QUELLE CROISSANCE ET QUELLE ÉVOLUTION DES FINANCES PUBLIQUES A L'HORIZON 2009

Le rapport de M. Joël BOURDIN (UMP, Eure), Président de la Délégation du Sénat pour la Planification, présente comme chaque année au moment de la discussion budgétaire les perspectives macroéconomiques et des finances publiques à moyen terme (2005-2009).

Ce rapport s'appuie sur les travaux de modélisation macroéconomique réalisés avec la collaboration de l'Observatoire Français de Conjonctures Economiques (OFCE).

Il permet notamment d'illustrer les relations entre croissance et finances publiques et d'analyser la cohérence d'ensemble de la programmation pluriannuelle des finances publiques présentée par le Gouvernement à la Commission européenne dans le cadre du Pacte de stabilité.

Le premier chapitre explore les voies d'une « croissance autonome » de l'économie française à l'horizon 2009.

Il s'appuie sur les principales hypothèses retenues par le Gouvernement dans sa programmation pluri-annuelle des finances publiques : une réduction du déficit structurel à hauteur de 0,5 point de PIB chaque année à partir de 2005 et une croissance de 2,5 % par an. Quatre conclusions principales s'en dégagent :

  • Un scénario de croissance de 2,5 % par an, légèrement supérieure à la croissance tendancielle de l'économie française apparaît réaliste si l'on tient compte du retard de croissance (output gap ») accumulé par la France depuis 2003.

    Il suppose néanmoins, pour que cette croissance soit réellement « autonome », c'est-à-dire non tiré par l'extérieur, un environnement international favorable et une croissance mondiale également supérieure à sa tendance.

    Les menaces actuelles sur l'économie mondiale (hausse des prix du pétrole, endettement américain, bulle immobilière) ont ainsi conduit à simuler un scénario de crise (stabilisation des prix du baril de pétrole autour de 40 dollars, appréciation de l'euro, hausse du taux d'intérêt) : dans ce scénario « noir », la croissance de l'économie française à moyen terme ne serait ainsi que de 1,8 % par an ce qui compromettrait à la fois le redressement des comptes publics (cf. infra) et la baisse du chômage.

  • compte tenu de l'impact mécanique sur l'activité de la réduction du déficit structurel ([1]), il faut des comportements de dépenses des agents privés particulièrement dynamiques pour parvenir à 2,5 % de croissance par an.

    Cela suppose notamment une forte augmentation de la consommation des ménages et une baisse du taux d'épargne de 2,5 points sur la période.

  • la modération salariale, c'est-à-dire une situation dans laquelle le salaire par tête n'augmente pas plus vite que la productivité, est une autre condition forte du succès de ce scénario.

    En effet, compte tenu de la croissance de 2,5 % par an, de l'évolution de l'emploi, du ralentissement de l'augmentation de la population active, le taux de chômage baisserait de 0,4 point par an (100.000 chômeurs de moins chaque année) pour atteindre 7,7 % en 2009. Pour être compatible avec la stabilité de l'inflation, cette évolution suppose modération salariale et renforcement des dispositifs de formation initiale et continue.

    Dans le scénario noir de croissance à 1,8 % par an, le chômage se stabilise au-dessus de 10 % en 2009.

  • le dernier enseignement macroéconomique du rapport concerne l'évolution de la productivité. Celle-ci a nettement ralenti (+0,6 % par an) entre 1995 et 2004 sous l'effet, en particulier, des politiques d'enrichissement du contenu en emplois de la croissance.

    Elle devrait retrouver au cours des prochaines années une tendance d'évolution plus proche de 2 %.

    Cette évolution pourrait même être plus rapide si la France bénéficiait à son tour de l'impact positif des TIC, ce qui se traduirait par un surcroît de croissance. Ceci rend aussi prématuré qu'exagéré le discours sur un « décrochage » des performances de l'économie française mais encourage au contraire à renforcer les politiques publiques (Recherche et développement en premier lieu) qui peuvent avoir une incidence positive sur la productivité et la croissance à long terme ([2]).

Le deuxième chapitre est consacré à l'évolution des finances publiques.

Les résultats des projections sont en ligne avec le programme de stabilité et de croissance du Gouvernement : le déficit public serait ramené à 0,5 % du PIB en 2009, sous l'hypothèse de croissance de 2,5 % par an ( mais dans le scénario noir de croissance à 1,8 % par an, le déficit demeurerait à son niveau de 2005 sous l'effet de la dégradation de la conjoncture).

Dans ce scénario de réduction du déficit, la dette publique passerait de 65 % en 20052 à 60,4 % en 2009.

L'évolution des dépenses de santé constitue cependant un facteur d'incertitude de ce scénario que le rapport tente d'évaluer.

Le troisième chapitre est consacré aux propositions de réforme du pacte de stabilité et de croissance.

Le rapport rappelle que le pacte de stabilité de croissance constitue un obstacle à une mobilisation de l'instrument budgétaire en Europe (contrairement aux Etats-Unis où la politique budgétaire est très active). La Commission européenne a récemment fait un certain nombre de propositions de modification des règles du pacte. Celles-ci ont été présentées comme de nature à assouplir la discipline budgétaire en Europe.

Le rapport montre que ces appréciations sont infondées.

Les propositions de la Commission visent à consacrer une conception du pacte de stabilité nettement plus rigoureuse que celle en vigueur. Il existe, par exemple, dans le pacte de stabilité, une règle prescrivant de poursuivre un objectif de solde équilibré : la Commission souhaite que l'objectif à poursuivre soit celui d'un fort excédent. Or, tout accroissement de la sévérité des normes de politique budgétaire se traduit par une éviction des dépenses publiques les moins inertes. Par exemple, la Commission et le Conseil ont adopté à Lisbonne une stratégie visant à faire de l'Union européenne la zone économique la plus compétitive du monde. Cela passe par une augmentation des dépenses de recherche-développement qui doivent atteindre 3 % du PIB contre moins de 2 % aujourd'hui. Ce dernier objectif est conditionné à un effort public. Or, celui-ci ne serait pas entrepris si les propositions de la Commission sur le pacte de stabilité étaient mises en œuvre.

Contact presse : Stéphanie Garnier 01 42 34 25 12 ou 25 13 s.garnier@senat.fr



[1] C'est-à-dire indépendamment de tout effet multiplicateur de type keynésien : une réduction du déficit, structurel à hauteur de 0,5 point de PIB se traduit directement par une diminution équivalente de la demande publique et une impulsion budgétaire négative équivalente.

[2] cf sur cette question les simulations déjà présentées dans le rapport n° 391 de la Délégation pour la Planification.