Service des Commissions

MM. HUBERT VEDRINE ET M. CHARLES JOSSELIN PRESENTENT DEVANT LES SENATEURS LES CREDITS DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES POUR 2000.

Réunie le jeudi 14 octobre 1999, sous la présidence de M. Xavier de Villepin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur les crédits du ministère des affaires étrangères pour 2000.

Le ministre des affaires étrangères a tout d’abord souligné que le budget 2000 marquait un coup d’arrêt à la diminution des moyens du ministère des affaires étrangères, qui était constante depuis 1995 : les crédits du ministère augmenteront l’an prochain de 170 millions de francs (+ 0,8 % par rapport au projet de loi de finances 1999). Ce renversement de tendance a notamment pu être obtenu -a-t-il relevé- grâce aux efforts de modernisation interne conduits depuis plusieurs années et constitue un encouragement à les poursuivre. De même, le projet de loi de finances pour 2000, a poursuivi le ministre, permet d’enrayer la diminution des effectifs qui avait dans le passé lourdement affecté son département ministériel. Au demeurant, a souligné M. Hubert Védrine, l’achèvement de la fusion des administrations de la coopération et des affaires étrangères a permis de récupérer 92 emplois qui seront redéployés dans les différents services du département.

L’un des principaux objectifs qui sera poursuivi au cours du prochain exercice sera -a relevé le ministre des affaires étrangères- la poursuite de modernisation de l’administration des affaires étrangères décidée l’an dernier. Cette modernisation doit s’inscrire dans le contexte de l’accélération de la mondialisation qui justifie que notre pays garde son ambition d’une présence universelle. De surcroît, a poursuivi M. Hubert Védrine, la France présidera l’Union européenne durant le second semestre de l’an 2000 où d’importants sujets devront être traités, comme les négociations dans le cadre de l’OMC, l’élaboration d’une défense européenne ou la réforme des institutions de l’Union. La France doit également, a souligné le ministre des affaires étrangères, être en mesure de développer une meilleure capacité de réponse aux crises et d’adapter sa politique consulaire pour qu’elle prenne en compte les impératifs de sécurité de nos compatriotes.

L’objectif de modernisation se traduira notamment : par la suppression de la distinction dans les postes entre moyens de fonctionnement des services diplomatiques et de ceux de la coopération ; par la poursuite de la déconcentration des moyens de fonctionnement vers les postes, notamment en ce qui concerne les frais de déplacement et, à titre expérimental, les recrutés locaux et l’aide sociale ; enfin, par la poursuite de la rénovation de la politique immobilière.

Le renforcement de notre présence dans le monde constituera, a souligné M. Hubert Védrine, un second objectif majeur. L’engagement de la France en faveur de la diversité culturelle et la francophonie se traduira notamment par un effort financier au profit de l’audiovisuel extérieur (+ 25 MF), au profit de la coopération culturelle à l’égard des jeunes étrangers, notamment à travers 35 MF de mesures nouvelles pour les bourses d’excellence et 5 MF pour l’agence Edufrance. Les crédits d’aide au développement seront par ailleurs maintenus dans le cadre d’une nouvelle répartition entre l’ancien Fonds d’aide et de coopération (FAC) et l’Agence française de développement. Nos contributions volontaires aux organisations internationales et notre aide humanitaire bénéficieront respectivement de 30 MF et 6 MF de mesures nouvelles.

Les dotations du budget du ministère des affaires étrangères pour 2000 permettront également, a souligné M. Hubert Védrine, de renforcer les efforts de solidarité en faveur des Français de l’étranger, tant dans le domaine de l’éducation (+ 15 MF pour les crédits de bourse de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger) que dans celui de la lutte contre l’exclusion (+ 4,7 MF pour l’assistance aux Français en difficulté). La modernisation de notre administration consulaire sera également poursuivie -a précisé le ministre des affaires étrangères- par l’achèvement de la " mue " du service central d’état civil et par le renforcement de l’encadrement des consulats grâce à l’affectation d’une partie importante des 92 emplois dégagés.

Concluant son propos, M. Hubert Védrine, tout en se félicitant du desserrement de la contrainte affectant les effectifs de son ministère, a estimé que les besoins demeuraient importants. Il était nécessaire, a-t-il rappelé, d’adapter notre réseau diplomatique et consulaire à un environnement mondial de plus en plus mouvant, ce qui devait notamment se traduire par une meilleure utilisation de nos moyens au sein de l’Union européenne.

M. Charles Josselin, ministre délégué, a alors présenté les crédits consacrés à la coopération et à la francophonie. Il a rappelé que la réforme du dispositif de coopération avait été rendue effective au cours de l’année 1999. Il a observé que la mise en place de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), qui réunissait quelque 600 agents, concrétisait la fusion des services. Le ministre délégué a ajouté que la question du statut des personnels avait pu être réglée dans le cadre d’un dialogue social fructueux. Il a rappelé, d’une part, que le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) avait défini les contours de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) et les conditions d’intervention de nos instruments de coopération, et d’autre part que les statuts de l’AFD et le décret sur le FAC (qui deviendra le Fonds de solidarité prioritaire) avaient fait l’objet de procédures de révision. Enfin, il a indiqué que les premiers projets hors de l’ancien champ de la coopération avaient été négociés avec les pays intéressés et seraient soumis au comité directeur du FAC avant la fin de l’année.

