Service des Commissions

M. PIERRE MOSCOVICI PRESENTE DEVANT LES SENATEURS LES CONCLUSIONS DU CONSEIL EUROPEEN DE COLOGNE

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la délégation du Sénat pour l’Union européenne ont entendu, le mercredi 9 juin 1999, M. Pierre Moscovici, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, au lendemain du Conseil européen de Cologne.

M. Pierre Moscovici a rendu compte des conclusions du Conseil européen en abordant tout d’abord la crise du Kosovo dont la phase la plus aiguë avait commencé lors du sommet de Berlin et qui a connu la première étape de son dénouement à l’occasion du sommet de Cologne. Cette crise, a estimé le ministre, a été pour les Européens, et notamment pour ceux qui appartiennent au groupe de contact, l’occasion de tenir un rôle essentiel, d’abord dans la conduite des négociations de Rambouillet et de Paris, puis grâce au rôle joué par le représentant de l’Union européenne - le président finlandais M. Ahtissari - dans les pourparlers qui ont conduit M. Milosevic à résipiscence. Cette crise, a souligné M. Pierre Moscovici, a ainsi marqué une étape importante pour l’identité de la diplomatie européenne et pour sa crédibilité sur la scène internationale.

A cet égard, le Conseil européen de Cologne a procédé - a rappelé le ministre -à la désignation de M. Javier Solana au poste de Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) ; il a estimé que le choix de cette personnalité constituait, en raison de ses origines politiques, de son indépendance d’esprit et de ses convictions européennes, et par delà le poste qu’il occupe actuellement à la tête de l’Otan, un atout précieux pour l’Union européenne. Celle-ci aura encore, a rappelé M. Pierre Moscovici, un rôle majeur à jouer dans le processus de longue haleine dont la signature de l’accord de paix ne constitue que le début : adoption d’un pacte de stabilité pour l’Europe du sud-est, participation de l’Union à l’administration provisoire du Kosovo, propositions de la Commission tendant à créer une agence pour mettre en œuvre les programmes d’aide consentis par la Communauté et mobiliser les ressources financières et humaines au bénéfice des réfugiés.

Le ministre délégué aux affaires européennes a ensuite abordé la question de la défense européenne telle qu’elle a été évoquée lors du Conseil européen de Cologne où il a été rappelé que la Pesc devrait s’appuyer sur des capacités opérationnelles crédibles. Selon M. Pierre Moscovici, l’émergence progressive de cette nouvelle dimension essentielle de la construction européenne devrait s’appuyer sur le développement des capacités de réaction aux crises. Le Conseil européen a identifié les organes pertinents qui devraient être créés à Bruxelles : un comité politique et de sécurité, un comité militaire de l’Union et un état-major. Le Conseil européen a rappelé que l’Union européenne pourrait recourir soit aux moyens de l’Otan, soit à des moyens spécifiquement européens. Soucieuses de développer des forces véritablement européennes, la France et l’Allemagne, a rappelé le ministre, ont en outre, en accord avec leurs partenaires belges, luxembourgeois et espagnols, décidé la transformation de l’Eurocorps en une force d’intervention extérieure.

M. Pierre Moscovici a ensuite évoqué les perspectives de réforme institutionnelle. Le mandat confié dans ce domaine par les chefs d’Etat et de gouvernement au nouveau président de la Commission, M. Romano Prodi, couvrait, a-t-il rappelé, plusieurs aspects : la question des pouvoirs de gestion de la Commission et ses capacités de contrôle de la dépense, la question du nombre des commissaires, enfin l’organisation interne des services de la Commission. Pour le ministre, une nouvelle Commission, plus resserrée et plus cohérente, alliant les exigences de probité et d’efficacité, permettra à l’Union européenne de se préparer au mieux à l’enjeu de son élargissement.

S’agissant de la réforme des institutions de l’Union, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé - a précisé M. Pierre Moscovici - de convoquer pour le début de l’an 2000 une conférence intergouvernementale dont le mandat portera notamment sur la taille et la composition de la Commission mais aussi sur la pondération des voix au Conseil et sur l’extension du champ de la majorité qualifiée. Pour le ministre, les idées entérinées par le Conseil européen de Cologne rejoignent celles exprimées par les autorités françaises : une CIG courte et ciblée sur les questions non réglées par le traité d’Amsterdam.

