La qualité de l'eau et de l'assainissement en France

Rapporteur : M. Gérard MIQUEL, sénateur

Le mercredi 19 mars 2003, M. Gérard MIQUEL, sénateur du Lot, a présenté à la presse le rapport qu'il vient de rédiger pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologique (OPECST).

Ce rapport est un outil pédagogique à l'intention des élus locaux impliqués dans la gestion de l'eau, et une réflexion sur les politiques publiques de préservation de la qualité de la ressource en eau.

1. La dégradation de la ressource est avérée.

La responsabilité est collective. Nous avons l'eau que notre société fabrique. L'eau de pluie est aussi polluée et une partie de la pollution vient de ceux qui la prélèvent (les forages sont aussi des sources de pollution). Cette responsabilité est collective, mais inégalement partagée. Les industriels ont fait leur révolution environnementale en supprimant la plus grande part des rejets polluants, les collectivités locales font la leur en investissant dans l'assainissement, même si de gros efforts restent à conduire. L'agriculture n'a pas fait la sienne. La dégradation de l'eau liée aux nitrates et pesticides est bien connue.

Cette dégradation de la qualité de la ressource révèle une inefficacité des instruments et des politiques publiques chargés d'y remédier : périmètres de protection inadaptés aux pollutions diffuses, réglementations trop complexes, police de l'eau peu opérationnelle, politiques contractuelles axées sur le volontariat peu appliquées..., la plupart de ces instruments ont échoué à endiguer cette dégradation.

2. Les Français ont raison de s'inquiéter de la dégradation de la qualité de l'eau mais ils s'inquiètent pour de mauvaises raisons.

Il y a tout d'abord confusion entre la qualité de la ressource, l'eau produite destinée à la consommation, qui part de mélanges d'eau et fait appel à des traitements sophistiqués, et l'eau distribuée. L'état des canalisations et des conduites des particuliers est aussi important que l'état de la ressource.

Le goût et le calcaire sont des paramètres de confort mais ne sont pas des critères de qualité pour la santé. Une certaine ignorance conduit d'ailleurs les usagers à se doter d'adoucisseurs d'eau pour éviter le calcaire et à acheter de l'eau minérale chargée en calcium...alors qu'il s'agit de la même chose !

Les nitrates et les pesticides sont  les contaminations les plus connues et les plus médiatisées. Aux normes actuelles, la santé des Français n'est pas en jeu : les normes françaises et européennes sur les pesticides dans l'eau sont extrêmement basses, de l'ordre de 10 à 100 fois plus faibles que dans d'autres pays, de l'ordre de 100 à 100.000 fois plus faibles que sur les aliments qui constituent 95% de l'exposition aux pesticides. Le risque lié à l'eau ne doit donc pas être surestimé. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y pas d'inquiétude à avoir sur l'effet des expositions à long terme aux micro polluants, mais il ne s'agit encore que de travaux de recherches.

Cette focalisation sur ces deux paramètres à effet à long terme occulte le risque microbiologique à effet immédiat sous forme de maladies gastriques plus ou moins graves. La contamination de l'eau par des bactéries ou des parasites est fréquente. D'autant plus fréquente que les indicateurs actuels de contamination sont inopérants à les déceler et que seules des techniques avancées de filtration peuvent y remédier. Ce facteur de risque s'aggrave sous l'effet de la dégradation de la qualité des sols facilitant l'érosion et l'entraînement des particules en suspension au moment des pluies.

3. L'organisation actuelle de la gestion de l'eau ne permet pas de répondre aux attentes des Français.

Il faut admettre que l'échelon communal, si fondamental pour notre vie collective, n'est plus l'échelon adapté à la gestion de l'eau. Communes et syndicats intercommunaux forment un enchevêtrement inextricable, un « mikad'eau »  de syndicats de pompage, de barrages, de distribution, d'assainissement, qui manque de moyens, de compétences pour agir sur la qualité de la ressource, et de vision. La commune est, dans le domaine de l'eau, le maillon faible.

Les petites communes sont moins équipées, moins protégées, moins contrôlées, et plus vulnérables aux contaminations bactériologiques. La solidarité envers les « YOPI's » - Young, Old Pregnant, Immunodéficients - les plus sensibles aux risques hydriques, s'est faite au détriment des solidarités traditionnelles régionales. Peu à peu l'écart se creuse entre l'eau des villes et l'eau des champs.

Tout indique que la prétendue priorité accordée à l'eau n'en est pas une. Elle doit le devenir.

4. Principales propositions

Fixer l'objectif de réserver 1% du territoire de chaque département à des « zones de sanctuarisation de la ressource en eau », zones de protection des eaux destinées à préserver la qualité de ressources stratégiques.

Envisager un recours plus régulier à l'éco-conditionnalité qui consiste à subordonner le paiement de soutiens agricoles au respect de pratiques environnementales destinées à protéger la ressource. Les premières applications (primes agricoles « contre » poses de compteurs d'eau) ont montré l'efficacité de cette mesure.

Faire du département l'échelon central de la gestion de la ressource en eau. Encourager la création de syndicats départementaux de gestion de l'eau sur le modèle des syndicats départementaux des déchets.

Simplifier :

- la réglementation (en supprimant l'obligation d'inscriptions aux hypothèques pour les périmètres de protection),

- la police de l'eau avec une police unique au niveau régional disposant d'antennes départementales (soit 22 services au lieu de 500 services actuellement),

- le régime de déclaration/autorisation des prélèvements (en généralisant le système déclaratif en mairie),

- la taxation de l'eau en substituant une redevance pollution à taux unique au système actuel inutilement complexe.