiner les modalités d'argumentation et les conditions de fonctionnement des services de police et de gendarmerie dans leur mission de police judiciaire et de vérifier l'application par ces services des dispositions du code de procédure pénale concernant la direction, le contrôle, la surveillance de la police judiciaire.

Cette commission est composée de vingt et un membres.

* (1) Elle était ainsi composée : Président : M. Hubert Haenel. Rapporteur : M Jean Arthuis, Vice-présidents : MM. Philippe de Bourgoing, Albert Ramassamy, Secrétaire : M. Charles Lederman ; Membres : MM. Guy Allouche, Germain Authié, José Balarello, Gilbert Baumet, Jacques Bimbenet, François Blaizot, Jean-Pierre Cantegrit, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Adrien Gouteyron, René-Georges Laurin, Georges Othily, Marcel Rudloff, Michel Rufin, Jean-Pierre Tizon et Louis Virapoullé.

* (2) Ainsi a-t-on pu observer que l'inspecteur Gaudino a été révoqué par sa hiérarchie administrative, mais que la justice n'a pris aucune disposition à son endroit, pas même celle de lui retirer son habilitation d'officier de police judiciaire, selon les procédures prévues en la matière par le code de procédure pénale.

* (3) Le procureur de la République n'a-t-il pas été « coiffé » lorsque à propos de la mise en cause récente de l'action de la police judiciaire, c'est le ministre de l'intérieur qui s'est saisi de l'affaire et a déclaré : « S'il y a eu violation des règles de la garde à vue, les officiers de police judiciaire seront sanctionnés. » ? N'était-ce pas, là encore, à la seule autorité judiciaire de décider de s'exprimer ?

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