Le ministre a enfin évoqué les décisions du Conseil européen relatives au pacte européen pour l’emploi : l’orientation vers une meilleure coordination des processus communautaires concourant à un haut niveau de l’emploi, grâce à une bonne cohérence entre politique budgétaire, politique monétaire et évolution salariale, une stratégie coordonnée pour l’emploi et l’amélioration du fonctionnement des marchés des biens, des services et des capitaux. Pour M. Pierre Moscovici, la prise de conscience de la nécessité d’une meilleure coordination des politiques économiques a constitué un temps fort du sommet de Cologne. En second lieu, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé de prolonger la dynamique amorcée à Luxembourg vers une meilleure association des partenaires sociaux au niveau européen. Au printemps 2000, sous présidence portugaise, une première réunion spéciale du Conseil européen sera, a précisé le ministre, consacrée à l’emploi, la réforme économique et la cohésion sociale. Enfin, M. Pierre Moscovici a indiqué que le Conseil européen de Cologne avait pris plusieurs décisions sectorielles concernant le " paquet fiscal ", l’action en faveur des petites et moyennes entreprises innovantes et du capital risque, enfin le développement des réseaux transeuropéens pour lesquels une dotation en augmentation de près de 50 % par rapport à la programmation en cours a été décidée, ainsi qu’une extension de la liste des projets.

A la suite de l’exposé du ministre délégué aux affaires européennes, M. Michel Barnier, président de la délégation, après avoir rappelé les résultats substantiels obtenus lors des Conseils européens de Berlin et de Cologne, a estimé que l’on devait dresser un bilan positif de la présidence allemande. Revenant ensuite sur la crise du Kosovo, il a souligné la solidarité manifestée par le Sénat vis-à-vis de l’action conduite par le Président de la République et le gouvernement et s’est par ailleurs félicité de l’information régulière –même si elle n’avait pas été immédiate– de la Haute Assemblée par les ministres intéressés. Il s’est en outre réjoui de la désignation comme Haut-représentant pour la Pesc d’une personnalité politique d’envergure, comme le souhaitait la France, en la personne de M. Solana.

M. Michel Barnier a ensuite interrogé le ministre sur les conditions de participation financière de l’Union européenne à l’effort de reconstruction dans les Balkans. Observant que la méthode de la conférence intergouvernementale, appliquée lors de la négociation du traité d’Amsterdam, serait reprise pour l’élaboration de la prochaine réforme institutionnelle, il a souhaité connaître la façon dont la France serait représentée dans ce processus, et la procédure qui serait adoptée pour informer le Parlement. Il a par ailleurs demandé des précisions sur la préparation de la Charte des droits fondamentaux. M. Michel Barnier, après avoir constaté que le pacte européen pour l’emploi ne comprenait aucun objectif chiffré contraignant, a enfin souhaité connaître, dans ce contexte, la réaction du ministre délégué à la récente déclaration commune de MM. Blair et Schröder sur une Europe plus flexible et plus compétitive.

M. Emmanuel Hamel s’est alors demandé si les progrès de l’Europe ne s’accomplissaient pas au prix de la disparition de la nation française. Il a relevé à cet égard, pour s’en inquiéter, l’absence de Français à des postes essentiels de l’Union européenne –président de la Commission, Haut-représentant pour la Pesc, président de la Banque centrale européenne–.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin demandé au ministre délégué des précisions sur les conditions de l’intégration de l’UEO à l’Union européenne, ainsi que sur la transformation du Corps européen en force de réaction rapide.

En réponse aux commissaires, M. Pierre Moscovici a d’abord indiqué qu’il partageait l’appréciation positive portée par M. Michel Barnier sur le bilan de la présidence allemande de l’Union européenne, alors même que les dossiers à régler –entrée en vigueur de l’euro, mise au point de l’Agenda 2000...– présentaient de grandes difficultés dans un contexte marqué, en outre, par la démission de la Commission et la crise du Kosovo. Il a estimé que le couple franco-allemand avait bien fonctionné durant cette période et cité à cet égard la désignation, avec le soutien allemand, d’une personnalité française au poste de secrétaire général adjoint du Conseil. Il s’est également félicité de la position adoptée par le Sénat tout au long de la crise du Kosovo. Il s’est par ailleurs réjoui de la désignation au poste de Haut-Représentant pour la Pesc d’une personnalité de premier plan, francophone et francophile.

Après avoir observé que l’Europe avait été très présente lors du déroulement de la crise du Kosovo, M. Pierre Moscovici est convenu avec M. Michel Barnier que les Quinze auraient un rôle prédominant dans la reconstruction économique de cette région. Il a relevé à cet égard la mission confiée à la Commission d’évaluer le coût de cette reconstruction ; il a souligné que les ressources nécessaires ne viendraient pas en diminution des crédits affectés à la politique de préadhésion et n’a pas exclu, le cas échéant, une révision des perspectives financières de l’Union européenne.

