Projet de loi bioéthique :

la commission des affaires sociales du Sénat rectifie sans bouleverser

Mercredi 15 janvier 2003, la commission des Affaires sociales du Sénat, présidée par M. Nicolas About (UMP - Yvelines), a adopté le rapport de M. Francis Giraud (UMP, Bouches-du-Rhône) sur le projet de loi relatif à la bioéthique.

Le rapporteur a observé que la bioéthique constituait un enjeu majeur qui transcendait largement les clivages politiques : l'actuel projet de loi, comme les lois de 1994 qu'il révise, aura été examiné à cheval sur deux législatures, séparées par une alternance. Il reste que le nouveau Gouvernement est en droit d'imprimer sa marque sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en janvier 2002, sous la précédente législature. D'emblée, M. Francis Giraud a déclaré partager pleinement les orientations retenues par le ministre de la santé, M. Jean-François Mattei, telles qu'il les a présentées devant la commission le 12 décembre dernier.

Aussi, proposera-t-il à la commission d'approuver deux dispositions importantes que le Gouvernement a annoncées et qu'il présentera lui-même, concernant la création d'une incrimination solennelle du clonage reproductif et la mise en place d'une Agence de biomédecine.

Pour sa part, la commission a adopté une soixantaine d'amendements qui rectifient substantiellement certaines dispositions du projet de loi mais également, pour bon nombre d'entre eux, améliorent et clarifient son dispositif.

Les principales modifications apportées par la commission à l'initiative de son rapporteur tendent à :

- développer l'information diffusée par les médecins dans deux domaines : d'une part, en cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave, il est prévu que le médecin doit informer la personne de la nécessité de prévenir les membres de sa famille, si des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées ; d'autre part, en vue de favoriser les dons d'organes post mortem toujours préférables aux dons entre vifs, les médecins devront s'assurer que leurs patients sont informés des modalités du consentement prévues par la loi ;

- préciser la qualité des personnes qui peuvent consentir à un don d'organe au profit d'un proche ; à l'extension, trop vague et trop large, retenue par l'Assemblée nationale et qui autorise le don par toute personne « ayant un lien étroit et stable » avec le receveur, la commission a préféré viser le cercle de famille élargi (cousines et cousins germains, grands parents, oncles et tantes, conjoint du père ou de la mère), ainsi que les personnes apportant la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans avec le receveur ;

- renforcer les garanties entourant les prélèvements de cellules de moelle hématopoïétique qui peuvent être autorisés sur les mineurs ou les majeurs protégés (régime du consentement, y compris sa révocabilité, mise en œuvre préalable de tous les moyens pour trouver un donneur majeur compatible) ;

- supprimer, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, la possibilité ouverte par l'Assemblée nationale de transfert d'embryon post mortem, en raison des graves interrogations éthiques et psychologiques que suscite la mise au monde consciente d'un orphelin et du très petit nombre de situations concrètes qui seraient visées par un tel dispositif ;

- rétablir l'exigence, supprimée par l'Assemblée nationale, d'une durée de vie commune d'au moins deux ans pour qu'un couple puisse recourir à l'assistance médicale à la procréation ;

- affirmer l'interdiction de principe de la recherche sur l'embryon humain ; toutefois, par dérogation et pour une période limitée à cinq ans, des recherches pourraient être autorisées sur l'embryon et les cellules embryonnaires dans un cadre strictement défini quant à la finalité des recherches, l'existence d'alternatives possibles, le processus d'autorisation des protocoles ;

- interdire, bien entendu, la création d'embryons à des fins de recherche ; à ce titre, la commission a supprimé la possibilité, ouverte par l'Assemblée nationale, d'évaluation des nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation préalablement à leur mise en œuvre ; une telle évaluation contournerait en effet l'interdiction posée car elle conduirait nécessairement à la création d'embryons ;

- proscrire clairement, non seulement le clonage reproductif comme le fait le texte de l'Assemblée nationale, mais également le clonage thérapeutique ;

- transformer le « Haut conseil » prévu par l'Assemblée nationale, en un conseil d'orientation médical et scientifique plus opérationnel. Les avis de ce comité, rendus publics, porteront notamment sur les protocoles de recherche sur l'embryon que l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine ou la future Agence de biomédecine, est habilitée à autoriser, mais auxquels tant le ministre de la recherche que le ministre de la santé peuvent opposer un veto ; siègeraient au Conseil d'orientation dix personnalités scientifiques, mais également deux parlementaires, un membre du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation et un représentant du Comité consultatif national d'éthique et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.