Evoquant alors les crédits d’intervention mis en œuvre par la DGCID, M. Charles Josselin a observé qu’ils augmenteraient l’an prochain de 0,1 %, même si cette évolution ne portait pas sur toutes les catégories de crédits de la coopération. Il a relevé, à cet égard, que les crédits d’ajustement structurel connaîtraient encore une réduction en 2000, notamment en raison des annulations de dettes décidées dans le cadre du G7, qui permettront de libérer des marges de manoeuvre sur les budgets des pays aidés.

M. Charles Josselin a ensuite observé que la poursuite de la mue de notre assistance technique se traduirait par la recherche d’une expertise renouvelée intervenant dans des conditions de délais et sur des programmes resserrés. Il a précisé que le budget prévu pour l’an 2000 devait permettre de répondre à plusieurs priorités : d’une part, le renforcement de notre influence à l’étranger à travers l’action audiovisuelle à l’extérieur (25 MF de mesures nouvelles) et la promotion de notre enseignement supérieur, d’autre part, la francophonie pour laquelle un programme ambitieux avait été conçu lors du sommet de Moncton, et enfin l’aide au développement dont les crédits avaient été globalement préservés. Il a noté, à cet égard, que le passage du champ de la coopération à la zone de solidarité prioritaire (ZSP) rendait éligibles au FAC de nouveaux pays, notamment ceux du Maghreb ou d’Asie du sud-est.

Le ministre de la coopération a souligné que ce budget devait permettre d’inverser une tendance lourde à la baisse de l’aide au développement. Il a rappelé que la France figurait au premier rang des bailleurs bilatéraux s’agissant de l’aide rapportée au PIB et au troisième rang –derrière le Japon et les Etats-Unis– pour l’aide en volume net.

Il a conclu en rappelant trois domaines qui avaient fait l’objet de mesures nouvelles significatives : le renforcement de l’effort de solidarité en faveur des Français de l’étranger (19,7 MF), l’augmentation des dotations consacrées aux contributions volontaires aux organisations internationales (+ 30 MF) et une hausse de l’aide humanitaire (+ 6 MF).

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Un débat s’est ensuite engagé avec les commissaires.

M. Daniel Goulet, après s’être félicité de la continuité de la politique française en faveur du Conseil de l’Europe -malgré les rumeurs inquiétantes qui avaient couru-, s’est étonné que la contribution budgétaire française à cette institution, qu’il a jugée particulièrement importante, intègre également la dotation destinée au financement de la Cour européenne.

Mme Paulette Brisepierre s’est interrogée sur la justification de la baisse importante des concours financiers pour 2000 et sur le fait qu’aucune ligne de crédit n’était prévue pour les nouveaux pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP). Elle a souhaité obtenir des explications sur la réduction des crédits d’assistance technique alors même que le nombre des pays bénéficiaires de notre aide était en augmentation. Elle a enfin fait part des inquiétudes exprimées par certains diplomates français concernant l’organisation de la Direction générale pour la coopération internationale et le développement (DGCID), et notamment la complexité des procédures et la multiplication des guichets en matière d’aide au développement.

M. Xavier de Villepin, président, a alors interrogé les ministres sur les comparaisons internationales en matière d’aide au développement et sur l’évolution, pays par pays, de l’effort consenti par la France. Il s’est également interrogé sur l’avenir de la procédure des protocoles financiers.

M. André Dulait s’est demandé si l’inscription, pour la première fois, dans le projet de loi de finances initiale, de 150 MF destinés à la construction de notre ambassade à Berlin ne relativisait pas la portée de l’augmentation globale de 170 MF des crédits du ministère des affaires étrangères. Il s’est interrogé sur les projets de réouverture de postes consulaires et d’implantations culturelles en Algérie. Il s’est enquis des motifs de la réduction de crédits affectés à la desserte aérienne de Strasbourg et a enfin souhaité obtenir des précisions sur l’évolution de la politique des visas.

M. Hubert Durand-Chastel a demandé au ministre pourquoi la France privilégiait, dans sa politique immobilière à l’étranger, le recours à la location plutôt qu’à la propriété et a suggéré que soit étudiée la procédure de leasing immobilier.

M. Robert Del Picchia a souhaité obtenir des précisions sur le contenu des 170 MF supplémentaires dont bénéficiait cette année le budget du Quai d’Orsay. Il s’est par ailleurs enquis des coûts entraînés pour la France par la prochaine présidence de l’Union européenne. Il a enfin demandé des précisions sur l’évolution et l’affectation des droits de chancellerie.

