Réforme du Pacte de stabilité et de croissance (PPRE) - Tableau de montage - Sénat

N° 58

SÉNAT

                  

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

26 janvier 2024

                                                                                                                                             

RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance







Est devenue résolution du Sénat, conformément à l'article 73 quinquies, alinéas 2 et 3, du Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des finances dont la teneur suit :

                                                                                                                                             

Voir les numéros :

Sénat : 231 (2023-2024).




Résolution européenne sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 121 et 126 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le protocole annexé  12 sur la procédure concernant les déficits excessifs,

Vu le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire du 2 mars 2012,

Vu le règlement (CE) nº 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (dit volet préventif),

Vu le règlement (CE)  1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (dit volet correctif),

Vu la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres,

Vu le règlement (UE)  1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro,

Vu le règlement (UE) nº 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro,



Vu le règlement (UE) nº 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) nº 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques,



Vu le règlement (UE) nº 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques,



Vu le règlement (UE) nº 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) nº 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs,



Vu le règlement (UE) nº 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière,



Vu le règlement (UE) nº 473/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro,



Vu la communication de la Commission européenne du 5 février 2020 intitulée « Réexamen de la gouvernance économique – Rapport sur l’application des règlements (UE) nº 1173/2011, nº 1174/2011, nº 1175/2011, nº 1176/2011, nº 1177/2011, nº 472/2013 et nº 473/2013 et sur l’adéquation de la directive 2011/85/UE du Conseil » (COM (2020) 55 final),



Vu la communication de la Commission européenne du 9 novembre 2022 sur les orientations pour une réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE (COM (2022) 583 final),



Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 avril 2023 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE)  1466/97 du Conseil (COM (2023) 240 final),



Vu la proposition de règlement du Conseil du 26 avril 2023 modifiant le règlement (CE)  1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (COM (2023) 241 final),



Vu la proposition de directive du Conseil du 26 avril 2023 modifiant la directive 2011/85/UE du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres (COM (2023) 242 final),



Vu les rapports du 15 décembre 2023 de la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE)  1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/85/UE relative aux exigences pour les cadres budgétaires des États membres, et sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2011/85/UE relative aux exigences pour les cadres budgétaires des États membres,



Vu le document d’analyse « Réformer la gouvernance économique de l’UE: des opportunités, mais aussi des risques et des défis à surmonter » de la Cour des comptes européenne d’octobre 2023,



Sur la nécessité d’une réforme du Pacte de stabilité et de croissance :



Considérant que les règles du Pacte de stabilité et de croissance souffrent de défauts largement identifiés : procyclicité, complexité, recours à des variables inobservables, faible appropriation par les États membres, incapacité à soutenir suffisamment l’investissement public ;



Considérant que les lourdes sanctions prévues dans le volet correctif du Pacte n’ont jamais été appliquées, rendant celles-ci peu crédibles et n’incitant pas au respect des règles ;



Considérant que le contexte économique a fortement évolué depuis l’instauration des règles du Pacte, en raison notamment du choc économique engendré par la pandémie de Covid-19, de l’invasion russe de l’Ukraine et de la crise climatique, et que le cadre actuel se révèle aujourd’hui inadapté pour soutenir les investissements publics majeurs à réaliser en matière de transitions numérique et écologique et de défense ;



Considérant que les niveaux très dégradés des finances publiques dans de nombreux États membres rendent impossible l’application des règles en vigueur avant la pandémie de Covid-19, la dette publique de six d’entre eux dépassant ainsi 100 % du PIB au deuxième trimestre 2023 ;



Considérant que la Commission européenne prévoit que les niveaux d’endettement observés en 2024 devraient rester largement supérieurs aux taux d’endettement d’avant crise, soit supérieurs à 60 % du PIB dans la moitié des États membres ;



Soutient le principe du paquet législatif proposé par la Commission, constitué par deux propositions de règlement et une proposition de directive, qui vise à une réforme d’ampleur du cadre de gouvernance budgétaire européen ;



Sur l’urgence d’une adoption rapide d’un nouveau cadre de gouvernance budgétaire :



Considérant que la clause dérogatoire générale, activée en mars 2020, qui permet la suspension des obligations prévues par le Pacte, prend fin au 31 décembre 2023 ;