M. Pierre Moscovici a ensuite relevé que les conditions dans lesquelles se déroulerait la conférence intergouvernementale destinée à préparer la réforme institutionnelle restaient encore à préciser. Il a cependant rappelé que les négociations se dérouleraient en partie sous présidence française, ce qui garantira une information régulière de la représentation nationale par le gouvernement.

Le ministre délégué aux affaires européennes a observé que la Charte des droits fondamentaux avait pour objet de recenser les valeurs communes aux membres de l’Union européenne et se distinguait en ce sens de la Convention européenne des droits de l’homme signée par un nombre beaucoup plus important d’Etats. Il a indiqué que ce texte porterait sur la citoyenneté européenne, les droits constitutionnels, mais aussi la reconnaissance de droits sociaux. Il a souligné par ailleurs que les parlements nationaux ainsi que le parlement européen seraient associés à l’élaboration de la Charte.

M. Pierre Moscovici a ajouté que le pacte pour l’emploi, adopté lors du Conseil européen de Cologne, était en-deçà des objectifs que la France s’était fixés, mais que notre pays considérait la mise en œuvre d’orientations plus ambitieuses dans ce domaine comme une

priorité pour les années à venir. Il a estimé que la déclaration commune adoptée par MM. Blair et Schröder pouvait apparaître comme le fruit d’une réflexion menée par les deux chefs de gouvernement sur les raisons qui avaient écarté leur parti respectif du pouvoir pendant une assez longue période. Il a relevé en outre que leur analyse s’inscrivait dans un cadre national qui, pour le Royaume-Uni comme l’Allemagne, avait été marqué par une politique très libérale. Il a observé que la France ne se trouvait pas dans une situation identique, dans la mesure où les socialistes avaient été, à intervalles réguliers, associés au pouvoir et avaient déjà procédé à la modernisation de leur programme, tout en préservant le système social français. Il a ajouté que chaque gouvernement assumait par ailleurs sa politique et qu’il ne se retrouvait pas pour sa part dans la " troisième voie " défendue par MM. Blair et Schröder.

Le ministre délégué aux affaires européennes a ensuite estimé, répondant à M. Emmanuel Hamel, que le renforcement de l’Europe ne signifiait pas l’affaiblissement de la France. Il a ajouté que la France avait conservé le poste de président de la Commission pendant dix ans et que les récentes désignations à des postes de responsabilité au sein de l’Union européenne avaient concerné des représentants de l’Europe du sud, traditionnellement proche de notre pays. Il a rappelé, s’agissant de la Banque centrale européenne, que l’actuel président devait céder sa place dans un délai de deux ans à une personnalité française. Il a enfin observé que l’appréciation portée sur les différents responsables des instances européennes devait dépasser la seule considération de la nationalité des intéressés.

M. Pierre Moscovici a ajouté que l’Union de l’Europe occidentale devait être intégrée à l’Union européenne d’ici à la fin de l’an 2000 et qu’il conviendrait, dans l’intervalle, de régler la question de la transposition de l’article 5 du traité de l’UEO dans les traités européens, ainsi que le problème des pays participant à l’UEO sans être membre de l’Union européenne. Il a indiqué par ailleurs que la France n’avait pas souhaité, en la matière, fixer à Cologne de principes trop précis mais simplement poser les bases d’une évolution appelée à se poursuivre dans les mois à venir. Il a également relevé que la transformation de l’Eurocorps en force de réaction rapide s’inscrivait dans le cadre d’une nouvelle politique de défense visant à résoudre des situations de crise par la projection de forces à l’extérieur. Il a ajouté à cet égard que la France avait une position ouverte quant à un possible élargissement de l’Eurocorps.

Le ministre délégué aux affaires européennes a précisé à l’intention de M. Michel Barnier qui s’interrogeait sur l’éventuelle prise en charge par le Haut-représentant pour la Pesc du secrétariat général de l’UEO, que la France proposerait un calendrier sur l’évolution envisageable dans ce domaine et que l’on pouvait concevoir que l’actuel secrétaire général de l’UEO ne soit pas remplacé à l’expiration de son mandat. Il a indiqué à M. Emmanuel Hamel que la France préserverait dans le processus en cours le maintien des garanties apportées par l’article 5 du traité de l’UEO.

M. Pierre Moscovici a enfin observé, à l’attention de M. Xavier de Villepin, président, qui s’inquiétait de la baisse du cours de l’euro, que l’on n’avait pas à rougir des débuts de la monnaie européenne et que le Conseil européen de Cologne n’avait pas jugé utile de faire de déclaration particulière à ce sujet.

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