Réunie ce matin sous la présidence de M. Gérard Larcher (UMP-Yvelines), la commission des affaires économiques du Sénat a adopté le rapport de M. Pierre Hérisson (UMP-Haute-Savoie) sur le projet de loi relatif à la régulation postale, dont les principales dispositions sont les suivantes :

Le contenu du projet de loi

Le projet de loi n° 410, transpose la directive du 10 juin 2002. Composé de dix articles, il :

transpose les limites du secteur réservé en matière d'envoi de correspondance prévues par la directive CE 2002/39 du 10 juin 2002 qui sont désormais fixées à 100 grammes au plus et un prix inférieur à trois fois le tarif de base et le seront à 50 grammes au plus et un prix inférieur à deux fois et demi le tarif de base à partir du 1er janvier 2006 ;

donne, en ce qui concerne le service universel, une définition et en précise les contours tout en déterminant les conditions dans lesquelles La Poste peut déroger aux conditions générales de l'offre du service universel, avec certains clients importants ou partenaires justifiant d'une « masse critique » suffisante ;

- confie à l'Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) le soin de veiller à l'ouverture et au bon fonctionnement du marché postal, notamment en délivrant les autorisations d'exercer une activité postale et en émettant des avis rendus publics sur les tarifs et les objectifs de qualité du service universel qu'elle est chargée de surveiller ainsi qu'en approuvant les tarifs du secteur réservé ;

modernise des pans entiers du code des postes et télécommunications, en instituant des procédures spécifiques d'enquêtes, des sanctions administratives en cas de violation des règles relatives à la fourniture de services réservés, et des sanctions pénales applicables aux personnes physiques comme aux personnes morales.

Le tableau ci-après présente les principales dispositions de ce texte.

Le droit postal avant et après l'adoption du projet de loi

Nature de la disposition

Le droit existant

Le projet de loi

Démonopolisation du marché postal
(= étendue des services réservés)

Sont réservés les services postaux d'un poids inférieur à 350 g. et dont le prix est inférieur à 5 fois le tarif de base (art. L. 2)

Sont réservés les services postaux d'un poids inférieur à 100 gr et dont le prix est inférieur à 3 fois le tarif de base sans excéder 1 euro en 2003 et à 50 g. et 2,5 fois ce tarif en 2006. (art. L. 2)

Sanctions de la violation du monopole postal

En théorie, le ministre poursuit les auteurs de ces infractions (art. L. 17 et L. 28).
En pratique, dispositif inapplicable.

Double régime de sanctions :
- administratives, infligées par l'ARTP aux titulaires des autorisations (art.L. 5-3) ;
- pénales, infligées par le juge judiciaire (art. L. 17 et L. 20).

Définition du service universel

Les conditions dans lesquelles le service universel est assuré sont précisées dans le cahier des charges (art. 3-1 du cahier des charges (décret n°90-1214)).

Offre de service universel fixée par décret en conseil d'Etat pris après avis de l'ARTP (art. L. 2).

Mise en œuvre de la réglementation

Est assurée par le ministre

Le ministre et l'ARTP, notamment pour ce qui concerne l'octroi de licences, les conditions d'exercice du service universel (tarifs, modalités, qualité de service...) (art. L. 5 et suivants)

Régulation du secteur

Est assurée par le ministre avec le concours du médiateur du service universel postal.

Sera assurée par l'Autorité de régulation des postes et télécommunications (art. L. 5 et suivants).

Attribution de licences aux opérateurs postaux et contrôle de leur utilisation

Néant

- attribution d'une licence préalable à toute offre de services postaux (art. L. 3-1) ;
- en cas d'infraction, sanction prononcée par l'ARTP susceptible de recours devant la Cour d'Appel de Paris (art. L. 5-4, L. 5-5 et L. 5-6) ;
- alignement des procédures d'enquête dans le secteur postal sur celles prévues pour celui des télécommunications (art. L. 20).

Fixation des tarifs du secteur

- le price-cap des tarifs est déterminé dans le contrat de Plan (art. 9 loi de 1990) ;
- le prix du timbre comme celui des services réservés est agréé par le ministre (art. 33 du cahier des charges).

- accords avec les « grands comptes » homologués lorsqu'ils concernent les services réservés (art. 33 du cahier des charges)

- le price-cap reste fixé dans le contrat de Plan mais l'ARTP émet un avis public à son sujet (art. L. 5-2 3°) ;

- le prix du timbre et celui des services réservés sont approuvés par l'ARTP (art. L. 5-2 5°) ;
- conclusion de contrats, homologués lorsqu'ils concernent le secteur réservé, dérogeant aux conditions générales de l'offre du service universel pour déterminer les tarifs spéciaux des services aux entreprises en fonction des « coûts évités ».

