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Devant la commission d’enquête sénatoriale sur les régularisations d’étrangers M.Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, a indiqué qu’il n’avait pas envisagé un dispositif spécifique pour l’éloignement des étrangers non régularisés et qu’il n’y avait pas de statistiques particulières sur les mesures de reconduite les concernant. 

Réunie le mardi 12 mai 1998, la commission d’enquête sénatoriale sur les régularisations d’étrangers présidée par M. Paul Masson (RPR - Loiret) et dont le rapporteur est M. José Balarello (RI - Alpes-Maritimes), a procédé à l’audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur. 

Répondant aux questions de M. José Balarello, rapporteur, M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué que l’éloignement des étrangers non régularisés dans le cadre de la circulaire du 24 juin 1997 ne ferait pas l’objet d’un dispositif spécifique. Il a souligné qu’il n’était pas envisageable de reconduire en quelques mois dans leur pays d’origine quelque 70 000 personnes supplémentaires. Il a néanmoins fait valoir qu’aucun « obstacle physique » ne s’opposerait au doublement du nombre actuel de reconduites à la frontières. 

Écartant l’idée d’un recours à des vols spécialement affrétés pour la reconduite d’étrangers non régularisés, M. Jean-Pierre Chevènement a fait valoir qu’il entendait ne se refuser aucun moyen afin de minorer le coût des reconduites par voie aérienne. L’agitation provoquée autour de ces reconduites n’a pas empêché qu’elles se déroulent normalement. Les incidents sont restés limités. Le Gouvernement entend faire appliquer la loi dans des conditions conciliables avec la dignité des étrangers reconduits. Cela suppose l’utilisation des vols réguliers et, le cas échéant, « d’autres moyens ». 

En réponse à M. Paul Masson qui s’inquiétait du coût des reconduites par voie aérienne, notamment avec le renforcement des escortes policières, M. Jean-Pierre Chevènement a précisé que ce coût n’était pas connu précisément. 

Le ministre de l’Intérieur a confirmé que le nombre des reconduites à la frontière avait fléchi au cours des derniers mois en raison de la volonté des pouvoirs publics de permettre aux étrangers en situation irrégulière de prendre leurs dispositions pour retourner dans leur pays d’origine notamment en demandant à bénéficier du dispositif de l’aide au retour. 

Il a précisé qu’il n’y avait pas de statistiques spécifiques sur le nombre d’étrangers non régularisés dans le cadre de la circulaire du 24 juin 1997 qui auraient été reconduits depuis le 24 avril, date à laquelle les préfets ont été de nouveau autorisés à prendre les mesures de reconduite à l’encontre des intéressés. Aucune instruction ne sera donnée aux préfets pour établir des statistiques spécifiques sur les étrangers non régularisés qui auront été reconduits à la frontière. 

M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué que l’ensemble des dossiers présentés dans le cadre de la circulaire du 24 juin 1997 seront instruits au 30 mai prochain. Ce délai n’est cependant pas un « délai-couperet ». L’opération de régularisation devrait être complètement achevée à la fin de l’été. 

M. Jean-Pierre Chevènement a fait valoir que l’opération de régularisation avait été conduite à partir de critères s’appuyant sur les suggestions présentées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son avis du 12 septembre 1996. Il a souligné que la circulaire du 24 juin 1997 avait eu essentiellement pour objet de faire toute sa place au droit de vivre en famille. Il a néanmoins relevé que les étrangers sans charge de famille représentaient 15,59 % du total des cartes de séjour temporaires délivrées (soit 6 757) et 24,9 % du total des récépissés (3 417). S’agissant des Algériens, il s’est personnellement déclaré favorable à un assouplissement de la délivrance des visas. Il a cependant jugé nécessaire de « ne pas donner un signal de détresse et de fuite » à l’Algérie. 

Le ministre de l’Intérieur a précisé que 7 000 recours hiérarchiques avaient été déposés à ce jour. Il a indiqué que l’examen de ces recours permettrait de prendre en compte les éléments intéressant la situation des pays d’origine des demandeurs et de corriger certaines inégalités de traitement entre les préfectures. Interrogé par M. Guy Allouche (PS - Nord), le ministre de l’Intérieur a précisé qu’il ne verrait aucun inconvénient à ce que les dossiers des intéressés soient détruits après leur exploitation pour une étude sur l’immigration irrégulière qui serait confiée à l’Institut des hautes études de sécurité intérieure (IHESI) en liaison avec le CNRS. 

Au 30 avril 1998, 144 707 demandes de régularisations avaient été présentées. Ces chiffres sont inférieurs aux évaluations antérieures, en raison d’un nombre important de doubles-demandes ou de personnes n’ayant pas donné suite à leur demande. Sur ce total, 70 000 demandeurs étaient déjà connus par les services préfectoraux, leur nom figurant sur le fichier AGEDREF. 75 % des dossiers ont d’ores et déjà été traités. Les services préfectoraux ont délivré 48 901 autorisations de séjour et 13 701 récépissés (correspondant à des dossiers devant être complétés en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour). 45 913 décisions de refus ont été prononcées par les préfectures, soit un taux de refus de 42,31 %. 

Au cours d’une réunion tenue dans la matinée, la commission d’enquête avait procédé à l’audition de MM. Gérard Nicklaus et Eric Tournaire, commandants de bord à Air France. Décrivant les incidents survenus dans la période récente pour la reconduite d’étrangers en situation irrégulière par la voie aérienne, M. Gérard Nicklaus et Eric Tournaire ont fait part de leurs sérieuses préoccupations sur le problème général de la sécurité des vols. Ils se sont interrogés sur la compatibilité entre l’exploitation commerciale de vols réguliers et le transport d’étrangers reconduits et escortés.