Considérant que l’année 2024 sera nécessairement une année de transition où s’appliqueront les règles de gouvernance budgétaire en vigueur avant la crise Covid, puisque leur révision pour le bras préventif implique un accord entre les deux co-législateurs que sont le Parlement européen et le Conseil de l’Union ;



Considérant que le Parlement européen devrait cesser de siéger à partir d’avril 2024, limitant de fait le temps utile pour mener à bien le processus législatif de révision des règles de gouvernance budgétaire avant les élections européennes de juin 2024 ;



Considérant qu’une absence d’adoption au Conseil sur cette révision d’ici la fin de l’année 2023 empêcherait certainement son adoption définitive avant le renouvellement du Parlement européen et conduirait donc sans doute à faire de 2025 une nouvelle année de transition, durant laquelle les règles pourtant défectueuses et obsolètes du Pacte continueraient de s’appliquer ;



Appelle à l’adoption rapide de la réforme au Conseil d’ici la fin 2023, afin de permettre la tenue des trilogues au premier semestre 2024 et l’adoption d’un cadre réformé de gouvernance budgétaire applicable dès 2025 ;



Sur la mise en place de plans budgétaires structurels et nationaux à moyen terme :



Considérant que la pierre angulaire de la réforme est constituée par les plans budgétaires et structurels nationaux, présentant les engagements des États membres en matière budgétaire et en matière de réformes et d’investissements ;



Approuve la logique de ces plans, appelés à remplacer les programmes de stabilité et de convergence et les programmes nationaux de réforme actuels et à permettre aux États membres de définir leurs propres trajectoires budgétaires, dans la mesure où cela permettra à la fois de renforcer l’appropriation nationale des efforts et d’assurer une véritable différenciation selon les spécificités des États membres ;



Soutient le choix de retenir l’indicateur des dépenses nettes en remplacement de celui du solde budgétaire structurel qui n’est pas observable et résulte d’estimations ; souligne que les dépenses publiques nettes couvrent un agrégat de dépenses publiques nettes des intérêts, de la composante cyclique des dépenses de chômage et des mesures discrétionnaires en recettes ;



Accueille favorablement la possibilité d’allonger de 4 à 7 ans la durée d’ajustement budgétaire lorsqu’un État membre s’engage dans un ensemble pertinent de réformes et d’investissements ; se félicite que chacun des engagements justifiant une prolongation de la période d’ajustement doive être suffisamment détaillé, concentré en début de période, assorti d’échéances et vérifiable ; alerte cependant sur la nécessité d’une méthodologie suffisamment claire et transparente pour la détermination des investissements et réformes justifiant une prolongation de la trajectoire d’ajustement ;



Sur l’analyse de la soutenabilité de la dette :



Considérant que l’analyse de la soutenabilité de la dette (ASD) jouera un rôle central dans la conception des trajectoires techniques pour les dépenses publiques nettes présentées par la Commission afin de fournir des orientations aux États membres ;



Observe que la méthodologie de l’ASD retenue par la Commission européenne est comparable à celle utilisée par les organismes internationaux comme le FMI ou l’OCDE et s’appuie sur un large jeu d’hypothèses dont le taux d’intérêt, le niveau du déficit, la croissance potentielle ou encore les projections de vieillissement ;



Déplore néanmoins que la Commission propose d’appliquer cette analyse à un horizon de long terme, de 14 à 17 ans ; considère impossible de réaliser des prévisions économiques sérieuses à une échéance si lointaine, comme le souligne la Cour des comptes européenne ;



Appelle à la constitution d’un groupe de travail, rassemblant des experts de la Commission mais aussi des représentants d’États membres, pour assurer la transparence de l’ASD ainsi qu’une mise en œuvre cohérente du cadre dans tous les États membres ;



Sur l’introduction de clauses de sauvegarde :



Souligne que les orientations présentées par la Commission en novembre 2022 ne prévoyaient pas d’introduire de critères numériques communs de gouvernance budgétaire, afin de ne pas appliquer à des situations nationales différentes des règles numériques uniformes ;



Salue l’abandon de la règle du 1/20ème pour la diminution du ratio de dette, qu’avait introduite le Six Pack et qui obligeait les États membres affichant une dette publique excédant 60 % du PIB à réduire annuellement d’1/20ème l’écart entre leur niveau d’endettement observé en moyenne sur les trois dernières années et le seuil de référence des 60 % ; souligne que l’application de la règle dite du 1/20ème conduirait de fait aujourd’hui des pays comme l’Italie ou la Grèce à réduire leur dette de 4 à 5 points en un an, ce qui paraît irréaliste ;



