Service des commissions

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1999

Examen de la première partie par la commission des finances

 Dans sa séance du 12 novembre 1998, sous la présidence de M. Alain Lambert (U-C, Orne), président, la commission des finances a examiné la première partie du projet de loi de finances pour 1999, sur le rapport de M. Philippe Marini (RPR, Oise), rapporteur général.

 l  Impôt sur le revenu

Au sujet de l'impôt sur le revenu (article 2), la commission des finances a rejeté la réduction du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial.

 Considérant que ce système était entaché d'un risque constitutionnel, elle a également rejeté la création en l’état d'une allocation pour frais d'emploi réservée aux journalistes, préférant prolonger à nouveau d'un an le régime des abattements professionnels. En cohérence avec cette proposition, le rapporteur général a indiqué qu'il proposerait en deuxième partie de la loi de finances le rétablissement de la réforme de l'impôt sur le revenu que le précédent gouvernement avait fait voter pour qu'elle prenne effet en l'an 2000, en même temps que la fin du régime des abattements professionnels.

 l  Fiscalité des entreprises

 Au sujet de la fiscalité des entreprises, la commission a réservé sa décision sur l'extension du régime fiscal des micro-entreprises, favorable aux PME (article 5), en attirant l'attention sur la complexité de la mise en oeuvre du nouveau système. Elle s'est en particulier inquiétée des risques fiscaux que pourraient courir les entreprises versées automatiquement dans ce régime.

 La commission a rejeté l'extension de l'assiette de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France aux locaux commerciaux et aux locaux de stockage (article 26), considérant cette réforme contradictoire avec l'allégement de la taxe professionnelle et susceptible d’encourager des délocalisations d’activités.

 Au sujet de la réforme des droits de mutation à titre onéreux (article 27), la commission a souhaité que ne soient pas pris en compte les immeubles affectés à l'exploitation des entreprises pour la qualification de société à prépondérance immobilière. Elle a également précisé que les cessions d'actions de ces sociétés cotées ne seraient pas soumises au nouveau droit de 4,80 %. Enfin, elle a jugé contradictoire avec la politique affichée par le gouvernement en faveur de l'innovation que les cessions de parts de sociétés non cotées soient désormais soumises à un droit de 1 %, et a donc exclu ces sociétés du champ d'application de ce droit.

 Au sujet de la réduction du taux de l'avoir fiscal pour les dividendes versés entre sociétés (article 28), la commission a estimé qu'il convenait également de réduire de 50 % à 45 % le taux du précompte prélevé sur les dividendes versés mais n'ayant pas subi d'impôt sur les sociétés.

 La commission a rejeté l'article 28 ter, qui rétablit une taxe de 2,5 % sur les dividendes versés par les filiales à leur société-mère.

 La commission a bien accueilli la suppression de la base salaires de la taxe professionnelle, mais a considéré que les mesures d'accompagnement pouvaient réduire ou annuler l'avantage ainsi créé pour les entreprises, voire dans certains cas augmenter la pression fiscale liée à cet impôt.

 Elle a de ce fait adopté trois amendements :

 - le premier, pérennisant la réduction pour embauche et investissement au taux de 25 % après 1999 ;

 - le deuxième, allongeant de trois à cinq ans la durée du relèvement progressif de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée ;

 - le troisième, relevant de 75 % sur cinq ans (au lieu de 100 %) la cotisation de péréquation.

  l  Fiscalité du patrimoine

 La commission a globalement accepté le renforcement des dispositifs de contrôle et de lutte contre les délocalisations de patrimoine contenu dans le projet de loi de finances. Elle a toutefois considéré que cette lutte serait facilitée par une amodiation des aspects confiscatoires de cette fiscalité.

 Elle a ainsi souhaité actualiser le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune (article 8) comme celui de l'impôt sur le revenu, tout en acceptant la création de la nouvelle tranche d'imposition à 1,8 %.