M. Xavier de Villepin, président, a estimé que l’évolution indispensable de la carte diplomatique et consulaire devrait faire l’objet d’un dialogue accru avec les parlementaires et le Conseil supérieur des Français de l’étranger. Evoquant la priorité financière accordée à l’audiovisuel extérieur, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que TV5 n’était pas toujours à la hauteur de ses principales concurrentes étrangères. Pour lui, la France n’était pas toujours en mesure de tenir le rôle qui lui revenait dans la promotion de la francophonie et il a souhaité un effort de simplification de notre organisation nationale.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin interrogé le ministre des affaires étrangères sur la politique de la France en matière de contributions obligatoires et volontaires aux organisations internationales, en la comparant à celle conduite par les Etats-Unis qui privilégie systématiquement les contributions volontaires.

M. Hubert Védrine a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- la question des locations immobilières faisait l’objet d’une réflexion dans le cadre du comité de politique immobilière mis en place au sein du ministère ;

- l’augmentation de 170 MF enregistrée par rapport au budget de l’année précédente s’accompagnait de redéploiements internes entre les différents postes budgétaires afin de mieux faire valoir les priorités du ministère ;

- s’agissant de l’Algérie, la réactivation du centre culturel d’Alger sera préparée à partir de janvier 2000 et la réouverture des consulats d’Annaba et d’Oran, qui avait été annoncée, était en préparation ;

- la baisse de la dotation pour la desserte aérienne de Strasbourg résultait de constats d’économies et de l’importance des reports de crédits d’une année sur l’autre ;

- un effort avait été accompli dans les consulats grâce au fonds de concours sur les droits de chancellerie (aménagements immobiliers). Il allait être poursuivi, et de nouveaux moyens en personnels seraient affectés à partir des emplois dégagés lors de la négociation budgétaire ;

- la position française à l’égard des contributions obligatoires ou volontaires aux organisations internationales s’inscrit dans la logique du soutien accordé par la France au système multilatéral ;

- le fonds de concours assis sur les droits de chancellerie était passé de 20 % à 30 % entre 1997 et 2000 pour un rapport de 100 MF en moyenne ; le ministre entendait obtenir l’augmentation de cette proportion ;

- la présidence française de l’Union européenne avait fait l’objet d’un budget prévisionnel de 100 MF inscrit au budget des affaires étrangères et qui serait approvisionné en fonction des besoins (chapitre provisionnel) ;

- le réseau du ministère des affaires étrangères restait le deuxième du monde. Sans que soit remise en cause sa dimension, il devait s’adapter en fonction de la situation internationale et des mouvements de la communauté française à l’étranger ; il ne devait du reste pas être le seul réseau français à faire un effort de rationalisation, alors même qu’il représentait les intérêts globaux de notre pays. Une concertation pourrait s’engager avec les parlementaires en aval des projets de réorganisation du réseau ;

- le budget de construction des nouvelles ambassades s’élevait à 478 millions de francs en autorisations de programme pour 2000 ;

- l’audiovisuel extérieur avait fait l’objet d’un véritable plan d’action qu’il conviendrait de juger sur ses résultats.

M. Charles Josselin a alors apporté les précisions suivantes :

- le nouveau plan relatif à l’audiovisuel extérieur avait été accompagné d’un renouvellement des actionnaires de TV 5, ainsi que d’une redéfinition des principes de programmation ; 74 millions de foyers étaient raccordés à TV 5 par le réseau câblé ; la diffusion de TV 5 aux Etats-Unis et en Amérique latine soulevait des interrogations, tant sur le plan de la qualité technique de réception des images, qu’au regard de l’adéquation des programmes aux attentes du public ;

- l’aide à l’Algérie n’a jamais cessé au cours des dernières années et le pays entrait maintenant dans le champ des pays de la zone de solidarité prioritaire qui peuvent bénéficier des crédits du FSP ;

- l’importance de l’aide au développement ressortait mieux à la lumière des données alarmantes sur la situation de la pauvreté dans le monde : ainsi 3 milliards d’habitants vivaient avec un revenu inférieur à 2 dollars par jour ;

- la participation financière française aux grandes agences des Nations unies serait désormais mieux identifiée dans le cadre des projets d’aide au développement conduits à l’initiative de ces organisations ;

- un récapitulatif de l’aide française apportée pour chacun des pays bénéficiaires devrait être accompagné de commentaires explicatifs, sauf à risquer des interprétations erronées sur les priorités de notre politique de coopération ;

- la baisse des concours financiers s’expliquait par l’amélioration de la situation des finances publiques des pays concernés ou par la sous-consommation des crédits en raison des situations de crises politiques affectant plusieurs pays de la zone de solidarité prioritaire ; l’appartenance à la zone de solidarité prioritaire n’entraînait par ailleurs pas un droit de tirage automatique sur les concours financiers ;

- le nombre d’assistants techniques au 31 décembre 1999 s’élèverait à 3.050 agents ; le profil de l’assistance technique évoluerait dans le sens d’une expertise plus limitée dans le temps, même s’il convenait de ne pas descendre au-dessous d’un certain niveau d’effectifs pour assurer la présence française sur place ;

- enfin, une information spécifique serait donnée aux parlementaires quant aux modalités de mise en œuvre des annulations de dettes récemment décidées par le G7.