NIGER : DE LA PÉNURIE D'AIDE A L'EMBALLEMENT DES ACTEURS INTERNATIONAUX

Au cours de sa réunion du mercredi 28 septembre 2005, la commission des finances du Sénat, présidée par M. Jean Arthuis (UC-UDF, Mayenne), a entendu MM. Michel Charasse (Soc, Puy-de-Dôme) et Adrien Gouteyron (UMP, Haute-Loire), respectivement rapporteurs spéciaux pour les crédits de l'aide publique au développement et ceux des affaires étrangères, rendre compte de leur mission d'évaluation et de contrôle du soutien français au dispositif nigérien de gestion de la crise alimentaire, qu'ils ont effectuée au Niger, à Niamey, Maradi, Dakoro, Abalak et Tahoua, du 23 au 26 août 2005. Leurs conclusions seront publiées sous la forme d'un rapport d'information de la commission des finances du Sénat.

Face à l'affolement médiatique de l'été 2005, et confrontés à des différences d'appréciation sur la nature de la crise, les deux rapporteurs spéciaux ont pu d'abord, par de nombreux contacts de terrain, analyser la situation au Niger. De leur point de vue, elle se caractérise par une malnutrition infantile, endémique, amplifiée par une grave crise alimentaire. A proprement parler, malgré l'emploi courant de l'expression dans les médias, il n'y a pas eu de famine au Niger.

Ils ont montré que la réponse à la crise alimentaire avait eu deux phases. La première phase, qui s'est déroulée de novembre 2004 à juin 2005, a été marquée par une pénurie d'aide, malgré les appels des Nigériens à la solidarité internationale. Le dispositif national nigérien de gestion et de prévention des crises alimentaires, dont le stock de réserve n'était constitué que de 20.000 tonnes de céréales en novembre 2004, soutenu financièrement, depuis le début, seulement par la France et l'Union européenne, s'est trouvé en juin 2005 dans l'incapacité de se procurer, auprès du marché de la sous-région, les 30.000 tonnes de céréales nécessaires pour faire face à la crise alimentaire. A cette période, la gestion de la crise est entrée, du fait de l'activisme de certaines organisations non gouvernementales, dont le mérite aura été de mettre à l'agenda la question de la malnutrition infantile, dans une seconde phase, celle de l'emballement des acteurs internationaux.

Ils soulignent qu'il ne paraît pas souhaitable, comme l'ont pourtant fait certaines ONG dans cette seconde phase, d'opposer les ventes à prix modérés et les distributions gratuites de vivres. Les deux modes d'actions se justifient et sont complémentaires, n'ayant pas à intervenir au même moment, ni dans les mêmes situations.

Ils regrettent que l'aide internationale, au lieu de le renforcer, ait, par le cavalier seul de certaines organisations internationales et ONG, préférant mener des opérations « offshore », pour mieux se faire valoir sur le terrain, fragilisé le dispositif national nigérien de gestion et de prévention des crises alimentaires. Ils appellent au contraire à conforter ce dispositif, irremplaçable, le seul à pouvoir mettre en œuvre une action pérenne et cohérente pour assurer la sécurité alimentaire du Niger, en contribuant à reconstituer son stock de réserve (besoin de 110.000 tonnes de céréales). Sauf urgence humanitaire avérée, ils jugent sage d'arrêter les distributions gratuites, alors que les récoltes sont en cours d'achèvement, et de réorienter les surplus éventuels vers la reconstitution du stock national de réserve.

Ils constatent enfin que la France, dont les contributions (hors crédits européens) pour la seule gestion de la crise alimentaire de 2005, ont dépassé les 10 millions d'euros, avait été encore une fois au rendez-vous. Notre pays a ainsi été depuis le début le plus gros bailleur de fonds bilatéral du Niger dans la gestion de cette crise. Son aide, volontairement peu médiatisée, car abondant pour l'essentiel directement le dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires, fait le pari de soutenir un instrument aux mains des Nigériens.

Contact presse : Stéphanie Garnier 01 42 34 25 12 ou 25 13 s.garnier@senat.fr