 Elle a rejeté l'article 9 qui limite l'exonération d'ISF au titre des biens professionnels de l'activité de loueur de meublé, considérant comme inéquitable de pénaliser des foyers fiscaux dont l'un des membres tire des revenus d'une autre activité par rapport à ceux pour lesquels il s'agit de l'activité principale.

 Elle a également rejeté la modification du régime d'ISF des biens ou droits dont la propriété est démembrée (article 10) au motif que ce dispositif a une portée essentiellement rétroactive et d’une constitutionnalité douteuse.

 Elle a accepté l'aménagement des règles du plafonnement de l'ISF (article 11), sous réserve toutefois du rétablissement du dispositif dit de "plafonnement du plafonnement", consistant à éviter qu'un contribuable n'acquitte plus de 85 % de son revenu au titre du cumul de l'impôt sur le revenu et de l'ISF. La commission a en effet considéré que le rétablissement de ce dispositif était de nature à éviter une part importante des délocalisations de patrimoines.

Sur l'article 13, relatif au renforcement des obligations déclaratives relatives aux dettes en matière d'ISF, la commission a supprimé la nouvelle procédure de demande d'éclaircissement de la part de l'administration fiscale, au motif que cette procédure, non contradictoire, est redondante avec l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

Au sujet de la modification des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit (article 14), la commission a proposé un amendement tendant à ne pas soumettre au nouveau régime les étrangers ayant résidé en France pour une courte période en raison d'impératifs professionnels.

A propos du rétablissement des sanctions en cas de défaut de déclaration des successions en Corse (article 14 ter - "arrêtés Miot"), la commission a jugé le dispositif peu opérant et a adopté deux amendements.

- l'un reporte l'entrée en vigueur de ce rétablissement jusqu'à l'expiration du régime fiscal transitoire qui exonère de droits les partages successoraux en Corse ; c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2000 ;

- l'autre réactive la commission mixte (représentants de la collectivité territoriale/représentants de l'Etat) prévue par la loi de 1991 créant le statut particulier de la Corse (dite loi "Joxe") afin qu'elle présente dans les six mois les conclusions qu'elle était censée élaborer en matière fiscale et sur la sortie des indivisions.

Sur l'article 16, relatif à l'imposition des plus-values en report d'imposition en cas de transfert du domicile hors de France, la commission a adopté un amendement tendant à remplacer l'imposition de ces plus-values sur les "participations substantielles" par une imposition sur les plus-values latentes portant sur des droits sociaux d'une valeur supérieure à 10 millions de francs, de manière à n'imposer que les patrimoines les plus importants, en évitant de pénaliser les créateurs de jeunes entreprises.

La commission s'est félicitée de l'augmentation des taux de réduction des droits sur les donations (article 23), dont elle avait pris l'initiative en 1996. Elle a souhaité faire bénéficier du taux de réduction de 30 % les personnes âgées de plus de 75 ans, en 1999 seulement, afin de les inciter à accélérer les transmissions de patrimoine. A défaut de cette extension provisoire, ces personnes, qui n'auraient jamais bénéficié du régime incitatif, n'auraient aucun intérêt à procéder à des donations.

Enfin, la commission a adopté sans modification l’article 24 relatif à la fiscalité des contrats d’assurance-vie.

l  Fiscalité de l'énergie

Fidèle à sa position constante, la commission a décidé de proposer d'accélérer la réduction de l'écart entre la fiscalité du gazole et celle du super sans plomb (article 18), en réduisant de sept à cinq ans la durée de la réduction progressive de l'écart prévue par le projet de loi de finances. La TIPP serait ainsi relevée d'un centime par litre de gazole et réduite de deux centimes par litre de super sans plomb par rapport à la proposition du gouvernement.

