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Financement du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions : l’analyse de la commission des finances du Sénat

Réunie le mercredi 3 juin 1998, sous la présidence de M. Christian Poncelet (RPR, Vosges), la commission des finances a procédé à l'examen pour avis du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, sur le rapport de M. Jacques Oudin (RPR, Vendée). 

 La politique de lutte contre l'exclusion visant le plus souvent à réparer les conséquences d’une politique de l'emploi inadaptée, le rapporteur a rappelé tout d’abord que les choix faits par le gouvernement en matière de politique de l'emploi ne sont pas ceux de la commission des finances du Sénat (création d'emplois publics et parapublics, restriction du dispositif d'allégement des charges sur les bas salaires, imposition autoritaire d'une réduction de la durée du travail). 

 M. Jacques Oudin souligne par ailleurs, qu’en dépit de l’existence d’un consensus sur la nécessité d'agir plus efficacement contre les exclusions, la contrainte financière s'impose dans ce domaine comme ailleurs. 

 En ce sens, il se félicite que la ministre de l'Emploi et de la solidarité ait confirmé à la commission des finances du Sénat que le projet de loi d'orientation serait largement financé par des redéploiements de crédits et des économies réalisées sur les dépenses pour l'emploi et les minima sociaux. Ces redéploiements et ces économies seront attentivement suivis par la commission des finances. 

 Sur la base des chiffres fournis par le gouvernement concernant le coût du programme de prévention et de lutte contre les exclusions, soit 51,4 milliards de francs sur trois ans, M. Jacques Oudin met en évidence certains écarts : 

 - les mesures déjà annoncées s'élèvent à 19 milliards de francs, et non à 15,8 milliards de francs ; 

 - les mesures à venir s'élèvent à 8,4 milliards de francs, et non à 5 milliards de francs ; 

 - les cofinancements s'élèvent à 7,7 milliards de francs, et non à 8,2 milliards de francs ; 

 Par soustraction, il en déduit que le coût budgétaire pour l’Etat du projet de loi d'orientation, au sens strict, s'élève à 16,3 milliards de francs sur trois ans, et non pas à 22,4 milliards de francs. 

  (en milliards de francs) 
 Chiffresdu Gouvernement Chiffres recalculéspar la Commission des finances 
Mesures déjà annoncées  15,8 19 
Mesures à venir  5 8,4 
Cofinancement du projet de loi 8,2 7,7 
Mesures nouvelles à la charge de l’Etat : coût budgétaire du projet de loi  22,4 16,3 
Coût total du programme  51,4 51,4 
 

 M. Jacques Oudin relève que la montée en charge du coût pour l’Etat du projet de loi d'orientation est fortement progressive, avec 1,1 milliard de francs pour 1998, 5,6 milliards de francs pour 1999, et 9,6 milliards de francs pour 2000. Le coût en année pleine du texte relatif à la lutte contre les exclusions, soit un peu moins de 10 milliards de francs, peut ainsi se comparer au coût en année pleine du récent accord salarial dans la fonction publique, soit 12 milliards de francs. 

 Il souligne que seul le coût budgétaire en première année d'application, soit 1,1 milliard de francs, peut être comparé au coût budgétaire prévu pour le projet de loi de cohésion sociale présenté par le gouvernement de M. Alain Juppé, qui avait été évalué à 2,5 milliards de francs pour 1997. 

 Il considère que les cofinancements d'un montant de 7,7 milliards de francs attendus de la part de l'Union européenne, des collectivités locales, des opérateurs privés, des fonds de la formation en alternance et de la sécurité sociale sont importants, puisqu'ils représentent près de la moitié de l'effort financier de l'Etat. Il relève que les collectivités locales apporteront 3,5 milliards de francs, soit 45 % du total des cofinancements. 

 Enfin, au-delà de la récapitulation des coûts des différentes mesures,   M. Jacques Oudin s'interroge sur la pertinence de leur évaluation. 

 Il relève que la généralisation de certains dispositifs expérimentaux n'est pas chiffrée (lutte contre l'illettrisme, antennes régionales de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion) et que certaines mesures sont réputées n'avoir aucun coût supplémentaire alors même qu'elles créent des dispositifs nouveaux (réquisition de logement avec attributaire) ou élargissent des dispositifs existants (extension du champ des emplois-jeunes dans les DOM). 

 Il considère que la plupart des chiffrages reposent sur des hypothèses de limitation quantitative des bénéficiaires, qui doit être comparée à l'importance des besoins. 

Il souligne enfin que le mécanisme dit "d'intéressement", permettant de cumuler un revenu d'activité avec un minimum social, est considéré comme d'un coût nul par le gouvernement, en raison des économies résultant en retour des sorties des dispositifs d'assistance. Il estime que ce raisonnement repose sur un pari dont on ne peut que souhaiter le succès, mais qui reste audacieux.