Différends entre la Poste et ses concurrents

Néant

Saisine de l'ARTP soit dans le cadre d'un différend (art. L. 5-5) soit dans le cadre d'une procédure de conciliation (art. L. 5-7).

Aide à l'acheminement de la presse

Activité de service public financée moyennant une juste rémunération de la Poste (art. 2 et 8 de la loi de 1990, D. 18 du code et art. 6 et 38 du cahier des charges de la Poste)

Homologation des tarifs de presse par les ministres chargés des Postes et de l'économie après avis public de l'ARTP, les autres dispositions du code des P&T restant sans changement - (voir colonne de gauche), (art. L. 4 nouveau de ce code).

Observations de la commission des Affaires économiques

Le texte constitue un bon compromis entre la nécessité de transposer des directives et la volonté de maîtriser le processus d'ouverture des marchés postaux. Elle considère que le législateur ne saurait se désintéresser de l'avenir des services financiers de La Poste et estime que le débat sur La Poste ne saurait ignorer la question centrale de l'accessibilité au service postal.

    I - ACCOMPAGNER L'EMERGENCE D'UN MARCHE DU COURRIER

Assurer l'ouverture effective du marché postal

La commission propose un dispositif pour respecter à la lettre les directives européennes de 1997 et 2002, rien que ces directives mais toutes leurs dispositions. Elle souhaite déterminer un cadre normatif clair pour assurer une ouverture effective du marché postal en :

- précisant que l'accès aux installations et aux informations détenues par le prestataires du service universel, qui constituent des « infrastructures essentielles » pour l'exercice des activités postales, s'effectue dans des conditions « transparentes et non discriminatoires », (article 1er, art. L. 3-1 du code des P&T) ;

permettant à l'Autorité de régulation de recevoir, à sa demande, communication des conventions d'accès aux installations et aux informations détenues par le prestataire du service universel qui conditionnent l'exercice effectif des activités postales par les autres prestataires de services postaux (article 2, art. L 5-2 du code des P&T) ;

- autorisant cette autorité à émettre, en tant que de besoin, des recommandations de caractère indicatif qui illustreront la « doctrine » qu'elle entendra appliquer et voir appliquer sur les conditions techniques d'accès aux installations et informations essentielles détenues par le prestataire du service universel (article 2, art. L. 5-2 du code des P&T) ;

- ouvrant la saisine de l'Autorité de régulation du secteur postal aux organisations professionnelles, aux associations agréées d'utilisateurs, et aux personnes physiques ou morales concernées, par analogie avec les dispositions applicables au secteur des télécommunications (article 2, art. L. 5-3 du code des P&T).

Renforcer les compétences postales de l'Autorité de régulation

Pour renforcer les compétences de l'Autorité de régulation en matière postale, il est proposé :

- de faire figurer une qualification en matière de communications électroniques ou de questions postales au nombre des compétences requises des membres de l'ARTP (article additionnel après l'article 10, article L. 36-1 du code des P&T) ;

- d'augmenter de deux le nombre de ses membres en les faisant passer de cinq à sept, les deux membres supplémentaires étant nommés par les présidents des assemblées parlementaires (article additionnel après l'article 10, article L. 36-1 du code des P&T).

La commission suggère de modifier la dénomination de l'Autorité des télécommunications en anticipant sur l'adoption du projet de loi n° 1055 relatif aux communications électroniques et services de communication audiovisuelle, pour la désigner Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (article 6).

Reconnaître le primat du politique sur la régulation

La commission propose de réaffirmer, plus clairement que dans les textes en vigueur, le principe selon lequel l'Autorité de régulation rend compte de ses activités devant les commissions permanentes du Parlement (article additionnel après l'article 10, art. L. 34-14 du code des P&T).

Prendre en compte les préoccupations des postiers

Pour répondre aux préoccupations des personnels il est proposé de  :

prévoir que le Gouvernement favorise, à compter du 1er juillet 2006, la négociation d'une convention collective applicable aux salariés non fonctionnaires de La Poste et à ceux des entreprises titulaires d'une autorisation de délivrer des services postaux (article additionnel après l'article 10) ;

renforçer les sanctions applicables aux déclarations frauduleuses de la valeur déclarée afin de décourager l'envoi d'objets de valeur par la poste ordinaire, ce qui aboutit à porter préjudice à la sécurité des agents chargés de la distribution (article additionnel après l'article 10, art. L. 26 du code des P&T).

