Service des Commissions

Projet de loi de finances pour 2000

Examen des crédits relatifs au logement

POUR UNE RÉFORME DE LA POLITIQUE SOCIALE DU LOGEMENT

ANALYSES ET PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

A l’occasion de l’examen des crédits relatifs au logement dans le projet de loi de finances pour 2000, M. Jacques Bimbenet (RDSE, Loir et Cher), rapporteur pour avis des crédits du logement social au nom de la commission des Affaires sociales présidée par M. Jean Delaneau (RI, Indre-et-Loire), a présenté au Sénat, le vendredi 3 décembre 1999, ses analyses et ses propositions sur le logement social.

A structure constante, les crédits du logement diminueront de 2,3 % en 2000 par rapport à l’exercice précédent.

A l’évidence, le logement, et notamment le logement social, ne font plus partie des priorités budgétaires du Gouvernement, alors que la situation du logement est de plus en plus préoccupante.

S’appuyant sur un important programme d’auditions conduites par le rapporteur au printemps dernier, la commission des Affaires sociales a profité du débat budgétaire pour dresser un diagnostic et formuler une série de propositions sur la politique sociale du logement.

L’effort de la Nation en faveur du logement atteindra 192,7 milliards de francs en 2000. Mais l’importance des engagements financiers contraste paradoxalement avec la déshérence de la politique sociale du logement.

Le logement locatif social : une réforme en trompe l’œil

Un secteur social en crise : le fond du gouffre ?

La crise de la construction de logements sociaux se confirme en 1999, même si la diminution continue du nombre de logements mis en chantier depuis 1994 semble être revenu à un plancher. Alors qu’en 1971, 140.000 logements sociaux avaient été ainsi mis en chantier, ils n’ont été que 44.000 en 1998.

Or, l’INSEE estime que plus de 300.000 logements neufs, hors renouvellement du parc, seront nécessaires pour faire face aux besoins entre 2000 et 2005.

Une réforme timorée

En juillet dernier, le Gouvernement a annoncé une réforme du financement du logement social.

Cette réforme, si elle va dans le bon sens, sera néanmoins insuffisante pour relancer durablement la construction.

Il importe alors d’avancer dans deux directions :

- Favoriser l’équilibre financier du secteur HLM, en corrigeant notamment certaines aberrations fiscales.

La valeur locative cadastrale, qui constitue la base de la taxe d’habitation et de la taxe foncière sur les propriétés bâties, est calculée en fonction de valeurs qui ont été fixées en 1971 et qui sont aujourd’hui désuètes. C’est tout particulièrement dommageable pour les logements HLM qui, pour la plupart, voient leur valeur locative surévaluée. Dès lors, les locataires et les organismes HLM doivent s’acquitter d’impôts locaux supérieurs à ceux qui seraient normalement exigibles si l’on prenait en compte l’état actuel du parc.

Cette situation est particulièrement déstabilisante, tant pour les locataires qui ont, par définition, des ressources modestes que pour les organismes dont on connaît les difficultés financières.

- Renforcer la décentralisation du financement du logement social

Alors que les collectivités locales concouraient déjà à plus de 4 milliards de francs au financement du logement social en 1997, selon une étude de la Caisse des dépôts et consignations, leur intervention reste strictement encadrée par les contraintes administratives d’une programmation déconnectée des réalités locales.

Il serait alors nécessaire de substituer à cette programmation une démarche contractuelle qui permettrait une modulation des aides financières en fonction des contextes locaux.

L’exclusion par le logement : un attentisme préoccupant

La persistance inquiétante du " mal-logement "

Le Haut Comité pour les personnes défavorisées a évalué, dans son rapport 1999, à 730.000 personnes la population sans perspective d’accès à court terme à un habitat autonome. En outre, 300.000 ménages sont actuellement en situation d’impayés de loyers.

Parallèlement se développe un véritable " marché des taudis ", pour l’accueil de familles en difficulté dans des logements insalubres, pour des loyers souvent prohibitifs.

Le retard comme réponse à l’urgence

La loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions comportait un important volet logement. Celui-ci tarde, hélas, à se mettre en place en dépit d’une évidente urgence.

La Fondation Abbé Pierre pour le logement des plus défavorisés remarquait ainsi, dans un rapport d’octobre dernier, que " un an après le vote de la loi, l’état d’avancée de son application est difficilement décryptable et les effets de sa mise en œuvre sont imperceptibles. (...) Les associations impliquées dans l’insertion par le logement sont peu à peu gagnées par le scepticisme ".

A l’inverse, le Gouvernement a curieusement fait preuve de la plus grande célérité pour mettre en place un nouvel impôt : la taxe sur les logements vacants.

133.000 avis d’imposition viennent ainsi d’être adressés par les services fiscaux aux propriétaires, au risque de multiplier les contentieux.

Or, le produit attendu de cette taxe est évalué à 1 million de francs. Il est alors à craindre que le coût de recouvrement de la taxe soit en définitive supérieur à son rendement...

Les aides personnelles au logement : le choix de l’immobilisme

En 1998, 6,3 millions de ménages ont bénéficié de ces crédits, pour un coût total de 77,2 milliards de francs.

Un système imparfait

Ces aides, dont l’utilité sociale est incontestable, souffrent pourtant de plusieurs dysfonctionnements :

- le système pâtit d’abord d’une trop grande complexité, qui est le résultat de la stratification, au cours des 40 dernières années, de différentes mesures liées à la généralisation de ces aides à de nouvelles catégories de ménages et de logements. Dès lors, les barèmes applicables sont loin d’être unifiés ;

- le système n’est pas non plus équitable car pour des charges de logement, des ressources et des situations familiales identiques, les ménages ne bénéficient pas de la même aide, du fait de l’hétérogénéité des barèmes. En outre, les ressources prises en compte pour le calcul des aides sont les ressources imposables. Aussi, les bénéficiaires de minima sociaux reçoivent une aide plus importante que les ménages qui n’ont que de faibles revenus d’activité ;

- le système n’a enfin pas fait la preuve de son efficacité sociale, les taux d’effort augmentant parallèlement à la croissance des loyers et les aides restant applicables dans le " marché des taudis ".

Le Gouvernement choisit pourtant le statu quo

La commission des Affaires sociales du Sénat estime qu’à effort budgétaire constant une réforme des aides à la personne devrait permettre de simplifier ces aides, d’en améliorer l’efficacité sociale et d’en renforcer l’équité.

Le Gouvernement a choisi le statu quo, alors même que le contexte budgétaire se prêtait pourtant à une telle réforme, la contribution de l’Etat au financement des aides à la personne diminuant en 2000.