Elle a préféré surseoir à la création de la taxe générale sur les activités polluantes (article 30), considérant que cette nouvelle taxe affectée au budget général aurait plus d'inconvénients que d'avantages pour le fonctionnement de l'ADEME et pour les différents secteurs d'activités concernés. La commission s'inquiète vivement des effets des modifications annoncées pour le financement des agences de l'eau, et qui lui paraissent aller dans le sens d'une recentralisation excessive du système.

l  Finances des collectivités locales

La commission est revenue sur la réduction, votée par l'Assemblée nationale, de la compensation de la suppression de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux (article 27). L'Assemblée nationale avait en effet prévu que les régions percevant le plus de droits par habitant ne bénéficieraient que d'une compensation partielle (95 % de la perte de droits au lieu de 100 %).

Au sujet de la compensation des pertes de taxe professionnelle (article 29), la commission a préféré un dispositif de dégrèvement à la compensation forfaitaire et ne tenant aucun compte de la réalité économique des collectivités. Le dégrèvement permet en effet le calcul de la compensation sur des bases réelles, restituant ainsi le fruit de leurs efforts aux collectivités les plus dynamiques.

Enfin, au sujet du nouveau contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités locales (article 40), la commission a proposé que les collectivités profitent davantage des fruits de la croissance en portant l'indexation de l'enveloppe normée des concours de l'Etat par rapport au PIB à 33 % en 1999 puis 50 % à partir de 2000 au lieu de 20 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001 proposés par le gouvernement.

l  Taxe sur la valeur ajoutée

A propos du taux réduit de 5,5 % de TVA aux opérations de collecte et de tri sélectifs des ordures ménagères (article 21), la commission a préféré s'assurer que les traitements de déchets sous forme de valorisation énergétique étaient bien compris dans le champ d'application de la mesure.

La commission a réservé sa position sur l'article 27 bis, relatif à l'exonération de TVA pour les achats de terrains à bâtir par des particuliers souhaitant y construire un immeuble réservé à leur usage privatif. Il se révèle en effet que ce dispositif, adopté précipitamment à l'Assemblée nationale, a des effets complexes sur les opérateurs (lotisseurs professionnels et collectivités locales) et que son intérêt in fine pour les acquéreurs personnes physiques n'est pas toujours évident.

l  Taxe d'aviation civile

La commission a supprimé l'article 35 bis portant création d'une taxe d'aviation civile, et que le gouvernement a introduit par voie d'amendement "de dernière minute" à l'Assemblée nationale, à la suite de l'annulation par le Conseil d'Etat de redevances finançant des missions que la haute juridiction jugeait devoir être prises en charge par le contribuable national. La commission a considéré notamment que la taxe ne répondait pas à l'exigence posée par le Conseil d'Etat de voir financer la sûreté des aéroports par le contribuable national, et que l'ensemble de la réforme du financement des aéroports proposée par le gouvernement (taxe d'aviation civile, taxe d'aéroport, fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien) n'était pas au point.

l  Caisses d'épargne

La commission des finances a rejeté le prélèvement opéré par l'Etat sur les fonds propres des caisses d'épargne (article 36), considérant ce prélèvement comme prématuré vis-à-vis d'une réforme qui n'est pas encore discutée. En outre, elle a considéré comme contradictoire qu'un prêt de l'Etat, par nature remboursable, puisse figurer dans les fonds propres des caisses, ce qui paraît indiquer, a contrario, que la somme accordée en 1984 n'avait pas été considérée comme un prêt mais comme une dotation.

La commission a, en contrepartie, proposé un prélèvement additionnel "de 2 milliards de francs sur les réserves de trésorerie de l'épargne-logement de la Caisse nationale d'épargne gérée par la Caisse des dépôts et consignations (en sus des 500 millions de francs prévus par le gouvernement), prélèvement qui permet de maintenir à 2 % le ratio sur encours de cette réserve.

l  Equilibre général du budget

A l'issue de cet examen, la commission a estimé à environ 12 milliards de francs la dégradation des recettes issue des allégements de prélèvements proposés.

Elle a en conséquence décidé de réduire de 26 milliards de francs le plafond des dépenses civiles autorisées en 1999, pour parvenir à son objectif de réduction du déficit budgétaire (et donc de l'endettement de l'Etat) de 14 milliards de francs.