Regrette que les propositions d’avril 2023 de la Commission aient finalement introduit un critère quantitatif commun en prévoyant une clause de sauvegarde pour le déficit obligeant à le réduire d’au moins 0,5 point de PIB par an tant qu’il reste supérieur à 3 % du PIB, et cela que le pays concerné fasse ou non l’objet d’une procédure pour déficit public excessif (PDE) ;



S’agissant des dernières propositions à l’étude :



Considérant les récentes propositions de compromis de la présidence espagnole du Conseil visant à intégrer deux nouvelles clauses de sauvegarde : d’une part, une clause de sauvegarde sur la dette exigeant une réduction du ratio de dette de 1 point en moyenne sur la durée d’ajustement quand la dette est supérieure à 90 % du PIB et de 0,5 point quand la dette est comprise entre 60 % et 90 % du PIB ; d’autre part, une clause de sauvegarde du déficit pour garantir une « marge de résilience » en dessous de 3 % du PIB, fixant le ratio à 1,5 % du PIB ;



Dénonce ces ajouts qui ne respecteraient pas l’esprit de la réforme, destinée à permettre une différenciation des trajectoires budgétaires en abandonnant les exigences uniformes pour l’ensemble des États membres, définies de manière arbitraire et susceptibles de produire des effets procycliques en amplifiant les effets de la conjoncture économique ;



S’agissant de la position à adopter :



Appelle néanmoins, si le compromis permettant la nécessaire conciliation entre différenciation des trajectoires et ajout de garanties communes devait passer par l’introduction de telles clauses de sauvegarde, à les assortir de flexibilités en cas d’investissements et de réformes ;



Soutient la solution proposée par la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen et consistant à prévoir une clause de sauvegarde sur la dette mais pas de « marge de résilience » pour le déficit, ni toute autre règle chiffrée commune de réduction du déficit public sous le seuil de 3 % du PIB ;



Demande, s’agissant du volet correctif, à introduire de la flexibilité s’agissant de la règle d’ajustement minimal de 0,5 point en cas de déficit supérieur à 3 % du PIB ; souhaite que les charges d’intérêt de la dette et les dépenses d’investissements verts soient temporairement exclues du calcul de l’ajustement ; insiste pour que cette exclusion temporaire s’applique pour les années 2025, 2026 et 2027 ;



Sur l’articulation des plans avec les échéances électorales et sur l’association des parlements nationaux :



Considérant que la proposition de la Commission prévoit certes la possibilité pour un nouveau gouvernement de présenter un plan budgétaire et structurel national révisé à l’issue d’une élection nationale mais qu’en ce cas, la Commission proposerait « une nouvelle trajectoire technique (…) qui ne permet pas de repousser l’effort d’ajustement budgétaire en fin de période et ne conduit pas à un moindre effort d’ajustement budgétaire » ;



Considérant délicate l’articulation entre les plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme et les échéances électorales dans la mesure où les plans pourraient se projeter sur des horizons temporels allant jusqu’à 17 ans, avec une période d’ajustement comprise entre 4 et 7 ans, de telles durées apparaissant incompatibles avec la fréquence des élections parlementaires des pays de l’UE ;



Considérant que les parlements nationaux ne sont que très brièvement mentionnés dans les propositions de la Commission et que les futures règles européennes encadreront de fait les budgets qu’il leur incombe d’adopter ;



S’inquiète des marges de manœuvre qui seraient laissées à un nouveau gouvernement sur le plan préalablement acté par son prédécesseur ;



Appelle donc à être vigilant sur l’articulation entre les plans et les échéances électorales, pour éviter de susciter un rejet de ces plans de la part des peuples européens et demande, tout en maintenant des garanties sur la pérennité des plans, à permettre leur révision en cas de changements politiques ;



Insiste pour que les parlements nationaux soient mieux associés à la mise en œuvre du cadre réformé de gouvernance budgétaire européenne ;



Demande à cet effet que soient communiqués en amont à chaque parlement national tous les éléments utiles pour évaluer les trajectoires conçues par les États, y inclus la trajectoire technique élaborée par la Commission ainsi que le détail de l’analyse de la soutenabilité de la dette (ASD) ;



Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

Devenue résolution du Sénat le 26 janvier 2024.

Le Président,

Signé : Gérard LARCHER

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