Les sénateurs s'inquiètent de la détérioration
des capacités de transport aéromobile dans l'armée de terre

Réunie le mercredi 10 juillet sous la présidence de M. André Dulait, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a entendu une communication de M. Serge Vinçon, rapporteur du budget de l'armée de terre, sur la situation des capacités aéromobiles de l'armée de terre.

Aux yeux de M. Serge Vinçon, le parc d'hélicoptères de l'Aviation légère de l'armée de terre (ALAT), qui compte 409 appareils et regroupe 70% des hélicoptères militaires, illustre de manière exemplaire les difficultés engendrées par l'érosion des crédits d'équipement des armées au cours des dernières années.

Le vieillissement et le « sur-emploi » de ces appareils extrêmement sollicités, les exigences draconiennes de sécurité, la réduction des crédits d'entretien et les difficultés d'organisation qui ont affecté la maintenance ont entraîné une chute du taux de disponibilité des matériels. Celui-ci est depuis le début de l'année de 40% seulement pour les hélicoptères de combat Gazelle, en raison d'une défectuosité liée au vieillissement d'une pièce majeure, alors que moins de la moitié des hélicoptères de transport Puma et Cougar peuvent en pratique être engagés dans des missions d'une certaine durée. Enfin, l'entraînement des équipages a chuté à 150 heures par an alors que le niveau minimal retenu par l'OTAN est de 180 heures.

Considérée comme un outil clef de gestion des crises, la capacité aéromobile se présente aujourd'hui comme l'une des plus touchée par l'indisponibilité des matériels.

M. Serge Vinçon a jugé que la situation restait acceptable pour les hélicoptères de combat, compte tenu notamment de l'arrivée en 2003 du nouvel hélicoptère Tigre. Il a sur ce point vigoureusement plaidé pour une décision rapide optant pour le développement de la version dite « HAD » (appui destruction) du Tigre, qui se substituerait aux deux versions actuellement prévues pour l'appui-protection (HAP) et le combat antichar (HAC). Polyvalente, la version HAD répond mieux, aux yeux du rapporteur, aux besoins actuels de l'armée de terre, et constituerait à moyen terme une source d'économie. Elle renforcerait également les chances du Tigre à l'exportation.

M. Serge Vinçon s'est déclaré beaucoup plus inquiet sur l'avenir de la capacité de transport héliporté, le parc actuel de Puma et de Cougar, dont l'âge moyen est déjà très élevé, devant rester en service jusqu'à l'arrivée du nouvel hélicoptère de transport NH90, qui ne sera livré à l'armée de terre qu'entre 2011 et 2017. D'ici là, notre capacité de transport reposera pour l'essentiel sur le Puma, qui vieillit, tombe plus fréquemment en panne et se trouve progressivement frappé d'obsolescence, car il ne répond plus aux standards de navigation actuels en matière d'identification et de radiocommunications. Il en résultera une inévitable dégradation de nos capacités.

M. Serge Vinçon a présenté les différentes options de nature à limiter cette chute capacitaire annoncée : l'anticipation de la livraison du NH 90 dès 2007, qui représenterait entre 650 millions et 1 milliard d'euros d'une part, et d'autre part, la rénovation d'un peu moins de la moitié du parc de Puma. Cette dernière solution connaît différentes variantes, selon le degré de rénovation choisi. A la différence de l'avancement du programme NH 90, elle présente un coût accessible, mais ne constitue qu'un palliatif, pour une minorité d'appareils seulement, et n'évitera pas une perte de capacité qui peut être évaluée à 30% environ du potentiel actuel.

Le rapporteur a souligné le handicap que constituerait, pour la France, ce « trou capacitaire » en matière aéromobile d'ici 2011. Il s'est également inquiété de voir disparaître un créneau d'excellence de l'armée française, alors que l'armée de terre allemande recevra ses NH 90 dès 2004 et que le Royaume Uni développe un concept ambitieux de brigade d'assaut aéroterrestre.

En conclusion, M. Serge Vinçon a préconisé une étude plus approfondie des solutions innovantes, telles que des préfinancements bancaires, en vue d'un éventuel avancement de la livraison du NH 90, ou sur l'externalisation de certaines prestations en vue d'alléger les contraintes financières pesant sur le budget de l'armée de terre.

Jugeant nécessaire de gérer plus parcimonieusement le parc d'hélicoptères existant, notamment sur les théâtres extérieurs, il a suggéré de regrouper nos moyens aéromobiles dans les Balkans, actuellement répartis sur deux détachements.

Il a souhaité, dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire, un relèvement substantiel des crédits d'entretien programmé des matériels.

Enfin, il s'est demandé si une réflexion interarmées plus poussée ne permettrait pas d'atténuer les difficultés en matière de capacités aéromobiles.