Au surplus, la commission n'est pas insensible à l'expression du souci de maintenir l'unité des instances représentatives du personnel au sein de La Poste. Elle souhaite qu'une large concertation permette de définir, au cours du débat, les modalités d'une réponse à cette question.

Garantir l'égalité entre La Poste et ses concurrents

Pour éviter une ouverture « asymétrique » du marché postal, la commission propose :

- d'étendre le bénéfice de l'exonération « Fillon » de cotisations sociales patronales à La Poste, à compter du 1er janvier 2006, comme le prévoit le contrat de performances et de convergences (article additionnel après l'article 10, art. L. 241‑13 du code de la sécurité sociale) ;

- d'éviter tout détournement de trafic et toute violation de l'esprit de la loi, en clarifiant le régime des licences et de prévoir que les prestataires de services postaux transfrontaliers qui ne sont pas au départ du territoire national seront aussi soumis à l'obligation de détenir une autorisation (article 1er, art. L. 3 du code des P&T).

Réformer le régime de la responsabilité postale

Le régime d'irresponsabilité de La Poste au titre des envois de correspondance ordinaire est obsolète. La commission présente un dispositif pour  moderniser ce régime et prévoir qu'une juste compensation sera versée en cas d'avarie ou de perte d'envois postaux, dès lors qu'il existe une preuve incontestable du dépôt et la distribution de ceux‑ci (article 1er, art. L. 3 du code des P&T).

II - OFFRIR AU GROUPE LA POSTE UN NOUVEAU SOUFFLE PAR L'EXTENSION DE SES SERVICES FINANCIERS

La commission s'est attelée, de longue date, à promouvoir la nécessité de donner à La Poste les moyens de trouver un nouveau souffle dans l'exercice de chacun de ses différents métiers (courrier-colis, services financiers).

Le contrat de plan Etat/Poste signé le 13 janvier 2004 comporte l'idée d'une dissociation chronologique de l'extension des compétences financières de La Poste en l'autorisant à distribuer des crédits immobiliers sans épargne préalable et en prévoyant la création, dès cette année, d'un établissement financier postal, mais sans fixer d'horizon à une habilitation pour les crédits à la consommation. Le rapporteur préconise que soit entreprise sans plus tarder cette extension des services financiers de La Poste, qui apparaît décisive pour l'avenir du groupe. C'est pourquoi il appelle le gouvernement à déposer un amendement en ce sens afin de ne pas laisser échapper l'opportunité qu'offre ce projet de loi d'engager enfin cette modernisation. A défaut d'un tel dépôt, il ne s'interdit pas de prendre lui-même une telle initiative en concertation avec le Président de la Commission des Affaires économiques.

III - ENTREPRENDRE UNE MODERNISATION DU RESEAU POSTAL POUR GARANTIR L'ACCESSIBILITE AU SERVICE

 Malgré sa très grande capillarité, le réseau postal ne répond plus à tous les types de modes de vie actuels. Modelé il y a un siècle, il pèche aujourd'hui par son absence des nouveaux lieux de vie et son insuffisante présence dans les villes moyennes à grandes, alors même que plus d'une antenne postale sur trois a moins de quatre heures d'activité par jour. La structure du réseau a un coût social ‑notamment en zones urbaines sensibles, où la Poste ne joue pas pleinement son rôle social-, un coût économique -la paupérisation guettant le réseau- et enfin un coût financier : en effet, le coût net de l'animation territoriale peut être estimé aujourd'hui à environ 350 millions d'euros[1].

C'est pourquoi, la commission souhaite que le projet de loi offre l'occasion de débattre de la question de l'accessibilité au réseau postal. L'attention doit se focaliser sur les moyens de garantir le meilleur service postal au plus grand nombre plutôt que sur les moyens de pérenniser une présence « immobilière » de La Poste qui n'est pas toujours en mesure d'offrir tous les services postaux.

La commission considère qu'il conviendrait de construire des normes nationales d'accessibilité au service postal, dont la déclinaison locale pourrait être précisée par les Commissions départementales de présence postale territoriale, instituées par le contrat de plan 1998-2002.

Le rapporteur ne jugerait pas inutiles des propositions du Gouvernement en ce sens afin de favoriser l'engagement de cette indispensable modernisation. En tout état de cause, il envisage de prendre lui-même une telle initiative en concertation avec le Président de la Commission des Affaires économiques.

Contact presse : Ali SI MOHAMED    01 42 34 25 11 ou 25 13    //Mel. a.si-mohamed@senat.fr 


[1] Pour les détails du calcul conduisant à cette estimation, se rapporter au rapport 2002-2003 n°344 de la Commission des affaires économiques du Sénat.